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28/06/2015

La citation du jour

Nicolas Machiavel

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Un acte de justice et de douceur a souvent plus de pouvoir sur le coeur des hommes que la violence et la barbarie.

Nicolas Machiavel, Le prince  (coll. Livre de poche/LGF, 2000)

06:57 Écrit par Claude Amstutz dans La citation du jour, Littérature étrangère | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; philosophie; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

21/06/2015

Morceaux choisis - Eugenio Montale

Eugenio Montale

Citrons FB.jpg

Ecoute-moi:
les poètes à lauriers
n'évoluent que parmi les plantes
au nom peu usité:
buis troènes ou acanthes.
Pour moi, j'aime les routes
qui mènent aux fossés herbeux
où dans les flaques à moitié asséchées
les gamins attrapent
quelque chétive anguille:
les sentiers qui longent les abrupts
descendent entre les touffes de roseaux
et donnent dans les enclos, parmi les citronniers.
 
Tant mieux si le tapage des oiseaux
s'éteint englouti par le ciel bleu:
plus clairement on écoute murmurer
les branches amies dans l'air qui bouge à peine
et on goûte cette odeur
qui ne sait pas se détacher de terre
et inonde le cœur d'une douceur inquiète.
Écartées d'ici, les passions
font par miracle taire leur guerre,
ici revient même à nous pauvres
notre part de richesse
et c'est l'odeur des citrons.
 
Vois-tu,
en ces silences où les chosess'abandonnent
et semblent prèsde trahir leur ultime secret,
parfois on s'attend
à découvrir un défaut de la nature,
le point mort du monde,
le chaînon qui ne tient pas,
le fil à démêler qui enfin nous conduise
au centre d'une vérité.
Le regard fouille tout autour,
l'esprit enquête accorde sépare
dans le parfum qui se répand
à mesure que le jour languit.
Ce sont les silences où l'on voit
en chaque ombre humaine qui s'éloigne
quelque Divinité qu'on dérange.
 
Mais l'illusion cesse et le temps nous ramène
dans les villes bruyantes
où le bleu se montre par pans, seulement,
là-haut, entre les toits.
La pluie fatigue la terre, ensuite;
l'ennui de l'hiver accable les maisons,
la lumière se fait avare, amère l'âme.
Quand un jour d'une porte cochère mal fermée
parmi les arbres d'une cour
se montre à nous le jaune des citrons;
et le gel du cœur fond,
et en pleine poitrine nous déversent
leurs chansons
les trompettes d'or de la solarité.
 

Eugenio Montale, Poèmes choisis 1916-1980 (coll. Poésie/Gallimard, 1999)

image: http://feedesbrumes.canalblog.com

08/06/2015

Morceaux choisis - Alberto Nessi

Alberto Nessi

littérature; nouvelle; morceaux choisis; livres

Le soleil jette des feux soudains dans le dimanche d'août, teinte d'argent les anges au sommet de l'autel, les stucs, le manteau de Saint Roch, les yeux de la fillette dans l'église de montagne.

Hier aussi, le soleil avait des scintillements subits sur les eaux de la rivière qui prend son nom du lis. La fillette en vacances sautait de pierre en pierre avec son grand cousin, celui qui l'a déjà initiée aux pentes abruptes de la fosse à fumier et qui aujourd'hui jouera du violon pendant la messe et qui est bien plus beau que l'enfant de bois, là dans le coin de l'église.

Maintenant c'est à elle de lire la phrase inscrite sur un feuillet, c'est son tour, tandis que le soleil pointe à nouveau et fait resplendir le bleu de la colonne sur laquelle grimpent des grappes d'or. Le soleil a des reflets couleur polenta sur les stucs, hier soir la fillette est allée manger sur le terrain herbeux au bord de la rivière, tous rassemblés autour de la table de pierre, et le grand-père a coupé la polenta au fil. Là, dans ce noir habité, la fillette a vu une lumière nouvelle: le feu de joie sur la rive, le feu de la mi-août. Elle est restée sur la grève, avec sa soeur aînée qui sourit déjà aux garçons, elle est restée à fixer la flamme et à écouter le crépitement des fagots. Les poissons aussi, sous les pierres, épiaient l'incendie des eaux, le vol des étincelles. 

Maintenant un petit homme s'approche du micro, cheveux gris, sac banane sur le ventre. Aussitôt la fillette pense à son chat: il trouverait place dans cette poche de kangourou. Hier, elle l'a installé pour dormir dans l'étable et elle a tiré le verrou, parce qu'il se peut que, la nuit, la fouine entre et le mange, ou bien la paysanne le prendra, elle qui a déjà liquidé dix chiots qui venaient de naître et qui était prête à supprimer aussi son chaton grand comme une souris.

A présent le cousin attaque Vivaldi. Et les stucs s'enflamment à nouveau, rappellant la rivière, le feu de joie, les yeux du chat. La fillette lève les yeux vers la tribune, elle voit son cousin avec son violon qui rutile et il lui fait l'effet d'un ange, plus beau que ces ahuris accrochés sur l'autel, oh, tellement plus beau!

Quand le soleil fait scintiller les clochettes du sanctus, la fillette pense au pré là-haut qui, en mai, s'illumine de narcisses. Hier, avec sa mère, elle est montée trouver Lucia. Et tandis que Lucia cueillait les courgettes pour les vacanciers, elle ne pouvait détacher son regard de cet enfant: il boitait en rond dans le pré sans dire un mot, puis il s'asseyait, aidé par une fille à la robe trop longue, et il restait là à se balancer d'avant en arrière sur une couverture étendue sur l'herbe. Toujours la même chose. En cage. Et Lucia a expliqué que ce gosse, à neuf mois, avait fait une otite: le médecin avait laissé à la mère les gouttes à mettre dans l'oreille et il était parti.

Au sanctus, tandis que le soleil brille sur le calice que le prêtre élève, la fillette file loin de l'église, vers l'éclat du violon avec son cousin, loin des grands! Elle va retrouver le pré aux narcisses, elle va libérer l'enfant qui tourne en rond sur l'herbe comme un chat blessé.

Alberto Nessi, Scintillements - Fleurs d'ombre (La Dogana, 1997)

traduit de l'italien par Christian Viredaz

image: http://media.paperblog.fr

23/05/2015

Morceaux choisis - Yorgos Thèmelis

Yorgos Thèmelis

littérature; poésie; anthologie; livres

C'est pour toi que j'aime la lumière
Les hommes les arbres qui te ressemblent
Tout ce qui bouge et respire
Et la pierre éternelle
Et le flot partageant tes espaces
Et l'eau chantant l'amour
 
C'est pour toi et c'est toi
Qui marches dans les miroirs
Et partout dans les choses
Mes soeurs si proches
 
Et cette table tendre qui voit
Dans sommeil
Les deux ailes de tes mains
Et cette table tendre qui entend
Ton écho secret dans son épais silence
 
C'est mon coeur
Qui te soutient comme un drapeau
C'est mon coeur
Qui t'accueille comme un ciel.

Yorgos Thèmelis, C'est pour toi, dans: Michel Volkovitch, Anthologie de la poésie grecque contemporaine (coll. Poésie/Gallimard, 2000)

image: Theodoros Rallis (v2.xpatathens.com)

00:04 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature étrangère, Morceaux choisis | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : littérature; poésie; anthologie; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

19/05/2015

Morceaux choisis - Robert Walser

Robert Walser

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Un soir, après le repas, j’allai encore en hâte au bord du lac drapé de je ne sais plus très bien quelle mélancolie pluvieuse et sombre. Je m’assis sur un banc sous les branches dégagées d’un saule et ainsi, m’abandonnant à des pensées vagues, je voulus m’imaginer que je n’étais nulle part, une philosophie qui me procura un bien-être étrange et délicieux. L’image de la tristesse sur le lac, sous la pluie, était magnifique. Dans son eau chaude et grise tombait une pluie minutieuse et pour ainsi dire prudente. Mon vieux père avec ses cheveux blancs m’apparut en pensées, ce qui fit de moi un enfant timide et insignifiant, et le portrait de ma mère se mêla au doux et paisible murmure et à la caresse des vagues. Avec l’étendue du lac qui me regardait comme je le faisais moi-même, je découvrais l’enfance qui me considérait elle aussi, comme avec de beaux yeux limpides et bons. Tantôt j’oubliais tout à fait où je me trouvais, tantôt je le savais de nouveau. Quelques promeneurs silencieux allaient et venaient sur la rive, deux jeunes ouvrières s’assirent sur le banc voisin et commencèrent à bavarder et là-bas sur l’eau, là-bas sur le lac bien-aimé, où les larmes douces et sereines coulaient paisiblement, des amateurs de navigation voguaient encore dans des bateaux ou des barques, le parapluie ouvert au-dessus de leurs têtes, une image qui me fit rêver que j’étais en Chine ou au Japon ou dans un autre pays de poésie ou de rêve. Il pleuvait si gentiment et si tendrement dans l’eau et il faisait si sombre. Toutes les pensées sommeillaient puis toutes les pensées étaient de nouveau en éveil. Un vapeur sortit sur le lac ; ses lumières scintillaient à merveille dans l’eau lisse et gris argent du lac qui portait ce beau bateau comme s’il éprouvait de la joie à cette apparition féerique. La nuit tomba peu après, et avec elle l’aimable invitation à se lever du banc sous les arbres, à s’éloigner de la rive et à prendre le chemin du retour.

Robert Walser, Au bord du lac, dans: Retour dans la neige (coll. Points/Seuil, 2006)

traduit de l'allemand par Golnaz Hauchidar

image: J.D.Echenard, Lac de Bienne (flickriver.com)

17/05/2015

La citation du jour

Eschyle

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Amis, quiconque a fait l'expérience du malheur sait que, lorsqu'une vague de maux s'est abattue sur eux, les hommes s'effrayent de tout, tandis que si le destin les favorise, ils se persuadent que le vent de la prospérité ne cessera jamais de souffler pour eux.

Eschyle, Les Perses - Théâtre complet (coll. GF/Flammarion, 2000) 

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16/05/2015

Morceaux choisis - George Orwell

George Orwell

citations; livres 

Si tous, en effet, jouissaient de la même façon de loisirs et de sécurité, la grande masse d'êtres humains qui est normalement abrutie par la pauvreté pourrait s'instruire et apprendre à réfléchir par elle même, elle s'apercevrait alors tôt ou tard que la minorité privilégiée n'a aucune raison d'être, et la balaierait. En résumé, une société hiérarchisée n'était possible que sur la base de la pauvreté et de l'ignorance.

George Orwell, 1984 (coll. Folio/Gallimard, 1972)

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10/05/2015

Lire les classiques - Friedrich Rückert

Friedrich Rückert

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Toi mon âme, toi mon coeur,
Toi mon enchantement, ô toi, ma douleur,
Toi mon univers où je vis,
Mon ciel où je plâne,
Toi, mon tombeau, où j'enfouis
A jamais tout mon chagrin,
Tu es le calme, tu es la paix,
Le don que le ciel m'accorde.
 
J'existe parce que tu m'aimes,
Ton regard m'a transfiguré,
Tu m'élèves amoureusement au-dessus de moi-même,
Mon bon génie, mon meilleur moi!
 

Hédi et Fériel Kaddour, Robert Schumann - L'amour et la vie d'une femme (La Dogana, 2006)

poème traduit de l'allemand par Frédéric Wandelière

lien de l'éditeur: www.ladogana.ch/html/schumann1.htm

image:  Gabriel Joseph Ferrier (artvalue.com)

18/04/2015

Morceaux choisis - Emily Dickinson

Emily Dickinson

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On apprend l'eau par la soif,
La terre par les océans traversés,
La jubilation par les affres,
La paix par le récit des batailles,
L'amour par l'humus de la tombe,
Les oiseaux par la neige.
 

Emily Dickinson, "Poésies complètes, 1859", édition bilingue (Flammarion, 2009)

Traduction: Françoise Delphy

image: comeviaggiareinformati.it

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10/04/2015

Morceaux choisis - Valeria Nkomeshya

Valeria Nkomeshya

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Mes mains, ô mes mains
Autrefois toutes petites, inutiles
Maintenant je vous appelle compagnes
Je suis une grande fille maintenant
J'ai léché vos doigts
Vous m'avez nourrie.
 
O mes mains
Vous avez appris tous les arts
Grâce à vous je communique
Grâce à vous je coupe le bois
Mains chéries
O fidèles compagnes.
 
Si je pleure
Vous séchez mes larmes
Si je ris, vous applaudissez
Si je vois une amie, vous faites signe
 
Mains mains, ô mes mains
Vos grattez mes démangeaisons
Vous jardinez pour me nourrir
 
Mes mains, sans vous je ne suis rien
Mes mains, je promets de vous faire connaître
Je vais vous présenter au reste de mon corps
Car sans vous
Il est tout misérable
 
Avec vos dix fidèles serviteurs
Mes mains, vous êtes mon étoile
Mes mains, vous êtes la tête
De tout mon être
Je vous voudrais que le Monde
soit comme vous.
 

Voix de femmes - Anthologie / Poèmes et photographies du monde entier (Editions Turquoise, 2012)

image: burunditransparence.org

00:03 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature étrangère, Morceaux choisis | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : littérature; poésie; anthologie; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |