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07/02/2015

La citation du jour

Mahmoud Darwich

Mahmoud Darwich 1.jpg

Ici, entre les débris des choses et le rien, nous vivons dans les faubourgs de l'éternité. Nous jouons parfois aux échecs, insouciants du destin derrière la porte. Nous sommes toujours là, bâtissant des décombres, des colombiers lunaires. Nous connaissons le passé sans disparaître ni passer les nuits d'été en quête des hauts faits d'un âge d'or. Nous sommes qui nous sommes sans nous demander qui nous sommes, car nous sommes toujours là, ravaudant la robe de l'éternité.

Mahmoud Darwich, Le lanceur de dés et autres poèmes - photographies d'Ernest Pignon-Ernest (Actes Sud, 2010)

00:08 Écrit par Claude Amstutz dans La citation du jour, Mahmoud Darwich | Lien permanent | Commentaires (2) | |  Imprimer |  Facebook | | |

03/04/2013

Le questionnaire Marcel Proust - 2/3

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Mes auteurs favoris en prose?

William Shakespeare (d'accord, c'est du théâtre, mais...), Thérèse d'Avila (et les autres auteurs de spiritualité carmélitaine), Bernard de Clairvaux, H.B. Stendhal, Emily Brontë, Albert Camus, Simone Weil, Marcel Proust, François Mauriac, puis: Fiodor Dostoievski, Alexandre Dumas, Erri de Luca, Mario Rigoni Stern, Charles-Albert Cingria, Gustave Roud, Georges Simenn et j'en oublie...

Mes poètes préférés?

Charles Baudelaire, Paul Verlaine, Dante Alighieri, Giacomo Leopardi, Pétrarque, Rainer-Maria Rilke, Ossip Mandelstam, Anna Akhmatova, Fernando Pessoa, Mahmoud Darwich, Emily Dickinson, René Char, Louis Aragon, Paul Eluard, Maurice Chappaz, Jean-Michel Maulpoix, Abdellatif Laâbi, les auteurs de la Bible, et tant d'autres...

Mes héros dans la fiction?

Heatcliff ("Les hauts de Hurlevent"), Edmond Dantès ("Le comte de Monte Cristo"), Prospero ("La tempête").

Mes héroïnes favorites dans la fiction?

Cathy ("Les hauts de Hurlevent"), Tatiana ("Le songe d'une nuit d'été"), puis la Tosca et Carmen.

Mes compositeurs préférés?

Wolfgang-Amadeus Mozart, Franz Liszt, Jean-Sébastien Bach, Franz Schubert, Gustav Mahler, Ludwig van Beethoven, Joseph Haydn, Frédéric Chopin, Serge Rachmaninov, Antonio Vivaldi, Robert Schumann, Hector Berlioz, Alexander Scriabin, Bela Bartok, John Coltrane et (pour la chanson...) Barbara. Et ceux qu'il est injuste de ne pas mentionner...

 

(à suivre)

16/10/2012

Abdellatif Laâbi

9782070438372.gifAbdellatif Laâbi, Le fond de la jarre (coll. Folio/Gallimard, 2010)

Nous connaissons mal, chez nous en Suisse, l'oeuvre d'Abdellatif Laâbi, auteur marocain, poète, romancier, traducteur - entre autres oeuvres - de Mahmoud Darwich. Avec Le fond de la jarre, il signe un récit autobiographique, avec les yeux de Namouss, un enfant qui s'veille aux bruissements du monde dans un Maroc à une période charnière de son existence: la fin du protectorat français et la lutte pour l'indépendance. Véritable cour des miracles, ce fond de la jarre nous dévoile les multiples facettes de la ville de Fès, avec sa kyrielle de personnages chaleureux, fantasques, drôles ou effrontés: Ghita la mère rebelle à sa condition, Mikou l'ami des filles et des femmes, l'oncle Touissa qui raconte d'interminables histoires, Ben Youssef dont la vérité et la légende mêlées traversent même les murs... Tout le contraire d'un tableau pittoresque à l'intention des touristes, ce livre est néamoins jubilatoire, intimiste, drôle mais sans se départir d'une certaine gravité inspirée par les circonstances. Extrêmement attachant, il ressemble à un album photographique où s'entremêlent les anecdotes, les événements, les souvenirs célébrant merveilleusement l'amour de la vie, de la famille et d'une ville à jamais reliée à la mémoire collective.  

