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05/11/2013

Vendanges tardives - De Yllana

Un abécédaire: Y comme Yllana

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Tous les matins, invariablement, qu'il pleuve ou qu'il vente, je vois passer Yllana, dos courbé sous mes fenêtres, avec ses papiers sous le bras, avant de se tenir pour la journée, à l'entrée du supermarché de mon quartier, proposant pour la somme modique de deux euros, le journal Sans Abri, consacré à la lutte contre la précarité, dans l'exaspération ou l'indifférence générale.

Or, mon cher Fred, depuis la semaine dernière, au vu de l'insuccès de sa démarche, elle a décidé de changer de stratégie: elle emprunte le tramway ou fait le tour des tables de restaurants en extérieur. Heureuse initiative ou non? Sur son visage, je peux lire toute la douceur, la détresse et la douleur du monde, quand on lui signifie qu'il n'est pas question de payer pour un journal - français de surcroît! - ou de promouvoir l'état de droit de la mendicité. 

Pas vraiment parmi les villes les plus pauvres de Suisse, Genève arbore alors son visage le plus nauséabond, qui vient s'ajouter à l'arrogance, au manque de cordialité et à la froideur, fréquents dans les bistrots, les transports publics ou les commerces. Et quand il m'arrive d'emprunter un taxi, les plus courtois ou serviables s'avèrent être - la plupart du temps - des maghrébins, des hindous, des ressortissants de l'ex-Yougoslavie... et je pourrais multiplier les exemples.

Je sais que mon coup de gueule ne règle aucun problème de société - ce n'est pas mon propos - mais si je n'ai jamais porté cette ville inhospitalière dans mon coeur, sinon pour les amis que j'y retrouve, c'est au nom de ce prétendu esprit libertaire qui cache hypocritement sous une légende - avec de moins en moins de subtilité - ce premier pas qui manque en direction de l'autre - étranger toujours, même venu de Suisse ou de France voisine! - susceptible de favoriser cet épanouissement dans la différence dont parle Albert Jacquard: notre vraie richesse, envers de l'atrophie, de l'indifférence et du déclin.

Mais, heureusement, Genève n'est pas la Suisse! Pas vrai?

Albert Jacquard, Eloge de la différence (coll. Points Science/Seuil, 1981) 

image: Rues de Genève / Suisse, 2010 (planetephotos.blog.tdg.ch)

12/10/2013

Vendanges tardives - De Xenakis

Un abécédaire: X comme Xenakis

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Pas snob pour deux sous, Marie-Chantal, quand, tirant sur son légendaire fume-cigarette en ivoire rose à l'entracte d'une pièce de Thomas Bernhard, Avant la retraite, elle te confesse de sa voix rauque et théâtrale qu'elle a pris goût à la musique stochastique au Tibet, en écoutant sur un transistor de fortune Radio France International, mais uniquement le célèbre Pop Club de José Arthur dont, en transe, elle ne prêtait l'oreille qu'à la bande-son de Iannis Xenakis: Polytope.

Hélas, vois-tu Fred, je trouve que tout de même, avec le temps, elle baisse, car quand le monsieur bien sous tous les rapports l'a bousculée et a maculé sa dernière robe toute en cuir bleu et transparences signée Jean-Paul Gaultier, avec un vulgaire american pancake, elle ne s'est pas écriée: Me voici enfin griffée toute en Rothko!

Mais que veux-tu? L'esprit comme la politique, avec l'âge ça se confond parfois avec la sottise: ce grand silence blanc...

Thomas Bernhard, Avant la retraite (Arche, 1987)

image 1: Défilé Jean-Paul Gaultier 2014 / IMAXTREE (lexpress.fr)

image 2: Mark Rothko (minimalexposition.blogspot.com)

illustration musicale: Iannis Xenakis, Polytope, Ensemble Ars Nova / Marius Constant 

littérature; musique; mode


30/08/2013

Vendanges tardives - Du vol

Un abécédaire: V comme vol

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En souvenir de L.D., la soeur de mon père

Il arrive que la réalité dépasse la fiction, dans l'énormité des faits et pourtant, Fred, l'histoire de Valentine adolescente est authentique, je te le jure! Figure-toi, que cette fugueuse - enfermée à double-tour dans sa chambre pour mauvaise conduite, qui escaladait le balcon et sans bruit dévalait le mur de son immeuble, le long des conduites d'eau jusqu'au sol, pour s'en aller guincher - tomba follement amoureuse d'un étranger venu du sud de la France. A tous, elle annonça d'un ton péremptoire qu'elle allait épouser sans délai l'homme de sa vie: un aviateur. Au petit bal du samedi soir, il lui avait en effet avoué qu'il opérait des vols de nuit.

Elle se voyait déjà en marraine d'une escadrille, comme dans le roman de l'écrivain Antoine de Saint-ExupéryTrois pilotes, chacun à l'arrière d'un capot lourd comme un chaland, perdus dans la nuit, méditaient leur vol, et, vers la ville immense, descendraient lentement de leur ciel d'orage ou de paix, comme d'étranges paysans descendent de leurs montagnes.

Or, le tragi-comique de cette aventure de Valentine - confirmé par les journaux de l'époque - fut sa fin brutale. On découvrit quelques jours plus tard, dans la gare de triage voisine, à même les voies de chemin de fer, le corps inanimé d'un homme criblé de balles: son homme, dont on ne put ignorer bien longtemps qu'il était fiché au grand banditisme, recherché par toutes les polices de l'Hexagone, victime d'un règlement de comptes, là, à deux pas de chez nous.

N'empêche que, aujourd'hui mariée à un instituteur comme il faut, elle s'en souvient encore, avec un léger pincement au coeur, comme si c'était hier. Après tout, un braqueur avec le sens de l'humour, ça ne court pas les rues...

Antoine de Saint-Exupéry, Vol de nuit (coll. Folio/Gallimard, 2007)

image: Curtiss H 75 (gc2-4.com)

20/08/2013

Vendanges tardives - De la tempérance

Un abécédaire: T comme Tempérance

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Tu le connais, Fred, ce grand voyageur et historien du XIXe siècle: Ferdinand Denis? Je n'en avais jamais entendu parler, avant de lire une citation de lui, tout à l'heure, dans un magazine: La tempérance est un arbre qui a pour racine le contentement de peu et pour fruits le calme et la paix. Oh, je devine ce que tu vas me dire: qu'aux côtés de la prudence, de la force et du sens de la justice - comme le soulignent les anciens - la tempérance mesure les désirs, modère les passions, est ennemie de la démesure et incarne ainsi... l'ennui, tout simplement!

Pourtant pas abstraite, ni hors de la vie et de la nature qui nous comble et nous émerveille, elle est à la source de toutes les autres énergies: sans elle, la prudence ressemble à une coquille vide; les forces se dispersent au gré des humeurs du temps; l'aspiration à la justice - aussi sincère soit-elle - est altérée, comme à travers une fenêtre dont la vitre est recouverte d'une fine couche de poussière. Bref, la tempérance est bien ce remède intemporel qui adoucit les plaies, repose sur la discrétion et conduit assurément à la plénitude.

Cela dit, tant que Geneviève passera chaque matin à bicyclette sous mes fenêtres avec sa robe à pois des années 50, après avoir lorgné vers la maison, de sa balançoire du jardin voisin, j'aurai des doutes, comme Augustin d'Hippone dans ses Confessions: Fais-moi chaste et abstinent, mais attends un peu.

Et n'est-ce pas ce doute, au bout du compte, qui fait de ce chemin sur terre, une promenade enjouée - dont le terme n'est pas tracé définitivement et qui me nargue avec ses contours sinueux - dont je ne sais où elle me conduit, ni pourquoi je l'emprunte sans déplaisir, le pied léger?...   

Ferdinand Denis, Le Brahme Voyageur ou la sagesse populaire de toutes les nations (Kessinger, 2010)

Saint Augustin, Les aveux / Confessions (POL, 2013)

image: http://carpediem.typepad.fr

00:19 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature étrangère, Vendanges tardives - Un abécédaire 2013 | Lien permanent | Commentaires (0) | |  Imprimer |  Facebook | | |

07/08/2013

Vendanges tardives - De Schubert

Un abécédaire: S comme Schubert

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Ca ne prévient pas quand ça arrive, ça vient de loin... Comme un grain de sable qui s'est glissé dans l'enveloppe d'une nuit trop parfaite, trop sereine, trop claire; ou un objet familier qui n'est plus à sa juste place, comme un mauvais père; ou encore un souffle court qui t'étreint, non pas celui de l'angoisse ou de la désespérance, mais celui d'une appréhension accompagnant ce sentiment de déjà vu et qui semble fragiliser la petite cage de verre qui fait tinter ta petite horloge interne, comme aux jours maudits de ta jeunesse. Et là, d'un seul coup, tout ce qui t'entoure semble si loin, insupportable, étranger, sur le point de basculer dans le néant, de rejoindre le paradis des pierres, sans même que tu y comprennes quelque chose. Le mal de vivre?

Alors, dans ces moments-là, fugaces et imprévisibles, tu te retires dans ta chambre et plonges dans les sonates de Franz Schubert, ou mieux encore, dans ses Lieder, où tu retrouves à la fois l'obscurité et la lumière de ce que tu ne saurais exprimer ici, et qui te rapproche de ta propre énigme, de tes sensations vraies, de ton intériorité. C'est l'heure des larmes invisibles qui te permettent de retrouver - ni vu ni connu - le chemin juste, l'escalier sans contrefaçon, le désaveu de l'encre noire, le tremblement d'un horizon approximatif...

Et vois-tu Fred, à chacun ses fatigues incertaines, ses envols transitoires, ses pages blanches de mots - que nulle ombre n'envahit - sinon pour dire cet incroyable amour d'une terre peuplée de signes qui habitent ton coeur, incapable de les contenir ou les lire, derrière les volets clos...



image: Pascal Giroud, L'horiron (pgiroud.fr)

illustration musicale 1: Barbara, Le mal de vivre

illustration musicale 2: Franz Schubert, Winterreise, D 911: Ian Bostridge, Julius Drake

29/07/2013

Vendanges tardives - De la rupture

Un abécédaire: R comme Rupture

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Tout le problème avec Odette, c'est qu'elle n'a jamais justifié sa décision de tout plaquer, là, un beau jour de juillet voici trois ans exactement. Du coup, les rumeurs les plus fantaisistes ont circulé à son sujet: déception amoureuse, maladie contractée au cours de sa brève carrière, crise existentielle à l'approche de la trentaine? Quand je fais parfois allusion à son amitié, je me souviens que, sans être d'une beauté flamboyante, elle dégageait cette sensualité si particulière - à la commissure des lèvres, dans les plis de ses yeux où perçait une gaieté discrète ainsi qu'une absence de crainte et d'innocence - semblable à la houle charriant ces mouvements de l'âme propres aux femmes hardies et déterminées. Avec pourtant ce mur infranchissable qu'elle avait dressé entre sa vie privée dont peu m'était connu et celle, publique: banale, mesurée, conventionnelle, chez une jeune femme de son âge. Sa silhouette se détachait toujours dans les rues de Brive La Gaillarde, solitaire, drapée dans une cape noire dont les mauvaises langues disaient qu'elle n'abritait pas - outre ses bijoux et ses escarpins made in Italy - de parure excessive...  

Je ne lui a connu aucune liaison amoureuse officielle, mais toutes et tous semblent l'avoir regrettée - jeunes et moins jeunes - au pays où jamais elle ne refit son apparition. Voici une quinzaine de jours, j'ai reçu - pour la troisième fois en trois ans - de ses nouvelles. Elle vit aujourd'hui quelque part dans les Cévennes, à proximité d'un monastère, avec ses chats et ses livres, cet autre penchant qu'elle a toujours éprouvé. Epanouie dirais-je, libre et secrète comme autrefois. Je ne t'en dirai pas davantage, mon cher Fred, sinon qu'elle a conservé dans un écrin ce ruban rouge qu'elle portait autour du cou et que je lui avais offert pour son vingt-cinquième anniversaire. Me reviennent aussi en mémoire ses derniers mots, tracès à la hâte en bas de page de sa dernière lettre, signés Marcel Proust: Quand d'un passé ancien rien ne subsiste, après la mort des êtres, après la destruction des choses, seules, plus frêles mais plus vivaces, plus immatérielles, plus persistantes, plus fidèles, l'odeur et la saveur restent encore longtemps, comme des âmes, à se rappeler, à attendre, à espérer, sur la ruine de tout le reste, à porter sans fléchir, sur leur gouttelette presque impalpable, l'édifice immense du souvenir...  

Marcel Proust, Du côté de chez Swann (coll. GF/Flammarion, 2009)

image: www.aufeminin.com

00:02 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone, Marcel Proust, Vendanges tardives - Un abécédaire 2013 | Lien permanent | Commentaires (2) | |  Imprimer |  Facebook | | |

22/07/2013

Vendanges tardives - Des quatuors

Un abécédaire: Q comme Quatuors

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Quand je revois le visage pâle, infiniment triste et néanmoins enjoué de Florence, peu après l'accident mortel de son fils en scooter, la semaine dernière, je ne peux m'empêcher de penser au dernier mouvement du quatuor à cordes No 15, KV 421 de Wolfgang Amadeus Mozart, qui mieux qu'aucune autre oeuvre au monde restititue l'infini de l'isolement, de la douleur et d'une inéluctable désintégration intérieure, sous une apparence joviale. A juste titre, Jean-Victor Hocquard parle d'une lourde et vague anxiété, plus pénible que ne serait un pathos déclaré. On y trouve un aspect des plus impressionnants - des plus authentiques aussi - du Maître: la solitude, l'impossibilité, voire l'inutilité de toute communication, la déréliction... 

On devine, dans ce Allegretto ma non troppo, ce qu'on retrouve dans d'autres quatuors ultérieurs: cette mélodie des profondeurs où la lumière peine à traverser les abîmes, d'une douceur irréelle ou mieux, détachée, retirée du monde, malgré ses élans embarrassés, comme à bout de souffle. Mais si j'ai pensé à cette oeuvre en face de notre amie Florence - plutôt qu'aux pages poignantes d'un Gustav Mahler ou d'un Piotr Ilitch Tchaïkovski - c'est qu'elle condense en moins de dix minutes la précarité de l'existence, sa beauté, sa douleur, son mystère. L'espérance aussi, au final. Brigitte et Jean Massin notent: Ce quatuor finit sur un refus de quitter une partie jouée d'avance; il laisse le dernier mot, sans réconfort et sans calcul, au courage.

Et Fred, si on est bien loin d'une voie royale ouverte au triomphe de la vie sur la mort, tout n'est pourtant pas perdu, et le temps sait faire le reste, parfois, ne guérissant pas ou peu les blessures, mais leur conférant une tonalité particulière que le regard, débarrassé de ses masques, inonde d'une clarté si particulière et bouleversante, tout alentour...  


Brigitte et Jean Massin, Wolfgang Amadeus Mozart (coll. Les Indispensables Musique/Fayard, 2006)

Jean-Victor Hocquard, Mozart (coll. Solfèges/Seuil, 1994)

image: http://www.tounsia4ever.com

Wolfgang Amadeus Mozart, String Quartet No 15 in D minor, KV 421 - IV. Allegretto ma non troppo (Quatuor Mosaïques)


18/07/2013

Vendanges tardives - De la panne

Un abécédaire: P comme Panne

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Comme chaque année, notre brave Madame Angela Martinez a investi pour tout l'été la loge de concierge de l'immeuble. Je la connais de longue date, pour lui confier souvent - au noir - quelques corvées de nettoyage ou tâches ponctuelles, telles les changements de literie ou les courses encombrantes du supermarché! Or, toi qui recours aussi de temps à autres à ses services, tu as peut-être remarqué que cette année ne ressemble pas aux précédentes, notre fée du logis arborant la mine d'une résistante en état de guerre totale. Et pourquoi donc?

Tout a commencé par un doute qui m'a saisi lors de ses derniers achats chez notre épicier local, dont je voyais les tickets de caisse prendre soudain l'ascenseur. Elle m'a alors expliqué qu'elle avait biffé de sa liste tous les produits au label Made in France, les remplaçant par les produits du Terroir suisse. Et le melon, alors: il est suisse? Non, me répondit-elle, il est italien, et aussi savoureux que son homologue bleu-blanc-rouge... Ah, donc un léger différend avec nos voisins et néanmoins amis?

J'aurais sans doute mieux fait de ne pas la provoquer, car Angela ouvrit toutes grandes les vannes de ses griefs: donneurs de leçons détestés même dans son pays d'origine; jaloux de la réussite des pays étrangers à leurs dépens; avides de faire les poches des autres plutôt que resserrer les cordons de leur propre bourse; incorrigibles bavards aux propos dispersés par le vent; encourageant la délation (financière) - et on voit où cela a pu les mener, les français - sans oublier cette insupportable vanité qui les fait croire (à eux-mêmes) qu'ils sont les sauveurs d'une Europe inéquitable! Rien que ça...

Je passe sous silence ses propos lapidaires sur le football ou la politique intérieure, mais mon cher Fred, ce qu'Angela ne m'a pas dit, c'est que son ami Xavier, maçon venu voici trois hivers de Villeurbanne, l'a larguée le mois dernier et a choisi de rejoindre sa régulière dans la région lyonnaise, sans autre forme de procès... Petite amertume passagère? Depuis hier à 17h15, elle jubile, car sa télévision est tombée en panne - elle ne compte pas la réparer de si tôt - lui évitant le lavage de cerveau des informations people en continu et le bla-bla des initiés ou gourons en tous genres, semblables à ceux de la veille, de l'avant-veille etc. A toute chose donc, malheur est bon, car ce soir, au moment où je te parle, elle regarde un DVD de Stanley Donen que je lui ai prêté: Singin' in the Rain (Chantons sous la pluie) avec Gene Kelly, Donald O'Connor, Debbie Reynolds et Cyd Charisse!

Quant à moi, je regarde avec le sourire mes fruits et légumes, délicatement disposés sur ma table de cuisine. Une pomme suisse: ça te tente? Ou allons-nous pencher vers un Rosé de Provence?

D'accord, j'éteins la télévision! A ta bonne santé, l'ami...

image: http://farm8.staticflickr.com

03:29 Écrit par Claude Amstutz dans Le monde comme il va, Vendanges tardives - Un abécédaire 2013 | Lien permanent | Commentaires (1) | |  Imprimer |  Facebook | | |

20/06/2013

Vendanges tardives - De l'opéra 1b

Un abécédaire: O comme Opéra

Voici donc l'enregistrement historique intégral de La Tosca de Giacomo Puccini (1953) avec Maria Callas, Giuseppe di Stefano, Tito Gobbi, Franco Calabrese, Angelo Mercuriali, Melchiorre Luise, Dario Caselli et Alvaro Cordova. Orchestre et Choeurs de la Scala de Milan, sous la direction de Victor de Sabata...  


Vendanges tardives - De l'opéra 1a

Un abécédaire: O comme Opéra

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pour Jean-Pierre O

Et si on allait à l'opéra, Fred? Ce soir, il reste des billets pour La Tosca de Giacomo Puccini, ma partition préférée entre toutes avec La flûte enchantée de Wolfgang Amadeus Mozart... Et je peux te promettre que je ne te ferai pas honte, comme au soir de mes vingt ans! Souviens-toi qu'avant de te rejoindre pour la représentation de L'Or du Rhin, j'avais noyé mon spleen dans un bar pas très recommandable, si bien que, au moment du lever de rideau, lors du prélude de Richard Wagner, plongé soudain dans une béatitude sans crainte ni tourment, je m'étais endormi... Tu prétends que j'ai ronflé comme un sonneur, mais n'est-ce pas une légende savamment entretenue au fil des ans, juste pour rire? De même que les mauvaises langues - comme toi - ont prétendu que je ne retrouvais pas ma place après l'entracte et que dans l'obscurité qui avait gagné la salle, j'aurais trébuché sur de nombreux pieds inconnus avant de m'effondrer sur mon fauteuil, l'estomac dans les talons! Pauvre Richard: il a dû s'en retourner dans sa tombe!

Aujourd'hui, crois-moi, nulle inquiétude, non seulement parce que - provisoirement, pour des raisons médicales - je suis interdit d'alcool, mais surtout Fred, en raison de cet opéra, La Tosca, qui me colle à la peau et dont chaque note m'arrache une émotion sauvage, violente, absolue, à l'image de la passion de Floria Tosca pour Mario Cavaradossi et du baron Scarpia pour Floria Tosca. Tous les ingrédients de la passion culminent ici: ardeur, aveuglement, jalousie, perfidie, trahison, mêlés comme la lave d'un volcan intérieur que nul mieux que Giacomo Puccini dans cette oeuvre, a su exprimer en musique. Un frisson me parcourt à chaque fois, quand Floria Tosca, après avoir assassiné le baron Scarpia, s'écrie: E morto! O libertà!

Et cet opéra demeure pour moi - aux côtés de Giuseppe di Stefano et de Tito Gobbi - le plus beau rôle de Maria Callas! Mais, malgré le souvenir ce cet enregistrement légendaire, nous n'allons pas bouder notre plaisir ce soir, et tant qu'on ne nous inflige pas une mise en scène fantasque, en jeans et blouson de cuir, la magie opère toujours...

Non? Qu'en dis-tu?


 

Giacomo Puccini, La Tosca (1953) avec Maria Callas, Giuseppe di Stefano, Tito Gobbi, Franco Calabrese, Angelo Mercuriali, Melchiorre Luise, Dario Caselli, Alvaro Cordova. Orchestra e Coro Teatro alla Scala, Victor de Sabata (EMI) 

illustration musicale: Jacques Brel, Jef (1964)

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