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31/01/2015

La citation du jour

Siri Hustvedt 

citations; livres

Certains d'entre nous sont destinés à vivre dans une case dont il n'est de libération que temporaire. Nous autres aux esprits endigués, aux sentiments entravés, aux coeurs arrêtés et aux pensées réprimées, nous qui aspirons à exploser, à déborder en un torrent de rage ou de joie ou même de folie, nous n'avons nulle part où aller, nulle part au monde parce que nul ne veut de nous tels que nous sommes, et il n'y a rien d'autre à faire qu'embrasser les plaisirs secrets de nos sublimations, l'arc d'une phrase, le baiser d'une rime, l'image qui prend forme sur le papier ou la toile, la cantate intérieure, la broderie cloîtrée, le travail d'aiguille sombre ou rêveur venu de l'enfer ou du ciel ou du purgatoire ou d'aucun des trois, mais il faut que viennent de nous quelque bruit ou quelque fureur, quelques éclats de cymbales dans le vide.

Siri Hustvedt, Un été sans les hommes (Actes Sud, 2011)

00:00 Écrit par Claude Amstutz dans La citation du jour, Littérature étrangère | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : citations; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

30/01/2015

Morceaux choisis - Alain Jouffroy

Alain Jouffroy

littérature; poésie; anthologie; livres

A toi la stupeur immobile de ma joie
Mon sourire de marbre blanc
Mon regard lavé dans la source du sous-bois
A toi mes mains de ville ouverte
A toi mes genoux d'écureuil
A toi ma voix la plus lointaine
A toi tout ce qui tisse nuit et jour à travers moi
A toi la lagune où nous nous sommes connus
A toi les revenants du soleil
A toi ces palais de lilas dans nos yeux
A toi tout ce qui est tout
Ce qui change
A toi
L'explosion de la perle au coeur de l'oiseau noir
 

Alain Jouffroy,  A toi, dans: C'est aujourd'hui toujours - 1947/1998 (coll. Poésie/Gallimard, 2005)

image: Alexandra Grecco (www.dejeunesgensmodernes.com)

00:09 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone, Morceaux choisis | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; poésie; anthologie; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

29/01/2015

La musique sur FB - 2213 G.P.Telemann

Georg Philip Telemann

Sonata in G minor

III. Adagio

IV. Allegro

 

Yoko Kawakubo, Myriam Rignol 

Julien Wolfs

(Ensemble Les Timbres)


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28/01/2015

Le poème de la semaine

Louis Aragon

 

Celui qui croyait au ciel

Celui qui n'y croyait pas

Tous deux adoraient la belle

Prisonnière des soldats

Lequel montait à l'échelle

Et lequel guettait en bas

Celui qui croyait au ciel

Celui qui n'y croyait pas

Qu'importe comment s'appelle

Cette clarté sur leur pas

Que l'un fut de la chapelle

Et l'autre s'y dérobât

Celui qui croyait au ciel

Celui qui n'y croyait pas

Tous les deux étaient fidèles

Des lèvres du coeur des bras

Et tous les deux disaient qu'elle

Vive et qui vivra verra

Celui qui croyait au ciel

Celui qui n'y croyait pas

Quand les blés sont sous la grêle

Fou qui fait le délicat

Fou qui songe à ses querelles

Au coeur du commun combat

Celui qui croyait au ciel

Celui qui n'y croyait pas

Du haut de la citadelle

La sentinelle tira

Par deux fois et l'un chancelle

L'autre tombe qui mourra

Celui qui croyait au ciel

Celui qui n'y croyait pas

Ils sont en prison Lequel

A le plus triste grabat

Lequel plus que l'autre gèle

Lequel préfère les rats

Celui qui croyait au ciel

Celui qui n'y croyait pas

Un rebelle est un rebelle

Nos sanglots font un seul glas

Et quand vient l'aube cruelle

Passent de vie à trépas

Celui qui croyait au ciel

Celui qui n'y croyait pas

Répétant le nom de celle

Qu'aucun des deux ne trompa

Et leur sang rouge ruisselle

Même couleur même éclat

Celui qui croyait au ciel

Celui qui n'y croyait pas

Il coule, il coule, il se mêle

À la terre qu'il aima

Pour qu'à la saison nouvelle

Mûrisse un raisin muscat

Celui qui croyait au ciel

Celui qui n'y croyait pas

L'un court et l'autre a des ailes

De Bretagne ou du Jura

Et framboise ou mirabelle

Le grillon rechantera

Dites flûte ou violoncelle

Le double amour qui brûla

L'alouette et l'hirondelle

La rose et le réséda

 

 

Quelques traces de craie dans le ciel,

Anthologie poétique francophone du XXe siècle

23:10 Écrit par Claude Amstutz dans Louis Aragon, Quelques traces de craie dans le ciel - Anth | Lien permanent | Commentaires (0) | |  Imprimer |  Facebook | | |

La citation du jour

Sylvie Germain

329_germain06.jpg

Elle est la peau du temps; du temps qui passe et glisse et disparaît, et sans cesse s'avance dans la clarté du jour, et sans cesse s'efface dans l'ombre, dans la brume, s'enfonce dans la nuit puis resurgit au jour. Elle est le mystérieux frisson qui parcourt la peau du temps, la fait trembler. Un frisson de fatigue, d'émoi, de tendresse ou de peine. Mais jamais de colère. Non, jamais lors de ses apparitions, il n'y eut en elle, autour d'elle, la moindre vibration de violence. Elle est la peau du temps, du temps des hommes. La tendre et vulnérable peau du visage et du corps des humains. La peau du coeur humain. Elle est l'infiniment doux frisson de compassion qui parcourt cette peau vaste comme le monde et longue comme l'histoire. Peut-être est-elle l'écho lointain de la pitié de Dieu. Cette pitié immense, immense et incessante qui parcourt le monde en suppliant qu'on la reçoive, qu'on écoute sa plainte. Cette pitié manante qui traverse l'histoire en boitant sous le fracas sans cesse recommencé des guerres, des crimes, de tout le sang versé. Mais on la chasse de partout, on ne sait qu'alourdir le poids de sa douleur, le poids de l'ombre et du sang et des larmes dans les plis de sa robe en haillons. Elle ne se lasse cependant pas d'en appeler à chacun, à tous.

Sylvie Germain, La pleurante des rues de Prague (Gallimard, 1992)

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27/01/2015

La musique sur FB - 2212 F.Chopin

Frédéric Chopin

The Nocturnes - Complete

Op 9 - 15 - 27 - 32 - 37 - 48 - 55 - 62 - 72 - Posth

 

Maria Joao Pires

pour Charline K et Dominique B


03:51 Écrit par Claude Amstutz dans Frédéric Chopin, La musique sur Facebook, Maria Joao Pires, Musique classique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : musique classique; facebook | |  Imprimer |  Facebook | | |

Morceaux choisis - Pierre Reverdy

Pierre Reverdy

littérature; poésie; livres

Il marchait au milieu du ciel les yeux baissés et les autres passants le regardèrent. Un peu plus bas, aux fenêtres, les têtes pendaient. Et les formes blanches qu'avaient laissées la lune, la nuit passée, se ranimèrent. La foule criait; au moins tous ceux qui s'étaient reconnus. On emportait le jour par morceaux dans toutes les rues de la ville. Et les cheveux du vent, mêlés au flot des gens et des voitures, s'engouffraient entre les murs et se nouaient. Tout le monde courait sans savoir où. Les pavés attachaient les regards. La terre. Le jour entrait parfois sans ressortir. Le mouvement s'étendait jusqu'aux fossés, qui bordaient les dernières maisons et, au-delà, on retrouvait le terrain plat. Le calme. Des ombres immobiles. Et le soleil reprenait partout sa place, sans qu'on puisse le toucher ni le prendre, au gré de son désir.

Pierre Reverdy, Main d'oeuvre / Poèmes 1913 - 1949 (Mercure de France, 1949)

image: Herculaneum, Campanie - Italie (katbrakatjamb.blogspot.com)

00:16 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone, Morceaux choisis | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; poésie; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

26/01/2015

La musique sur FB - 2211 G.Verdi

Giuseppe Verdi

La Traviata

"E strano! E strano!"

 

Maria Callas, Francesco Albanese

Ugo Savarese

Orchestra Sinfonica Di Torino

Della Rai Coro Cetra

Gabriele Santini


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25/01/2015

Morceaux choisis - Annie François

Annie François

Ane.jpg

Par rapport au fracas du journal (dont chaque page tournée perce le silence comme un coup de tonnerre), le livre est discret. Et pourtant, il se fait entendre: que d'un majeur impatient on cherche sa page, que d'un coup de pouce on le ventile, le livre tempête, fredonne ou gazouille. Chacun est un instrument singulier qui résonne différemment sous les doigts de l'interprète. De la flûte de la Pléiade au basson du Petit Robert, son timbre est plus ou moins mélodique selon l'inspiration de l'instrumentaliste. L'analogie a ses limites: Bouquin, quand on l'effeuille lourdement, émet un brave bruit de boue bovine qui, bien que pastoral, n'a rien de symphonique. J'aime sa ruralité.

Il est doux de faire chanter les livres, à condition de jouer en solo, car l'imperceptible mais très régulier chuintement de la page tournée par un autre peut relever du supplice de la goutte d'eau, surtout quand les doigts s'attardent entre deux feuillets, les phalangent glissant sur la tranche, interminable prélude au petit fluip du basculement sur la page paire. Plus le papier est fin, plus le supplice est cruel puisque le lecteur, soucieux de ne tourner qu'un feuillet, revérifie: crissement de soie. On tuerait à moins.

Tout fait musique dans le livre, pour peu qu'on ait l'oreille: le dos d'un volume cousu émet, quand on l'ouvre, d'imperceptibles pétillances, celui d'un vieux livre de poche un sinistre craquement qui amorçe l'effeuillage; le grain du papier feule et la couverture vibre sous les doigts de l'impatient. Mais le plus beau des bruits est celui des pages non massicotées que l'on coupe. Un jour, une adolescente me voyant oeuvrer dans le métro, chuchota, indignée, à son petit ami: Au prix qu'c'est, c't'incroyable qu'zaient encore des défauts. Ignorant que l'exception d'aujourd'hui était hier presque la règle, elle mésestimait le plaisir et les querelles et les différentes écoles et les instruments de cette activité somptueuse: couper avec ou sans peluche - dite barbe - au fil de la lecture ou par avance. D'aucuns recyclent un vieux couteau très affûté.

Pour ma part, impétinente adepte de la peluche, j'utilise soit un ticket de métro (papier contre papier), soit un bambou poncé et patiné (bois contre papier), soit le côté non tranchant d'un petit couteau archaïque et ébréché, mais j'aime moins l'alliance métal-papier. En fait, qu'importe l'instrument si la peluche est légèrement bouclée, duveteuse, futur piège à poussière ...

*

Je ne veux plus lire. Tous ces personnages, ces bêtes, ces nuages, ces drames, ces paysages, ces aventures sordides ou magnifiques me suffoquent. Pourquoi ces histoires de substitution, ces voyages de papier, ces ersatz de passion, de crime? Je veux vivre. Echapper à la tyrannie de leur fiction. 

(Allons, du calme. Tu n'as qu'à lire tous les Que sais-je, par exemple.)

Qu'est-ce que je fuis si frénétiquement en lisant? Qu'est-ce que je me dissimule? Quel vide je comble? Quelle incroyable vacuité m'habite où tourbillonnent des nuées de titres approximatifs, de noms d'auteur écorchés, de lambeaux de citations fautives, où se catapultent des météores de références d'ouvrages à acheter? Assez. 

(Oui, assez. Assez d'enflure et d'emphase. Il y a des gens très normaux qui lisent vingt bouquins par semaine - et s'en souviennent - sans en faire tout un plat. Qu'est-ce que ce foin pour une petite overdose? Une semaine de sevrage dans le Massif central suffira: marcher tout le jour sur les traces de Stevenson (Voyage avec mon âne à travers les Cévennes, 193 pages) et danser la bourrée de nuit jusqu'à l'évanouissement pour résister à l'envie de lire avant de s'endormir. D'ailleurs, pourquoi employer les grands moyens? Tout concourt à ta guérison: le Divan s'est déjà exilé au profit de Dior; Compagnie est devenue une librairie non-fumeurs. La rente foncière et l'hygiénisme finiront par avoir raison de ta nausée, faute de nourriture.) 

Bien, récapitulons: qu'on me laisse mes yeux pour lire, mes mains pour tourner les pages et mes jambes pour courir les libraires. Et, par la même occasion, qu'on me laisse toute ma tête pour mesurer l'étendue de mon gâtisme. 

Annie François, Bouquiner - Autobiobibliographie (Coll. Points/Seuil, 2012)

00:05 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone, Morceaux choisis | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; essai; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

24/01/2015

La citation du jour

Lewis Carroll

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Alice était en train de se demander (dans la mesure du possible, car la chaleur qui régnait ce jour-là lui engourdissait quelque peu l'esprit) si le plaisir de tresser une guirlande de pâquerettes valait la peine de se lever pour aller cueillir les pâquerettes, quand soudain un Lapin Blanc aux yeux roses vint à passer auprès d'elle en courant. Il n'y avait là rien de particulièrement extraordinaire d'entendre le Lapin dire entre ses dents : "Oh, là là ! Oh, là là ! je vais être en retard !" (Lorsqu'elle y repensa par la suite, elle admit qu'elle eu dû s'en étonner, mais, sur le moment, cela lui parut tout à fait naturel) ; pourtant, quand le Lapin s'avisa de tirer de son gousset une montre, de consulter cette montre, puis de se remettre à courir de plus belle, Alice se dressa d'un bond, car l'idée lui était tout à coup venue qu'elle n'avait jamais vu de lapin pourvu d'un gousset, ou d'une montre à tirer de celui-ci. Brûlant de curiosité, elle s'élança à travers champs à la poursuite de l'animal, et elle eut la chance de le voir s'engouffrer dans un large terrier qui s'ouvrait sous la haie.

Lewis Carroll, Tout Alice (coll. GF/Flammarion, 2006)

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