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10/09/2013

In memoriam

Bloc-Notes, 10 septembre / Les Saules

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On se complaît souvent, sous nos latitudes, à opposer ladite grande littérature, et, péjorativement l'autre, la populaire. Or, pour ma part, relisant A.J. Cronin - aujourd'hui presque totalement oublié - je ne peux m'empêcher de penser à Dominique Fernandez qui, dans L'art de raconter (coll. Livre de poche/LGF, 2008), explique bien que la popularité de certains auteurs - mineurs, sur le plan du style - tient à leur talent pour raconter des histoires. A.J. Cronin - comme à la même époque Daphné du Maurier - est de ceux-là.

Mais qui est-il? Né en 1896 et mort en 1981, il est d'abord médecin des pauvres dans une région industrielle du pays de Galles, puis inspecteur des mines. En 1930, au repos forcé à la suite d'un ulcère gastro-duodénal, il écrit son premier roman: Le chapelier et son château. Plus de vingt titres suivront, avec un succès considérable, même en langue française. 

Deux de ses oeuvres - parmi les plus réussies - ont été adaptées au cinéma: Sous le regard des étoiles (1940) dirigé par Carol Reed, avec Michael Redgrave et Margaret Lockwood, puis Les clés du royaume (1944) dirigé par John M. Stahl, avec Gregory Peck, Thomas Mitchell et Vincent Price. Le premier évoque le destin tragique des mineurs sur un mode engagé qui laisse un goût doux-amer et échappe à toute démagogie ou tentative moralisatrice; le second raconte l'histoire d'un prêtre missionnaire au caractère peu conventionnel et en proie aux critiques, ses efforts pour vivre et partager son appel à l'amour et à la tolérance, malgré la misère, les guerres et la famine qui sévissent de l'Ecosse à l'Extrême-Orient. 

Toujours résolument tourné vers la pauvreté dont presque tous ses héros - rebelles contre l'ordre établi - sont issus, il signe aussi, avec Les années d'illusion, l'un de ses plus beaux romans: le récit de Duncan, un homme pas épargné par la vie, qui ambitionne d'être médecin par vocation, le deviendra, connaîtra la réussite et les honneurs, même si - comme son titre le sous-entend - les obstacles et les souffrances rencontrées ont laissé des traces en lui.

On peut ajouter le diptyque Les vertes années et Le destin de Robert Shannon, une émouvante histoire d'amour ainsi qu'une critique des milieux de la science -, sans oublier La citadelle, pour de nombreux lecteurs le plus beau de ses romans, et qui nous conte la vie d'un médecin qui veut faire progresser la médecine, refuse les arrangements d'usage au risque de déplaire à tous, se heurte aux anciens qui veulent préserver leur pouvoir et... leurs revenus! Un peu daté tout de même, bien que plaisant. 

Lisez ou relisez A.J. Cronin! Absent des rayonnages de librairie - presque tous ses ouvrages sont épuisés - vous le trouverez, je l'espère, en bibliothèque. Sinon - via internet - sur Abebooks.fr entre autres, à coup sûr!

sources: Wikipedia - The Free Encyclopedia

A.J.Cronin:

Les années d'illusion (coll. Livre de poche/LGF, 2000)

Sous le regard des étoiles (coll. Livre de poche/LGF, 1994 - épuisé)

Les clés du royaume (coll. Livre de poche/LGF, 1989 - épuisé)

Les vertes années (coll. Livre de poche/LGF, 1975 - épuisé)

Le destin de Robert Shannon (coll. Livre de poche/LGF, 1995 - épuisé)

La citadelle (coll. Livre de poche/LGF, 1978 - épuisé)

01:15 Écrit par Claude Amstutz dans In memoriam, Littérature étrangère | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : littérature; romans; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

29/11/2011

In memoriam

Bloc-Notes, 29 novembre / Les Saules

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Bien avant que n'abondent les récits de vie tels qu'on en découvre une dizaine par semaine de nos jours - plus ou moins inspirés - les années 70 auront été marquées par un témoignage d'une force et d'une rage inoubliables: Le pavillon des enfants fous, écrit par une gamine de quinze ans, Valérie Valère.

Elle y relate son internement pour anorexie, à l'âge de treize, dans un grand hôpital parisien. Une vision implacable du monde psychiatrique qui résonne à nos oreilles en écho aux textes fondateurs de l'antipsychiatrie de Ronald Laing - Le moi divisé et Soi et les autres - ou encore au film de Ken Loach, Family Life: En vérité, tout le monde a perdu, je suis là, triste et morose, méfiante et lâche. Je fais semblant de vivre et je me cache pour pleurer. Ils me reprendraient pour dépression nerveuse, ça les amuserait de me revoir. Ils m'ont gardée dans leurs griffes, j'ai conservé l'angoisse d'un emprisonnement, la colère refoulée d'une injustice, la rage de l'impuissance. (...) Je m'acharne à écrire et je retrouve la solitude. Cette volonté de continuer malgré la fatigue, malgré mes doutes et leur menace rejoint l'autre prison. Je suis restée là-bas, dans la chambre vingt-sept, avec mes refus, avec ce mal de vivre. Et je crois bien que je n'arriverai jamais à en sortir.

Elle s'en sortira pourtant, Valérie Valère, à sa manière, jetant un regard lucide et désespéré sur ses deux années d'internement et son avenir possible, à la fin du livre: Et moi, dans votre monde? Je fuis dans la tendresse des salles de cinéma, je rêve devant l'écran magique pendant les quatre séances de l'après-midi. Et dans le métro, l'éclat métallique des rails m'attire, me renverse comme quelque chose venu d'ailleurs, du plus profond de moi-même. Moi-même c'est tout ce qu'il me reste, tout ce que vous m'avez laissé. (...) J'essaie de retrouver un monde, je regarde tous les chemins avant de choisir le mauvais, mais rien n'est indiqué et personne ne veut me tendre la main, ou plutôt, je ne veux en prendre aucune. Une angoisse me serre le coeur. Ici, la solitude est moins belle car elle est fausse tout en ayant l'apparence d'être véritable. Plus douloureuse. Vivre, qu'est-ce que cela veut dire? Je ne sais pas. Je veux dire, je ne sais pas si cette fois-ci j'ai trouvé la vraie route. Je n'arrive pas à oublier et je me réveillerai encore souvent, en criant, pour avoir entendu le petit bruit de la clé tournée dans la serrure.

L'écriture lui aura été d'un grand secours, mais pas suffisamment pour la guérir de son mal-être ou lui apporter le réconfort. Quelques années après la parution de son premier livre, Le pavillon des enfants fous, Valérie Valère s'éteint un certain 17 décembre 1982 dans son sommeil, victime d'une crise cardiaque après une overdose médicamenteuse: une délivrance pour cette écorchée vive de 21 ans à peine, qui, malgré le succès, n'aura jamais connu le bonheur...

Reste l'oeuvre: Outre Le Pavillon des enfants fous (coll. Livre de poche/LGF, 1983) réédité en 2001, les autres textes de Valérie Valère sont malheureusement tous épuisés. Je vous les mentionne néanmoins ci-dessous, car chez les bouquinistes ou avec un peu de chance dans les bibliothèques, vous pouvez sans doute les dénicher, pour la plupart: Malika ou un jour comme tous les autres (coll. Livre de poche/LGF, 1983), Obsession blanche (coll. Livre de poche, 1992), Laisse pleurer la pluie sur tes yeux (coll. Pocket, 1988), La Station des Désespérés ou Les Couleurs de la Mort (Bartillat, 1992). Il faut y ajouter un livre qui lui fut consacré, écrit par Isabelle Clerc et Françoise Xénakis: Valérie Valère - Un seul regard m'aurait suffi (Perrin, 2001) indisponible lui aussi.  

Valérie Valère, Le pavillon des enfants fous (coll. Livre de poche/LGF, 2001)


23/09/2011

In memoriam

Bloc-Notes, 23 septembre / Les Saules

littérature: essais; conférences; livres

La jeunesse de ma grand-mère paternelle semble tout juste tirée d'un roman d'Emile Zola. Issue d'un milieu modeste, elle quitta l'école à l'âge de quatorze ans, pour apporter sa contribution financière à la famille. A son père, plutôt, un pilier de bistrots qui l'attendait en fin de semaine à la sortie de sa blanchisserie, pour lui piquer ses sous. Pas d'études donc, ni d'instruction particulière sinon pratique, comme pour bon nombre de femmes de son époque. Je l'ai toujours connue penchée sur France Dimanche, Ici Paris, Le Détective ou La Feuille d'Avis de Lausanne - devenu par la suite 24 Heures - qui occupaient ses après-midis quand elle nous rejoignait cinq ou six fois par an, pour une quinzaine de jours. Ou plongée dans les romans à l'eau de rose, signés Delly ou Max Du Veuzit que je lui offrais à son anniversaire et à Noël. Une manière comme une autre de réhabiliter cette notion de bonheur qui lui avait été refusée. Un événement pourtant allait chambouler ses habitudes: Une émission TV - en noir et blanc, dans les années 60/70 - intitulée Préfaces, magazine culturel d'une quarantaine de minutes produit par la Télévision Suisse Romande, en collaboration avec l'ORTF, présentée par Albert Zbinden et Guy Dumur, réalisée par Maurice Huelin.

Préfaces consacra en première partie de l'émission des dossiers passionnants à Jean Cocteau, Marcel Jouhandeau, Michel Simon, Joseph Kessel, Henry de Montherlant, Françoise Sagan ou Ivo Andric - pour n'en citer que quelques-uns - avant de cèder la place, dans un salon où l'on n'entendait pas même bourdonner une mouche, à Henri Guillemin et ses rendez-vous littéraires. Ce catholique engagé, professeur au Caire puis à Bordeaux avant la guerre de 39-45, fuyant la France en 1942 pour s'établir en Suisse - à Neuchâtel - devint pour la petite histoire attaché culturel à l'ambassade de France jusqu'à sa retraite, en 1962. Boudé par les intellectuels français pour sa vision anticonformiste et passionnée, il n'accèda jamais à ce vieux rêve: devenir professeur à La Sorbonne.

Ma grand-mère donc - pour laquelle j'ai toujours éprouvé une immense tendresse - malgré ses études embryonnaires, était vive, intelligente, curieuse. Elle n'a raté aucune des émissons de Henri Guillemin et était capable de résumer chacune de ses interventions - une quinzaine de minutes - avec un lumineux sourire. Je me souviens particulièrement de son évocation de Pascal - pourtant pas facile à décrypter - qui l'avait captivée. Il avait réussi là où tous - notre entourage et les autres - avaient échoué: susciter la soif d'apprendre, aiguiser la curiosité, traquer la vérité...

Une même ferveur chez ma mère, par contre impregnée de littérature et qui m'a transmis entre autres sa passion pour les auteurs russes du XIXe siècle. Préfaces fut pour elle un moment exceptionnel de télévision: elle applaudissait quand Henri Guillemin parlait d'Emile Zola, d'Alphonse de Lamartine, de François Mauriac ou de Charles Péguy avec son drapeau tricolore à la main... Elle lui a écrit plusieurs fois, fière de brandir les réponses du maître à ses interprétations ou critiques. Quant à moi, je me rappelle qu'il avait ressuscité Jules Vallès, tombé à cette époque en désuétude: au lendemain de sa présentation - j'étais alors apprenti libraire - tout le monde voulait découvrir cet illustre inconnu de la Commune, comme s'il s'agissait du dernier lauréat d'un prix littéraire! Plus tard, il m'avait entraîné sur les traces d'un auteur étonnant aujourd'hui - hélas! - oublié: Jean Sulivan, prêtre-écrivain de l'après-guerre, auteur de Car je t'aime ô Eternité et Devance tout adieu.

Avec Henri Guillemin, cela nous amusait de compter les coups. Un peu injustement - parfois, souvent - contre André Gide, par exemple ou pire encore, contre Jean-Jacques Rousseau. Cela dit, son plus grand mérite fut de populariser la littérature - au sens noble du terme - sur les ondes ou à la télévision, de l'avoir rendue accessible hors de la sphère privilégiée des universitaires, avec une élocution et une force de conviction qui n'ont jamais été égalées depuis, pas même par Alain Decaux ou plus tard Bernard Pivot.

Bien sûr qu'il peut lui être reproché d'avoir pris des libertés avec l'histoire, d'avoir été fasciné ou au contraire indigné par certains écrivains et hommes politiques, mais en revanche, sceptique devant les modèles préfabriqués, il aimait chercher ce qui se cache derrière les choses et cela incitait son auditoire à dépasser avec lui les apparences, les lieux-dits, fut-ce dans une autre direction que la sienne, au coeur de l'homme, loin des abstractions.

Parmi une riche bibliographie, il vaut la peine de lire A vrai dire (1956), L'énigme Esterhazy (1962), L'homme des Mémoires d'Outre-tombe (1965), Sulivan ou la parole libératrice (1977) et Charles Péguy (1981).  

Henri Guillemin nous a quittés en 1992, à l'âge de 89 ans et je suis ému qu'en 2011, un auteur lui consacre un vibrant hommage. Il s'agit de Michel Crépu. Dans son dernier ouvrage, Le souvenir du monde - Essai sur Chateaubriand, il note: Henri Guillemin, un inquisiteur en quelque sorte amoureux de son prévenu, sa manière à lui de l'aimer, multipliant les pièces à charge dans l'espoir d'un rachat de dernière minute, fourni par l'accusé lui-même, si possible malgré lui, bien entendu. Au fond, Guillemin, si acharné en procureur des grandes gloires, ne voulait pas un casier sans tache, ce qu'il voulait c'était pouvoir pardonner. Si la littérature est la littérature, alors qu'elle le prouve. (...) Chez Guillemin, la beauté se gagne au terme d'une entreprise de démolition implacable: à la fin, on veut bien baisser la garde, à condition que la beauté, une fois n'est pas coutume, joue cartes sur table.

Merci pour lui, Michel Crépu: il le vaut bien...

Henri Guillemin, L'énigme Esterhazy (Gallimard, 1962)

Jean Sulivan, Car je t'aime ô Eternité (Gallimard, 1966)

Michel Crépu, Le souvenir du monde - Essai sur Chateaubriand (Grasset, 2011)

 Archives de la TSR: http://archives.tsr.ch/dossier-18esiecle

13/07/2010

In memoriam

Bloc-Notes, 13 juillet / Les Saules

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Peu de jeunes lecteurs savent qui était Henri-François Rey, disparu en 1987 à l'âge de 67 ans. Pourtant, de son oeuvre assez inégale, il faut bien le dire, il est triste que La fête espagnole - Prix des Deux Magots 1959 - Les pianos mécaniques - Prix Interralié 1962 - ou encore Les chevaux masqués ne soient plus disponibles, parmi une quinzaine d'autres titres ayant subi le même sort.

Par bonheur, il subsiste encore un roman dans les librairies - un seul! - à mon sens le chef d'oeuvre de son auteur, écrit en 1960 et intitulé La comédie. Il nous raconte l'histoire de Franck, un alcoolique qui, de bar en bar recherche dans l'ivresse l'oubli de ses angoisses, de sa désespérance, de son vide intérieur. Un jour, il rencontre Kim, dont le regard cristallise en lui un possible attachement, peut-être plus durable que les autres. Pourtant, même avec elle, c'est la dérive continuelle, l'abime tout proche qui le précipite en cure de désintoxication. Guéri en apparence, il entreprend un voyage en Espagne où la fête anéantira ses efforts, le replongera dans un univers où, malgré les efforts de Kim, ses humeurs noires et autodestructrices noyées dans l'alcool lui apporteront la paix, définitivement.

Ce récit nous réserve des pages magnifiques, terribles ou bouleversantes sur le mal de Franck: Enfin je sais de quoi je souffre et de quoi je crève. Enfin je suis sûr de moi.C'est encore sournois, mais je sais que quelque chose s'est installé en moi qui va me détruire. Un oiseau a fait son nid à l'intérieur de moi-même. (...) J'ai l'impression de descendre un immense escalier, toujours plus bas, toujours plus profond, encore des marches. En bas, j'entre dans une pièce, il fait bon, il y a une odeur de géranium. Les portes se ferment derrière moi. Je suis tranquille, je suis à l'abri. Je suis sauvé.

L'une de ses dernières crises est décrite avec une lucidité implacable: Ca tremblait devant ses yeux, c'était flou, la table et le bout du lit, et les vêtements sur la chaise de paille. Des petites lueurs comme des cristaux qui dansaient et le narguaient. Des mouches de glace qui se poursuivaient et, derrière, des visages qui se déformaient très vite et devenaient hideux, de la gélatine poisseuse qui coulait. Et les masques défilaient, le regardant, l'épiant. Mais les plus atroces étaient ceux qui détournaient les yeux et faisaient semblant de ne pas le voir.

De cette descente aux enfers subsiste cet écrit poignant auquel un autre - non moins célèbre - fait écho: Le repos du guerrier de Christiane Rochefort, inspiré sans doute de sa relation avec un certain Henri-François Rey...

Henri-François Rey, La comédie (Robert Laffont, 1960)

Christiane Rochefort, Le repos du guerrier (coll.Livre de poche, 1992)

 

 

00:44 Écrit par Claude Amstutz dans Bloc-Notes, In memoriam, Littérature francophone | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; roman; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

01/07/2010

In memoriam 1b

Si vous ne connaissez pas encore Gribouille, voici sans doute l'une de ses plus belles chansons. J'y ajoute un extrait du spectacle conçu et réalisé par Marie-Thérèse Orain, Gribouille ou l'éternel éphémère, ainsi qu'un document rare de Gribouille, à ses débuts...

en souvenir de C.C.

 



00:15 Écrit par Claude Amstutz dans Chansons inoubliables, Gribouille, In memoriam, Rosebud | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : musique; variété | |  Imprimer |  Facebook | | |

In memoriam 1a

Bloc-Notes, 1er juillet / Les Saules

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en souvenir de C.C.

Trop tôt disparue - en 1968, à la suite d'un excès de barbituriques et d'alcool - à l'âge de 27 ans, la voix fascinante et grave de Gribouille - de son vrai nom Marie-France Gaite - hante encore ma mémoire, avec ses coups de gueule, son désespoir et ses élans de tendresse, comme le rappelle Françoise Mallet-Joris dans la préface de ce livre qui lui est consacré. Remarquée par Jean Cocteau, elle débute dans la chanson à 16 ans, se produit au Boeuf sur le toit, à L'Ecluse, au Don Camillo et d'autres cabarets de l'époque. On la compare souvent à Jacques Brel ou Barbara. En fait, elle ne ressemble à personne.

Après avoir collaboré avec des compositeurs tels Charles Dumont, Georges Chelon ou Jacques Debronckart, elle écrit dans les années 60 ses plus belles chansons: Mourir demain, Mathias, Les rondes, Pauvre Camille, Grenoble ou Ostende.

Dans cet ouvrage, vous pouvez retrouver la préface mentionnée plus haut, une émouvante contribution de Marie-Thérèse Orain, un cahier de photographies de Gribouille réalisées par Claude Mathieu, ainsi que nombreux de ses textes, dont certains méconnus parmi lesquels Le mal d'amour et Si je ne fais pas de toi:

Si je ne fais pas de toi mon plus beau souvenir, dont on parlait parfois, c'est que je vais mourir. Je ne sais pas comment, je ne sais pas pourquoi...

Il reste aujourd'hui de cette chanteuse bouleversante le souvenir d'un diamant brut, trop lourd pour s'envoler vers le ciel, trop léger pour s'enraciner dans la terre.

Ne manquez pas de consulter - si le coeur vous en dit - le bel hommage qui lui est rendu sur Internet, à l'adresse http://rochambeau.blogs.sudouest.fr/tag/Gribouille


Gribouille, Je vais mourir demain (Christian Pirot, 2001)

Gribouille, Mathias (EMI Music France, 1997)

 

15/03/2010

In memoriam

 

Bloc-Notes, 15 mars / Les Saules

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Au cours de l’été 1981, j’ai eu le plaisir de vivre un des moments inoubliables de mon métier de libraire, en accueillant pour une rencontre avec ses lecteurs, dans une librairie des rues basses à Genève - aujourd’hui remplacée par une pharmacie – Yves Navarre, à la parution de son texte Biographie, chez Flammarion.

J’avais été conquis par son extrême sensibilité, sa discrétion, son charme un peu suranné – il dédicaçait ses ouvrages avec une plume Mont-Blanc - et une disponibilité rare. Venu tout exprès du Midi, il avait pris soin de prendre son temps avec tous ses fans ayant fait le déplacement pour cette visite exceptionnelle, dense, émouvante au-delà des mots.

Cela explique la douleur éprouvée à sa mort – il a mis fin à ses jours – un certain 24 janvier 1994, à l’âge de 54 ans.

Mais qui donc – parmi les jeunes – sait encore qui est cet écrivain exhumé dont la plupart des livres sont épuisés ? Je vais donc vous en dire un peu plus. Yves Navarre compte une quarantaine de publications à son catalogue – romans, pièces de théâtre, récits autobiographiques – parmi lesquels je mettrai en exergue quelques titres, recensés sur ce blog, méritent de survivre au pouvoir implacable des ans et… des éditeurs: Evolène écrit en 1972 (de magnifiques pages sur l’enfance, les paysages suisses et Ramuz), Les loukoums en 1973 (une préfiguration des années sida) et surtout Le cœur qui cogne en 1974 dont émane, aux côtés de Je vis où je m’attache en 1978 et Le jardin d’acclimatation en 1980 (prix Goncourt) une atmosphère très mauriacienne. Son roman le plus personnel – dans l’équilibre trouvé entre le style et la force des sentiments – est, en ce qui me concerne, Le temps voulu écrit en 1979 (la passion confrontée à la solitude, à l’attente, à l’absence) auquel fera écho Ce sont amis que vent emporte (le stade terminal du sida dans un couple) en 1991.

Si l’œuvre d’Yves Navarre est inexistante sur les rayonnages des librairies, à qui donc la faute ? Aux grandes maisons d’édition surtout – Flammarion et Robert Laffont en tête, Albin Michel et le Livre de poche ensuite – qui ont passé à autre chose... Au diktat de la nouveauté ensuite, qui privilégie bien souvent le traitement des standards, de l'actualité ou des célébrités du jour, tant chez les libraires que dans les sphères médiatiques.

Fort heureusement, les éditions H&O ont réédité certains de ses récits – pas forcément les meilleurs à ce jour – parmi lesquels Le jardin d’acclimatation en 2009, introuvable depuis de nombreuses années.

Autre bonne nouvelle, celle du site officiel de ce grand amoureux des chats  - http://www.yvesnavarre.ch - très complet, régulièrement mis à jour, comportant de nombreux textes téléchargeables au format PDF.

Il vaut vraiment la peine de (re-)découvrir cet auteur injustement réduit à son homosexualité, relégué aux oubliettes, dont les propos dépassent – et de loin – sa quête personnelle et dont les interrogations n'ont rien perdu de leur modernité.

Un roman ne se raconte pas, il se vit. A chacun son émotion, des bruits de pas dans les aiguilles de pin. (Le temps voulu)

copiez le lien ci-dessous, et retrouvez un document rare de l'INA consacré à Yves Navarre:

http://www.ina.fr/art-et-culture/litterature/video/I00001223/interview-d-yves-navarre-prix-goncourt-1980.fr.html

00:05 Écrit par Claude Amstutz dans Bloc-Notes, Charles Ferdinand Ramuz, In memoriam, Littérature francophone, Yves Navarre | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : littérature; auteur | |  Imprimer |  Facebook | | |

09/02/2010

In memoriam

mouchette.jpgGeorges Bernanos, Nouvelle histoire de Mouchette (Le Castor Astral, 2009)

 

Certains chefs d’œuvres sont indisponibles depuis de longues années. Parmi ceux-ci, heureusement, il en est un récemment réédité, soit la Nouvelle histoire de Mouchette de Georges Bernanos.


Tragédie du mal sous toutes ses formes – conformisme social, matérialisme, violence ou mensonge – ce roman nous dévoile le destin de Mouchette, une jeune fille de 14 ans, confrontée à l’indifférence de sa famille : une mère à l’agonie, un père et ses grands frères qui cherchent dans l’ivresse à oublier leur condition misérable. A la faveur d’une tempête, rentrant de l'école, elle s'égare en forêt et croise le chemin d’Arsène le braconnier qui l'accueille, puis la séduit et sous l'emprise de l'alcool, abuse d’elle. Seule, rejetée dans cet environnement qui ne lui fait aucun cadeau – même son institutrice la livre aux moqueries de ses camarades de classe – elle choisit, pour en finir avec le désespoir, la honte et le dégoût qui submergent son innocence perdue, de mettre fin à ses jours.


Aucun roman contemporain ne m’aura à ce point ébranlé. De toute évidence, ce texte écrit en 1937, transposé dans un contexte plus universel, incite à penser que Mouchette est le visage de la France humiliée, bafouée, en proie à la folie des hommes - leur lâcheté, leur mépris - comme si seule une grâce divine saurait illuminer les ténèbres insinuées dans la moindre des réalités.


Bien des années plus tard, ce roman conserve un étonnant pouvoir de colère, de révolte, de fraternité douloureuse. Dans un autre décor social aussi glaçant que celui qui précède, on peut déceler aujourd’hui dans le drame de Mouchette, l’insupportable vérité des nouveaux pauvres, des exclus de la société, des victimes de la consommation, désormais jugés encombrants ou pire, inutiles …

 

Ne manquez pas le film de Robert Bresson, Mouchette, réalisé en 1967 d'après l'oeuvre de Georges Bernanos, avec la bouleversante Nadine Nortier. Un des dix plus beaux films de tous les temps! En prime, le Magnificat de Claudio Monteverdi, contrepoint saisissant à la noirceur de l'adaptation cinématographique.

11:09 Écrit par Claude Amstutz dans In memoriam, Littérature francophone | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature: roman; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

18/10/2008

In memoriam

Albertine Sarrazin.jpgUne curiosité à (re-) découvrir

Disparue prématurément en 1967, à trente ans à peine, alors que la vie semblait enfin lui sourire, Albertine Sarrazin laisse derrière elle trois livres essentiels: « L’astragale », « La cavale » et « La traversière » dont seul le premier est encore disponible en librairie. Quelle tristesse … car cette enfant de l’assistance publique, mal aimée et révoltée deviendra un écrivain – un vrai, un grand - en prison où elle séjournera pendant huit ans pour braquage à main armée, prostitution et vol. Ses écrits sont autant de cris de révolte contre une société lâche ou hypocrite et un témoignage sans concession sur le milieu carcéral. Son style unique, instinctif, d’une beauté ténébreuse, alliant la crudité du langage à la tension émotionnelle de sa fragilité intérieure, n’a pas pris une ride. Sa rage de vivre couchée sur papier mérite bien mieux aujourd’hui que d’habiller la poussière d’une obscure bibliothèque de province. Lisez donc « L’astragale » et croyez-moi, certaines de vos lectures récentes prendront « un méchant coup de vieux », tout à coup …

Albertine Sarrazin, L'astragale (Pauvert, 2001)

17:57 Écrit par Claude Amstutz dans Albertine Sarrazin, In memoriam, Littérature francophone | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; roman; poésie; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |