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01/01/2015

La citation du jour

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H.B. dit Stendhal

Toujours un petit doute à calmer, voilà ce qui fait la soif de tous les instants, voilà ce qui fait la vie de l'amour heureux. Comme la crainte ne l'abandonne jamais, ses plaisirs ne peuvent jamais ennuyer.

H.B. dit Stendhal, De l'amour (Coll. Garnier-Flammarion, 1965)

21:53 Écrit par Claude Amstutz dans H.B. dit Stendhal, La citation du jour | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : auteurs; citations; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

01/08/2014

Lire les classiques - H.B. dit Stendhal

H.B. dit Stendhal

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Ici, de tous côtés je vois d’inégales hauteurs couvertes de bouquets d’arbres plantés par le hasard, et que la main de l’homme n’a point encore gâtés et forcés à rendre du revenu. Au milieu de ces collines aux formes admirables et se précipitant vers le lac par des pentes si singulières, je puis garder toutes les illusions des descriptions du Tasse et de l’Arioste. Tout est noble et tendre, tout parle d’amour, rien ne rappelle les laideurs de la civilisation. Les villages situés à mi-côte sont cachés par de grands arbres, et au-dessus des sommets des arbres s’élève l’architecture charmante de leurs jolis clochers. Si quelque petit champ de cinquante pas de large vient interrompre de temps à autre les bouquets de châtaigniers et de cerisiers sauvages, l’œil satisfait y voit croître des plantes plus vigoureuses et plus heureuses là qu’ailleurs. Par delà ces collines, dont le faîte offre des ermitages qu’on voudrait tous habiter, l’œil étonné aperçoit les pics des Alpes, toujours couverts de neige, et leur austérité sévère lui rappelle des malheurs de la vie ce qu’il en faut pour accroître la volupté présente. L’imagination est touchée par le son lointain de la cloche de quelque petit village caché sous les arbres: ces sons portés par les eaux qui les adoucissent prennent une teinte de douce mélancolie et de résignation, et semblent dire à l’homme: La vie s’enfuit, ne te montre donc point si difficile envers le bonheur qui se présente, hâte-toi de jouir.

H.B. dit Stendhal, La chartreuse de Parme (coll. Livre de poche/LGF, 2000)

18/10/2013

La citation du jour

H.B. dit Stendhal

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Je viens d'éprouver ce soir que la musique, quand elle est parfaite, met le coeur exactement dans la même situation où il se trouve quand il jouit de la présence de ce qu'il aime; c'est-à-dire qu'elle donne le bonheur apparemment le plus vif qui existe sur cette terre. S'il en était ainsi pour tous les hommes, rien au monde ne disposerait plus à l'amour.

H.B. dit Stendhal, De l'amour (Coll. Garnier-Flammarion, 1965)

image: Michael Mao, Morning Light (tuttartpitturasculturapoesiamusica.com)

10:50 Écrit par Claude Amstutz dans H.B. dit Stendhal, La citation du jour, Littérature francophone | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : citation; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

03/04/2013

Le questionnaire Marcel Proust - 2/3

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Mes auteurs favoris en prose?

William Shakespeare (d'accord, c'est du théâtre, mais...), Thérèse d'Avila (et les autres auteurs de spiritualité carmélitaine), Bernard de Clairvaux, H.B. Stendhal, Emily Brontë, Albert Camus, Simone Weil, Marcel Proust, François Mauriac, puis: Fiodor Dostoievski, Alexandre Dumas, Erri de Luca, Mario Rigoni Stern, Charles-Albert Cingria, Gustave Roud, Georges Simenn et j'en oublie...

Mes poètes préférés?

Charles Baudelaire, Paul Verlaine, Dante Alighieri, Giacomo Leopardi, Pétrarque, Rainer-Maria Rilke, Ossip Mandelstam, Anna Akhmatova, Fernando Pessoa, Mahmoud Darwich, Emily Dickinson, René Char, Louis Aragon, Paul Eluard, Maurice Chappaz, Jean-Michel Maulpoix, Abdellatif Laâbi, les auteurs de la Bible, et tant d'autres...

Mes héros dans la fiction?

Heatcliff ("Les hauts de Hurlevent"), Edmond Dantès ("Le comte de Monte Cristo"), Prospero ("La tempête").

Mes héroïnes favorites dans la fiction?

Cathy ("Les hauts de Hurlevent"), Tatiana ("Le songe d'une nuit d'été"), puis la Tosca et Carmen.

Mes compositeurs préférés?

Wolfgang-Amadeus Mozart, Franz Liszt, Jean-Sébastien Bach, Franz Schubert, Gustav Mahler, Ludwig van Beethoven, Joseph Haydn, Frédéric Chopin, Serge Rachmaninov, Antonio Vivaldi, Robert Schumann, Hector Berlioz, Alexander Scriabin, Bela Bartok, John Coltrane et (pour la chanson...) Barbara. Et ceux qu'il est injuste de ne pas mentionner...

 

(à suivre)

25/02/2013

Lire les classiques - H.B. dit Stendhal

H.B. dit Stendhal

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A son inexprimable joie, après une si longue attente et tant de regards, vers midi Clélia vint soigner ses oiseaux. Fabrice resta immobile et sans respiration, il était debout contre les énormes barreaux de sa fenêtre et fort près. Il remarqua qu'elle ne levait pas les yeux sur lui, mais ses mouvements avaient l'air gêné, comme ceux de quelqu'un qui se sent regardé. Quand elle l'aurait voulu, la pauvre fille n'aurait pas pu oublier le sourire si fin qu'elle avait vu errer sur les lèvres du prisonnier, la veille, au moment où les gendarmes l'emmenaient du corps de garde.

Quoique, suivant toute apparence, elle veillât sur ses actions avec le plus grand soin, au moment où elle s'approcha de la fenêtre de la volière, elle rougit fort sensiblement. La première pensée de Fabrice, collé contre les barreaux de fer de sa fenêtre, fut de se livrer à l'enfantillage de frapper un peu avec la main sur ces barreaux, ce qui produirait un petit bruit ; puis la seule idée de ce manque de délicatesse lui fit horreur. Je mériterais que pendant huit jours elle envoyât soigner ses oiseaux par sa femme de chambre. Cette idée délicate ne lui fût point venue à Naples ou à Novare.

Il la suivait ardemment des yeux: certainement, se disait-il, elle va s'en aller sans daigner jeter un regard sur cette pauvre fenêtre, et, pourtant elle est bien en face. Mais, en revenant du fond de la chambre que Fabrice grâce à sa position plus élevée apercevait fort bien, Clélia ne put s'empêcher de le regarder du haut de l'oeil, tout en marchant, et c'en fut assez pour que Fabrice se crût autorisé à la saluer. Ne sommes-nous pas seuls au monde ici? se dit-il pour s'en donner le courage. Sur ce salut, la jeune fille resta immobile et baissa les yeux; puis Fabrice les lui vit relever fort lentement; et évidemment, en faisant effort sur elle-même, elle salua le prisonnier avec le mouvement le plus grave et le plus distant mais elle ne put imposer silence à ses yeux; sans qu'elle le sût probablement, ils exprimèrent un instant la pitié la plus vive. Fabrice remarqua qu'elle rougissait tellement que la teinte rose s'étendait rapidement jusque sur le haut des épaules, dont la chaleur venait d'éloigner, en arrivant à la volière, un châle de dentelle noire. Le regard involontaire par lequel Fabrice répondit à son salut redoubla le trouble de la jeune fille. Que cette pauvre femme serait heureuse, se disait-elle en pensant à la duchesse, si un instant seulement elle pouvait le voir comme je le vois!

Fabrice avait eu quelque léger espoir de la saluer de nouveau à son départ; mais, pour éviter cette nouvelle politesse, Clélia fit une savante retraite par échelons, de cage en cage, comme si, en finissant, elle eût dû soigner les oiseaux placés le plus près de la porte. Elle sortit enfin; Fabrice restait immobile à regarder la porte par laquelle elle venait de disparaître; il était un autre homme.

H.B. dit Stendhal, La chartreuse de Parme (coll. Livre de poche/LGF, 2000)

image 1: Rodrigo Guirao Diaz et Alessandra Mastronardi, dans: La chartreuse de Parme, téléfilm de Cinzia TH Torrini (2012)

image 2: Gérard Philipe et Renée Faure, dans: La chartreuse de Parme, film de Christian-Jaque (1948)

littérature; roman; morceaux choisis; livres

08/01/2013

Morceaux choisis - Paul Léautaud

Paul Léautaud

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pour Catherine P

Stendhal! l'enchantement de ma jeunesse, l'enchantement de mon âge mûr. Stendhal! l'intelligence, la sensibilité, l'observation et l'analyse faites littérature au plus haut degré. Stendhal! l'écrivain inimitable, car on imite une rhétorique, un vocabulaire, on n'imite pas les facultés intellectuelles, la personnalité supérieure. Arrigo Beyle, Milanese... Qu'elle m'émeut, cette épitaphe, qu'elle me donne de pensées! Grand esprit, âme libre et voluptueuse. Pas d'autre patrie que la patrie du coeur et de l'esprit. Là où a été le bonheur, là où on a connu l'amour, l'amitié, là est la seule et vraie patrie.

Justement ces derniers soirs, dégoûté plus que jamais des livres d'aujourd'hui - la guerre favorise beaucoup la mauvaise littérature et les ouvrages niais sur des questions prétendues sérieuses - je relisais au hasard la Correspondance. Même dans les courts billets d'amour, quelle maîtrise de l'esprit sur le sentiment, et en même temps quelle profondeur du sentiment sous l'esprit qui persifle et se raille soi-même. Quel plaisir il devait avoir en les écrivant! Quelle merveilleuse lecture que toutes ces lettres! Partout, quelle brièveté, quelle rapidité, quel naturel, quel abandon - le ton de la causerie! - quelle correspondance parfaite entre l'expression et l'idée, le sentiment ou la sensation, que de mots touchants, que d'idées fortes, que d'observations profondes, que tout cela est plein avec peu de mots et qu'il est pénétrant et qu'il excite l'esprit, à quelque endroit de son oeuvre qu'on le lise! Comment ne pas l'adorer, l'homme qui a pensé, senti de tels livres, imaginé et réalisé de telles figures, car jamais cela n'a été plus vrai qu'avec lui qu'un véritable écrivain n'écrit qu'à sa ressemblance intime et secrète. 

Tous tant que nous sommes aujourd'hui, mes chers confrères, mais oui, tous, ceux qui sont de l'Académie et ceux qui n'en sont pas, nous ne sommes à côté de lui que des zéros, d'incontestables zéros. Qu'on mette au pilon tous les romantiques, qui ont corrompu notre langue, abîmé notre littérature, déformé, vicié, abêti notre esprit. Qu'on me donne Chamfort, La Rochefoucauld, Le neveu de Rameau (Diderot bien supérieur pour moi à ce phraseur et pleurard de Rousseau), quelques Stendhal, La Correspondance, Le Brulard, les Souvenirs et La chartreuse en tête, qu'on joigne à tout cela de quoi faire des cigarettes, ce qu'il faut pour écrivasser de temps en temps, une belle image libertine d'une jolie femme nue pour me consoler de la réalité que je n'ai pas, qu'on m'assure avec cela ma subsistance, et je consens à vivre enfermé entre quatre murs, sans plus voir personne et sans jamais m'ennuyer. Ce que je dis là est pur superflu. J'ai ce bonheur de pouvoir rester enfermé aussi longtemps qu'on voudra, sans livres ni papiers ni aucune société, sans m'ennuyer jamais, tant j'ai dans la tête de quoi m'occuper.

On ne peut penser à Stendhal sans penser à la question du style. Des gens qu'un style sans ornements, sans redondance, simplement précis et net, déconcerte, lui ont beaucoup reproché le sien. C'est qu'on est en général extrêmement sensible à la forme, dans le plus mauvais sens du mot. Des phrases chantantes, cadencées, nombreuses, comme on dit, font pâmer le lecteur. Qu'importe que dix mots aient pu suffire là où l'auteur a mis dix lignes et qu'avec des métaphores chaque chose à tout bout de champ soit dite deux fois, comme dans Flaubert. Si par surcroît, vous y ajoutez un peu de pathos romantique, d'enflure verbale, vous êtes sacré grand écrivain!

Paul Léautaud, 1er novembre 1918, dans: Maria Dormoy, Paul Léautaud (coll. La Bibliothèque idéale/Gallimard, 1958)

Stendhal, Correspondance - 3 vols (Bibliothèque de la Pléiade/Gallimard 1963-1969)

02/08/2012

Lire les classiques - H.B. dit Stendhal

H.B. dit Stendhal

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Octave regardait les grands yeux d'Armance qui se fixaient sur les siens. Tout à coup ils comprirent un certain bruit qui depuis quelque temps frappait leur oreille sans attirer leur attention. Madame d'Aumale, étonnée de l'absence d'Octave, et trouvant qu'il lui manquait, l'appelait de toutes ses forces. On vous appelle, dit Armance, et le ton de voix brisé avec lequel elle dit ces mots si simples, eût appris à tout autre qu'Octave l'amour qu'on avait pour lui. Mais il était si étonné de ce qui se passait dans son coeur, si troublé par le beau bras d'Armance à peine voilé d'une gaze légère qu'il tenait contre sa poitrine, qu'il n'avait d'attention pour rien. Il était hors de lui, il goûtait les plaisirs de l'amour le plus heureux, et se l'avouait presque. Il regardait le chapeau d'Armance qui était charmant, il regardait ses yeux. 

Jamais Octave ne s'était trouvé dans une position aussi fatale à ses serments contre l'amour. Il avait cru plaisanter comme de coutume avec Armance, et la plaisanterie avait pris tout à coup un tour grave et imprévu. Il se sentait entraîné, il ne raisonnait plus, il était au comble du bonheur. Ce fut un de ces instants rapides que le hasard accorde quelquefois, comme compensation de tant de maux, aux âmes faites pour sentir avec énergie. La vie se presse dans les coeurs, l'amour fait oublier tout ce qui n'est pas divin comme lui, et l'on vit plus en quelques instants que pendant de longues périodes.

H.B. dit Stendhal, Armance (coll. Folio/Gallimard, 1975)

image: Marie Laurencin, Jeune femme (etude-gestas-carrere.com)

28/07/2012

Au bar à Jules - De la normalité

Un abécédaire - N comme Normalité

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S'il est un mot, un seul que j'abhorre - et pas uniquement en politique! - c'est bien celui de normalité. Dans le dictionnaire Littré on peut lire qu'est normal, ce qui est conforme à la norme, courant, ordinaire. Il n'en faut pas davantage pour y reconnaître le profil du gendre idéal, de l'employé modèle ou de l'apprenti philosophe toujours d'accord avec le grand nombre: vertueux souvent cité en exemple, admiré pour sa faculté d'adaptation au conformisme ambiant, sage de paccotille qui ne sait que répéter ce que disent les autres.

Je leur ai toujours préféré les insoumis, les imaginatifs, les passionnés ou les atypiques en tous genres, alliant la candeur, la sincérité, l'audace et les contradictions, dans la vie réelle comme parmi mes artistes préférés. L'un d'entre eux - Stendhal - illustre bien cette humeur qui, en d'autres circonstances effleure ma pensée: Je ne suis plus si content de cette bonne compagnie par excellence, que j'ai tant aimée. Il me semble que sous des mots adroits elle proscrit toute énergie, toute originalité. Si l'on n'est copie, elle vous accuse de mauvaises manières. Et puis la bonne compagnie usurpe. Elle avait autrefois le privilège de juger de ce qui est bien; mais depuis qu'elle se croit attaquée, elle condamne, non plus ce qui est grossier et désagréable sans compensation, mais ce qu'elle croit nuisible à ses intérêts.

Lit de rivières sans profondeur où ne se déverse jamais que l'écume d'eaux usées, la normalité - parente d'un immobilisme bien pensant - est peut-être, en fin de compte, le vrai visage de la bourgeoisie. Dans le très beau film Providence de Alain Resnais, Dirk Bogarde partage à son père John Gielgud cette méditation à laquelle j'ai toujours souscrit: Un bourgeois, c'est celui pour qui les idéologies nouvelles signifient la mort de ses valeurs.

Et ces nouveaux bourgeois baba cool qui ne s'avouent pas l'être, sont légion aujourd'hui autant qu'ils l'étaient autrefois. Seul leur uniforme et les pancartes brandies ont changé. Pas vrai?  

Alain Resnais, Providence (Avant Scène  No 195, 1977)

image: ilovegenerator.com

29/06/2012

Dominique Fernandez

9782253122784.gifDominique Fernandez, L'art de raconter (Grasset, 2007)

Un exercice personnel, passionnant, tout à fait accessible, qui peut réjouir beaucoup d’amoureux de la littérature. Bien sûr, Fernandez évoque Stendhal, Dickens ou Morand, mais il attire souvent aussi l’attention sur quelques phénomènes tels Traven - Le trésor de la Sierra Madre, Le chagrin de Saint Antoine -  ou Chase, pour certains de ses titres de gloire - Pas d’orchidées pour Miss Blandish, L’abominable pardessus, Un beau matin d’été - injustement dépréciés. Le chapitre consacré à Simenon et à son étude parallèle sur Gide mérite à lui seul de rafraîchir notre mémoire! Enfin, pour conclure, sa chronique consacrée aux œuvres ultimes - Proust, Michel-Ange ou Verdi – est foisonnante, sensible, pertinente.

Egalement disponible en coll. Livre de poche (LGF, 2008)

05:38 Écrit par Claude Amstutz dans H.B. dit Stendhal, Littérature francophone, Marcel Proust | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; essai; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

28/01/2011

Devoir de vacances 3/3

Bloc-Notes, 28 janvier / Les Saules

auteurs; littérature; livres

Toute bibliothèque est un territoire sans interdits ni barrières ouvert à tous, parfois un champ de mines dans lequel les traces de pas imprudentes du propriétaire peuvent être lues, même à son insu. Le plus souvent, je pense à sa ressemblance avec un jardin de fleurs rares condamnées à mourir asphyxiées si elles ne sont pas partagées. Quand ses bourgeons font danser la lumière ou recomposent les nuances de l'ombre, alors c'est - au contraire - le reflet de la gratitude devant leur éclat passager qui lui confère ces imperceptibles mouvements pourvoyeurs de signes.

Il en va ainsi des livres comme de la flore: une reconnaissance muette envers ceux qui - amis, libraires, professeurs - ont su un jour ou l'autre, par leur recréation, m'inviter à découvrir un écrit qui a pris depuis lors place dans ma bibliothèque et qu'à mon tour je partage tel mon bien le plus intime et le plus précieux. Nombreux auteurs, au fil des ans, ont ainsi modulé cet espace du coeur en fragile équilibre entre le dehors et le dedans, surgis par magie ou par surprise: La divine comédie de Dante Alighieri, La chartreuse de Parme de H.B.StendhalPapiers collés de Georges Perros, Le partage de midi de Paul Claudel, Le festin nudeWilliam S. Burroughs ou Panique à la Scala de Dino Buzatti.

Certaines traces demeurent plus profondes que d'autres, telles la bibliothèque de ma mère. Si je ne goûte peu sa ferveur pour Gatsby le magnifique deFrancis Scott Fitzgerald, je lui dois ces eaux vives et fertiles que cristallisent Fédor Dostoievski dans Les frères Karamazov, Emily Brontë dans Les hauts de Hurlevent, Alexandre Dumas dans Le comte de Monte-Cristo, François Mauriac dans Thérèse Desqueyroux... Une bibliothèque dans laquelle j'ai puisé Emile Zola, Jules Vallès, A.J. Cronin, Daphné du Maurier et mêlés aux classiques  Les clés de Saint Pierre de Roger Peyrefitte ou La mer à boire de Michel de Saint Pierre - aujourd'hui oubliés - attestant une pensée indépendante et contestataire qu'elle n'a pas épanoui dans sa vie sociale, au pays vaudois des y en a point comme nous!

Une ultime image. Un après-midi de janvier, à Berne. Avec mon père et ma mère, nous partons en bicyclette. Direction: la Bibliothèque pour tous, à une dizaine de kilomètres de notre domicile.  Du haut de mes onze ans, j'observe le manège lié à notre abonnement autorisant l'emprunt de six livres par quinzaine, dont deux - obligatoires - ne sont pas des romans! Ce sont eux qui éveillent mon goût pour la lecture: Chopin ou le poète par Guy de Pourtalès et La vie passionnée d'Amedeo Modigliani par André Salmon

La première graine de bonheur annonçait le printemps...

01:05 Écrit par Claude Amstutz dans Bloc-Notes, François Mauriac, Georges Perros, H.B. dit Stendhal | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : auteurs; littérature; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |