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30/06/2015

La citation du jour

Philippe Petit

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Le point d'orgue de l'équilibre plane par-dessus le fil, se cogne au funambule, navigue comme une plume sous le vent de ses efforts. Que ce vent vienne à faiblir, qu'il meure, et cette plume aussitôt pénétrera le funambule pour s'endormir en son centre de gravité. C'est ainsi que l'on atteint le calme relatif, l'équilibre resserré, rarement le bref instant d'immobilité absolue. Car le vent de nos pensées, plus violent que celui de l'équilibre, aura tôt fait d'envoyer voltiger à nouveau cette plume si sensible vers les nuages de la dérobée.

Philippe Petit, Traité du funambulisme (Actes Sud, 1977)

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27/06/2015

La citation du jour

Henri Gougaud

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Je sais maintenant que quoi que j'apprenne, dussé-je atteindre la science des grands hommes, ce ne sera jamais que presque rien, une goutte de source à la soif qui me tient. Mais je pressens que cela est bel et bon, car peut-être dans le seul désir tous les jours ranimé est le secret du monde.

Henri Gougaud, L'homme à la vie inexplicable (coll. Points/Seuil, 1990)

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25/06/2015

La citation du jour

Violette Leduc

citations; livres

Je hais mon dormeur. C'est un mort qui n'a pas dit son dernier mot. Son sommeil est plus fort que ma haine. Donneur de sang, donneur de coeur, épuise ta soif blanche. Je me lève, j'ouvre la fenêtre parce que la nuit se pousse contre la vitre. Elle entre avec sa traîne. La mer avance sans les musiciennes, sans l'écume, sans le bouillonnement. C'est par nuit noire que j'ai découvert la hauteur du ciel et que je suis retombée sur le trésor des fraisiers. C'est par nuit tendre pendant les gelées que, dans les prés traversés, j'ai entendu se propager des craquements d'incendie sous mes pieds. Je te hais, cadavre incomplet. Tu manques de froideur et de raideur. C'est dans le ventre chaud que le tour de force des amertumes a été réalisé. Mourir et renaître. Renaître et mourir. C'est la cadence, c'est l'ambition charnelle, c'est la foire dans le sexe. Sur les banquettes des balançoires le vertige, l'illusion de monter, le point de suspension, la retombée sont les mêmes que ceux de notre plaisir essentiel. Après viennent la rentrée dans le vieux néant, la légèreté d'une faim qui n'a pas changé. Maintenant je te propose le ventre froid. La nuit, avec ses sombreros, se donne mais tu n'en veux pas. Ne dors plus, déplante-toi, scaphandrier allongé. Remonte, habille-toi en homme. Ne dors plus ...  

Violette Leduc, Ravages (Gallimard, 1953) 

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26/05/2015

La citation du jour

Denis Diderot

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Le beau opposé à joli, est grand et noble: on l'admire. Le joli est fin, délicat: il plaît.

Denis Diderot, Sur l'origine et la nature du beau - Oeuvres (Bibliothèque de la Pléiade/Gallimard, 1946)

image: Portrait d'une jeune femme élégante Belle Epoque - XIXe siècle (proantic.com)

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22/05/2015

La citation du jour

Jean-Michel Maulpoix

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Le poète est l'ombre portée d'un grain de sable dans le désert.

Jean-Michel Maulpoix, Domaine public (Mercure de France, 1998)

image: Le désert de Simpson, Australie (dinosoria.com)

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16/05/2015

Morceaux choisis - George Orwell

George Orwell

citations; livres 

Si tous, en effet, jouissaient de la même façon de loisirs et de sécurité, la grande masse d'êtres humains qui est normalement abrutie par la pauvreté pourrait s'instruire et apprendre à réfléchir par elle même, elle s'apercevrait alors tôt ou tard que la minorité privilégiée n'a aucune raison d'être, et la balaierait. En résumé, une société hiérarchisée n'était possible que sur la base de la pauvreté et de l'ignorance.

George Orwell, 1984 (coll. Folio/Gallimard, 1972)

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07/05/2015

La citation du jour

Marcel Schwob 

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Les moments sont semblables à des bâtons mi-partis blancs et noirs; n’arrange point ta vie au moyen de dessins faits avec les moitiés blanches. Car tu trouveras ensuite les dessins faits avec les moitiés noires; que chaque noirceur soit traversée par l’attente de la blancheur future. Ne dis pas: je vis maintenant, je mourrai demain. Ne divise pas la réalité entre la vie et la mort. Dis: maintenant je vis et je meurs. Épuise à chaque moment la totalité positive et négative des choses. La rose d’automne dure une saison; chaque matin elle s’ouvre; tous les soirs elle se ferme. Sois semblable aux roses: offre tes feuilles à l’arrachement de voluptés, aux piétinements des douleurs.

Marcel Schwob, Le livre de Monelle (Allia, 2005)

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20/04/2015

La citation du jour

Stéphane Audeguy

citations; livres

Décidément, je n'en finirai pas de mourir. J'apprends à mes dépens que l'agonie d'une ville rappelle de bien près celle des héros d'un opéra lyrique, qui se lamentent sans fin sur une scène vide, en se tordant les mains. Je ressemble à mes statues: en vieillissant, c'est mon sexe que j'ai d'abord perdu, puis mes mains, puis mes bras. Je sens monter en moi les brouillards froids de la démence. C'est ma tête maintenant qui vascille, comme celle d'une poupée de son dans les mains d'un enfant capricieux. Elle s'en ira rouler dans la poussière dont elle aurait bien pu ne sortir jamais. Elle se brisera sur un roc, peut-être. Plus probablement s'effritera lentement, au gré des saisons changeantes comme les hommes. A quoi pensez-vous donc, belles statues de ma mémoire, torses couchés dans l'herbe, gagnés par les lichens, lentement digérés par la terre impavide? Et quand, arrachées à votre sommeil de pierre par quelque prince éclairé, quelque érudit fébrile, un caprice vous expose sur un socle à la curiosité des hommes, ainsi qu'à leur ennui? Allongé face au ciel, harassé, innocent, j'attends la fin des siècles, caressé par le vent sous un monde infini de nuages, je rêve que le Tibre m'emporte vers la mer qui sait tout oublier, jusqu'aux frontières du monde.

Stéphane Audeguy, Rom@ (Gallimard, 2011)

image: La Bocca della Verita, Rome

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16/04/2015

La citation du jour

Marcel Proust

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On reconnaissait le clocher de Saint-Hilaire de bien loin, inscrivant sa figure inoubliable à l'horizon où Combray n'apparaissait pas encore ; quand du train qui, la semaine de Pâques, nous amenait de Paris, mon père l'apercevait qui filait tour à tour sur tous les sillons du ciel, faisant courir en tous sens son petit coq de fer, il nous disait : "Allons, prenez les couvertures, on est arrivé." Et dans une des plus grandes promenades que nous faisions de Combray, il y avait un endroit où la route resserrée débouchait tout à coup sur un immense plateau fermé à l'horizon par des forêts déchiquetées que dépassait seul la fine pointe du clocher de Saint-Hilaire, mais si mince, si rose, qu'elle semblait seulement rayée sur le ciel par un ongle qui aurait voulu donner à ce paysage, à ce tableau rien que de nature, cette petite marque d'art, cette unique indication humaine. Quand on se rapprochait et qu'on pouvait apercevoir le reste de la tour carrée et à demi détruite qui, moins haute, subsistait à côté de lui, on était frappé surtout du ton rougeâtre et sombre des pierres ; et, par un matin brumeux d'automne, on aurait dit, s'élevant au-dessus du violet orageux des vignobles, une ruine de pourpre presque de la couleur de la vigne vierge.

Marcel Proust, Du côté de chez Swann - A la recherche du temps perdu (Bibliothèque de la Pléiade/Gallimard, 1954)

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14/03/2015

La citation du jour

Giacomo Leopardi

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Comme Anacréon, qui désirait se changer en miroir pour être sans cesse contemplé par celle qu'il aimait, ou en tunique pour la vêtir, en baume pour oindre son corps, en eau pour la baigner, en bandelette pour être serré sur son sein, en perle pour être suspendu à son cou, ou en soulier pour qu'au moins elle le pressât de son pied, de même, moi, je voudrais un moment me transformer en oiseau pour connaître le contentement et la joie qu'ils éprouvent à vivre. 

Giacomo Leopardi, Petites oeuvres morales (Allia, 2007) 

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