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27/04/2015

Lire les classiques - Sully Prudhomme

Sully Prudhomme

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Bleus ou noirs, tous aimés, tous beaux, 
Des yeux sans nombre ont vu l’aurore; 
Ils dorment au fond des tombeaux, 
Et le soleil se lève encore. 
 
Les nuits, plus douces que les jours, 
Ont enchanté des yeux sans nombre; 
Les étoiles brillent toujours, 
Et les yeux se sont remplis d’ombre. 
 
Oh! qu'ils aient perdu leur regard, 
Non, non, cela n’est pas possible! 
Ils se sont tournés quelque part 
Vers ce qu’on nomme l’invisible; 
 
Et comme les astres penchants 
Nous quittent, mais au ciel demeurent, 
Les prunelles ont leurs couchants, 
Mais il n’est pas vrai qu’elles meurent. 
 
Bleus ou noirs, tous aimés, tous beaux, 
Ouverts à quelque immense aurore, 
De l’autre côté des tombeaux 
Les yeux qu’on ferme voient encore. 
 

Sully Prudhomme, Les solitudes - Poésies (L'Harmattan, 1995)

image: Sandro Botticelli, Portrait of a Young Woman (paintingdb.com)

00:03 Écrit par Claude Amstutz dans Lire les classiques, Littérature francophone | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : littérature; poésie; anthologie; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

25/04/2015

Morceaux choisis - Philippe Claudel

Philippe Claudel

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Quand je serai grande mon Papa
Tu seras vieux
Tu seras las
Mais moi
Je serai toujours
Toujours là
Tout près de toi
Tout contre toi
C'est moi alors qui te dirai
En t'embrassant dans le creux de l'oreille
Les mondes et les merveilles
Les lunes et les soleils
Te dire qu'il nous restera
A toi à moi
Mille choses à faire
Mille choses à dire
Mille jeux de l'oie
Mille mois de mai
Mille mois de mai
 
Aux mois de mai ma toute belle
Je préfère mille fois ces mots de toi
Dis-les-moi, dis-les-moi à l'oreille
Ma petite si petite merveille
 
Quand je serai grande mon Papa
Tu seras vieux
Tu seras las
Mais moi
Je serai toujours
Toujours là
Tout près de toi
Tout contre toi
Rien ne changera
Promets promets-le moi
La vie c'est une belle histoire hein Papa
Une histoire de sucre
Un vrai conte de miel
Avec des rêves
Des champs de soie
Des fées et des princesses
Des chevaux blancs
Des arbres doux
Et puis surtout
Des mois de mai
Des mois de mai
La vie c'est tout ça
N'est-ce pas mon Papa
 
Aux mois de mai ma toute belle
Je préfère mille fois ces mots de toi
Dis-les-moi, dis-les-moi à l'oreille
Ma petite si petite merveille
 
Quand tu étais un tout petit garçon
Mon Papa mon doux Papa
 

Philippe Claudel, Les mois de mai, dans: Le monde sans les enfants et autres histoires - Dessins de Pierre Koppe (coll. Livre de poche/LGF, 2011)

image: lachenaie.over-blog.fr 

 

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24/04/2015

La citation du jour

Yves Bonnefoy

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Et je vous disais bien, mes quelques compagnons, je vous disais bien, n'est-ce pas, que le jour se lève? Allons, avançons encore, ramassons tous nos voeux, tous nos souvenirs, vous ces cris, ces appels, ces hurlements, ces sanglots, et moi avec tous ces rires, ces grands rires si loin de toutes parts sous un ciel si bas que nous le touchons de nos mains tendues! Il est évident que le jour se lève, mes amis, évident qu'il déferle sur nous, recolore tout, emporte et disperse tout.

Yves Bonnefoy,  L'heure présente (Mercure de France, 2011)

01:17 Écrit par Claude Amstutz dans La citation du jour, Littérature francophone, Yves Bonnefoy | Lien permanent | Commentaires (1) | |  Imprimer |  Facebook | | |

21/04/2015

Morceaux choisis - Sylvie Germain

Sylvie Germain

littérature; récit; morceaux choisis; livres

Elle est entrée dans le livre. Elle est entrée dans les pages du livre comme un vagabond pénètre dans une maison vide, dans un jardin à l'abandon. Elle est entrée, soudain. Mais cela faisait des années qu'elle rôdait autour du livre. Elle frôlait le livre qui cependant n'existait pas encore. Elle en feuilletait les pages non écrites et certains jours, même, elle a fait bruire imperceptiblement ces pages blanches en attente de mots. Le goût de l'encre se levait sur ses pas.

Elle s'est glissée dans le livre. Elle s'est faufilée dans les pages comme un songe s'en vient visiter un dormeur, se déploie dans son sommeil, y trame des images et mêle à son sang, à son souffle, de fins échos de voix. Elle va partout, n'importe où, elle s'introduit où elle veut, elle traverse les murs aussi aisément que les troncs d'arbre ou que les piles des ponts. Aucune matière n'est pour elle un obstacle; ni la pierre, ni le fer, ni le bois ou l'acier n'arrêtent son élan, ne retiennent ses pas. Toute matière a pour elle la fluidité de l'eau.

Elle avance droit devant elle sans jamais reculer. Ses déambulations semblent mues par de secrètes urgences, et son sens de l'orientation est le plus déroutant qui soit. Il lui arrive de s'immobiliser au milieu d'une rue déserte, ou d'obliquer sans raison apparente. C'est qu'elle a perçu alors un bruit inaudible à tout autre. Le battement d'un coeur oppressé par un excès de solitude, ou de peine, ou de peur, quelque part dans une chambre, une cuisine, ou dans un tramway passant non loin de là.

Il n'est pas rare que le battement de coeur humain qui l'a ainsi mise en éveil et mouvement soit celui d'un coeur éteint depuis longtemps. Elle fraye avec les morts autant qu'avec les vivants, son ouïe perçoit les plus infimes souffles, les plus lointains échos. La couleur de l'encre, mille fois séchée et ravivée, luit depuis toujours dans les traces de ses pas.

Elle s'est engouffrée dans le livre. C'est toujours ainsi qu'elle procède; à la façon du vent. Elle surgit sans crier gare, en un lieu et un instant où on ne l'attend pas, où on ne pense nullement à elle. Alors elle accapare toute l'attention. Elle passe, sans se soucier de l'étonnement qu'elle provoque, du grand trouble qu'elle jette. Peut-être ignore-t-elle que quelqu'un vient de l'apercevoir.

Elle marche sans jamais se retourner. Elle va son chemin. Mais nul ne saurait dire où mène son chemin, ce qui rythme sa marche, ce qui la pousse ainsi. Elle passe, comme les chiens errants, les vagabonds, les feuilles mortes emportées par le vent.

Le vent, le vent de l'encre se lève à son passage et souffle dans ses pas. Et le livre qui suit, n'étant composé que des traces de ses pas, s'en va lui aussi au hasard. 

Sylvie Germain, La pleurante des rues de Prague (coll. Folio/Gallimard, 1994)

image: http://3.bp.blogspot.com

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20/04/2015

La citation du jour

Stéphane Audeguy

citations; livres

Décidément, je n'en finirai pas de mourir. J'apprends à mes dépens que l'agonie d'une ville rappelle de bien près celle des héros d'un opéra lyrique, qui se lamentent sans fin sur une scène vide, en se tordant les mains. Je ressemble à mes statues: en vieillissant, c'est mon sexe que j'ai d'abord perdu, puis mes mains, puis mes bras. Je sens monter en moi les brouillards froids de la démence. C'est ma tête maintenant qui vascille, comme celle d'une poupée de son dans les mains d'un enfant capricieux. Elle s'en ira rouler dans la poussière dont elle aurait bien pu ne sortir jamais. Elle se brisera sur un roc, peut-être. Plus probablement s'effritera lentement, au gré des saisons changeantes comme les hommes. A quoi pensez-vous donc, belles statues de ma mémoire, torses couchés dans l'herbe, gagnés par les lichens, lentement digérés par la terre impavide? Et quand, arrachées à votre sommeil de pierre par quelque prince éclairé, quelque érudit fébrile, un caprice vous expose sur un socle à la curiosité des hommes, ainsi qu'à leur ennui? Allongé face au ciel, harassé, innocent, j'attends la fin des siècles, caressé par le vent sous un monde infini de nuages, je rêve que le Tibre m'emporte vers la mer qui sait tout oublier, jusqu'aux frontières du monde.

Stéphane Audeguy, Rom@ (Gallimard, 2011)

image: La Bocca della Verita, Rome

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19/04/2015

Lire les classiques - Joris Karl Huysmans

Joris Karl Huysmans

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O toi dont l'oeil est noir,
les tresses noires,
les chairs blondes,
écoute-moi, ô ma folâtre louve!
 
J'aime tes yeux fantasques,
tes yeux qui se retroussent sur les tempes;
j'aime ta bouche rouge comme une baie de sorbier,
tes joues rondes et jaunes;
j'aime tes pieds tors,
ta gorge roide,
tes grands ongles lancéolés,
brillants comme des valves de nacre.
 
J'aime, ô mignarde louve, ton énervant nonchaloir,
ton sourire alangui,
ton attitude indolente,
tes gestes mièvres.
 
J'aime, ô louve câline, les miaulements de ta voix,
j'aime ses tons ululants et rauques,
mais j'aime par-dessus tout, 
j'aime à en mourir, ton nez,
ton petit nez qui s'échappe des vagues de ta chevelure,
comme une rose jaune éclose
dans un feuillage noir.
 

Joris-Karl Huysmans, Le drageoir aux épices (Champion, 2003)

image: Jun Kumaori (paloma511.skyrock.com)

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16/04/2015

La citation du jour

Marcel Proust

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On reconnaissait le clocher de Saint-Hilaire de bien loin, inscrivant sa figure inoubliable à l'horizon où Combray n'apparaissait pas encore ; quand du train qui, la semaine de Pâques, nous amenait de Paris, mon père l'apercevait qui filait tour à tour sur tous les sillons du ciel, faisant courir en tous sens son petit coq de fer, il nous disait : "Allons, prenez les couvertures, on est arrivé." Et dans une des plus grandes promenades que nous faisions de Combray, il y avait un endroit où la route resserrée débouchait tout à coup sur un immense plateau fermé à l'horizon par des forêts déchiquetées que dépassait seul la fine pointe du clocher de Saint-Hilaire, mais si mince, si rose, qu'elle semblait seulement rayée sur le ciel par un ongle qui aurait voulu donner à ce paysage, à ce tableau rien que de nature, cette petite marque d'art, cette unique indication humaine. Quand on se rapprochait et qu'on pouvait apercevoir le reste de la tour carrée et à demi détruite qui, moins haute, subsistait à côté de lui, on était frappé surtout du ton rougeâtre et sombre des pierres ; et, par un matin brumeux d'automne, on aurait dit, s'élevant au-dessus du violet orageux des vignobles, une ruine de pourpre presque de la couleur de la vigne vierge.

Marcel Proust, Du côté de chez Swann - A la recherche du temps perdu (Bibliothèque de la Pléiade/Gallimard, 1954)

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14/04/2015

Morceaux choisis - Antoine Pol

Antoine Pol

littérature; poésie; anthologie; livres

Je veux dédier ce poème 
A toutes les femmes qu'on aime 
Pendant quelques instants secrets 
A celles qu'on connaît à peine 
Qu'un destin différent entraîne 
Et qu'on ne retrouve jamais
A celle qu'on voit apparaître 
Une seconde à sa fenêtre 
Et qui, preste, s'évanouit 
Mais dont la svelte silhouette 
Est si gracieuse et fluette 
Qu'on en demeure épanoui
 
A la compagne de voyage 
Dont les yeux, charmant paysage 
Font paraître court le chemin 
Qu'on est seul, peut-être, à comprendre 
Et qu'on laisse pourtant descendre 
Sans avoir effleuré sa main
 
A la fine et souple valseuse 
Qui vous sembla triste et nerveuse 
Par une nuit de carnaval 
Qui voulut rester inconnue 
Et qui n'est jamais revenue 
Tournoyer dans un autre bal
 
A celles qui sont déjà prises 
Et qui, vivant des heures grises 
Près d'un être trop différent 
Vous ont, inutile folie, 
Laissé voir la mélancolie 
D'un avenir désespérant
 
A ces timides amoureuses
Qui restèrent silencieuses
Et portent encor votre deuil
A celles qui s'en sont allées
Loin de vous, tristes esseulées
Victimes d'un stupide orgueil
 
Chères images aperçues 
Espérances d'un jour déçues 
Vous serez dans l'oubli demain 
Pour peu que le bonheur survienne 
Il est rare qu'on se souvienne 
Des épisodes du chemin
 
Mais si l'on a manqué sa vie 
On songe avec un peu d'envie 
A tous ces bonheurs entrevus 
Aux baisers qu'on n'osa pas prendre 
Aux coeurs qui doivent vous attendre 
Aux yeux qu'on n'a jamais revus
 
Alors, aux soirs de lassitude 
Tout en peuplant sa solitude 
Des fantômes du souvenir 
On pleure les lèvres absentes 
De toutes ces belles passantes 
Que l'on n'a pas su retenir.
 

Antoine Pol, Les passantes, dans: Emotions poétiques (www.paperblog.fr)

image:  Barbara (yuu827.s342.xrea.com)

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13/04/2015

La citation du jour

Nicolas de Chamfort

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Il y a des siècles où l’opinion publique est la plus mauvaise des opinions.

Nicolas de Chamfort, Maximes et pensées (coll. Folio/Gallimard, 1989)

00:04 Écrit par Claude Amstutz dans La citation du jour, Littérature francophone | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : citation; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

12/04/2015

Lire les classiques - Jean Moréas

Jean Moréas

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Roses, en bracelet autour du tronc de l'arbre,
Sur le mur, en rideau,
Svelte parure au bord de la vasque de marbre
D'où s'élance un jet d'eau,
 
Roses, je veux encor tresser quelque couronne
Avec votre beauté,
Et comme un jeune avril embellir mon automne
Au bout de mon été.
 

Jean Moréas, Oeuvres (Mercure de France, 1981)

00:02 Écrit par Claude Amstutz dans Lire les classiques, Littérature francophone | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; poésie; anthologie; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |