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30/05/2015

La citation du jour

Georges Perros

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On arrange et on compose les mots de tant de façons, mais comment arriverait-on à égaler une rose?

Georges Perros - Lexique (Calligrammes, 1981)

00:03 Écrit par Claude Amstutz dans Georges Perros, La citation du jour, Littérature francophone | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : citation; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

03/12/2014

Le poème de la semaine

Georges Perros

Les guerres n'est-ce pas
Ça éclate ça mobilise
Ça fait quitter son foyer
Les hommes trouvent normal 
D'aller à la guerre
Comme on va aux champignons
Les hommes ne sortiront jamais
De cette ornière
La guerre est un bail à renouveler
La guerre est devenue
La condition de la paix
La révolte de la sérénité.
 
Tant que les hommes sages
Diront oui
A la guerre
Où on les envoie
Sans qu'ils sachent très bien pourquoi
Tant que les hommes ne diront pas
Non
A ce goût qu'ils ont de l'aventure
Quand elle les rend plus amis
Qu'ils n'auraient jamais osé l'être
Dans la quotidienneté
Tant qu'on tuera des hommes
Comme on tue des puces, des moustiques,
En disant que c'est terrible, ces petites bêtes
De les tuer,
Tant que la passion d'être
Aura partie liée avec le meurtre
Tant qu'il y aura des comédiens
Qui joueront avec talent
Ce qui fut vécu
Ce qui le sera
Mais ce qui ne l'est jamais
Ce qui ne peut l'être
Pendant leur propre, leur pauvre existence
Tant que nous aurons besoin
De nous dédoubler, de nous divertir
D'apprendre avec émotion
Nostalgie
Culpabilité
Que des hommes meurent
Pour des raisons
Qui nous paraissent vraies
Incomparables
Et que nous en parlerons
Avec émotion
Frissons dans le dos
Un whisky-soda s'il vous plaît
Ce sera non.
 
La guerre entre les hommes
Est peut-être inévitable
Un mauvais rêve du bon Dieu
Tout le troupeau en uniforme
On y court tous comme des lapins
A la guerre.
 
Nous avons fini par comprendre
Que nous sommes tous colonisés
Que l'homme est une colonie
Apte à la liberté d'être
Qui commence
Par le partage du pain et du vin
Et si personne ne fait ce pain
N'écrase ce raisin
Eh bien nous apprendrons à faire
À écraser, à sulfater, à pétrir
Nous deviendrons des paysans
Ce que nous sommes tous
Malgré la citadineté
Qui nous enveloppe
comme des saucissons, des momies.
 
La terre n'en tournera pas moins
Comme une folle
Autour du fou par excellence
De ce sanglant dégoulinant
Qui sait si bien
Nous foutre mal au crâne
Et nous noircir la peau
De cet ivrogne dans l'azur
Qui fait mûrir
Qui fait pourrir
Qui dit le sec et le mouillé
Sur nos fronts partitions striés
Sans la moindre musique à l'intérieur
Rengaine où sanglote la source
Barques sur le dos
O nos révoltes grains de sable
Poussière dans le vent fané
Qui nous redira folle course
La joie farouche
Des chevaux du langage
Quand tout était encore tremblant
D'avoir liberté de mourir
Quand tout faisait encore semblant
De l'oublier dans un sourire
Les temps sont venus de la mort
De qui portes-tu le deuil, Terre,
Grosse de tant de cadavres
Que leur innocence a trompés
Mais dont l'âme flotte
En nos rêves
Nous ne pourrons jamais plus vivre
A marcher sur vos jeunes os
A piétiner votre colère
Nous ne pourrons jamais plus rire
Comme il faudrait de bas en haut
La glotte folle,
Avec cet ogre en nos poitrines
Qui nous ronge nous fend la peau
Allez
Car nous serons bientôt ensemble
Dans la bohème du caniveau
Nous fuirons en faisant la planche
Vers d'autres rêves d'autres feux
Autour desquels perdre nos rimes
Qui ne sont plus d'amour
Ni d'aise
Il est fondu, notre métal
Nous nous retrouverons bientôt.
 
