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26/02/2015

La citation du jour

Philippe Jaccottet

citations; livres

Le froid qui nous fait frissonner tout à coup, la chaleur qui nous a fait d'abord transpirer au moindre effort, l'ombre qui éteint les formes, le temps qui vous use lentement, rien ne permet de le mettre en doute. Voilà où nous sommes, voilà ce qui nous cerne, nous flatte ou nous blesse, nous exalte ou nous accable, ce qui a plus ou moins de poids, d'éclat, de mouvement, voilà ce à quoi nous avons affaire le temps de notre vie, et qui est inépuisable, et dans quoi nous sommes réels et non des fantômes: car les fantômes ne souffrent ni ne jouissent, on ne peut en tirer du sang, ni des larmes.

Philippe Jaccottet et Alexandre Hollan: Nuages (Fata Morgana, 2002)

00:05 Écrit par Claude Amstutz dans La citation du jour, Littérature francophone, Littérature suisse, Philippe Jaccottet | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : citations; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

25/02/2015

Le poème de la semaine

Andrée Chedid

Je t'aimais
Dans l'orage des sèves
Je t'aime
Sous l'ombrage des vents
 
Je t'aimais
Aux jardins de l'aube
Je t'aime
Au déclin des jours
 
Je t'aimais
Dans l'impatience solaire
Je t'aime
Dans la clémence du soir
 
Je t'aimais
Dans l'éclair du verbe
Je t'aime
Dans l'estuaire des mots
 
Je t'aimais
Dans les foucades du printemps
Je t'aime
Dans l'escapade des saisons
 
Je t'aimais
Aux entrailles de la vie
Je t'aime
Aux portails du temps
 
Quelques traces de craie dans le ciel,
Anthologie poétique francophone du XXe siècle

24/02/2015

Morceaux choisis - Victor Hugo

Victor Hugo

littérature; roman; morceaux choisis; livres

On s'aime, on se sourit, on se rit, on se fait des petites moues avec le bout des lèvres, on s'entrelace les doigts des mains, on se tutoie, et cela n'empêche pas l'éternité. Deux amants se cachent dans le soir, dans le crépuscule, dans l'invisible, avec les oiseaux, avec les roses, ils se fascinent l'un l'autre dans l'ombre avec leurs cœurs qu'ils mettent dans leurs yeux, ils murmurent, ils chuchotent, et pendant ce temps-là d'immenses balancements d'astres emplissent l'infini.

Victor Hugo, Les misérables (coll. Folio/Gallimard, 1999)

image: Charles Gallot, Victor Hugo (omondouvelo.com)

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22/02/2015

Morceaux choisis - Nadia Tuéni

Nadia Tuéni

Mains FB.jpg

Cette fleur qui multiplie les évidences
emprunte à l'eau son nom
à la mer son corps lent;
le temps rejettera des mots sur le rivage
et le silence des décombres
bien plus beau qu'un enfant qui meurt
 
Il y a je le sais cette fleur et la terre
tes yeux comme une phrase d'où partent les navires
la mémoire s'endort dans les greniers liquides
car cette fleur et le poète
ont une même histoire de violente écriture
preuve que la pensée n'est pas ce que l'on dit
mais sur la plaine un exact incendie
 

Nadia Tuéni, La terre arrêtée (Belfond, 1984)

image: http://emmila.canalblog.com/archives/poesie____gerald_bloncourt/p10-0.htm

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14/02/2015

Morceaux choisis - Alain Suied

Alain Suied

Brume FB.jpg

Ne laisse pas le Passé
blesser de son poids mort
les ailes de l'instant
ne déchire pas le pacte
de sa page blanche
ne renie pas son envol
même si un ange
devait forcer ton passage
vers le rêve aboli.
 
Ne laisse pas le Passé
briser sous son poids neutre
les chances de l'instant
ne déchire pas le pacte
de son envol vivant
ne détourne pas son envol
même si un ange
devait empêcher son passage
vers le pays oublié.
 

Alain Suied, Le pays perdu (Arfuyen, 1997)

image: Plain-de-Saigne (lepelerin.over-blog.com)

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12/02/2015

La citation du jour

Danièle Sallenave

citations; livres

La littérature trouve son sol là où se conjuguent jusqu'à l'angoisse l'amour de la vie et la certitude de devoir mourir, le goût et la célébration des choses créées, la douleur de les voir disparaître, le sentiment de la fuite du temps, et le désir de s'établir en un lieu où la finitude soit rachetable. La littérature est toujours au seuil d'un sentiment paralysant et infécond, la mélancolie. Tout ce qui naît de l'exigence littéraire, avant de se transformer en joie, est marqué d'une liaison sombre, non dite, mystérieuse, innommée avec le sentiment de l'irréparable et de la perte. Il y a quelque passage secret, et peut-être même quelque identité de nature entre la littérature et la mélancolie; nul n'écrirait ni ne lirait s'il ne s'était jamais senti ébranlé jusqu'au fond de soi par la déchirante douleur de survivre.

Danièle Sallenave, Le don des morts - Sur la littérature (Gallimard, 1991) 

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09/02/2015

La citation du jour

Alphonse de Lamartine

lamartine_jeune.jpg

Un soleil étincelant moirait la mer de rubans de feu et se réverbérait sur les maisons blanches d'une côte inconnue. Une légère brise, qui venait de cette terre, faisait palpiter la voile sur nos têtes et nous poussait d'anse en anse et de rocher en rocher. C'était la côte dentelée et à pic de la charmante île d'Ischia, que je devais tant habiter, et tant aimer plus tard. Elle m'apparaissait, pour la première fois, nageant dans la lumière, sortant de la mer, se perdant dans le bleu du ciel, et éclose comme d'un rêve de poète pendant le léger sommeil d'une nuit d'été ...    

Alphonse de Lamartine, Graziella (coll. Folio/Gallimard, 2006)

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30/01/2015

Morceaux choisis - Alain Jouffroy

Alain Jouffroy

littérature; poésie; anthologie; livres

A toi la stupeur immobile de ma joie
Mon sourire de marbre blanc
Mon regard lavé dans la source du sous-bois
A toi mes mains de ville ouverte
A toi mes genoux d'écureuil
A toi ma voix la plus lointaine
A toi tout ce qui tisse nuit et jour à travers moi
A toi la lagune où nous nous sommes connus
A toi les revenants du soleil
A toi ces palais de lilas dans nos yeux
A toi tout ce qui est tout
Ce qui change
A toi
L'explosion de la perle au coeur de l'oiseau noir
 

Alain Jouffroy,  A toi, dans: C'est aujourd'hui toujours - 1947/1998 (coll. Poésie/Gallimard, 2005)

image: Alexandra Grecco (www.dejeunesgensmodernes.com)

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27/01/2015

Morceaux choisis - Pierre Reverdy

Pierre Reverdy

littérature; poésie; livres

Il marchait au milieu du ciel les yeux baissés et les autres passants le regardèrent. Un peu plus bas, aux fenêtres, les têtes pendaient. Et les formes blanches qu'avaient laissées la lune, la nuit passée, se ranimèrent. La foule criait; au moins tous ceux qui s'étaient reconnus. On emportait le jour par morceaux dans toutes les rues de la ville. Et les cheveux du vent, mêlés au flot des gens et des voitures, s'engouffraient entre les murs et se nouaient. Tout le monde courait sans savoir où. Les pavés attachaient les regards. La terre. Le jour entrait parfois sans ressortir. Le mouvement s'étendait jusqu'aux fossés, qui bordaient les dernières maisons et, au-delà, on retrouvait le terrain plat. Le calme. Des ombres immobiles. Et le soleil reprenait partout sa place, sans qu'on puisse le toucher ni le prendre, au gré de son désir.

Pierre Reverdy, Main d'oeuvre / Poèmes 1913 - 1949 (Mercure de France, 1949)

image: Herculaneum, Campanie - Italie (katbrakatjamb.blogspot.com)

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25/01/2015

Morceaux choisis - Annie François

Annie François

Ane.jpg

Par rapport au fracas du journal (dont chaque page tournée perce le silence comme un coup de tonnerre), le livre est discret. Et pourtant, il se fait entendre: que d'un majeur impatient on cherche sa page, que d'un coup de pouce on le ventile, le livre tempête, fredonne ou gazouille. Chacun est un instrument singulier qui résonne différemment sous les doigts de l'interprète. De la flûte de la Pléiade au basson du Petit Robert, son timbre est plus ou moins mélodique selon l'inspiration de l'instrumentaliste. L'analogie a ses limites: Bouquin, quand on l'effeuille lourdement, émet un brave bruit de boue bovine qui, bien que pastoral, n'a rien de symphonique. J'aime sa ruralité.

Il est doux de faire chanter les livres, à condition de jouer en solo, car l'imperceptible mais très régulier chuintement de la page tournée par un autre peut relever du supplice de la goutte d'eau, surtout quand les doigts s'attardent entre deux feuillets, les phalangent glissant sur la tranche, interminable prélude au petit fluip du basculement sur la page paire. Plus le papier est fin, plus le supplice est cruel puisque le lecteur, soucieux de ne tourner qu'un feuillet, revérifie: crissement de soie. On tuerait à moins.

Tout fait musique dans le livre, pour peu qu'on ait l'oreille: le dos d'un volume cousu émet, quand on l'ouvre, d'imperceptibles pétillances, celui d'un vieux livre de poche un sinistre craquement qui amorçe l'effeuillage; le grain du papier feule et la couverture vibre sous les doigts de l'impatient. Mais le plus beau des bruits est celui des pages non massicotées que l'on coupe. Un jour, une adolescente me voyant oeuvrer dans le métro, chuchota, indignée, à son petit ami: Au prix qu'c'est, c't'incroyable qu'zaient encore des défauts. Ignorant que l'exception d'aujourd'hui était hier presque la règle, elle mésestimait le plaisir et les querelles et les différentes écoles et les instruments de cette activité somptueuse: couper avec ou sans peluche - dite barbe - au fil de la lecture ou par avance. D'aucuns recyclent un vieux couteau très affûté.

Pour ma part, impétinente adepte de la peluche, j'utilise soit un ticket de métro (papier contre papier), soit un bambou poncé et patiné (bois contre papier), soit le côté non tranchant d'un petit couteau archaïque et ébréché, mais j'aime moins l'alliance métal-papier. En fait, qu'importe l'instrument si la peluche est légèrement bouclée, duveteuse, futur piège à poussière ...

*

Je ne veux plus lire. Tous ces personnages, ces bêtes, ces nuages, ces drames, ces paysages, ces aventures sordides ou magnifiques me suffoquent. Pourquoi ces histoires de substitution, ces voyages de papier, ces ersatz de passion, de crime? Je veux vivre. Echapper à la tyrannie de leur fiction. 

(Allons, du calme. Tu n'as qu'à lire tous les Que sais-je, par exemple.)

Qu'est-ce que je fuis si frénétiquement en lisant? Qu'est-ce que je me dissimule? Quel vide je comble? Quelle incroyable vacuité m'habite où tourbillonnent des nuées de titres approximatifs, de noms d'auteur écorchés, de lambeaux de citations fautives, où se catapultent des météores de références d'ouvrages à acheter? Assez. 

(Oui, assez. Assez d'enflure et d'emphase. Il y a des gens très normaux qui lisent vingt bouquins par semaine - et s'en souviennent - sans en faire tout un plat. Qu'est-ce que ce foin pour une petite overdose? Une semaine de sevrage dans le Massif central suffira: marcher tout le jour sur les traces de Stevenson (Voyage avec mon âne à travers les Cévennes, 193 pages) et danser la bourrée de nuit jusqu'à l'évanouissement pour résister à l'envie de lire avant de s'endormir. D'ailleurs, pourquoi employer les grands moyens? Tout concourt à ta guérison: le Divan s'est déjà exilé au profit de Dior; Compagnie est devenue une librairie non-fumeurs. La rente foncière et l'hygiénisme finiront par avoir raison de ta nausée, faute de nourriture.) 

Bien, récapitulons: qu'on me laisse mes yeux pour lire, mes mains pour tourner les pages et mes jambes pour courir les libraires. Et, par la même occasion, qu'on me laisse toute ma tête pour mesurer l'étendue de mon gâtisme. 

Annie François, Bouquiner - Autobiobibliographie (Coll. Points/Seuil, 2012)

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