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29/09/2014

Clémence Boulouque

Clémence Boulouque.jpgClémence Boulouque, Nuit ouverte (Flammarion, 2007)

Connaissez-vous l’histoire de Régina Jonas, première femme rabbin ordonnée à Berlin en 1935, déportée et assassinée à Auschwitz en décembre 1944? Non? Alors lisez vite ce très beau roman qui prête la voix à cette disparue et nous dévoile en contrepoint, le parcours ambigu de la famille d’Elise Lermont, la narratrice, de Champagne à Paris sous l’Occupation. Outre un tableau de la pensée juive de cette époque émaillé de citations jamais pesantes – Benjamin, Rilke, Celan, Mandelstam ou Akhmatova - ce récit nous révèle le comportement des entreprises champenoises pendant la guerre et l’interrogation de son héroïne, bien au-delà de ce contexte historique précis, nous interpelle tous : Comment accepter les siens, ni plus lâches ou désinvoltes que d’autres, se réconcilier avec eux dans le souvenir et le pardon? Aux liens de notre sang qui parfois nous écrasent par le poids de la culpabilité filiale, ceux de notre choix – pour Elise, il s’agit de Régina Jonas - peuvent-ils nous délivrer de la honte, nous propulser dans l’avenir avec force et nous épanouir, malgré les blessures irréparables du temps?

26/06/2014

Ossip Mandelstam

9782844853516.gifOssip Mandelstam, Nouveaux poèmes 1930-1934 (Allia, 2010)

D'Ossip Mandelstam, poète russe contemporain d'Anna Akhmatova et de Marina Tsvetaeva, on connaît surtout son texte le plus célèbre, Le bruit du temps (coll. Titres/Bourgois) et Le voyage en Arménie (Mercure de France). Il faut y ajouter la magnifique anthologie Simple promesse (La Dogana). Le présent recueil reprend des poèmes écrits avant sa terrible fin de vie: Arrêté une première fois en 1934 pour ses critiques contre Staline, il est condamné à cinq ans de travaux forcés en 1938 pour des activités jugées contre-révolutionnaires avant de mourir d'humiliations et de mauvais traitements près de la Kolyma en cette même année, son corps jeté dans une fosse commune.

Entre autres élégies de la langue allemande, de la poésie russe, de l'âme arménienne, on peut découvrir ces vers poignants: A tes frêles épaules sous les coups de rougir, sous les coups de rougir, sous le gel de brûler. A tes mains enfantines de soulever les fers, de soulever les fers et tresser les cordages. A tes tendres pieds nus d'aller nus sur le verre, d'aller nus sur le verre et le sable sanglant. Mais à moi en ton nom, cierge noir de brûler, cierge noir de brûler, et ne pouvoir prier.

 

05:44 Écrit par Claude Amstutz dans Anna Akhmatova, Littérature étrangère | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; poésie; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

15/05/2014

Morceaux choisis - Anna Akhmatova

Anna Akhmatova

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Que nous importe, en vérité,
Que tout se transforme en poussière,
Sur combien d’abîmes j’ai chanté,
Dans combien de miroirs j’ai vécu?
Ce n’est pas un rêve, soit, ni un réconfort,
C’est tout sauf un bienfait du ciel,
Il se peut que tu sois obligé
De te rappeler plus qu’il n’est nécessaire.
Le grondement des poèmes qui se taisent,
L’oeil qui se cache dans les profondeurs,
Cette couronne de barbelés rouillés
Au milieu d’un silence inquiet.
 

Anna Akhmatova, dans: Collectif, Quelqu'un plus tard se souviendra de nous (coll. Poésie/Gallimard, 2010)

image: http://www.metronews.fr

16:11 Écrit par Claude Amstutz dans Anna Akhmatova, Morceaux choisis | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; poésie; anthologie; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

28/11/2013

Morceaux choisis - Anna Akhmatova

Anna Akhmatova

1.jpg

Moi, comme un fleuve,
Une époque de fer m'a détournée.
On m'a changé de vie.
Elle a suivi un autre lit, vu d'autres paysages,
Et mes rivages me sont inconnus.
 