Quelques traces de craie dans le ciel,
Anthologie poétique francophone du XXe siècle

 

08/01/2014

Le poème de la semaine

Georges Perros

merci à Maveric G

Ces envies de vivre qui me prennent 
Et cette panique, cette supplication
Cette peur de mourir
Alors que je n’ai pas encore vécu
Et que dans ces moments
J’ai ma vie sur ma langue
Il me semble que ça va être possible, enfin
Que je vais y aller d’une grande respiration
Que je vais avaler le soleil et la lune
Et la terre et le ciel et la mer
Et tous les hommes mes amis
Et toutes les femmes mes rêves
D’un seul grand coup
De poitrine éclatée
Quitte à en mourir, oui,
Mais pour de bon
Pas de cette mort ridicule
Déshonorante, inutile,
Qui accuse la parodie
Qui accuse le défaut
De ce qu’on appelle la vie
Sans trop savoir de quoi nous parlons.
 
On se renseigne auprès des autres
On leur pose des tas de questions
Avec cette hypocrisie de bonne société
On marque des points en silence
Ils souffrent autant que nous, tant mieux
On se dit même
Qu’on est un peu plus vivants qu’eux
O l’horreur
Et la fragilité
De nos amours.
 
 
Quelques traces de craie dans le ciel,
Anthologie poétique francophone du XXe siècle


13/01/2013

Morceaux choisis - Georges Perros

Georges Perros

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Dans la brousse de l’âme
Sur les pistes du cœur,
Dans la forêt des sens
Plus obscure que l’autre
Dans sa bruyante et clandestine
Multitude sauvage
A travers les images
Qui prennent l’air du rien
Quand il vente très haut
Dans le ciel du grand vide,
Prends ton sac, droit le dos,
Marche et rêve au pas vif
De qui n’est jamais las
D’aller où ne vont plus
Que quelques chers fantômes
Nous leur devons la vie
Nous doivent-ils leur mort
La parole s’éteint
Au rythme des relais
On se passe un témoin
Qui détient le secret
Au dernier homme de l’ouvrir
Quand plus personne devant lui
Pour délivrer le lourd message
Dont nous bégayons entre nous
Les aveuglantes évidences.
Les grecs en suçaient les deux bouts.
 

Georges Perros, Pour ainsi dire, dans: Collectif, Avec Georges Perros (coll. Encres/Recherches Exit, 1980) 

Image : Maison de Georges Perros (fr.wikipedia.org)

17:45 Écrit par Claude Amstutz dans Georges Perros, Littérature francophone, Morceaux choisis | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; poésie; anthologie; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

27/03/2012

La citation du jour

Georges Perros 

citations; livres

Je ne suis ni de droite ni de gauche. Je suis dans la merde. Ca ne porte pas toujours bonheur.

Georges Perros, Papiers collés III (Gallimard, 1978)

10:39 Écrit par Claude Amstutz dans Georges Perros, La citation du jour, Littérature francophone | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : citations; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

15/12/2011

Quentin Mouron

Bloc-Notes, 15 novembre / Les Saules

littérature; récit; livres

C'est dans l'air, ces phrases anodines, pour insinuer que tout a été dit, que tout a été écrit et qu'à ce bon compte, autant relire les textes fondateurs, les vieux classiques, les immortels, bref, ceux qui font l'unanimité ou presque. Pas d'embrouilles avec les amis de plume, les appréciations de style ou l'ordre des choses. Seulement voilà, je me sens un peu comme Georges Perros: dans L'occupation et autres textes, il note: Vous me conseillez quelquefois, pour me calmer, la lecture des Anciens. Oui, bien sûr. Mais je suis avec les vivants. Bon gré, mal gré. Plus loin, il ajoute: Bien écrire, ça ne veut rien dire. Aujourd'hui on ne peut souhaiter que la rupture totale. Ce n'est pas facile. Il ne faut pas le faire exprès, mais le vivre. Ce que j'aime chez un écrivain, c'est ce qui lui échappe.

Ce lien entre un auteur devenu ancien et un moderne, me saute aux yeux après avoir achevé la lecture de Au point d'effusion des égouts, premier roman formidable d'un jeune écrivain canado-suisse de 22 ans, Quentin Mouron, qui doit son titre à une phrase d'Antonin Artaud. Il nous entraîne dans un road movie à travers les States qui, dans la tête de ce découvreur à couteaux tirés avec la réalité, absorbe le quotidien, l'imaginaire des autres, les paysages à grande vitesse - on pense à Nord, d'un certain Louis-Ferdinand Céline - et cela avec une virtuosité de vieux baroudeur: J'avais fait en partant le pari fou de m'envoler. Depuis tout en bas du soleil. Me chauffer au point le plus élevé de la solitude, plus haut que le brouillard des foules - qu'une vie entière ne suffise pas à redescendre.

De Los Angeles à Las Vegas, en passant par Trona, la Death Valley et Beatty, il nous brosse un portrait souvent pathétique, terrifiant et sans fard de ses lieux de passage, dont Los Angeles, où tout a commencé: C'est la Cité des anges, c'est entendu. Mais des anges poussiéreux, noirs à l'os - et qui tombent à grosse grêle sur le dur des trottoirs. (...) C'est une poupée russe qui termine sur le vide. Un précipice vertigineux qu'on est forcé d'affronter quand on a pris la ville à bras et qu'on a fait jaillir tous ses spectacles les uns des autres - et qu'il ne nous reste dans la paume que le souvenir de l'illusion.

Quentin Mouron n'est pas plus tendre avec Pasadena - un petit satellite universitaire qui suit en moutonnant les révolutions qui lui échappent - ou Las Vegas: Des centaines d'hystéries qui se tissaient sous chaque enseigne, des pâmoisons. Je les voyais. Le long des rues. Titubant. (...) Les casinos sont des chapelles énormes, des variations de culte en l'honneur d'un même Dieu dans les pince-fesses saturés d'encens et de vapeurs de con. Les croyants ont toujours à vêpres une foi d'enfer et un moral de plomb. Il n'y a que le matin qu'ils pleurent un peu, quand ils ont des confettis dans les cheveux, et des petits miracles séchés au coin des yeux.

Dans ces décors un peu felliniens - entre Il Bidone et I Vitelloni - l'un des points culminants du roman se situe à Trona, un bled au milieu de nulle part - où à seize ans vous êtes trop vieux pour qu'on s'occupe de vous - concentré d'horreur, de désespoir et de féroce humour: L'église de Trona, c'est un bunker. Un cube de tôle. Une croix dessus. Aucun vitrail, aucune fenêtre! Qu'une très grande porte rouillée qui hurle sur ses gonds. Aucun parvis. De la poussière. Le milieu du désert. Au bord d'un lac séché depuis deux siècles. Le sable qui grimpe en haut des murs... Et des grillages autour... L'intimité des fidèles... Avec des barbelés! C'est pas à rire... Je n'y ai vu personne. Aucune messe. Aucun psaume. Un container rouillé - sans fenêtres, sans fidèles - sans bon Dieu. J'ai essayé d'imaginer le prêtre... S'il y croyait encore? Ce qu'il pouvait leur dire? L'audience? Quelques vieillards qui viennent prendre un ticket... Au cas où. (...) J'ai entendu dire qu'il avait volé la banderole d'un supermarché pour la coller sur la façade de l'église: ouvert le dimanche! Les fidèles sont revenus voir... On a déposé plainte. Il avait depuis tenté toutes sortes de ruses... Bénir les billets de loterie, les pick-up, les boîtes de conserve, la benzine! Un voisin l'a vu imposer les mains sur le jerricane d'un motard stoppé là par hasard.

L'accent se fait plus tendre, candide et lucide à la fois quand il évoque ses rencontres de passage dont Laura, touchant fil conducteur de ce périple défricheur qui ressemble  à une éducations sentimentale et le fait trébucher d'amour: Elle avait l'air d'un prisonnier qui tend le cou pour de l'air frais, et que la mer, même par temps gris, fascine et attire.  

