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31/10/2014

Morceaux choisis - George Steiner

George Steiner 

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Dans les yeux d’un animal qui vous aime, il y a une compréhension, que nous n’avons pas, de la mort. Il y a dans les yeux de mon chien quelque chose qu’il comprend très bien; peut-être ce qu’il va m’arriver… Et quand je fais ma petite valise de voyage, il se met sous la table et il me regarde avec un regard de reproche inénarrable. C’est si beau de vivre avec un animal…

Je sais qu’il faudrait beaucoup aimer les êtres humains. Parfois je trouve ça très difficile.

George Steiner, Un long samedi – Entretiens avec Laure Adler, Flammarion, 2014)

11/07/2012

Morceaux choisis - George Steiner

George Steiner

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C'est dans et au travers de la musique que nous sommes le plus immédiatement en présence de cette énergie que la logique et la parole ne peuvent exprimer, mais qui n'en est pas moins parfaitement tangible, énergie de l'être qui communique à nos sens et à notre réflexion le peu que nous pouvons comprendre du mystère total de la vie. Je considère la musique comme la nomination de la nomination de la vie. Il s'agit, au-delà de toute spécificité liturgique ou théologique, d'un mouvement sacramentel.

Ce que tout être humain qu'émeut la musique, pour qui la musique est vivifiante, peut en dire ne relève que de la platitude. La musique signifie. Elle regorge de significations qui ne sauraient se traduire dans des structures logiques ni dans les mots. Dans la musique, la forme est le contenu, et le contenu la forme. La musique est en même temps cérébrale au degré le plus élevé - je répète que les énergies et les relations de formes qu'implique l'exécution d'un quatuor, les interactions entre voix et instrument, font partie des faits les plus complexes auxquels l'homme ait à faire face - et en même temps somatique, charnelle, à la recherche de résonances dans notre corps situées à des niveaux plus profonds que la volonté ou la conscience. 

George Steiner, Réelles présences - Les arts du sens (coll. Folio Essais/Gallimard, 1994)

16/03/2012

George Steiner

9782070126927.gifGeorge Steiner, Lectures - Chroniques du New Yorker (Coll. Arcades/Gallimard, 2010)

Pour George Steiner, le plus grand privilège que l’on puisse avoir est d’aider à porter le courrier d’un grand artiste. Telle est la démarche entreprise avec cette anthologie consacrée à quelques personnages incontournables de notre siècle, tant le bonheur de lire et de transmettre transpire à chaque ligne de ces chroniques. Vous y croiserez Alexandre Soljenitsyne, Simone Weil, Bertholt Brecht, Paul Celan, Georges Orwell, mais plus insolite, l'histoire de Bébert (le chat de Louis-Ferdinand Céline) ou d'Anthony Blunt (historien d'art anglais et espion) parmi tant d'autres. Sans céder aux modes ou courants de pensée en vogue - à propos de E.M. Cioran ou Michel Foucault par exemple - il imprègne notre regard sur le monde de son étonnante clarté !

publié dans Le Passe Muraille no 82 - juin 2010

 

28/05/2010

George Steiner

Bloc-Notes, 28 mai / Les Saules

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Avec un certain retard sur le calendrier - la première parution, chez Albin Michel, remonte à 2003 - je découvre avec émerveillement et reconnaissance ces entretiens entre Cécile Ladjali et George Steiner. Un bon nombre des thèmes abordés ici, sont évoqués dans d'autres ouvrages de cet amoureux de la vie, de la littérature, de la philosophie, de la musique. Peu importe, car l'éclairage n'y est jamais tout à fait le même.

Tout ce qui est souligné dans ce livre bien modeste - 130 pages à peine - est essentiel à mes yeux: La tradition orale dans le drame et la poésie, la connaissance des langues étrangères, la vertu des classiques, l'importance du silence et plus que tout, la passion d'apprendre, de transmettre, de partager le savoir, avec honnêteté et clairvoyance.

Ces quelques passages peuvent nourrir notre réflexion, nous convaincre que tout n'est pas perdu et que l'espoir demeure:

Ce que vous avez appris par coeur change en vous et vous changez avec, pendant toute votre vie. Personne ne peut vous l'arracher. Parmi les salauds qui gouvernent notre monde, la police secrète, la brutalité des moeurs, la censure, ce que l'on posède par coeur nous appartient. C'est une des grandes possibilités de la liberté, de la résistance.

*

Je crois passionnément que chaque langue est une ouverture sur un monde totalement nouveau.

*

Que veut dire classique? Cela signifie strictement un texte inépuisable. On le relit, on le redit, on le réinterprète, et, tout à coup, il est presque toujours nouveau. (...) On reprend un grand moment de Dante, d'Homère, de Shakespeare, de Racine, et on se dit: "Mais oui, je connais ça par coeur" et je ne connais pas du tout; je n'avais pas compris. Cette puissance de renouveau est une des définitions du classique.

*

C'est celui qui murmure, qui balbutie, qui parle mal, qui jouit de la réputation d'être un honnête homme. (...) Mal parler, ça veut dire: voilà quelqu'un qui dit la vérité. A l'inverse, trop bien parler,c'est le symptôme même de la malhonnêteté. C'est une chose importante, et qui pourrait avoir des conséquences allant loin au-delà du contexte actuel.

*

Personne ne peut prédire quelles vont être les crises de déplacements de populations et de cultures entières. De cela pourrait surgir un oecuménisme de l'enchantement, c'est-à-dire une sorte de chance.

Avec un tel professeur, vous l'aurez compris, je n'aurais été sur mes bancs d'école, ni cancre, ni paresseux! Hélas...

George Steiner et Cécile Ladjali, Eloge de la transmission - Le maître et l'élève (Coll. Pluriel/Hachette, 2007)

29/03/2010

George Steiner - 1b

George Steiner

En complément au bloc-notes, voici un entretien exceptionnel accordé par George Steiner au magazine Philosophie, numéro 31:




00:10 Écrit par Claude Amstutz dans Documents et témoignages, George Steiner, Littérature étrangère | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : auteur; document; littérature | |  Imprimer |  Facebook | | |

George Steiner - 1a

Bloc-Notes, 29 mars / Les Saules

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Il me tient à coeur de vous présenter aujourd'hui un des plus grands esprits de notre temps, George Steiner. Son histoire, en elle-même, n'est déjà pas banale: Né dans une famille juive autrichienne en 1929, exilé en France pour échapper à l'antisémitisme qui régne à Vienne à cette époque, il quitte l'Europe avec sa famille en 1940, étudie au lycée français de New York, à l'université de Chicago et parachève ses études avec un doctorat à l'université d'Oxford. Enseignant au Williams College (dans le Massachusetts), à Innsbruck, Cambridge et Princeton, il devient professeur de littérature comparée à l'université de Genève, avec - entre autres - des cours mémorables consacrés à mon ami William Shakespeare! Son parcours - tout sauf classique - explique peut-être sa fascination pour la langue, la traduction, la culture - outre le grec et le latin, son éducation est marquée par l'allemand, le français et l'anglais - avec un ancrage dans la tradition juive, même s'il se déclare athée: le signe d'une conscience complexe, d'une réflexion sans concession, d'une approche de la pensée en perpétuel devenir, comme ces vieux arbres qui se déploient avec élégance, mais gagnent aussi en lumière, en simplicité pour l'oeil qui les guette, au fil du temps.

Parmi les textes d'une oeuvre considérable, certains méritent qu'on s'y arrête un instant: La nostalgie de l'absolu (où il interroge le sens des spiritualités pour l'homme moderne), Maîtres et disciples (consacré à l'éducation et à la transmission du savoir), Réelles présences (le miroir tendu entre le déclin possible du sens et l'appréciation de l'art), Le silence des livres (leur rapport à l'intolérance, à la fin, à la destruction). Je pourrais encore citer Après Babel et Les passions impunies - deux oeuvres majeures - mais d'une accessibilité plus délicate pour le commun des mortels dont je suis!

Tous les thèmes mentionnés jusqu'ici - auxquels j'ajoute la question du mal et de la Shoah, omniprésente dans toute sa démarche de penseur - sont évoqués dans les entretiens de George Steiner avec Antoine Spire, Barbarie de l'ignorance (plus de deux heures sur CD) diffusés sur France Culture en 1998. Il s'agit là, à mon sens, de la meilleure introduction à l'hommes et l'oeuvre, indissociables. J'y ajoute deux livres essentiels, Errata (une évocation des frémissements du monde, de l'histoire, de la pensée) et Les livres que je n'ai pas écrits (la proximité délicate entre la perception, la compréhension et la création), sans doute le texte le plus humain, le plus intime et lucide qu'il a écrit à ce jour.

Pour terminer, sachez que le propre des grands hommes - c'est leur immense qualité - est de nous surprendre, toujours. Ainsi, vient de paraître en librairie un choix de chroniques du New Yorker, publiées entre 1967 et 1997. Vous y croisez  Alexandre Soljenitsyne, Simone Weil, Bertolt Brecht, Paul Celan, Georges Orwell, mais plus insolite, l'histoire de Bébert (le chat de Louis-Ferdinand Céline) ou d'Anthony Blunt (historien d'art anglais et espion). De quoi s'instruire en s'amusant...

Bref: que du bonheur!

George Steiner, Lectures - chroniques du New Yorker (Coll. Arcades/Gallimard, 2010)

Georges Steiner, Barbarie de l'ignorance, 2 CD (France Culture, Radio France et Harmonia Mundi, 1998)