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26/11/2014

Le poème de la semaine

Jacques Prévert

Cet amour 
Si violent 
Si fragile 
Si tendre 
Si désespéré 
Cet amour 
Beau comme le jour 
Et mauvais comme le temps 
Quand le temps est mauvais 
Cet amour si vrai 
Cet amour si beau 
Si heureux 
Si joyeux 
Et si dérisoire 
Tremblant de peur comme un enfant dans le noir
Et si sûr de lui 
Comme un homme tranquille au milieu de la nuit
Cet amour qui faisait peur aux autres 
Qui les faisait parler 
Qui les faisait blêmir 
Cet amour guetté 
Parce que nous le guettions 
Traqué blessé piétiné achevé nié oublié 
Parce que nous l'avons traqué blessé piétiné achevé nié oublié 
Cet amour tout entier 
Si vivant encore 
Et tout ensoleillé 
C'est le tien 
C'est le mien 
Celui qui a été 
Cette chose toujours nouvelle 
Et qui n'a pas changé 
Aussi vraie qu'une plante 
Aussi tremblante qu'un oiseau 
Aussi chaude aussi vivante que l'été 
 
Nous pouvons tous les deux 
Aller et revenir 
Nous pouvons oublier 
Et puis nous rendormir 
Nous réveiller souffrir vieillir 
Nous endormir encore 
Rêver à la mort 
Nous éveiller sourire et rire 
Et rajeunir 
 
Notre amour reste là 
Têtu comme une bourrique 
Vivant comme le désir 
Cruel comme la mémoire 
Bête comme les regrets 
Tendre comme le souvenir 
Froid comme le marbre 
Beau comme le jour 
Fragile comme un enfant 
 
Il nous regarde en souriant 
Et il nous parle sans rien dire 
Et moi j'écoute en tremblant 
Et je crie 
Je crie pour toi 
Je crie pour moi 
Je te supplie 
Pour toi pour moi et pour tous ceux qui s'aiment 
Et qui se sont aimés 
Oui je lui crie 
Pour toi pour moi et pour tous les autres 
Que je ne connais pas 
Reste là 
Là où tu es 
Là où tu étais autrefois 
Reste là 
Ne bouge pas 
Ne t'en va pas 
 
Nous qui sommes aimés 
Nous t'avons oublié 
Toi ne nous oublie pas 
Nous n'avions que toi sur la terre 
Ne nous laisse pas devenir froids 
Beaucoup plus loin toujours 
Et n'importe où 
Donne-nous signe de vie 
Beaucoup plus tard au coin d'un bois 
Dans la forêt de la mémoire 
Surgis soudain 
Tends-nous la main 
Et sauve-nous.
 
Quelques traces de craie dans le ciel, 
Anthologie poétique francophone du XXe siècle

 

00:02 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone, Quelques traces de craie dans le ciel - Anth | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; poésie | |  Imprimer |  Facebook | | |

25/11/2014

La citation du jour

Adonis

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Je remercie le temps. Il me prend dans ses bras et il efface derrière lui la route.

Adonis, Mémoire du vent / Poèmes 1957-1990 (coll. Poésie/Gallimard, 1991)

10:09 Écrit par Claude Amstutz dans La citation du jour, Littérature francophone | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : citations; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

24/11/2014

Morceaux choisis - J.M.G. Le Clézio

J.M.G. Le Clézio 

littérature; récit; morceaux choisis; livres

Quand on est devant la mer, tout peut apparaitre, disparaitre, comme sur une pierre qui n'a pas été sculptée. C'est peut-être pour cela, parce que tout est possible, comme sur une planète étrangère, que les hommes viennent vers elle. C'est peut-être parce qu'il n'y a pas de murs, pas de barrières. Parce que c'est le lieu du danger. Alors chaque jour, tandis qu'au dehors, dans les couloirs et les abris des villes, dans les cachettes des montagnes, à la source des fleuves, la vie amoncelle les années et trace ses dessins toujours semblables, ici apparait la nouveauté. Chaque jour nait ici, puis se détruit puis se refait, au rythme du ressac.

J.M.C. Le Clézio, L'inconnu sur la terre (Coll. Imaginaire/Gallimard, 1999)

image: Ondres, Landes / France (ondres-landes.net

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23/11/2014

La citation du jour

Marcel Jouhandeau

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La joie est le signe de la générosité, le baromètre du coeur.

Marcel Jouhandeau, Eloge de l'imprudence (Editions Noé, 2006)

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21/11/2014

Morceaux choisis - Louis Aragon

Louis Aragon

SR_Guy Cambier.jpg

Sauras-tu jamais ce qui me traverse
Ce qui me bouleverse et qui m’envahit
Sauras-tu jamais ce qui me transperce
Ce que j’ai trahi quand j’ai tressailli
 
Ce que dit ainsi le profond langage
Ce parler muet de sens animaux
Sans bouche et sans yeux miroir sans image
Ce frémir d’aimer qui n’a pas de mots
 
Sauras-tu jamais ce que les doigts pensent
D’une proie entre eux un instant tenue
Sauras-tu jamais ce que leur silence
Un éclair aura connu d’inconnu
 
Donne-moi tes mains que mon cœur s’y forme
S’y taise le monde au moins un moment
Donne-moi tes mains que mon âme y dorme
Que mon âme y dorme éternellement.

Louis Aragon, Le fou d'Elsa (coll. Poésie/Gallimard, 2002)

image: Guy Cambier (s019.radikal.ru)

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19/11/2014

Le poème de la semaine

Jean-Pierre Siméon

Je suis né à Paris de parents français:
mon état civil est net
comme une chemise du dimanche.
 
Mais je suis étranger
plus étranger que l'étranger à mon pays
quand il est dur et froid comme la pierre
et fermé comme une porte
au ciel changeant des visages.
 
Je suis étranger à la beauté
qui ne s'offre qu'à son miroir,
étranger à celui qui sonne le tocsin
pour un courant d'air,
étranger forcément
à la douceur d'un sourire
s'il dit non
 
Etranger vraiment
plus étranger que l'étranger lui-même
au pays qui met son blé et sa lumière
à la cave du coeur.
 
Quelques traces de craie dans le ciel,
Anthologie poétique francophone du XXe siècle

00:03 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone, Quelques traces de craie dans le ciel - Anth | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : littérature; poésie | |  Imprimer |  Facebook | | |

17/11/2014

La citation du jour

Pierre Coran

citations; livres

Il arrose l'orient, le midi, l'occident. Les bras en sémaphore, il arrose le nord. Depuis, maillot mouillé, il s'en va en répétant qu'il est le jardinier de la rose des vents.

Pierre Coran, dans: Jean-Marie Henry et Zaü, Planète Poésie (Rue du Monde, 1997)

image: http://ekladata.com

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15/11/2014

Lire les classiques - Paul Verlaine

Paul Verlaine

littérature; poésie; anthologie; livres

Ecoutez la chanson bien douce
Qui ne pleure que pour vous plaire,
Elle est discrète, elle est légère:
Un frisson d'eau sur de la mousse!
 
La voix vous fut connue (et chère?)
Mais à présent elle est voilée
Comme une veuve désolée,
Pourtant comme elle encore fière,
 
Et dans les longs plis de son voile,
Qui palpite aux brises d'automne.
Cache et montre au coeur qui s'étonne
La vérité comme une étoile.
 
Elle dit, la voix reconnue,
Que la bonté c'est notre vie,
Que de la haine et de l'envie
Rien ne reste, la mort venue.
 
Elle parle aussi de la gloire
D'être simple sans plus attendre,
Et de noces d'or et du tendre
Bonheur d'une paix sans victoire.
 
Accueillez la voix qui persiste
Dans son naïf épithalame.
Allez, rien n'est meilleur à l'âme
Que de faire une âme moins triste!
 
Elle est en peine et de passage,
L'âme qui souffre sans colère,
Et comme sa morale est claire!...
Ecoutez la chanson bien sage.

Paul Verlaine, Sagesse (coll. Livre de Poche/LGF, 2006)

image: http://arcus.a.r.pic.centerblog.net

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12/11/2014

Le poème de la semaine

Claude Roy

Le grand arbre calme allait de soi 
Les oiseaux habitaient ses étages 
depuis les moineaux friquets au premier 
jusqu'au couple de hulottes au sommet 
Les enfants y bâtissaient des maisons aériennes 
aussi cachées que celles du Robinson Suisse 
On ne pensait pas à l'orme comme à un vivant 
puisqu'il était la vie sans nom de personne 
On disait "l'arbre" et le vent répondait 
Aujourd'hui l'arbre va très mal 
Il est malade
Il va mourir 
Il se dessèche et roussit 
comme s'il était incendié du dedans 
Vivant ce n'était qu'un arbre 
Mort c'est un vieil ami mort 
Il aurait dû verdir bien plus longtemps que nous 
Il s'en est allé le premier.
 
Quelques traces de craie dans le ciel,
Anthologie poétique francophone du XXe siècle

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10/11/2014

Morceaux choisis - Georges Simenon

Georges Simenon

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Si l'on me demandait aujourd'hui à quoi on reconnaît l'amour, si je devais établir un diagnostic de l'amour, je dirais: D'abord le besoin de présence

Je dis bien un besoin, aussi nécessaire, aussi absolu, aussi vital qu'un besoin physique.

La soif de s'expliquer soi et d'expliquer l'autre, car on est tellement émerveillé, voyez-vous, on a tellement conscience d'un miracle, on a tellement peur de perdre cette chose qu'on n'avait jamais espérée, que le sort ne vous devait pas, qu'il vous a peut-être donnée par distraction, qu'à toute heure on éprouve le besoin de se rassurer et, pour se rassurer, de comprendre.

Georges Simenon, Lettre à mon juge (coll. Livre de Poche/LGF, 1997)