O combien de spectacles j'ai manqués,
Que de rideaux levés en mon absence et retombés!
Combien de mes amis je n'ai jamais croisés,
Combien de villes dont les contours
Auraient pu m'arracher des pleurs,
Alors que je n'en connais qu'une,
Que je saurais retrouver même en rêve
Et à tâtons.
 
Et combien de poèmes que je n'ai pas écrits:
Leur choeur secret,
Il rôde autour de moi, et un beau jour
Il se pourrait qu'il vienne m'étouffer...
 
Je connais tout, commencements et fins,
La vie après la fin, et quelque chose
Qu'il ne faut pas rappeler à présent.
Et quelqu'un d'autre,
Une femme inconnue a pris ma place, 
Mon unique place,
Et porte ici mon légitime nom,
Ne me laissant qu'un surnom
Dont j'ai fait tout ce que l'on pouvait,
je le crois bien.
 
Ma tombe, hélas, ne sera pas pour moi.
Mais qu'une folle brise de printemps,
Ou deux mots dans un livre de hasard,
Ou le sourire de quelqu'un 
M'entraînent soudain
Dans cette vie inaccomplie...
 
Cette année-là il serait arrivé ceci, et puis cela:
Partir au loin, voir et penser,
Se ressouvenir,
Entrer comme on ferait dans un miroir
Dans un amour nouveau,
Avec la sourde conscience de trahir,
Et une ride nouvelle,
Qui n'était pas encore là
Hier...
 
Si de là-bas pourtant
J'apercevais ma vie de maintenant,
Je connaîtrais enfin
L'envie...
 

Anna Akhmatova, Cinquième élégie, dans: Philippe Jaccottet, D'autres astres, plus loin, épars - Poètes européens du XXe siècle (La Dogana, 2005)

image: Anna Akhmatova (beautifulrus.com)

07:03 Écrit par Claude Amstutz dans Anna Akhmatova, Littérature étrangère, Morceaux choisis | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; poésie; anthologie; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

25/11/2013

Philippe Jaccottet

9782940055517.gifPhilippe Jaccottet, D'autres astres, plus loin, épars - Poètes européens du XXe siècle (La Dogana, 2005)

Comme dans Une constellation tout près - consacrée aux poètes d'expression française, chez le même éditeur - Philippe Jaccottet nous invite à prendre notre bâton de pèlerin pour le suivre au pays des poètes. Il y a, bien sûr, les incontournables, tels Rilke, Machado, Lorca, Celan, Pessoa, Mandelstam, Akhmatova ou Tsvetaeva, mais dont les textes, choisis avec soin, sont souvent méconnus. Il en est d'autres, rarement évoqués: par exemple Blok, Raine, Trakl, Penna pour n'en citer que quelques-uns. Aussi bel objet que le précédent recueil cité, cette anthologie deviendra bien vite votre livre de chevet, ainsi qu'une fenêtre ouverte sur le monde...

03/04/2013

Le questionnaire Marcel Proust - 2/3

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Mes auteurs favoris en prose?

William Shakespeare (d'accord, c'est du théâtre, mais...), Thérèse d'Avila (et les autres auteurs de spiritualité carmélitaine), Bernard de Clairvaux, H.B. Stendhal, Emily Brontë, Albert Camus, Simone Weil, Marcel Proust, François Mauriac, puis: Fiodor Dostoievski, Alexandre Dumas, Erri de Luca, Mario Rigoni Stern, Charles-Albert Cingria, Gustave Roud, Georges Simenn et j'en oublie...

Mes poètes préférés?

Charles Baudelaire, Paul Verlaine, Dante Alighieri, Giacomo Leopardi, Pétrarque, Rainer-Maria Rilke, Ossip Mandelstam, Anna Akhmatova, Fernando Pessoa, Mahmoud Darwich, Emily Dickinson, René Char, Louis Aragon, Paul Eluard, Maurice Chappaz, Jean-Michel Maulpoix, Abdellatif Laâbi, les auteurs de la Bible, et tant d'autres...

Mes héros dans la fiction?

Heatcliff ("Les hauts de Hurlevent"), Edmond Dantès ("Le comte de Monte Cristo"), Prospero ("La tempête").

Mes héroïnes favorites dans la fiction?

Cathy ("Les hauts de Hurlevent"), Tatiana ("Le songe d'une nuit d'été"), puis la Tosca et Carmen.

Mes compositeurs préférés?

Wolfgang-Amadeus Mozart, Franz Liszt, Jean-Sébastien Bach, Franz Schubert, Gustav Mahler, Ludwig van Beethoven, Joseph Haydn, Frédéric Chopin, Serge Rachmaninov, Antonio Vivaldi, Robert Schumann, Hector Berlioz, Alexander Scriabin, Bela Bartok, John Coltrane et (pour la chanson...) Barbara. Et ceux qu'il est injuste de ne pas mentionner...

 

(à suivre)

13/05/2012

Morceaux choisis - Anna Akhmatova

Anna Akhmatova

littérature; poésie; livres

S'éveiller tôt le matin
Parce que la joie étouffe,
Et regarder l'eau verte
Par le hublot de la cabine,
Ou sur le pont dans la tempête,
Blottie dans une douce fourrure,
Ecouter battre les machines,
Et ne penser à rien.

Mais attendre la rencontre
Avec celui que j'aime
Sous le sel des embruns, et sous le vent
Rajeunir d'heure en heure.
 

Anna Akhmatova, L'églantier fleurit et autres poèmes (La Dogana, 2010)

image: sosduneterrienneendetresse.centerblog.net

08:07 Écrit par Claude Amstutz dans Anna Akhmatova, Littérature étrangère, Morceaux choisis | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; poésie; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

14/01/2012

Morceaux choisis - Anna Akhmatova

 akhmatova.jpg

Anna Akhmatova 

N’essaie pas de me faire peur
Ne me parle pas du destin qui te menace
Ni de la tristesse sans fin de ce pays.
 
Voici notre première fête
Et cette fête a nom rupture.
Tant pis.
Nous n’attendrons pas l’aube.
La lune pour nous n’aura pas divagué.
 
Je vais te donner aujourd’hui
Ce qu’on n’a jamais vu au monde:
Mon reflet sur l’eau, vers le soir,
Quand le ruisseau n’a pas sommeil;
Un regard qui n’a pas aidé
L’étoile filante à trouver
Le chemin qui ramène au ciel;
L’écho de cette voix sans force
Qui était fraîche cet été...
 
Pour que tu puisses supporter d’entendre
Dans les datchas les médisances des corbeaux.
Pour que les jours du mois d’octobre
Te soient plus doux que la douceur de mai.
Mon ange, souviens-toi de moi.
Au moins, tant que n’est pas tombée
La première neige,
souviens-toi.

Anna Akhmatova, La course du temps - Requiem / Poèmes sans héros et autres poèmes (coll. Poésie/Gallimard, 2007)

 

00:20 Écrit par Claude Amstutz dans Anna Akhmatova, Littérature étrangère, Morceaux choisis | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : littérature; poésie | |  Imprimer |  Facebook | | |

30/05/2011

Editions La Dogana, Chêne-Bourg (Suisse)

Dogana_catalogue30_couv.jpgCollectif: Un visa donné à la parole - Trente ans d'édition (La Dogana, 2011)

Ce n'est pas par le nombre de publications que nous souhaitons nous distinguer, mais par leur qualité et la cohérence des choix. Et pour cette même raison que la poésie demeure à nos yeux - au sein des discours scientifiques, didactiques ou idéologiques dont nous sommes trop souvent devenus la proie - une des rares paroles à la fois légère, durable et nécessaire, nous avons accordé un soin particulier à l'aspect extérieur de nos livres; afin d'aboutir à une sorte de point d'équilibre entre la petite masse de papier, de toile et d'encre et l'énorme densité des oeuvres qui s'y trouvent inscrites.