Né en 1942 à Fès, il a quatorze ans à l’indépendance du Maroc, en 1956. Il est professeur de français à Rabat quand ont lieu les massacres du 23 mars 1965 contre des enfants et leurs parents qui manifestent pacifiquement contre une réforme de l'enseignement jugée injuste. Ceci provoque son engagement politique. En janvier 1972, il est arrêté et torturé. Après huit ans et demi de détention, il est libéré en 1980, grâce à une campagne internationale en sa faveur. Cinq ans plus tard, il quitte le Maroc pour la France - sans pour autant cesser d'exercer une grande influence sur la culture de son pays - et développe une œuvre importante consacrée à tous les genres littéraires : poèmes, romans, pièces de théâtre, essais, livres pour enfants. Abdellatif Laâbi et sa femme Jocelyne ont eu trois enfants : Yacine, né en 1965, Hind, née en 1966, Qods, née en 1972.

Parmi ses oeuvres marquantes, citons Le chemin des ordalies (Denoël, 1982), Le livre imprévu (La Différence, 2010) et surtout son Oeuvre poétique en deux volumes (La Différence, 2006/2010). Il reçoit le prix Goncourt de la poésie, en décembre 2009. 

Sur le site Internet d'Abdellatif Laâbi - http://www.laabi.net/ - vous pouvez apprendre à mieux connaître cet auteur que je vous recommande chaleureusement! 

00:11 Écrit par Claude Amstutz dans Abdellatif Laâbi, Littérature francophone, Mahmoud Darwich | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; récit; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

09/06/2012

Morceaux choisis - Mahmoud Darwich

Mahmoud Darwich

Mahmoud Darwich 2.jpg

Si cet automne est le dernier,
demandons pardon
pour le sac et le ressac de la mer,
pour les souvenirs...
pour ce que nous avons fait
de nos frères avant l'âge du bronze.
Nous avons blessé tant de créatures
avec des armes faites des os de nos frères,
pour devenir leurs descendants près des sources.
Demandons pardon
à la harde de la gazelle
pour ce que nous lui avons fait subir
près des sources,
quand un filet de pourpre serpenta sur l'eau.
Nous ne savions pas que c'était notre sang
qui consignait notre histoire
dans les coquelicots de ce bel endroit.
 
Si cet automne est le dernier,
unissons-nous aux nuages
pour apporter la pluie aux plantes suspendues
au-dessus de nos chants,
pour pleuvoir sur les troncs des légendes...
sur les mères revenues à leur enfance,
pour recouvrer notre récit
de conteurs qui ont rallongé
les épisodes de la migration.
Nous aurions pu les modifier un peu
que s'apaisent en nous les cris des palmiers.
 

Mahmoud Darwich, Nous choisirons Sophocle et autres poèmes (Actes Sud, 2011)

traduit de l'arabe (Palestine) par Elias Sanbar

01:06 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature étrangère, Mahmoud Darwich | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : littérature; poésie; morceaux choisis; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

12/05/2011

Mahmoud Darwich 1b

Tu portes le fardeau du papillon

littérature; poésie

Tu diras: Non.
Tu déchireras les mots  et le fleuve indolent,
tu annonceras les mauvais jours
et disparaîtras sous les ombrages.
Non au théâtre du verbe.
Non aux limites de ce rêve.
Non à l'impossible.
 
Tu viens dans des villes et tu repars.
Tu donnes à l'ombre le nom des villages.
Tu mets en garde les pauvres
contre la parole de l'écho et des prophètes.
Tu pars... pars
et le poème se tient derrière cette mer,
derrière le passé.
Tu expliques une obsession,
viennent alors les gardiens du vide, impuissants,
tombés de la rhétorique et des tambours.
 
Pour ton chant, le ciel de l'eau s'est brisé.
Un bûcheron, une amante
et le matin s'ouvre sur le lieu.
Les mots perpétuent un oubli
marié à mille massacres.
La mort vient, blanche.
Les pluies tombent.
Revolver et victime se précisent.
 
Les martyrs viendront à toi
des murs de ta dernière parole.
Ils se poseront sur toi, diadème de sang
et continueront à planter
les pommiers hors de tes souvenirs.
Tu en seras fatigué... fatigué.
Tu les chasseras, mais ils ne partiront pas.
Tu les insulteras, mais ils ne partiront pas.
Ils occupent ces temps.
Tu fuiras leur bonheur
vers un temps qui va par les rues et les saisons.
 
Les pauvres viendront à toi.
Tu n'as pas de pain,
pas d'invocation qui sauve le blé
menacé de sécheresse.
Tu dis quelques mots sur la colère
qui a marié les épis aux glaives.
Quelques mots sur le fleuve caché
dans les capes des femmes venues de l'automne.
Ils rient et s'en vont,
laissant la porte ouverte à la perplexité des champs.
 
Pour ton chant,
les yeux des amantes se sont agrandis.
Oui, tu nommes les mèches de blé, patrie;
la bleuité de la mer, patrie.
Oui, tu nommes la terre, dame d'oubli
et tu t'endors, seul,
entre l'odeur des ombrages et ton coeur disparu
sur le long chemin.
 
Une étudiante dira: A quoi sert le poème?
Le poème extrait fleurs et poudre de deux mots
quand les ouvriers ploient sous fleurs et poudre
dans deux guerres.
A quoi sert le poème au midi sous les ombrages?
Tu te trompes quand tu dis:
Les palmiers sont proches de ma vision des choses.
Les palmiers se brisent.
 
Pour ton chant, se sont répandus
les espaces blancs et la ruse du bourreau.
Tu viens comme le suicide,
ils réclament alors de la tristesse pour s'en vêtir.
Tu viens comme la déflagration,
ils réclament alors des fleurs,
pour tracer les cartes.
Tu viendras quand tu partiras,
puis viendras quand partiras
et l'arrivée ne viendra pas.
 
Tu seras un aigle de fournaise
et les pays, ton espace bleu marine.
Tu demanderas: T'ai-je nui, ô mon peuple?
Les flancs des montagnes se briseront
sur l'aile de l'aigle.
L'aile se consume à la vapeur de la terre.
Tu t'élèves, te poses,
t'élèves encore pour entrer dans les torrents.
 
Tu passes, célébration,
par tous les commencements:
T'ai-je nui, ô mon temps?
Tu chantes le vert étendu
entre deux mains desséchées.
Tu entres dans une rose et tu cries:
Qu'est cette cohue?
Tu vois du sang et tu cries:
Qui a assassiné le guide?
 
Tu mourras seul.
Les mers t'abandonneront sur leurs rivages,
solitaire comme les galets.
Les bibliothèques, les dames, les chansons,
les rues des villes, les trains, les aéroports
te fuiront.
Les pays s'enfuiront de ta main
qui a créé des terres pour le roucoulement.
 
Tu mourras seul.
Les volcans t'abandonneront
qui obéissaient à ton hennissement ensanglanté.
Le désir t'abandonnera
et la joie qui te jetait aux poissons,
les interrogations,
la connivence entre chanson et geôlier,
le hennissement t'abandonnera.
 
On enterrera les parfums après toi.
On décernera ton joug aux roses.
On condamnera à mort la rose abandonnée.
On mettra le feu aux mots après toi.
On volera l'eau aux herbes de ta peau.
On te chassera des mouchoirs de la Galilée.
 
Et tu dis: Non.
Non, aux limites du rêve.
Non, à l'impossible. 
 

Mahmoud Darwich, Nous choisirons Sophocle et autres poèmes (Actes Sud, 2011) 

00:04 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature étrangère, Mahmoud Darwich | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; poésie | |  Imprimer |  Facebook | | |

Mahmoud Darwich 1a

9782742790029.jpgMahmoud Darwich, Nous choisirons Sophocle et autres poèmes (Actes Sud, 2011)

C'est toujours un plaisir de découvrir et de lire les écrits de Mahmoud Darwich. Les éditions Actes Sud ont déjà publié Anthologie 1992-2005 - recueil incontournable en édition bilingue si l'auteur vous intéresse et que nous ne connaissez aucun de ses textes - , La trace du papillon ainsi que Le lanceur de dés et autres poèmes, parmi d'autres titres. Le présent ouvrage, Nous choisirons Sophocle et autres poèmes, traduit par Elias Sanvbar, souligne une fois encore, ses engagements qui, dans les années 80, voient son itinéraire poétique traverser Paris, Tunis et Beyrouth. Deux textes surtout comptent parmi les plus beaux lus au cours de ces dernières années: Tu portes le fardeau du papillon et Nous choisirons Sophocle. Un des plus grands poètes arabes contemporains, avec Abdelattif Laâbi qui, par ailleurs, a traduit plusieurs de ses oeuvres, aux éditions de Minuit...

Mahmoud Darwich est né le 13 mars 1941 à Al-Birwah en Galilée - Palestine sous mandat britannique - et mort le 9 août 2008 à Houston - aux Etats-Unis - est une des figures de proue de la poésie palestinienne. Profondément engagé dans la lutte de son peuple, il n'a pour autant jamais cessé d'espérer la paix et sa renommée a dépassé largement les frontières de son pays. Président de l'Union des écrivains palestiniens, il est aujourd'hui reconnu dans le monde entier pour sa poésie qui évoque la nostalgie de la patrie perdue mais aussi la recherche d'une vérité multiple dans un chant d'insoumis permanent. Ses œuvres lui ont valu de multiples récompenses et il a été publié dans une vingtaine de langues.

00:00 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature étrangère, Mahmoud Darwich | Lien permanent | Commentaires (0) | |  Imprimer |  Facebook | | |

19/07/2010

Adieu à Gutenberg

Bloc-Notes, 19 juillet / Les Saules

apple-ipad.jpg
J'aime décidément beaucoup les chroniques de Frédéric Beigbeder, dans la revue Lire, intitulées De mauvaise foi. Dans son dernier article - numéro de juillet/août 2010 - qui fait suite à Celsius 233 le mois dernier, il poursuit son survol de l'histoire du livre pour atterrir sur l'iPad, et pas pour nous rabâcher les oreilles avec des lieux communs, ni jouer les prophètes comme le font bon nombre de professionnels du livre, notamment aux Etats-Unis.

Son propos contrasté, toujours plein d'humour ou d'impertinence, mérite d'être évoqué dans ces colonnes: L'invention de Gutenberg a duré cinq cent cinquante-huit ans. J'ai essayé de lire sur iPad: c'est très amusant. Un ingénieur chez Apple a pensé faire en sorte que l'écran tactile émette un bruit de papier froissé quand on glisse son doigt sur la surface. On vit une époque de malades ou pas? Toute la Bibliothèque d'Alexandrie tiendra bientôt dans la poche de mon blouson. Parfois je me dis que je dois être vraiment un vieux con pour penser une seule seconde qu'une telle invention n'est pas un progrès.

Mais il interpelle vraiment tous les lecteurs potentiels avec le prolongement suivant: On pourrait dire que le livre de Gutenberg implique un cérémonial silencieux, une forme de lenteur, un mode de vie moins stressé, plus détaché. Lire sur le papier est une lutte contre l'éparpillement, le livre sur écran est une fenêtre ouverte sur le zapping. (...) Mais il y a surtout une grande différence, plus grave. Il me semble que le numérique égalise tous les livres alors que le papier sacralise le texte. Lire sur papier suppose qu'on respecte l'auteur comme un être admirable, génial ou talentueux, bref, meilleur que soi; l'écran en fait un semblable, un pote, un mec normal, presque un blogueur, donc n'importe qui! En supprimant le papier, on banalise l'écrivain.

Contrairement à ce que je viens de vous citer, je crois que les moyens actuels pour accéder à la culture en général, ne rejettent pas aux oubliettes nos bons vieux livres, mais au contraire élargissent notre horizon, réduisent nos préjugés et nous surprennent bien davantage que les médias traditionnels qui, hélas trop souvent, disent à peu de choses près la même chose, au même moment et sur les mêmes livres, ce que j'appelle le diktat de la nouveauté. J'ajoute que, pas plus vieux con que Frédéric Beigbeder, j'ai découvert parmi mes amis sur Facebook, bon nombre d'oeuvres littéraires que spontanément, je n'aurais pas fait l'effort d'approcher.

En revanche, je ne lis jamais... un texte sur ordinateur! Le parcourir, à la rigueur, mais pas davantage car je sais que je ne me souviendrai pas de ce que j'ai lu: La toile est éphémère... Aussi, j''imprime les pages de son auteur et les lis à mon rythme, selon l'humeur du jour sur une chaise de jardin, dans l'autobus, dans le train ou dans mon lit, ravi de tenir entre mes mains un morceau de papier résistant à la déferlante des actualités. A l'étape suivante, ayant aimé un écrivain présenté, je m'empresse de me procurer le texte dans son intégralité, sur papier - Mahmoud Darwich, Addellatif Laâbi ou André Velter pour les plus récents - avec la dédicace invisible de la personne qui a servi de trait d'union à cet aboutissement, et à laquelle je pense avec une infinie reconnaissance.

Gutenberg a encore de beaux jours devant lui, croyez-moi! Le bûcher attendra...

 


00:17 Écrit par Claude Amstutz dans Bloc-Notes, Le monde comme il va, Mahmoud Darwich | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : actualité; presse; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |