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10/09/2014

Le poème de la semaine

Jean-Claude Pirotte

Tu ne sauras jamais qui je suis 
dit l’enfant je passe mon chemin 
je vais vers les prairies lointaines, 
où l’herbe chante à minuit près des saules 
qui pleurent car c’est ainsi 
que s’ouvre à mon cœur la musique fidèle 
et que le monde enfin commence à vivre 
et que je commence à mourir 
tu ne me verras pas vieillir 
ni ne reconnaîtras mon ombre 
adossée au talus là où le sentier noir 
se perd dans un fouillis d’épines 
et les étoiles des compagnons blancs 
 
Tu as beau regarder sans cesse derrière 
toi comme si tu craignais l’orage 
et que tu te hâtais poursuivi par l’éclair 
jamais tu ne surprendras mon sourire 
tendrement cruel comme celui d’un tueur triste
 
Quelques traces de craie dans le ciel,
Anthologie poétique francophone du XXe siècle

03:07 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone, Quelques traces de craie dans le ciel - Anth | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; poésie | |  Imprimer |  Facebook | | |

09/09/2014

La citation du jour

Daniel Pennac 

littérature; essai; morceaux choisis; livres 

Une seule condition à cette réconciliation avec la lecture: ne rien demander en échange. Absolument rien. N'élever aucun rempart de connaissances préliminaires autour du livre. Ne pas poser la moindre question. Ne pas donner le plus petit devoir. Ne pas ajouter un seul mot à ceux des pages lues. Pas de jugement de valeur, pas d'explication de vocabulaire, pas d'analyse de texte, pas d'indication biographique... S'interdire absolument de parler autour. Lecture-cadeau. Lire et attendre. On ne force pas une curiosité, on l'éveille.

Daniel Pennac, Comme un roman (coll. Folio/Gallimard, 1997)

00:40 Écrit par Claude Amstutz dans La citation du jour, Littérature francophone | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : citation; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

07/09/2014

Morceaux choisis - Frédéric Lenoir

Frédéric Lenoir 

littérature; essai; morceaux choisis; livres

Il existe des antidotes au poison du découragement et de la passivité qu'il entraîne. Il convient d'abord d'avoir à l'esprit que le monde que nous voyons à travers les médias n'est pas le monde réel, mais un spectacle du monde, quotidiennement mis en scène par les médias selon une partition limitée à la litanie des mauvaises nouvelles. A moins de vivre dans les pires des ghettos de misère et de non-droit, on peut voir autour de soi que la violence n'est pas omniprésente, qu'il existe plein de gens heureux, positifs, que l'amour, la famille, l'amitié sont des valeurs encore puissantes, que la solidarité s'exprime de mille et une manières.

A force de ne regarder que des informations déprimantes à la télévision ou sur le Net, on finit en effet par être déprimé. Sans ignorer les mauvaises nouvelles, regardons aussi et plus encore des programmes positifs, constatons autour de nous que nombre de gens, même placés dans des situations parfois difficiles, manifestent de grandes qualités de coeur et restent attachés à des valeurs fondamentales comme le respect, la justice, le partage. Cette attitude positive ne conduit nullement à nier les problèmes, mais permet de les relativiser et de sortir du découragement et de l'attitude passive qu'ils provoquent. Elle nous redonne confiance pour nous battre, nous impliquer, nous engager. Pour être des acteurs de la guérison du monde.

Il ne s'agit pas de remettre en cause les acquis sociaux de la modernité, mais d'apprendre à les gérer avec une maturité nouvelle. En d'autres termes, il va nous falloir désormais apprendre à conjuguer responsabilité individuelle (je suis capable de me prendre en main) et responsabilité collective (je peux aussi compter sur les autres et je les aide à mon tour). Cette équation n'est pas impossible, et nombreux sont ceux qui la mettent déjà en oeuvre au quotidien. C'est le cas lorsque nous militons dans une association humanitaire, achetons des produits issus de l'agriculture biologique ou du commerce équitable, aidons une personne âgée à traverser la rue ou laissons notre place à une femme enceinte dans un bus, éteignons les lumières inutiles, veillons à fermer les robinets d'eau, utilisons moins nos voitures, ramassons les restes après un pique-nique en pleine nature, non par obligation, mais par solidarité, pour le bien commun. Une telle logique n'implique pas un désengagement de l'Etat, au contraire: plus responsables, nous pouvons d'autant mieux demander des comptes à nos dirigeants, leur réclamer d'infléchir leur politique dans un sens plus écologique, plus éthique, plus solidaire, moins soumis aux lois aveugles du marché. 

Frédéric Lenoir, L'aube d'une renaissance, dans: La guérison du monde (coll. Livre de Poche/LGF, 2014)

05:05 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone, Morceaux choisis | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : littérature; essai; morceaux choisis; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

04/09/2014

Sylvie Tanette

11tanette.jpgSylvie Tanette, Amalia Albanesi (Mercure de France, 2011)

Région des Pouilles, début du XXe siècle : Amalia a passé son enfance à déambuler dans des paysages écrasés de soleil en imaginant des mondes inconnus au-delà des mers. Le jour où elle croise un beau marin aux yeux verts et qui dit avoir traversé la mer Noire à la nage, la jeune fille comprend que l'homme sera à la hauteur de ses rêves. Bientôt, Amalia et Stepan quittent Tornavalo pour aller tenter leur chance ailleurs. Début d'un incroyable périple... 

La narratrice de ce roman, restitue auprès de son fils Téo âgé de huit ans, l'histoire de sa famille et surtout celle d'Amalia sa grand-mère - une sorte de Calamity Jane - qui trottait derrière un âne deux fois plus grand qu'elle, rêveuse pour les uns, sorcière pour les autres. Sylvie Tanette nous raconte avec des mots empreints de charme et de douceur la rencontre d'Amelia et de Stepan Iscenderini surgi un beau jour dans le village, venu de Turquie selon la rumeur populaire, mais allez savoir! Auprès de ce merveilleux conteur, elle imagine les couchers de soleil sur Dubrovnik, Athènes et Istanbul, mais c'est pour Alexandrie que, désormais mariés - au mépris des coutumes de Tornovalo - ils quitteront l'Italie en laissant derrière eux leurs deux enfants. L'exaucement des rêves d'Amalia? En quelque sorte, car chacun sait que le destin s'amuse à brouiller les cartes avec un malin plaisir... Un premier roman enchanteur.

00:17 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; roman; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

02/09/2014

Morceaux choisis - Colette

Colette

littérature; roman; morceaux choisis; livres

Je te désirerai tour à tour comme le fruit suspendu, comme l'eau lointaine, et comme la petite maison bienheureuse que je frôle... Je laisse, à chaque lieu de mes désirs errants, mille et mille ombres à ma ressemblance, effeuillées de moi, celle-ci sur la pierre chaude et bleue des combes de mon pays, celle-là au creux moite d'un vallon sans soleil, et cette autre qui suit l'oiseau, la voile, le vent et la vague. Tu gardes la plus tenace: une ombre nue, onduleuse, que le plaisir agite comme une herbe dans le ruisseau... Mais le temps la dissoudra comme les autres, et tu ne sauras plus rien de moi, jusqu'au jour où mes pas s'arrêteront et où s'envolera de moi une dernière petite ombre... qui sait où?

Colette, La vagabonde (coll. Livre de poche/LGF, 1994)

12:27 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone, Morceaux choisis | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; roman; morceaux choisis; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

27/08/2014

Le poème de la semaine

Guillevic

Prenez un toit de vieilles tuiles
un peu avant midi.
 
Placez tout à côté
un tilleul déjà grand
remué par le vent.
 
Mettez au-dessus d'eux
un ciel de bleu, lavé
par des nuages blancs.
 
Laissez-les faire
Regardez-les.
 
Quelques traces de craie dans le ciel,
Anthologie poétique francophone du XXe siècle

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26/08/2014

Olivier Adam

9782879295848.gifOlivier Adam, A l'abri de rien (Editions de l'Olivier, 2007)

 

Marie se sent perdue. Son mari, ses enfants sont le dernier fil qui la relie à la vie. Ce fragile équilibre est bouleversé le jour où elle rencontre les Kosovars, ces réfugiés dont nul ne se soucie et qui errent, abandonnés, aux confins de la ville. Négligeant sa famille, Marie décide de leur porter secours. Et de tout leur donner : nourriture, vêtements, temps, argent, elle ne garde rien pour elle. Entraînée par une force irrésistible, elle s'expose à tous les dangers, y compris celui d'y laisser sa peau... A ce jour, A l'abri est - à mon avis très personnel - le meilleur roman d'Olivier Adam!

 

Egalement disponible en coll. Points (Seuil, 2008)

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22/08/2014

Morceaux choisis - Issa Makhlouf

Issa Makhlouf

Liban FB.jpg

Nous partons pour nous éloigner du lieu que nous avons vu naître et voir l'autre versant du matin. Nous partons à la recherche de nos naissances improbables. Pour compléter nos alphabets. Pour charger l'adieu de promesses. Pour aller plus loin que l'horizon, déchirant nos destins, éparpillant leurs pages avant de tomber, quelquefois, sur notre propre histoire dans d'autres livres. 

Nous partons vers des destinées inconnues. Pour dire à ceux que nous avons croisés que nous reviendrons et que nous referons connaissance. Nous partons pour apprendre la langue des arbres qui, eux, ne partent guère. Pour lustrer le tintement des cloches dans les vallées saintes. A la recherche de dieux plus miséricordieux. Pour retirer aux étrangers le masque de l'exil. Pour confier aux passants que nous sommes, nous aussi, des passants, et que notre séjour est éphémère dans la mémoire et dans l'oubli. Loin des mères qui allument les cierges et réduisent la couche du temps à chaque fois qu'elles lèvent les mains vers le ciel. 

Nous partons pour ne pas voir vieillir nos parents et ne pas lire leurs jours sur leur visage. Nous partons dans la distraction de vies gaspillées d'avance. Nous partons pour annoncer à ceux que nous aimons que nous aimons toujous, que notre émerveillement est plus fort que la distance et que les exils sont aussi doux et frais que les patries. Nous partons pour que, de retour chez nous un jour, nous nous rendions compte que nous sommes des exilés de nature, partout où nous sommes. 

Nous partons pour abolir la nuance entre air et air, eau et eau, ciel et enfer. Riant du temps, nous contemplons désormais l'immensité. Devant nous, comme des enfants dissipés, les vagues sautillent pendant que la mer file entre deux bateaux. L'un en partance, l'autre en papier dans la main d'un petit. 

Nous partons comme les clowns qui s'en vont de village en village, emmenant les animaux qui donnent aux enfants leur première leçon d'ennui. Nous partons pour tromper la mort, la laissant nous poursuivre de lieu en lieu. Et nous continuerons ainsi jusqu'à nous perdre, jusqu'à ne plus nous retrouver nous-mêmes là où nous allons, afin que jamais personne ne nous retrouve. 

Issa Makhlouf, dans: "Les poètes de la Méditerranée - Anthologie" (coll. Poésie/Gallimard, 2010) 

image: projets.la-guilde.org

01:17 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone, Morceaux choisis | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; poésie; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

20/08/2014

Le poème de la semaine

Patrice de la Tour du Pin

 Les bois étaient tout recouverts de brumes basses, 
Déserts, gonflés de pluie et silencieux;
Longtemps avait soufflé ce vent du nord où passent
Les Enfants Sauvages, fuyant vers d'autres cieux, 
Par grands voiliers, le soir, et très haut dans l'espace.  
 
Après avoir surpris le dégel de ma chambre, 
A l'aube je gagnai la lisière des bois; 
Par une bonne lune de brouillard et d'ambre, 
Je relevai la trace, incertaine parfois, 
sur le bord d'un layon, d'un enfant de septembre.   
 
Les pas étaient légers et tendres, mais brouillés,
Ils se croisaient d'abord au milieu des ornières 
Où, dans l'ombre, tranquille, il avait essayé 
De boire, pour reprendre ses jeux solitaires 
Très tard, après le long crépuscule mouillé.  
 
Et puis, ils se perdaient plus loin parmis les hêtres 
Où son pied ne marquait qu'à peine le sol; 
Je me suis dit: il va s'en retourner peut-être
A l'aube, pour chercher ses compagnons de vol, 
En tremblant de la peur qu'ils aient pu disparaître   
 
Le jour glacial s'était levé sur les marais 
Je restais accroupi dans l'attente illusoire 
Regardant défiler la faune qui rentrait 
Dans l'ombre, les chevreuils peureux qui venaient boire
Et les corbeaux criards aux cimes des forêts   
 
Et je me dis: je suis un enfant de Septembre, 
Moi-même, par le coeur, la fièvre et l'esprit
Et la brûlante volupté de tous mes membres, 
et le désir que j'ai de courir dans la nuit Sauvage,
ayant quitté l'étouffement des chambres   
 
Il va certainement me traiter comme un frère, 
Peut-être me donner un nom parmi les siens; 
Mes yeux le combleraient d'amicales lumières 
S'il ne prenait pas peur, en me voyant soudain 
Les bras ouverts, courir vers lui dans la clairière.   
 
Mais les bois étaient recouverts de brumes basses 
Et le vent commençait à remonter au nord, 
Abandonnant tous ceux dont les ailes sont lasses,
Tous ceux qui sont perdus et tous ceux qui sont morts,
Qui vont par d'autres voies en de mêmes espaces!   
 
Et je me dis: Ce n'est pas dans ces pauvres landes 
Que les Enfants de Septembre vont s'arrêter; 
Un seul qui se serait écarté de sa bande
Aurait-il, en ce soir, compris l'atrocité 
De ces marais déserts et privés de légende?  
 
Quelques traces de craie dans le ciel,
Anthologie poétique francophone du XXe siècle

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18/08/2014

Morceaux choisis - René Depestre

René Depestre

littérature; poésie; anthologie; livres

Lente, gloire lente, femme lente,
Lente, tu es lente,
À l’heure somptueuse du corps.
Tu es le temps qui console
Tu es le sablier de la douceur
Ton corps mesure en moi la force des marées
Ton corps indique le temps infini
Encore un instant de bonheur!
Encore l’oubli, encore une victoire glorieuse sur la mort!
Encore toi, encore ta haute vague!
Encore ta jeunesse qui brûle!
Encore ta gloire, encore ton délire!
Lente, gloire lente, femme lente,
Tes cheveux, tes cuisses, tes os,
Ton enfance, tes poupées, ta joie
Pénètrent jusque dans mes os.
Lente, gloire lente, femme lente
Tes caresses me suivront jusque dans la poussière!

René Depestre, Le temps de Nelly Compano, dans: Rage de vivre - Oeuvres poétiques complètes (Seghers, 2007)

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