Parti peut-être aux Etats-Unis pour ne jamais en revenir, comme beaucoup d'autres, il reviendra de son rêve américain au pays, meurtri, égaré, grandi, décrivant judicieusement le contraste entre la folie au loin et la sagesse ici; le parfum de liberté, de tolérance à l'originalité là-bas et le conformisme ambiant de sa patrie, dont il ne veut plus: J'ai perdu. Je suis rentré. D'un voyage c'est le retour qui vous claque à la gueule. Quand après avoir léché les grands ciels du bout du monde, vous tombez de l'avion - boum - au giron des familles. Vous vous apercevez que les visages n'ont pas changé, les mêmes rides, les rictus, le papier-peint de la cuisine... Les mêmes mots, les mêmes meubles, la moquette, les mêmes blagues. Le chat. Les odeurs. La cage jaune du canari. Les maladies. Et le carrelage fendu, les fissures, les mêmes bruits... Vous n'êtes plus certain de quand vous êtes parti, ni d'être vraiment parti. (...) Eux ne remarquent pas que leur réel n'a aucun sens pour nous. Précisément parce que ce qu'ils appellent réalité, n'en est qu'un répugnant flambeau, et que leur vie se situe dans un contournement de la vie même. (...) J'atteste que je n'irai pas embellir leurs égouts.

Avec ses musiques du bout du monde qui le font frissonner, Quentin Mouron, écorché vif bourré de talent et de sensibilité, me ramène à Georges Perros qui s'interrogeait sur le sens de la lecture et de l'écriture: Aimer la littérature, c'est être persuadé qu'il y a toujours une phrase écrite qui nous re-donnera le goût de vivre, si souvent en défaut à écouter les hommes. Soi-même, entre autres.

Qu'il s'en souvienne, Quentin Mouron! Il faut vraiment lire Au point d'effusion des égouts: vous n'en sortirez pas indemne ou blanchi, mais gonflé comme la voile d'un trois-mâts qui nous aspire vers un ailleurs possible et assouplit nos artères saturées de cholestérol... 

Quentin Mouron, Au point d'effusion des égouts (Olivier Morattel, 2011)

Georges Perros, L'occupation et autres textes (Joseph K, 1996)

images: Quentin Mouron et Georges Perros

littérature; récit; livres

12/11/2011

Actualité de la poésie 2/2

Bloc-Notes, 12 novembre / Les Saules

littérature; poésie; livres

Après avoir évoqué Yves Bonnefoy et Jean-Pierre Lemaire, c'est le poète grec Georges Séféris qui fait l'actualité avec Journal de bord, dont le texte original a paru dans sa version définitive en 1965, à Athènes. Chacun des trois recueils qui le composent est le reflet d'une épreuve subie, nous dit son traducteur, Vincent Barras: les prémices de la guerre (I), la guerre (II) et la crise chypriote (III). On pourrait citer tous les textes de cet ouvrage, tant la beauté de la langue nous entraîne dans le vertige de ses profondeurs: Rossignol timide, dans la respiration des feuilles, / toi qui offres la fraîcheur musicale du bois / aux corps séparés et aux âmes / de ceux qui savent qu'ils ne reviendront pas. / Voix aveugle, qui tâtonnes dans la mémoire surprise par la nuit / pas et gestes; je n'oserais dire baisers; / et l'amère tourmente de la captive effarouchée. Une pure merveille!

Deux anthologies de la poésie méritent aussi d'être citées dans ces colonnes. La première, intitulée Mon beau navire ô ma mémoire - Un siècle de poésie française - préfacée par Antoine Gallimard - célébre les 100 ans de la prestigieuse maison d'édition. Si le choix des auteurs s'avère assez classique, celui des textes est plus original. On y retrouve aussi certains écrivains injustement oubliés tels Edmond Jabès, Georges SchehadéJean-Philippe Salabreuil ou Georges Perros dont ce court extrait vaut à lui seul ce plaisir de lecture: Ferme les yeux pour mieux la voir / Celle qui blesse ton regard / Celle que tu nommes ta vie / Et qui ne te rendra ses billes / Qu'au bout du grand aveuglement / Qu'au bout de ce monde en dérive / Là-bas, dans le soleil levant.  

La seconde anthologie est très différente dans sa conception et son contenu. Avec des textes choisis par Albine Novarino-Pothier et que les photographies de Michel Maïofiss illustrent avec beaucoup de fraîcheur, Une année de poésie - 365 jours de bonheur permet de retrouver chaque jour de l'année un poème choisi au fil des siècles, en harmonie avec les saisons. Délibérément, me semble-t-il, certains auteurs ont été écartés - René Char par exemple ou Paul Eluard et Louis Aragon réduits à une discrète présence - alors que d'autres sont exhumés par de nombreux poèmes, tels Leconte de L'Isle, Théophile Gautier, Albert Samain, Emile Verhaeren, Maurice Fombeure, Francis CarcoPaul-Jean Toulet ou encore parmi tant d'autres, Anne de Noailles: Instant salubre et clair, ô fraîche renaissance, / Gai divertissement des guêpes sur le thym, / Tu écartes la mort, les ombres, le silence, / L'orage, la fatigue et la peur, cher matin... Une très belle anthologie - 52 euros, tout de même - et un objet séduisant à la hauteur de ces écrivains de tous les temps. Un livre de chevet à offrir - Noël est proche! - à tous les amoureux de poésie.

Enfin, pour en finir avec ce rapide survol de l'actualité poétique, voici un très court texte de Carl Jacob Burckhardt, Une matinée chez le libraire - Souvenirs de Rainer Maria Rilke. Cet auteur, qui naît à Bâle en 1891 et s'éteint à Genève en 1974, nous dévoile un fragment de la vie quotidienne du poète qu'il a rencontré à Paris en 1924, ainsi que des réflexions judicieuses de Rainer Maria Rilke sur la littérature, l'art poétique, la création: La limite est dans le fini, l'achevé, et tout ce qui vit vraiment a quelque chose d'exclusif. La nature a un terrible sens de la hiérarchie et l'hirondelle ne se commet pas avec le moineau. Seul l'homme abolit les frontières et estompe l'unicité des formes.

Comme vous pouvez le constater: la poésie est loin d'être moribonde. Et voilà bien la plus réjouissante - et peut-être la seule - des certitudes en cette fin d'année ordinaire...   

Georges Séféris, Journal de bord (Héros-Limite, 2011)

Collectif, Mon beau navire ô ma mémoire - Un siècle de poésie française (coll. Poésie/Gallimard, 2011)

Albine Novarino-Pothier et Michel Maïofiss, Une année de poésie - 365 jours de bonheur (Omnibus, 2011)

Carl Jacob Burckhardt, Une matinée chez le libraire - Souvenirs de Rainer Maria Rilke (L'Anabase, 2011) 

image: Rossignol philomèle (http://www.jbnature.com/oiseaux/rossignolphilomele)

28/01/2011

Devoir de vacances 3/3

Bloc-Notes, 28 janvier / Les Saules

auteurs; littérature; livres

Toute bibliothèque est un territoire sans interdits ni barrières ouvert à tous, parfois un champ de mines dans lequel les traces de pas imprudentes du propriétaire peuvent être lues, même à son insu. Le plus souvent, je pense à sa ressemblance avec un jardin de fleurs rares condamnées à mourir asphyxiées si elles ne sont pas partagées. Quand ses bourgeons font danser la lumière ou recomposent les nuances de l'ombre, alors c'est - au contraire - le reflet de la gratitude devant leur éclat passager qui lui confère ces imperceptibles mouvements pourvoyeurs de signes.

Il en va ainsi des livres comme de la flore: une reconnaissance muette envers ceux qui - amis, libraires, professeurs - ont su un jour ou l'autre, par leur recréation, m'inviter à découvrir un écrit qui a pris depuis lors place dans ma bibliothèque et qu'à mon tour je partage tel mon bien le plus intime et le plus précieux. Nombreux auteurs, au fil des ans, ont ainsi modulé cet espace du coeur en fragile équilibre entre le dehors et le dedans, surgis par magie ou par surprise: La divine comédie de Dante Alighieri, La chartreuse de Parme de H.B.StendhalPapiers collés de Georges Perros, Le partage de midi de Paul Claudel, Le festin nudeWilliam S. Burroughs ou Panique à la Scala de Dino Buzatti.

Certaines traces demeurent plus profondes que d'autres, telles la bibliothèque de ma mère. Si je ne goûte peu sa ferveur pour Gatsby le magnifique deFrancis Scott Fitzgerald, je lui dois ces eaux vives et fertiles que cristallisent Fédor Dostoievski dans Les frères Karamazov, Emily Brontë dans Les hauts de Hurlevent, Alexandre Dumas dans Le comte de Monte-Cristo, François Mauriac dans Thérèse Desqueyroux... Une bibliothèque dans laquelle j'ai puisé Emile Zola, Jules Vallès, A.J. Cronin, Daphné du Maurier et mêlés aux classiques  Les clés de Saint Pierre de Roger Peyrefitte ou La mer à boire de Michel de Saint Pierre - aujourd'hui oubliés - attestant une pensée indépendante et contestataire qu'elle n'a pas épanoui dans sa vie sociale, au pays vaudois des y en a point comme nous!

Une ultime image. Un après-midi de janvier, à Berne. Avec mon père et ma mère, nous partons en bicyclette. Direction: la Bibliothèque pour tous, à une dizaine de kilomètres de notre domicile.  Du haut de mes onze ans, j'observe le manège lié à notre abonnement autorisant l'emprunt de six livres par quinzaine, dont deux - obligatoires - ne sont pas des romans! Ce sont eux qui éveillent mon goût pour la lecture: Chopin ou le poète par Guy de Pourtalès et La vie passionnée d'Amedeo Modigliani par André Salmon

La première graine de bonheur annonçait le printemps...

01:05 Écrit par Claude Amstutz dans Bloc-Notes, François Mauriac, Georges Perros, H.B. dit Stendhal | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : auteurs; littérature; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

17/07/2010

Georges Perros 1b

Georges Perros

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Recopiez le lien ci-dessous pour découvrir un extrait du très beau documentaire réalisé par Jérôme Garcin dans le cadre de l'émission Boîte aux Lettres.

http://www.dailymotion.com/video/xbj6ic_georges-perros_creation

00:14 Écrit par Claude Amstutz dans Georges Perros, Littérature francophone | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; poésie; entretiens; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

Georges Perros 1a

Bloc-Notes, 17 juillet / Les Saules

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Georges Perros est un immense écrivain, malgré lui, pourrait-on dire, car cet homme atypique qui se tourne plutôt vers le piano et l'art dramatique dans sa jeunesse, doit aujourd'hui sa célébrité aux trois volumes de Papiers collés, recueil de notes, réflexions ou commentaires rédigés sur des bouts de papier, des tickets de métro, des boîtes d'allumettes ou les pages d'un livre, comme une petite blessure qui n'attend pas d'être cicatrisée.

Loué pour son style épuré, sa sensibilité peu commune et son regard lucide, parfois grinçant sur le monde qui l'entoure ou le parcourt, la rigueur, la liberté de ton et l'honnêteté de sa démarche poétique sont reconnaissables entre mille dans les cinq entretiens radiophoniques réalisés avec la complicité de Jean Daive, Jean-Marie Gibbal et Michèle Cohen en 1975 parus sous le titre Graver sur le mur du vent, où son oeuvre poétique est aussi évoquée, La vie ordinaire par exemple ou les Poèmes bleus:

Peut-être que le poème est le fragment de langage le plus utile à l'homme qui veut changer le monde. Peut-être. Aujourd'hui, c'est peut-être ça. Je ne sais pas.

J'écris à ras de ligne, dit Georges Perros, ou encore: Ecrire c'est rayer la vitre. Sur son prolongement - la lecture - il ajoute enfin: La lecture, c'est l'écriture remise en mouvement, en fait. (...) C'est un des fragments de l'écriture de l'auteur. (...) C'est pour ça que c'est passionnel. On ne peut pas lire sans passion.

Dans ce même livre, vous pouvez découvrir deux dessins, un poème et trois lettres - inédits - de Georges Perros, un texte de Michel Butor et un cahier de photographies signées par Jacqueline Salmon, le tout formant un objet précieux, propre aux éditeurs de poésie, inspirant un sentiment de gaieté, si chère à cet auteur qui, dans ma bibliothèque, est le voisin de René Char...

Georges Perros, Graver sur le mur du vent (Marcel Le Poney, distr. Actes Sud, 2010)

Georges Perros, Papiers collés I, II, III (coll. Imaginaire/Gallimard, 1989-1999)

00:14 Écrit par Claude Amstutz dans Bloc-Notes, Georges Perros, Littérature francophone | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; poésie; entretiens; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |