05/07/2015
La scie rêveuse
Bloc-Notes, 5 juillet / Les Saules
J'ai créé La scie rêveuse en décembre 2009, et à ce jour, 4'050 notices ou repères sont référencés sur ce site, dédié particulièrement à la littérature et à la musique classique, pour l'essentiel. Cette aventure a commencé avec René Char et Polina Semionova. C'est donc en toute logique, avec ces deux artistes, qu'elle s'achève aujourd'hui.
En effet, dès décembre 2013, Jubilate Deo a vu le jour, intégrant certains textes et musiques publiés autrefois sur La scie rêveuse, mais l'esprit de ce nouveau site, dont le coeur est la spiritualité - même si la littérature et la musique y trouvent une place non négligeable - correspond mieux à ma démarche actuelle, plus personnelle, exigeante et libre à la fois. 1'600 notices ou repères sont référencés à ce jour sur Jubilate Deo, dont plus de 200 textes qui n'ont pas de connotation spirituelle particulière, traduisant ainsi mon souci de rester ouvert aux interrogations et aspirations qui traversent la terre que nous foulons, tantôt d'un pied léger et la joie au coeur, tantôt accablés par ce qui nous dépasse, nous échappe ou semble se dissoudre dans les fissures du Temps.
La scie rêveuse demeurera accessible, mais, hormis les mises à jour régulières des extraits musicaux, vous ne trouverez plus de nouvelles publications dès ce dimanche. Le dernier mot revient à René Char, avant de céder la place à la joie de vivre par la danse, avec Polina Semionova, puis au silence apaisé...
Au plus fort de l'orage, il y a toujours un oiseau pour nous rassurer. C'est l'oiseau inconnu. Il chante avant de s'envoler.Un grand merci à tous pour votre fidélité, votre accompagnement et vos signes d'amitié, à la fois discrets et sensibles - exprimés souvent par vos messages ou commentaires déposés ici.
René Char, Les matinaux (Bibliothèque de la Pléiade/Gallimard, 1983)
Polina Semionova, Ballet sur une musique de Herbert Grönemeyer (Sophia Tang/YouTube, 2012)
http://jubilatedeo.hautetfort.com
00:12 Écrit par Claude Amstutz dans Bloc-Notes, La scie rêveuse, Polina Semionova, René Char | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : littérature; poésie; musique; danse; livres | | Imprimer | Facebook |
31/12/2014
Meilleurs voeux 2015
Bloc-Notes, 31 décembre / Les Saules
Avec joie et gratitude, je vous adresse mes meilleurs voeux pour l'an nouveau, à vous, amis nombreux qui êtes restés fidèles au blog de La scie rêveuse, qui se borne aujourd'hui pour l'essentiel à la musique classique et à la poésie. En 2015, seront repris d'anciennes publications peut-être passées inaperçues ou oubliées, dans les catégories La citation du jour, Morceaux choisis ou Lire les classiques. Les autres rubriques ont été abandonnées, leur moyen d'expression ayant perdu toute force de conviction, et tricher avec mes lecteurs m'est plutôt insupportable...
D'autre part, il n'est pas simple de gérer deux blogs aux démarches différentes, depuis fin 2013: l'un - La scie rêveuse - afin de faire découvrir des oeuvres originales, l'autre - Jubilate Deo - consacré à creuser un sillon qui est le mien propre. Aussi, la plupart des inédits littéraires sont aujourd'hui publiés de préférence dans les Chemins de traverse sur Jubilate Deo, et même si les autres publications à caractère spirituel ne vous inspirent pas, sachez que la littérature y tient une place à part (avec 150 extraits à ce jour) accessible par le lien mentionné ci-dessous. La musique, plus discrète que sur La scie rêveuse (100 extraits) y est également présente.
Amoureux de la lecture et de la musique, je vous souhaite à toutes et à tous une année heureuse, et que se réalisent vos rêves en 2015!
lien vers Jubilate Deo: http://jubilatedeo.hautetfort.com/chemins-de-traverse/
image: Les Saules, Cologny / Suisse (2014)
00:20 Écrit par Claude Amstutz dans Bloc-Notes | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : littérature; musique classique; livres | | Imprimer | Facebook |
31/12/2013
Coeur en fête
Bloc-Notes, 31 décembre / Les Saules
Avec simplicité et reconnaissance, je vous adresse mes meilleurs voeux de bonheur, de santé et de paix pour l'année 2014, à vous, amis fidèles qui visitez souvent le blog de La scie rêveuse et - plus récemment - de Jubilate Deo, et y laissant souvent une trace de votre passage, ici ou sur Facebook. A vous donc, pour ce dernier jour de l'année, je dédicace cette magnifique chanson de Claude Nougaro, Armé d'amour, dont le texte est reproduit ci-dessous...
image:Angelin Preljocaj, Les nuits (http://www.diaghilev-ps.ru)
blog 1: http://lasciereveuse.hautetfort.com
blog 2: http://jubilatedeo.hautetfort.com
06:00 Écrit par Claude Amstutz dans Bloc-Notes, Chansons inoubliables | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : musique; variété | | Imprimer | Facebook |
La scie rêveuse
Bloc-Notes, 31 décembre / Les Saules
Chers amis,
Comme vous le savez, j'ai créé le blog de La scie rêveuse en décembre 2009. A ses débuts, n'y figuraient que des critiques de livres - brèves pour la plupart - puis se sont ajoutés au fil du temps Le Bloc-Notes, les Morceaux choisis, Le poème de la semaine, La musique sur FB et d'autres thématiques, dans un premier temps, que je ne vais pas vous énumérer ici. Plus récemment, j'y ai introduit la spiritualité, avec pour l'essentiel, La prière du coeur. Ainsi, imperceptiblement, La scie rêveuse a gagné en ouverture, mais a perdu aussi de sa lisibilité.
La spiritualité quitte ainsi La scie rêveuse dès le 1er janvier 2014, pour rejoindre un nouveau blog qui à vu le jour aux temps de Noël, Jubilate Deo - avec 245 entrées au moment de sa mise en ligne - et pour lequel j'ai apporté quelques améliorations: dans la présentation générale, la typographie, l'inscription possible à la newsletter etc. La musique n'en est pas absente, mais n'est qu'une trace discrète parmi d'autres.
Les publications sur le blog de Jubilate Deo n'excèderont pas 2 à 3 publications inédites par semaine, et je vous rassure: Le blog de La scie rêveuse - à un rythme moins soutenu - n'est pas abandonné pour autant et poursuivra ses publications littéraires et musicales.
Si La scie rêveuse et Jubilate Deo (l'un, l'autre ou les deux) vous plaisent, faites-les connaître autour de vous!
Merci à toutes et à tous...
image: Martha Graham (cosmovisions.com)
lien 1: http://lasciereveuse.hautetfort.com
lien 2: http://jubilatedeo.hautetfort.com
01:13 Écrit par Claude Amstutz dans Bloc-Notes, La musique sur Facebook, La scie rêveuse, Morceaux choisis, Quelques traces de craie dans le ciel - Anth | Lien permanent | Commentaires (0) | | Imprimer | Facebook |
25/12/2013
Heureuses fêtes
Bloc-Notes, 25 décembre / Les Saules
A toutes et à tous, je souhaite d'heureuses fêtes, nourries par la présence aimante de vos proches, ainsi que de celles et ceux qui ont quitté et rejoint le monde des étoiles: inextinguibles et glorieuses dans notre coeur. En ce jour de Noël, je vous propose ces Méditations d'Orient, interprétées par Soeur Marie Keyrouz.
Plus nous apprenons comment toucher la réalité de notre être par le beau et le sacré, plus nous offrons à notre humain, le privilège de vivre le spirituel infini qui nous habite et qui est à l'origine de toute chose. Une prière du Christ, une offrande lyrique de Tagore ou une poésie mystique, ces méditations sont choisies et chantées pour allumer une chandelle sur le chemin de l'homme, dans son pèlerinage vers son intérieur. Juif, chrétien ou musulman; religieux, croyant, ou antagoniste, l'être humain est à la recherche inlassable du sens de son existence et de la zone la plus profonde de son âme où il n'y a que consonance, harmonie, liberté et paix.
Avec ces méditations nous avons essayé de puiser dans les thèmes musicaux des traditions liturgiques: Araméenne, Byzantine, Syriaque et Maronite; de même que dans les plus subtiles des échelles de la musique orientale classique avec ses micro-intervalles et les couleurs qu'elle apporte pour soutenir le texte sacré. Quand la prière déborde d'émotion humaine et spirituelle, la voix et l'instrument prennent leur liberté pour exprimer l'inexprimable et dresser une échelle verticale vers l'au-delà. Ce phénomène qui est l'improvisation est très ancien dans l'histoire de la musique sacrée; il est né d'une confession de foi où les notes et les modes n'existaient que pour incarner le sens théologique de la prière et sacraliser l'émotion humaine.
Chaque instrument est choisi pour son timbre et l'atmosphère qu'il pourrait installer, laissant à la voix, toute la faveur de chercher le plus adéquats des siens, se servant de toutes les richesses des fioritures et les subtilités des intervalles non-tempérés nécessaires pour faire résonner ces prières dans les coins intimes du cœur humain. Pourrait-on, par la grâce de ces méditations, faire rencontrer l'Humain avec le Divin qui est dans son être et se laisser fondre dans le mystère du silence de la paix éternelle de Dieu?
Vous pouvez vous procurer ce CD - 20 euros - sur le site ci-dessous:
http://www.keyrouz.com/FR_meditations.html
illustration musicale: Marie Keyrouz, Méditations d'Orient (http://www.keyrouz.com/FR_meditations.html)
image: Orson Welles, Citizen Kane / 1941 (weeatfilms.com)
01:06 Écrit par Claude Amstutz dans Bloc-Notes, Chant sacré, Le monde comme il va, Marie Keyrouz | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : musique classique; noël | | Imprimer | Facebook |
05/12/2013
Jocelyne François 1b
Bloc-Notes, 5 décembre / Les Saules
En complément, voici quelques pages de Jocelyne François, Claire Pichaud - 3 vies: une première approche de l'oeuvre de Claire Pichaud, dans ce splendide ouvrage dont la conception soignée, la qualité de l'impression et de la mise en page illustrent à merveille son immense talent...
Jocelyne François, Claire Pichaud - 3 vies / 39 € (Edition du Regard, 2013)
avec une postface de Henry-Claude Cousseau
00:02 Écrit par Claude Amstutz dans Bloc-Notes, Jocelyne François, Littérature francophone | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; beaux-arts; livres | | Imprimer | Facebook |
Jocelyne François 1a
Bloc-Notes, 5 décembre / Les Saules
Connaissez-vous Claire Pichaud? Non? Cherchez bien, tout au moins parmi les moins jeunes d'entre vous... Vous y êtes? Une jeune fille qui, dans les années 60, sous son nom d'origine, Marie-Claire Pichaud, chante Jacques Douai, Georges Brassens, Nicole Louvier, met en musique Luc Bérimont et René Char - dont le poème Allégeance - et interprète des chansons d'inspiration chrétiennes, telles Il y eut un soir, il y eut un matin, Pardon et Psaume de l'Univers, que vous pouvez écouter sur YouTube.
Avec Claire Pichaud - 3 vies, sous la plume de Jocelyne François, vous allez découvrir, après cet avant-goût de la vraie vie un autre de ses visages: celui de la peinture, qui l'habite depuis plus de 45 ans. En effet, après avoir été bibliothécaire à temps-partiel, licenciée en philosophie, directrice de chorale universitaire, puis chanteuse, elle cherche une expression artistique davantage en accord avec son silence intérieur, ce creuset où l'avenir va se constituer. Elle veut vivre selon la philosophie, selon la musique, selon une harmonie dont elle ne détient pas la clef, mais dont elle a le goût dans la bouche, nous dit l'auteur.
Jocelyne François retrace ainsi ce chemin qui prend corps dans un atelier proche de l'Isle-de-Sorgue - et de René Char - avec une attirance pour les arts de la terre: la poterie et les grès en particulier, avant que, dans sa recherche d'un équilibre, d'une migration, d'une transparence, d'une déconstruction, elle se consacre à la peinture comme on entre dans une forêt. Chacune de ses toiles - de nombreuses acryliques sur tissu froissé - s'inscrivent dans leur diversité comme un espace de méditation: Une pureté, une exigence sans proclamation s'y exprime silencieusement, et chaque tableau tend au silence.
De la Suite saturnienne aux Zodiaques et Solstices, de Depuis Lascaux, la guerre aux Quatre Saisons, peut être appliquée cette magnifique perception de Jocelyne François à propos d'un autre tableau, L'amour: Chacun peut s'y souvenir de sa propre vie et sentir que toutes les nuances du vécu ouvrent sur un infini dont, certes, on ne sait rien, mais qui nous prendra en lui aussi sûrement que l'existence nous a été offerte au sein d'une improbabilité prodigieuse.
Dans sa postface, Henry-Claude Cousseau, offre lui aussi un juste éclairage: Le peintre a compris que la couleur n'a pas besoin, pour dispenser son éclat à nos yeux, d'autre subterfuge que de simplement faire entendre au bon moment son timbre le plus juste, sa tonalité la plus franche, sa sonorité la plus pleine. Enfin, Jocelyne François cite Alain Tapié dont l'appréciation trouve bien sa place en conclusion de ce livre: Certains peignent le bonheur, d'autres la pensée. Claire Pichaud est de ceux-ci. L'Histoire pour elle n'est ni un sujet ni un matériau, mais un vivier de démarches, de méthodes pour appréhender le spirituel.
Outre que Claire Pichaud - 3 vies, est l'une des plus belles monographies de l'année, son originalité tient à son approche: Trajet parallèle de fécondité créatrice et de nécessaire solitude entre deux univers artistiques - la peinture pour Claire Pichaud et l'écriture pour Jocelyne François - qui sont autant d'accompagnements de vie et d'oeuvre sous le signe de la convergence et de la vie intime en commun, cette troisième vie...
Ceux que j'aime peignent chaque jour pour changer le monde, dit leur ami commun Jean Fournier, décédé le 22 mars 2006.
En annexe, vous sont présentées quelques pages de cet ouvrage de toute beauté que je vous encourage à parcourir, à lire et regarder au rythme de votre coeur, puis à offrir sans hésiter à vos amis intéressés par l'art contemporain. Comme indiqué ci-dessous, son prix est en effet dérisoire compte tenu de sa présentation tout à fait exceptionnelle!
Sur La scie rêveuse - voir Catégories - vous pouvez retrouver d'autres textes ou éléments bibliographiques consacrés à Jocelyne François.
Jocelyne François, Claire Pichaud - 3 vies / 39 € (Edition du Regard, 2013)
avec une postface de Henry-Claude Cousseau
00:01 Écrit par Claude Amstutz dans Bloc-Notes, Jocelyne François, Littérature francophone, René Char | Lien permanent | Commentaires (0) | | Imprimer | Facebook |
03/12/2013
Thérèse Houyoux
Bloc-Notes, 3 décembre / Les Saules
Par le dessin, autour du modèle, nous l'avons connue aux Beaux-Arts de Genève. Dans l'atelier où elle enseignait, des plantes vertes poussaient jusqu'aux poutres de la charpente. Son enthousiasme nous donnait envie et de notre envie, discrètement, elle se nourrissait. Saisons après saisons, Thérèse a tenu ses carnets, noté ses pensées, impressions du jour, du moment, répété des phrases brèves venues d'autres carnets, d'autres vies. Pendant sa maladie, et plus tard, durant sa période de rémission, Thérèse a poursuivi. Elle a noté, mis de l'ordre dans ses notes, et arrangé une à une ses affaires pour ne pas encombrer. Peu avant son décès, le 30 juin 2011, elle nous confiait "La petite moureuse".
Ainsi est évoquée l'histoire de ce précieux objet intime, La petite moureuse de Thérèse Houyoux - agrémenté de trois dessins de l'auteur - par Yves Berger et Alexandre Loye. Un tracé poétique qui ressemble à un diamant brut, nourri d'instants saisis sur le vif, au fil des heures et des jours, et même si la mort est omniprésente tout au long de ce cheminement intérieur, que ce livre est une célébration de la vie, dont chaque vibration traverse le sommeil, l'angoisse, le corps, la lumière: J'aimerais, quant à moi, une vie plus ténue, une vie de toile d'araignée - couverte de rosée. Partir petit pour devenir grand... se retourner et redevenir petit. Partir de rien - retourner à rien. Ce centre inconnu. Arrivée au bout du peu que je suis.
Plus loin, Thérèse note, de sa chambre d'hôpital: Je vis entre deux soleils au raz de la terre et sous un soleil au haut du ciel, éclatant, au-dessus de ma tête. Le ciel sillonné d'hirondelles. Et surtout, surtout, montant du jardin, le chant du merle quand nous sommes seuls les deux, tôt le matin, tard le soir. Il a chanté tard hier soir - ce matin dès quatre heures et demie. Ce merle que j'ai rencontré et qui a chanté - pour moi? - à deux mètres de moi, à hauteur de visage, à la dernière heure avant ma claustration. Surprise, j'ai dit à voix haute "ah, tu es là". Il n'a pas fui, a continué de chanter.
Bouleversants enfin, ses derniers mots, malgré la mémoire bousculée, la fatigue, la distance qui s'étire et qui marche: Dès aujourd'hui je vis par le sang des autres. J'ai promené ma petite mort à travers champs. Qu'elle en a vu, de belles choses. Et mes chants? Elle les a entendus. Etonnée, la mort, d'être invitée par la vie. Ravie.
Et je m'arrête ici, car le texte tout entier pourrait être cité: travail de dépouillement et d'effacement, confrontation à l'ombre folle, attitude face à l'inéluctable, mais surtout: un chant du monde et de l'amitié que vous n'oublierez pas de sitôt...
Lisez Thérèse Houyoux qui se décrit comme une chambre douce et vaste où vous êtes tous invités! Malgré sa gravité, ce texte respire d'une tendresse que je n'ai pas reconnue en littérature depuis bien longtemps...
Thérèse Houyoux, La petite moureuse - précédé d'une introduction de Yves Berger et Alexandre Loye, et suivi d'une postface de Denise Mützenberg (Samizdat, 2013)
00:04 Écrit par Claude Amstutz dans Bloc-Notes, Littérature francophone, Littérature suisse | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; carnets; poésie; livres | | Imprimer | Facebook |
21/10/2013
Chloe Hooper
Bloc-Notes, 21 octobre / Les Saules
Fiançailles, le troisième livre de Chloe Hooper traduit en langue française, se décline en trois journées, autour desquelles Liese Campbell, employée dans une agence immobilière en Australie, venue d'Angleterre, accepte l'invitation d'Alexander Colquhoun, un client de l'agence: passer un week-end prolongé avec lui, rémunéré par ce dernier et lui permettant de réduire ses dettes, avant de s'en retourner au pays. Une relation trouble qui, nous apprend Liese, a été ébauchée par des jeux érotiques avec ce même Alexandre - rémunérés eux aussi - au gré d'appartements visités avec lui, dans le cadre de son travail.
Présenté ainsi en quelques lignes, les mauvaises langues diront que c'est le scénario idéal d'un roman érotique à la mode de Erika Leonard James qui, dans ce registre, connaît un immense succès en librairie. Or, il n'en est rien, et les amateurs du genre auront déboursé 23 euros en pure perte. Au contraire, la comparaison avec les meilleurs romans de Patricia Highsmith - dont Ce mal étrange, proche de Fiançailles par son atmosphère - est beaucoup plus pertinente.
Un jeu de rôle seulement, entre Liese qui s'invente un passé sulfureux, et Alexandre qui lui offre une bague de fiançailles, au cours de ces trois jours? Pas sûr, car au-delà d'une attirance sexuelle réciproque, Chloe Hooper nous tend le miroir trompeur de l'imaginaire capable d'inspirer les mécanismes souterrains du désir: un pouvoir qui transcende le réel mais peut de même s'abîmer dans le malaise ou l'effroi, quand la mythologie devient plus plausible que la réalité et que le jeu se substitue à la vraie vie.
Est-ce que tout le monde a une pièce privée dans sa tête? On y entre et on ferme la porte derrière soi. Il peut se passer n'importe quoi, personne ne vous voit. Vous pouvez faire ce que vous voulez, et même le refaire; vous pouvez passer la scène au ralenti ou en accéléré jusqu'à ce que chaque seconde se mette à rayonner, comme électrifiée...
Au fil de ce récit où Liese semble perdre ses repères, entre une vérité trompeuse et une fantaisie plus vraie que nature, une correspondance anonyme adressée à Alexandre, apprend à ce dernier les épisodes les plus embarrassants de son passé de... prostituée. Qui donc la connaît à ce point et veut lui nuire? A moins qu'Alexandre en soit inexplicablement l'auteur, ravi que, fou d'amour pour elle, il puisse endosser l'habit du rédempteur magnanime qui l'arrache à sa vie de débauche? J'étais dans la pièce qui se trouvait à l'intérieur de sa tête et lui il avait fermé la porte à clé.
Construit tel un roman policier, le suspense est entretenu jusqu'à la dernière partie de Fiançailles où, lors d'un repas devant sceller leur union, apparaît Annabel, la soeur d'Alexandre, la réminiscence de la mère aimée - morte, peut-être? - et l'étrange révérend Graeme Smythe. Au cours de cette fête, le conte un peu pervers échafaudé par Liese et Alexandre volera en éclats. Fini de jouer! pourrait-on dire, mais pour lequel de ces deux protagonistes? Vous le découvrirez en lisant cette histoire insolite qui baigne dans une ambiance où s'insinue progressivement un sentiment aigu de claustrophobie: Chaque fois que je me retournais, j'avais l'impression que quelque chose se déplaçait à la périphérie de mon champ de vision. C'était un mélange entre la poussière et l'idée de me savoir prise au piège de cet endroit, là où la maison était la plus froide et la plus humide. Je ne pouvais le supporter et je m'agitais comme un oiseau qui vient se cogner aux vitres alors qu'il essaie de sortir.
Le titre original en langue anglaise - The Engagement - joue mieux que le titre français sur l'ambiguïté de la relation entre Liese et Alexandre: S'engager y signifie se fiancer bien sûr, mais aussi exécuter un travail, combattre quelque chose ou quelqu'un, louer les services d'une personne, concrétiser une promesse, Fiançailles étant tout cela, à la fois, même si, en filigrane, il met crûment en évidence le manque d'amour, au nom duquel la raison n'a pas nécessairement le dernier mot.
De Chloe Hooper, australienne née en 1973, ont déjà paru auprès du même éditeur, Un vrai crime pour livre d'enfant (un roman, en 2002) et Grand homme (un essai, en 2009).
Chloe Hooper, Fiançailles (Bourgois, 2013)
traduit de l'anglais (Australie) par Florence Cabaret
Patricia Highsmith, Ce mal étrange (coll. Livre de poche/LGF, 2000)
Erika Leonard James, Cinquante nuances de Grey (Lattès, 2012)
18:00 Écrit par Claude Amstutz dans Bloc-Notes, Littérature étrangère | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; roman; livres | | Imprimer | Facebook |
17/10/2013
Kim Thuy
Bloc-Notes, 17 octobre / Les Saules
Si vous avez aimé le premier livre de Kim Thuy, Ru - paru chez le même éditeur en 2010, et présenté dans ces colonnes - vous tomberez à nouveau sous le charme de son nouveau livre, Man, écrit à la première personne. Parcours d'une femme qui a choisi de toujours rester debout, et qui, évoquant le visage de sa mère restée au Vietnam, nous parle de sa terre en guerre et de sa nouvelle patrie, le Canada - conquise à la faveur d'un mariage arrangé - à travers des retours en arrière, des anecdotes, des différences de coutumes, de langages ou de comportements entre les deux pays, montrés tels des estampes délicates au lecteur attentif: récit d'un déracinement et d'une quête identitaire où la joie se mêle à la tristesse sans jamais sombrer dans la sociologie populaire ou les clichés: Peut-être parce que nous acceptons les choses telles qu'elles sont, telles qu'elles nous arrivent, sans jamais questionner le pourquoi ni le comment.
Tenant un restaurant, la cuisine est l'un des ressorts importants dont elle dispose pour cerner l'espace de sa mémoire qui la relie à sa terre des origines: L'un des clients était originaire de Rach Gia, une ville côtière où l'on a inventé une soupe-repas au poisson poché avec des vermicelles, rehaussée de porc et de crevettes caramélisées dans les oeufs de crevettes. Des larmes ont coulé sur sa joue lorsque j'ai arrosé son bol d'une petite cueillerée d'ail mariné au vinaigre. En mangeant cette soupe, il m'a susurré qu'il avait goûté sa terre, la terre où il avait grandi, où il était aimé.
Préparée au bonheur - assimilé à la protection, au bien-être, à la sécurité - davantage qu'à l'amour, la première partie du récit de Man peut se résumer ainsi: Je m'appelle Man, ce qui veut dire "parfaitement comblée" ou "qu'il ne reste plus rien à désirer", ou "que tous les voeux ont été exaucés". Je ne peux rien demander de plus, car mon nom m'impose cet état de satisfaction et d'assouvissement. Contrairement à la Jeanne de Maupassant, qui rêvait de saisir tous les bonheurs de la vie à sa sortie du couvent, j'ai grandi sans rêver.
Mais Man est aussi l'histoire d'un apprentissage, d'une libération intérieure et d'un accomplissement dont je vous laisse le soin de découvrir les contours. Nous baladant de Saïgon à Montréal en passant par Paris, l'écriture de Kim Thuy est sensuelle, poétique et tendre, même si son propos demeure grave, douloureux sous une apparente frivolité.
Kim Thuy est née en 1968 à Saigon, la capitale du Sud du Vietnam qui est devenue Hô Chi Minh Ville. Elle a quitté le pays avec d’autres boat people à l’âge de 10 ans, pour se retrouver dans un sordide campement de réfugiés en Malaisie. C'est le Québec qui a fini par l'accueillir. Elle y vit depuis trente ans, mère de deux enfants maintenant, et est retournée plusieurs fois au Vietnam. Son parcours est quelque peu atypique. En effet, elle a été couturière, interprète, avocate, restauratrice, chroniqueuse culinaire avant de devenir écrivain en langue française...
Sur La scie rêveuse - dans Morceaux choisis - vous pouvez découvrir un extrait de son dernier livre.
Kim Thuy, Man (Liana Levi, 2013)
Kim Thuy, Ru (coll. Piccolo/Liana Levi, 2011)
07:33 Écrit par Claude Amstutz dans Bloc-Notes, Littérature francophone | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; récit; livres | | Imprimer | Facebook |