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03/04/2013

Le questionnaire Marcel Proust - 2/3

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Mes auteurs favoris en prose?

William Shakespeare (d'accord, c'est du théâtre, mais...), Thérèse d'Avila (et les autres auteurs de spiritualité carmélitaine), Bernard de Clairvaux, H.B. Stendhal, Emily Brontë, Albert Camus, Simone Weil, Marcel Proust, François Mauriac, puis: Fiodor Dostoievski, Alexandre Dumas, Erri de Luca, Mario Rigoni Stern, Charles-Albert Cingria, Gustave Roud, Georges Simenn et j'en oublie...

Mes poètes préférés?

Charles Baudelaire, Paul Verlaine, Dante Alighieri, Giacomo Leopardi, Pétrarque, Rainer-Maria Rilke, Ossip Mandelstam, Anna Akhmatova, Fernando Pessoa, Mahmoud Darwich, Emily Dickinson, René Char, Louis Aragon, Paul Eluard, Maurice Chappaz, Jean-Michel Maulpoix, Abdellatif Laâbi, les auteurs de la Bible, et tant d'autres...

Mes héros dans la fiction?

Heatcliff ("Les hauts de Hurlevent"), Edmond Dantès ("Le comte de Monte Cristo"), Prospero ("La tempête").

Mes héroïnes favorites dans la fiction?

Cathy ("Les hauts de Hurlevent"), Tatiana ("Le songe d'une nuit d'été"), puis la Tosca et Carmen.

Mes compositeurs préférés?

Wolfgang-Amadeus Mozart, Franz Liszt, Jean-Sébastien Bach, Franz Schubert, Gustav Mahler, Ludwig van Beethoven, Joseph Haydn, Frédéric Chopin, Serge Rachmaninov, Antonio Vivaldi, Robert Schumann, Hector Berlioz, Alexander Scriabin, Bela Bartok, John Coltrane et (pour la chanson...) Barbara. Et ceux qu'il est injuste de ne pas mentionner...

 

(à suivre)

15/01/2013

Morceaux choisis - Guido Ceronetti

Guido Ceronetti

littérature; essai; morceaux choisis; livres

Deux fois par jour, vers six heures du matin et cinq heures de l’après-midi, une tasse de thé répétée de Thé vert de Chine arrive, avec son infaillible vertu unitive, qui conforte, ressuscite, pour me remettre à flot et me préserver de toute espèce d’inertie, d’hébétude, d’abattement.

Messages clandestins, enveloppés de papier de riz, qui trouvent une oreille, de la Lumière.

Je ne suis pas un Oriental. Mes gestes rituels ne viennent pas des Maîtres; ils ressemblent plutôt à une habitude carcérale continuée au cours des années. Debout, toujours, près d’une fenêtre au rideau écarté… Mais de l’Orient orientant il me reste la confiance qu’à sortir de soi-même dans une juste mesure, et de façon coutumière, il n’y a rien de dangereux, et que voir, entendre et rencontrer des esprits n’est pas inquiétant.

Aussitôt descendu, l’Esprit du Thé commence à opérer. Légères pressions internes, acupunctures invisibles, déclics opportuns des organes sensoriels, sampans de petites lumières, silences soudainement colorés, une succession ponctuelle d’excitations qui vont de l’œil intérieur (qui est peut-être une oreille ou une main) le long des vertèbres déraidies au coccyx resurrecturus. Alors, dans l’obscurité, de nombreuses petites fenêtres redeviennent vivantes, et les mots ont moins de peine à retrouver leur origine dans les espaces éloignés. Paix du massage, racine du son, bonté du frottement secret. Regarder d’une pause d’union intime ce qui est désuni et déchiré est un moment dont la mort est absente. Faire reculer, fût-ce de très peu, la marge du fini qui éclaire pour bien des heures.

Dans la lutte pour s’opposer mentalement à ce qui est, dans le temps vérifiable comme une agression des ténèbres à laquelle rien ne s’oppose matériellement, sur des tablettes libératrices que le Thé aide à retrouver et à déchiffrer, j’apprends à ne pas abhorrer avec excès les ténèbres afin de ne pas détruire les quelques possibilités de pénétrer leur secret.

Sans des curiosités désespérées en mouvement continuel, le désespoir n’aurait pas de limites.

Le souffle du Thé s’insinue dans les angles morts, interroger des statues salies de boue ne l’épouvante pas. Dans les crevasses de l’aride il introduit quelques-unes de ses gouttes, il redonne figure à ce qui a perdu ses couleurs. En grattant les cachettes abandonnées, il en fait sortir quelques notes d’un ribab enchanté. Les pensées qui ne sont pas de moi deviennent les miennes avec beaucoup de facilité; les miennes, quiconque, s’il veut, peut les faire siennes, quel que soit son excitant, sans besoin d’un nom: la pensée ne prononce ni Tien ni Mien.

L’homme boit le Thé parce qu’il a peur de l’homme.

Le Thé boit l’homme, l’herbe la plus amère.

Guido Ceronetti, Préface à: Ce n’est pas l’homme qui boit le thé mais le thé qui boit l’homme (Albin Michel, 1991)

traduit de l’italien par André Maugé

image: c.fee.mains.over-blog.com

 

15/07/2012

Alberto Savinio

Bloc-Notes, 15 juillet / Genève

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Alberto Savinio demeure méconnu auprès du public de langue française. De son vrai nom Andrea Francesco Alberto de Chirico, il naît en 1891 à Athènes et s'éteint à Rome en 1952. Ecrivain, peintre et compositeur italien, il est aussi le frère cadet du peintre Giorgio de Chirico. Auteur d'une trentaine d'ouvrages - dont près de la moitié ont été traduits - citons La boîte à musique (Fayard), L'intensité dramatique de Leopardi (Allia), Apologie du dilettante précédé de Epigrammes de Lucien (Gallimard), Capitaine Ulysse (Bourgois) et enfin Ville j'écoute ton coeur (Gallimard) qui vient de paraître au début de cette année. 

Si un seul écrit devait attester de l'injustice faite à la ville de Milan - à laquelle sont toujours préférées Rome, Florence, Venise ou Naples - c'est bien celui-ci, même si à certains égards, ce tableau s'achève en 1943 et témoigne d'un passé révolu. Voyager avec Alberto Savinio s'avère aussi passionnant et instructif qu'en compagnie de Guido Ceronetti - en un autre temps - tout aussi méconnu que lui. Du Museo Poldi Pezzoli à la Pinacoteca di Brera, de la Scala de Milan à la maison rouge où vécut pendant une soixantaine d'années Alessandro Manzoni, c'est en quelque sorte une part infinie de tout le patrimoine et de l'âme italienne qui défile sous nos yeux: Giotto, Piero della Francesca, Gabriele D'Annunzio, Ambroise de Milan, Dante, Pétrarque ou Giuseppe Ungaretti parmi tant d'autres. Mais la qualité de son regard ne se borne pas qu'aux considérations artistiques ou historiques. C'est aussi la poésie et l'atmosphère de la ville qu'il nous restitue, par exemple devant le Dôme: Les mouvements de la foule sur cette place nette obéissaient à un ordre mystérieux, comme ces circuits qui font et défont les cristaux versicolores dans le rond mystérieux du kaléidoscope. Un noyau noir se formait au centre de la place, s'élargissait comme une rose qui s'ouvre à vue d'oeil, elle éclaboussait en étoile comme une tache d'encre mobile, puis se recomposait pour recommencer de nouveau à se décomposer; et ainsi jusqu'au soir, qui parfois tombait tout noir et sans lumière pour en contrecarrer l'obscurité.

Ailleurs, il consacre de superbes pages aux spécialités culinaires, à l'arbre des connaissances, aux poètes, à la pluie et au brouillard de Milan, ainsi qu'à la musique - voir les extraits déjà présentés dans Morceaux choisis, sur La scie rêveuse - dont Giuseppe Verdi - le Garibaldi de la musique - est la figure emblématique, évoquée surtout à travers Falstaff: Tandis que "Parsifal" est encore une peinture à l'huile, souvent de pâte opaque et étendue sur un gras enduit de craie et de colle, "Falstaff" est une détrempe au miel étendue en glacis sur un endroit compact et parfaitement lisse, une peinture sur marbre. A propos de la Traviata, il ose une approche insolite et pourtant fort pertinente: Pour mieux goûter, pour mieux comprendre les airs de "La Traviata", ces maigres papillons d'une soirée sans lendemain, il ne faut pas entendre "La Traviata" au théâtre, mais jouée par les orgues de Barbarie. Parce que "La Traviata" opère avec plus d'émotion dans le souvenir que dans le présent, et que l'orgue de Barbarie est le moulin des souvenirs; parce que l'orgue de Barbarie restitue cette musique de la tristesse citadine à son milieu naturel.

Dans ce merveilleux livre, aux côtés de Friedrich Nietzsche, Francesco Guardi et Isidora Duncan, vous ferez aussi halte à Venise, avant d'ouvrir votre fenêtre sur Padoue - les palmiers de Goethe - Sienne et Vicenza, ville pour promenades au soleil d'hiver. Entretemps Alberto Savinio vous aura invité à la mort de Richard Wagner, entraîné sur les pas de Tite-Live et éveillé à la freddura, dont je vous laisse découvrir la signification profonde au détour de ces pages.

Après la destruction de Milan - pages ajoutées par l'auteur - Alberto Savinio conclut: Je circule parmi les ruines de Milan. Pourquoi cette exaltation en moi? Je devrais être triste, au contraire je fourmille de joie. Je devrais ressasser des pensées de mort, et au contraire des pensées de vie me frappent au front, comme le souffle du plus pur et radieux matin. Pourquoi? Je sens que de cette mort naîtra une nouvelle vie. Je sens que de ces ruines surgira une ville plus forte, plus riche, plus belle. Ce fut alors, Milan, qu'en silence, entre moi et ton coeur, je te fis ma promesse. Revenir à toi. Clore en toi ma vie. Entre tes pierres, sous ton ciel, parmi tes jardins clos...

Ville j'écoute ton coeur est un ouvrage incontournable pour tout esprit curieux de l'intériorité italienne et de son art, outre une invitation à accepter de se laisser séduire par Milan, au plus vite!

Alberto Savinio, Ville j'écoute ton coeur (Gallimard, 2012)

image: Piazza Eleonora Duse, Milano (www.flickr.com)

15/05/2012

Morceaux choisis - Guido Ceronetti

Guido Ceronetti

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Aucune musique de grand compositeur (en dehors de l'orgue d'une église) ne peut avoir des effets psychologiques aussi forts, aussi tendres que, parfois, la plus pauvre des chansons, s'il y a la voix, la maison, la rue. La femme qui chante fait toujours partie du mystère érotique, le sien est un appel et une attente, c'est pourquoi il ensorcelle, il donne envie de monter les escaliers à la hâte et d'ouvrir la porte derrière laquelle la voix se cache. Mais nous parlons du passé, aussi bien en Orient qu'en Occident. Elles ont été assassinées et jetées dans des tas d'ordures, comme un butin invendable, les chansons...

Guido Ceronetti, La patience du brûlé (Albin Michel, 1995)

image: Florence (elisaorigami.blogspot.com)

27/11/2011

Planète Payot

Bloc-Notes, 27 novembre / Les Saules

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Dans la cadre de notre journal d'entreprise, Planète Payot - qui, à chaque numéro, donne la parole à l'un ou l'autre de ses collaborateurs - mon cher collègue de librairie, Thierry du Sordet, m'a sollicité pour recueillir, à deux mois de ma retraite professionnelle, les impressions que je retiens de mes expériences de bloggeur sur La scie rêveuse et Facebook. Il en résulte l'interview ci-dessous, que je vous livre en toute décontraction et simplicité. Conscient de n'être ni écrivain, ni critique littéraire - à chacun son métier ! - je m'efforce de partager une passion viscérale pour la littérature et la musique surtout, avec des amis attachants, sensibles et attentifs dont vous êtes, lecteurs, les passeurs indispensables. Rien de plus ...

Pourquoi un blog? Et avez-vous rencontré des difficultés techniques pour le réaliser?

Le blog est un lieu d'échanges extrêmement gratifiant, un espace de liberté partagée, de découvertes, de passions : celle de transmettre surtout, pour ne pas oublier. Sur le site qui héberge mon blog – le même que Jean-Louis Kuffer – l’utilisation est très facile pour un novice comme moi. Il faut juste être clair dans sa tête et rigoureux dans les styles de présentation propres aux différentes rubriques choisies. Seule la fonction recherche n’est pas au top, mais je fais avec !

Quels sont les liens que vous entretenez avec l'informatique?

Une philosophie très Mac : je ne cherche pas à comprendre comment ça marche. Je suis simplement content que ça marche ! L’aspect technique ne m'intéresse pas du tout et aurait plutôt tendance à m'exaspérer.

Vous avez switché pour Mac, êtes-vous toujours content de votre choix?

Oh oui! C'est le retour à mes premières amours: un apprentissage avec un petit Mac muni de disquettes ... L’approche est plus ludique, simple et intuitive pour ce qui touche mes activités, mais c’est avant toute chose une question d’affinités, car les différences s'estompent entre les systèmes d'exploitation actuels.

Quels sont les critères de choix de sujets sur votre blog? 

Il n’y a rien de prémédité et la formule a évolué avec le temps, depuis les débuts en décembre 2009. De simple critique de livres que j'ai pris plaisir à découvrir, au départ, est apparu plus tard le bloc-notes - présentation longue d’un livre ou fantaisie littéraire - le poème de la semaine - auteurs francophones du XXe siècle -, la citation du jour ou la rubrique In memoriam où je parle d’auteurs souvent oubliés, même dans nos librairies ! La scie rêveuse compte 680 notices littéraires environ, enrichies d’interviews, de vidéos, de films. Avec La musique sur FB, il s’ouvre depuis le début de cette année à la musique – classique - avec 210 extraits à ce jour.

Existe-t-il un type d'articles que vous aimez particulièrement? 

Ceux qui mettent en évidence les ambiguïtés et les contradictions de la vie, les confrontations avec la modernité, les certitudes, l’enracinement humain ou spirituel. Je l’ai fait avec La chute de Camus par exemple, Albergo Italia de Guido Ceronetti ou la Lettre à un jeune libraire

Vous lisez et relisez beaucoup. Comment trouvez-vous le temps d'être si régulier dans l'écriture d'articles?

Je dors (trop) peu… Et j’aime lire et écrire: dans le silence, la solitude et la distance qui me sont précieuses aujourd'hui. Ecrire est un plaisir et un besoin. Une manière comme une autre de conjurer la mort, de faire reculer l’oubli. 

Voyez-vous le blog comme un complément dans votre travail de libraire?

Je vais peut-être vous décevoir, mais non : ce n’est pas complémentaire. La démarche est autre, sans aucun souci commercial, sans contrainte ni compromis. Il y a en revanche des répercussions dans mon travail, intéressantes mais faibles en terme d’impact sur les ventes. La poésie par exemple, les classiques – Paul Valéry, François Mauriac, Jules Supervielle, Saint-John Perse ou Georges Perros - intéressent un nombre restreint de lecteurs en librairie, alors que sur La scie rêveuse ou Facebook c’est tout le contraire : ce sont les nouveautés qui souvent rencontrent un faible écho … Un signe d’espérance donc, qui émerge de ces voies nouvelles de communication !

Quand vous serez à la retraite, aurez-vous l'impression grâce à votre blog, de garder un pied dans le monde du livre?

Certainement, et même sans blog, ce serait le cas ! Je créerai en revanche de nouvelles rubriques avec une variante d’abécédaire où je partagerai mon ressenti personnel aux bruits du monde; une anthologie de la poésie étrangère contemporaine – déjà amorcée sur Facebook - verra le jour aussi; une place plus grande sera accordée aux classiques, probablement …

Vous êtes un contributeur régulier du Passe-Muraille - revue romande consacrée à la littérature - dont le rédacteur en chef est Jean-Louis Kuffer. Etes-vous dans la même démarche qu'avec votre blog? Rédigez-vous de la même façon?

Oui, c’est un espace culturel qui ne fait aucune concession aux modes. C’est devenu bien rare ! Dans le cas contraire, je n’aurais pas rejoint ce groupe de passionnés de tous âges qui ressemble à une seconde famille. Un seul regret : la non-diffusion du Passe Muraille en librairie, chez Payot Libraire entre autres… 

Quels sont les liens qui s'établissent entre les visiteurs du blog et vous. Certains vous retrouvent sur Facebook? 

Les échanges sont sensibles, spontanés, respectueux, parfois d'une simplicité bouleversante. Une seule règle d’or : je réponds toujours – en privé – à un commentaire. Le relais via Facebook est très gratifiant. Les réactions y sont en live, et prêtent parfois à polémique : à propos de Céline par exemple, du mime Lindsay Kemp ou d'Elie Wiesel !  

Les hébergeurs de blogs fournissent des outils pour analyser selon différents critères la fréquentation des blogs. Comment les utilisez-vous? 

Au plus simple. Je ne cherche pas à atteindre des records, mais à rester authentique, fidèle à mes convictions, à ma ligne de conduite. Tant pis si la fréquentation doit en souffrir ... 

Savez-vous combien de visiteurs consultent votre blog, pour un mois ou une semaine, par exemple? Savez-vous de quelles régions viennent ces derniers?

Les visites sont environ de 5'200 à 6'200 par mois – 190 par jour en moyenne – pour 11'000 à 17'000 pages consultées par mois. Les liens sont culturellement très forts avec la France, la Suisse, l’Italie, la Grèce, le Canada et l’Afrique du Nord.  

A l'ère de la blogosphère, pensez-vous que la multiplication des blogs est un avantage pour l'individu qui peut ainsi partager sa passion pour un ou plusieurs sujets, ou bien au contraire cette multitude réduit-elle la portée de partage en augmentant les plateformes, sources d'informations ou de partage?

C’est une richesse partagée – les blogs sur Facebook surtout - mais elle peut devenir une prison. On ne peut suivre les activités de tout le monde. Je me fixe une limite de temps de fréquentation par jour : 30 minutes ! Certains bloggeurs sont devenus des amis de cœur, sincèrement. Le contraire du virtuel ou de la diabolisation dont nous abreuve régulièrement la presse …

Comment filtrez-vous les commentaires, que ce soit sur votre blog ou sur votre page Facebook?

Pas de filtre sur Facebook. En revanche, sur La scie rêveuse je n’accepte pas les commentaires hors de propos ou insultants – cela arrive rarement, mais tout de même – détestant les débats à la manière du blog de Pierre Assouline où après 15 avis ou commentaires, il n’y a plus aucun rapport au sujet.

Vous partez à la retraite au mois de février ...

A cette date, j’ouvrirai pour une semaine la porte de mon blog à quelques coups de cœur de mes collègues de Payot Nyon, une façon de les remercier pour leur amitié et leur défense de la littérature, même si, comme le dit Marco Lodoli – dans Les prétendants - nous ne sommes après tout que du vent sur une page !

Marco Lodoli, Les prétendants: La Nuit - Le Vent - Les Fleurs (P.O.L., 2011)

le blog de Thierry du Sordet: http://strictnecessaireouquestce.blogspot.com/

image: Thierry du Sordet, libraire - Payot Nyon

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18/09/2011

Guido Ceronetti 2/2

Bloc-Notes, 18 septembre / Les Saules 

littérature; essai; livres

Après avoir déjà publié un extrait de La patience du brûlé - dans la rubrique La citation du jour - je vous partage ci-dessous avec beaucoup de plaisir quelques facettes de Guido Ceronetti, glânées au fil d'une lecture jubilatoire:

 

La compassion pour le genre humain, que pourrais-je chercher d'autre? Le destin de l'humanité est en bonnes mains: sanguinaires, crétins, paranoïaques, universitaires, banquiers, tenanciers de tripots, médecins, optimistes, sous-traitants du crime, foreurs, pontifes; ils obéissent tous à un obscur, impénétrable maître. (p. 63)

*

Le livre est une nuit, le lecteur la lanterne, le porteur de lumière. La plupart des livres n'ont pas de belles endormies, ils n'ont pas de secret, ils servent à peu de choses, ils ont un usage limité et pratique; mais quelques-uns abritent le compagnon de la Vallée de l'Ombre; après les avoir lus, on les met là, pour les heures graves, pour les exercices de profondeur, et plus on les manie, plus on en comprend intimement quelque chose, moins on est seul, moins la mort sera dépourvue de mains qui nous orientent, avec sûreté, et qui veillent la peur. (p. 113-114)

*

Aucune musique de grand compositeur (en dehors de l'orgue d'une église) ne peut avoir des effets psychologiques aussi forts, aussi tendres que, parfois, la plus pauvre des chansons, s'il y a la voix, la maison, la rue. La femme qui chante fait toujours partie du mystère érotique, le sien est un appel et une attente, c'est pourquoi il ensorcelle, il donne envie de monter les escaliers à la hâte et d'ouvrir la porte derrière laquelle la voix se cache. Mais nous parlons du passé, aussi bien en Orient qu'en Occident. Elles ont été assassinées et jetées dans des tas d'ordures, comme un butin invendable, les chansons... (p. 165)

*

Un triste voile a recouvert les choses et ce n'est pas l'illusion fugitive d'une âme mélancolique: il y a quelque chose qui ressemble à une baisse d'imprégnation d'amour. On parle de tout d'une autre façon et si l'on n'apprend pas ce langage, notre prise sur le monde diminue. De quelle chose (une fenêtre, une arcade, une figure peinte, une femme, une idée...) parle-t-on encore, poussés par un attachement ému, par la passion de la profondeur, comme si on voulait la caresser en prononçant son nom, en poursuivant dans le langage le secret de sa manifestation? (p.167-168) 

*

La poésie, qui était obscure, est devenue plus obscure encore: elle craint que l'on ne comprenne trop bien qu'à travers elle quelqu'un a aimé, que des lieux et des noms vivants ont brûlé de passion... (p. 168)

* 

Je ne travaille pas, non, je ne fais absolument rien. Des envies de changement je n'en ai pas, je suis bien comme ça. Pour manger, une mouche par jour me suffit, et je pourrais même m'en passer. Je n'ai pas besoin de l'élever ni de l'attraper ni d'attendre qu'elle me tombe dans la bouche par hasard: une amie de la Caritas m'en laisse une chaque jour à sept heures, comme les laitières d'autrefois, vivante, sous un verre, près de ma clavicule. Son bourdonnement désespéré ne me réveille pas puisque je ne dors jamais, bien qu'il me soit facile de faire semblant de dormir, sans faire le moindre mouvement. Ce bourdonnement, au bout d'un moment, me fait pitié, il me rappelle trop les maisons, j'enfile une carte postale sous le verre et la mouche, reconnaissante, entre aussitôt dans ma bouche. Parfois je la reprends, je me la mets dans l'oeil et je la regarde vieillir. Une mouche, entre sept et dix-neuf heures, vieillit tellement qu'on peut la cracher sans la regretter. (p. 272)

*

J'ai aimé le mimosa, l'arbre du mimosa tout entier, dans sa brève floraison, j'aime toujours énormément les chrysanthèmes, que je dois m'acheter, personne ne m'offrirait de chrysanthèmes puisqu'une idée reçue d'une immense stupidité les associe honteusement à la mort et aux cimetières. (p. 276-277)

*

C'est un mal moderne: confier au livre tout ce que l'on a à répandre, en bien et en mal, de médiocre et de sublime. Même les plus crétins sentent la gravité de ce besoin et rêvent de publier, et quand ils y arrivent ils sont ivres comme la recrue qui, après la visite, croit avoir défloré le bordel. (p.337-338)

*

Colorés sont les poètes: Leopardi est rose pâle, Pétrarque blanc, Dante ocre, Montale jaune clairet comme un vin blanc, Campana est rouge et violet, Rimbaud est noir, Baudelaire or, Mallarmé vert et jaune, Valéry vert petit pois, Shakespeare est violet, Eschyle vert, Sophocle jaune, Pétrone est couleur de pourpre, Racine châtain clair... (p. 430)

*

J'ai l'impression d'être un pélerin sans pélerinage, un croisé sans croisade, une coque de bateau ensablé. (p. 452)

Guido Ceronetti, La patience du brûlé / Carnets de voyage 1983-1987 (Albin Michel, 1995)

Guido Ceronetti 1/2

Bloc-Notes, 18 septembre / Les Saules

littérature: essai; livres

Guido Ceronetti est un écrivain tout à fait inclassable. A la fois poète, philosophe, singulier observateur du monde qui l'entoure, laissant surgir - quand il se peut - les flammes de la passion qui l'interrogent à travers les siècles, il signe, avec La patience du brûlé, une variation sur les thèmes abordés dans Albergo Italia et Le voyage en Italie, introduisant cependant des éléments nouveaux recueillis au fil de ses vagabondages: fragments de journal, carnets, graffitis, citations, tout un ensemble de perceptions qui élargissent davantage encore son ouverture au monde. Celui des idées, des arts, des hommes avec des instantanés que jamais ne traverse l'indifférence. Avec quelle hâte on fait les livres, à présent! Leur première idée est déjà mise en page, la première édition est déjà la seconde, avant même qu'ils ne soient reliés, les principaux journaux en reçoivent par fax les pages les plus caressantes. Je jette un cri dans ce naufrage car je tiens à me distinguer, en me noyant.  

Une lecture superficielle tendrait à réduire Guido Ceronetti à un pessimiste grognon. Un peu facile car, de même que dans la plupart de ses autres oeuvres traduites en français - outre celles déjà citées: Le silence du corps, Ce n'est pas l'homme qui boit le thé mais le thé qui boit l'homme, Une poignée d'apparences, Le lorgnon mélancolique - on devrait plutôt parler d'un inquiet cherchant des traces d'amour dans l'art comme dans la vie, là où généralement, renouant avec un passé pas nécessairement lpintain, il n'y en a guère encore.

Ses impressions sur les villes d'Italie - Florence, Rome, Milan ou Bari - sont toujours aussi sévères: Ce n'est pas le smog qui perd les villes, qui les ronge, mais la haine. Généreux en revanche, il l'est pour Trévise et Urbino par exemple, dont il nous partage une vision bienheureuse: Ce que l'on voit du bourg par cette fenêtre équilibrée, arbres, briques anciennes bien disposées, tuiles rouges. Rien de sinistre, d'agressif, de brutalement matériel. (...) Les collines sortent du brouillard, plus belles encore vues à travers la grille. Paysage de peintres du XVIe, pour un instant, en fermant les yeux.

Au fil de ses carnets de voyage, toute sa passion souterraine émerge quand il évoque Eugenio Montale, Martin Heidegger, Egon Schiele. Deux portraits restent gravés dans ma mémoire: celui de Bernadette Soubirous et celui de Louis-Ferdinand Céline. Sur la première, il note: Chez Bernadette, il y a la sainteté profonde, la candeur absolue, une très haute qualité contemplative; elle fut un moyen de transmission authentique du divin, de sa vision jusqu'aux dernières gouttes de sa souffrance. A propos du second, j'apprécie l'angle de vue inhabituel: Céline a été le plus grand écrivain de notre époque, bien que les ténèbres aient été sur le point, entre 1937 et 1944, de l'engloutir et de le salir misérablement. L'attaque fut virulente, mais je vois, je reconnais dans son visage les années de Meudon la fatigue terrifiante d'un homme qui a traversé toutes les ténèbres en traînant derrière lui, dans une implorante boîte en fer-blanc, un peu de lumière sauvée, quelques éclats de pure compassion humaine. Sa faute sera, au Jugement, beaucoup plus légère que ce tabernacle roulant dans la nuit qu'il a endurée, et pour peu qu'il soit possible, vaincue.

Son état de révolte demeure terriblement présent face à la catastrophe de Tchernobyl ou l'impitoyable dégradation des vestiges de la mémoire: Je crie salauds, je m'en contrefous de votre Italie grande puissance industrielle qui plante des arbres de morts à travers le monde, une puissance imaginaire et vile, inventée par les délires des esclavagistes de la nécroéconomie! Ce que je ne peux pas supporter, c'est qu'à la place de cette péninsule qui dans la Méditerranée élevait des sanctuaires grecs étrusques chrétiens et gnostiques en les couvrant de mousses réparatrices, au bout d'un demi-siècle de paix aux frontières ne soit couché qu'un bourbier infect, de déshonneur et de crime.

Mais au coeur du scepticisme de Guido Ceronetti face à la modernité, quelques perles rares fondues au centre de l'homme, éclairent la route de sa clairvoyante émotion: Une silhouette de femme à San Marino dont la clarté persiste une fois la lumière éteinte, un aveugle qui pose son regard sur la condition humaine comme sur une mer immense et infiniment triste, un souvenir d'Arletty, un écrin de lumière... La paix retrouvée enfin, dans les églises qui, même vides, protègent des laideurs extérieures.

Pour en finir avec La patience du brûlé, je citerai l'épigraphe consolatrice que son auteur choisit pour entreprendre ses voyages et qui guide désormais mes propres pas: Emu par l'amour du pays natal, je rassemblai les feuilles éparses... (Dante, La Divine Comédie - L'enfer)  

Inutile d'ajouter qu'immergé dans l'oeuvre toute entière de Guido Ceronetti qui me colle à la peau, il m'a fallu ajouter - avec joie - son nom à celui de mes écrivains préférés, dans Le questionnaire Marcel Proust. Y figure aussi, aujourd'hui, au rang des poètes, Giacomo Leopardi, que Guido Ceronetti m'a donné envie de relire avec davantage de ferveur et d'attention...    

Guido Ceronetti, La patience du brûlé / Carnets de voyage 1983-1987 (Albin Michel, 1995)

02/09/2011

La citation du jour

Guido Ceronetti

citations; livres

C'est une pensée qui apaise et fortifie de savoir que parmi les livres que nous possédons il en est quelques-uns capables de nous libérer et de nous sauver. Il s'en ajoute de nouveaux, presque chaque jour, mais les livres nécessaires sont là depuis longtemps.

Guido Ceronetti, Le silence du corps (Albin Michel, 1984)

00:15 Écrit par Claude Amstutz dans Guido Ceronetti, La citation du jour, Littérature étrangère, Littérature italienne | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : citations; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

06/06/2011

Le Passe Muraille

Le Passe Muraille, no 86, juin 2011 

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Dans son éditorial, Jean-Louis Kuffer cite Friedrich Hölderlin, qui disait que les poètes seuls donnent à ce qui dure une assise éternelle, ce qu'on se répète à la lecture de certains auteurs dont l'engagement, dans la vie de la Cité, ne se borne pas qu'à des postures visant à se faire bien voir. Tel Guido Ceronetti auquel est fait la part belle dans ce nouveau numéro. Le Passe Muraille, dans cette célébration, demeure ainsi fidèle à sa vocation de passeur, au propre comme au figuré.

Sommaire du Passe-Muraille no 86, Juin 2011 - "Guido Ceronetti ou le désespoir tonique": 

p.1 

Editorial, "Le poète dans la Cité", par Jean-Louis Kuffer

Guido Ceronetti, "Entre ombre et lumière", par Anne-Marie Jaton

p.3

Guido Ceronetti, "Un poète de la blessure de vivre", par Fabio Ciaralli

Guido Ceronetti, "A travers la vie et les oeuvres du Maestro", par Jean-Louis Kuffer

p.4

Guido Ceronetti, "Une visite au Maestro", par Jean-Louis Kuffer

p.5

Blaise Cendrars, "Une bibliothèque fantôme", par René Zahnd

p.6

Bruno Pellegrino, "Une bone nouvelle", par Jean-Louis Kuffer

Dany Laferrière, "La minute où tout bougea", par Claude Amstutz

p.7

Corinne Desarzens, "Un exorcisme poétique", par Pascal Ferret

Jean-François Schwab, "Scènes de la vie des gens", par Jean-Louis Kuffer

p.8

Inédit, "Aux éboulis du Temps", par Philippe di Maria

p.9

Erri de Luca, "La leçon du papillon", par Claude Amstutz

Claire Keegan, "De la vie, poisons et contrepoisons", par Claire Julier

p.10

L'épistole, "Lettre de Bethléem", par Pascal Janovjak 

Rosa Montero, "Si belle et si sombre", par Claude Amstutz

Chronique, "L'amour résurrection", par Frédéric Rauss

p.11

Carnet nomade, "L'oeil du crocodile", par René Zahnd

Raphaël Enthoven, "Rayonnante sagesse", par Claude Amstutz

p.12

Inédit, "Hubert le baron", par Pascal Rebetez

 

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28/04/2011

Quasi une fantasia 3/3

Bloc-Notes, 28 avril / Les Saules

littérature; essai; voyages; livres

Le livre de Guido Ceronetti est bien plus qu'un compagnon de voyage. D'une humanité sous-jacente à tous ces billets d'humeur, il s'y exprime souvent avec un humour féroce - voir Du nouveau dans la mendicité ou Que sauver d'Italoshima? - mais parfois aussi avec une nostalgie tendre et rageuse, par exemple dans un chapitre émouvant intitulé L'Italie à une lire: La perte des chansons à une lire n'est pas la perte d'une lire. On n'accorde jamais un minimum de perte d'âme à ce qui ne correspond pas à une avancée du front entier des ténèbres. (...) Ce n'est pas la perte d'une lire, parce que la voix humaine qui chante exclut, brise prodigieusement le fini. D'un seul coup le poids qui nous écrase devient moins terrible, moins intolérable; en quelques notes l'infini a fait levier, il soulève le monde, le trop grand mal du monde.

Dans Lettre à une prostituée, je vous partage aussi cette belle réflexion sur l'amour: Il suffit d'une certaine idée de la beauté pour réprimer ce qu'il est nécessaire de réprimer. S'il manque cette idée universelle et la conscience de la douleur, on ne peut sentir le battement revivifiant de l'éventail sublime, de la fraîcheur incomparable de l'amour. Vouloir que tout soit libre est la folie du monde actuel, et la vie n'en devient que plus sombre, plus désespérée.

Un art de vivre et une conscience qui ne peuvent laisser indifférent - surtout de nos jours - quand Guido Ceronetti croque la mort des rizières ou le sens du patriotisme. Le plus beau visage de Albergo Italia est sans doute celui de l'un de ces Iraniens qui vend le journal de ceux qui combattent les crimes du régime, un message jailli de la profondeur de l'océan des douleurs: Je vais vous dire ce que vous perdez en n'achetant pas le feuillet illisible. Moi qui l'achète, je le sais... Non, ce n'est pas pour la lire... C'est pour le sourire. Si vous leur mettez dans la main, avec à peine un signe muet de solidarité, ces mille cinq cents lires, les Iraniens vous en récompensent d'un sourire si rayonnant de sympathie et de douceur, si débordant de reconnaissance, qu'il vous fait rougir à l'idée du peu d'effort qu'il vous en a coûté pour l'obtenir. Le sourire de l'Iranien vous rassure: non, vous n'êtes pas de ces charognes égoïstes, même si vous êtes conscients d'en faire partie. Alors, si vous vous sentez seuls, si l'absence d'âme de la coulée humaine qui vous heurte et vous bouscule vous accable, ne perdez pas cette occasion (...) et vous verrez à chaque fois pointer cette fleur rare, absurde, ce sourire d'humanité vive, massacrée mais vivante, ni pétrifiée, ni vitrifiée, ni éteinte.

Hymne à la beauté autant que croisade désespérée contre l'abrutissement, la vulgarité et le profit, Albergo Italia est précédé, chronologiquement, par Voyage en Italie, paru chez Albin Michel en 1996. Guido Ceronetti, né en 1927 à Andezeno, dans la province de Turin, est à la fois poète, penseur, journaliste, dramaturge, traducteur d'oeuvres latines et marionnettiste. Parmi ses écrits traduits en langue française - outre les deux précédentes - peuvent être cités Le silence du corps, Une poignée d'apparences et La patience du brûlé - carnets de voyage 1983-1987, tous les trois publiés par Albin Michel.

Un mot encore: Un jour peut-être, vous vous hasarderez dans la librairie où je butine depuis de nombreuses années. Derrière mes traits pâles et tirés, vous devinerez que, malheureusement pour vous, ce n'est ni le jour ni l'heure propice aux échanges, aux épanchements, aux sourires. De l'électricité dans l'air? De l'exaspération? De la colère? Ne rebroussez pas chemin, mais ne me parlez pas, ne me demandez rien... Cherchez simplement du regard la section des essais littéraires. Sous la lettre C vous trouverez le livre Albergo Italia de Guido Ceronetti. Achetez-le, lisez-le. Ensuite - et ce sera votre revanche - vous pourrez à votre tour rédiger un billet d'humeur dont les premiers traits de plume diront à peu près ceci: Tout avait pourtant mal commencé, dans une librairie nyonnaise...

Mais je plaisante, bien sûr! 

Guido Ceronetti, Albergo Italia (Phébus, 2003)

Guido Ceronetti, Voyage en Italie (Albin Michel, 1996)