 Ainsi s'exprime Florian Rodari pour célébrer les trente ans de sa maison d'édition. Je ne vais pas vous raconter l'histoire de La Dogana, puisque - dans ces mêmes colonnes - un article lui a déjà été consacré par le passé, de même que plusieurs livres parmi lesquels ceux d'Ossip Mandelstam, Anna Akhmatova et Philippe Jaccottet. Par la critère de recherche sur ce site, vous pouvez les découvrir, les lire ou relire, si le coeur vous en dit. Ce petit cadeau fait à tous les passionnés de poésie est un catalogue illustré de toutes les publications de cet éditeur - 80 titres - entrecoupé par des textes inédits d'Yves Bonnefoy, Pierre-Alain Tâche, Jacques Réda, Philippe Jaccottet, Jean-Pierre Lemaire, Fréderic Wandelère, Alain Madeleine-Perdrillat et Angelika Kirchschlager. De l'autre côté du miroir, une autre résonance conclut ce bel anniversaire, avec Muriel Bonicel: Impressions d'une libraire à Montparnasse.

Florian Rodari peut être fier de son travail d'éditeur passionné, minutieux, insensible au rythme effréné des mondes, comme ces vagues de l'âme unissant une communauté d'artisans qui, refusant toute compromission, en scellent toute la beauté et l'authenticité.  

27/01/2011

Devoir de vacances 2/3

Bloc-Notes, 27 janvier / Les Saules

P1030543.JPG

Ma bibliothèque n'est pas immuable. Une succession de lignes, de traits d'union, de fulgurances, dont le dénominateur commun n'est pas le passé, mais au contraire une superposition de regards sur le monde dont je tire une force souterraine qui me projette dans l'avenir et fait de moi ce que je suis aujourd'hui: un tissu de passions, de métamorphoses, de contradictions.

Pêle-mêle, dans cette caverne d'Ali-Baba aux trésors souvent relégués aux oubliettes, des curiosités telle La Gana de Jean Douassot et Ravages de Violette Leduc voisinent Le monde désert de Pierre-Jean Jouve ou Le vertige d'Alexandre Kalda, témoins d'amours malheureuses. Un peu plus loin, Le journal d'un curé de campagne de Georges Bernanos me rappelle qu'il a failli m'expédier très jeune au séminaire!

Sur mon fauteuil, je réserve  un espace pour les livres auxquels je veux - depuis près d'un an - consacrer une notice qui me refuse encore le premier mot: Réelles présences de George Steiner, Comme personne de Hugo Hamilton, Les dents du topographe de Fouad Laroui, Le cortège de la mort d'Elizabeth GeorgeJe note aussi dans ce recensement laborieux, certaines absences, telles les classiques Vaubourdolle ou les classiques Larousse de la première heure - avec lesquels j'ai découvert le théâtre de Jean Racine ou les poèmes d'Alfred de Musset, d'Alphonse de Lamartine, de Victor Hugo - et qui ont disparu lors d'un déménagement. D'autres plus récents manquent à l'appel, parce que les aimant beaucoup, je les ai souvent offerts, jusqu'à mon dernier exemplaire, sans y prendre garde. C'est le cas, par exemple, du roman de Frédérique Deghelt, La grand-mère de Jade ou le recueil d'Yves BonnefoyDans le leurre du seuil 

Dans ma bibliothèque, le fil rouge de tous ces écrits épars demeure, depuis mes premières découvertes - Les fleurs du mal de Charles Baudelaire et Les nourritures terrestres d'André Gide - celui de la poésie qui transcende toutes choses dans la proximité et la distance, appréhende le réel et lui donne un sens dont semble bannie toute cécité. Je revisite, dans ce monde à part qui se dévoile avec parcimonie à l'oreille inattentive, ces discrets messagers que sont Paul Verlaine, Louis Aragon, Philippe Jaccottet, Paul Eluard, Rainer-Maria Rilke, Anna Akhmatova, Ossip Mandelstam et bien d'autres.

Restent enfin, dans ce chaos en mouvement, les auteurs auxquels je voue une tendresse particulière et qu'à coup sûr, j'emporterais dans mes bagages sur une île déserte, tant leur richesse m'est inépuisable: William Shakespeare, Albert Camus, René Char - bien sûr! - et... La Bible. Qui l'eût cru?

Ite missa est...

(à suivre)