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29/03/2015

Morceaux choisis - Anonyme du XVe siècle

Anonyme du XVe siècle

Venus et Junon.jpg

Si je possédais deux cheveux de toi, 
Que l'on croirait d'or, telle est leur blondeur,
J'aimerais narguer la Cour en douceur.
 
Je voudrais bien me broder un bonnet
Plein de coraux tout petits et de perles,
Avec les fils d'or de tes cheveux mêmes.
 
L'ami Tristan, appâté par le gain,
Les prenant pour de l'or, non sans raison,
M'attraperait pour me mettre en prison.
 
Et j'y dirais dans un éclat de rire:
Ce sont les cheveux de celle que j'adore;
Salut mon gars, si tu y vois de l'or.
 

Anthologie bilingue de la poésie italienne (Bibliothèque de la Pléiade/Gallimard, 1994) 

image: Mariano Salvador Maella, Vénus remettant sa ceinture à Junon (vers 1786)

00:17 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature étrangère, Littérature italienne, Morceaux choisis | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; poésie; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

21/03/2015

Morceaux choisis - Kanstantsyïa Bouïlo

Kanstantsyïa Bouïlo

littérature; poésie; livres

J'aime notre pays,
ce petit coin où je suis née, où j'ai grandi,
où j'ai versé mes premières larmes d'infortune.
 
J'aime notre peuple biélorusse,
nos petites fermes dans la verdure des vergers,
les plaines dorées de champs de blé,
le bruissement de nos bosquets et de nos forêts;
et la rivière qui entraîne impétueusement
ses eaux vers des lointains inconnus,
et le jaune des plages de sable,
et l'éclat de leurs vagues limpides.
 
J'aime le printemps qui verdoie, fleurit,
parant gaiement la terre.
J'aime le craquettement des cigognes 
dans leurs nids,
et le chant de l'alouette,
la chaleur torride de l'été,
les pluies estivales et l'orage,
le grondement du tonnerre
et, à travers les nuages noirs,
les éclairs de feu.
 
L'automne incertain, je l'aime aussi,
et le premier sifflement des serpes et des faux,
lorsque les moissonneuses
s'apprètent à couper le blé,
et les faucheurs - le foin.
 
J'aime l'hiver et ses gelées
qui décorent les fenêtres d'arabesques,
et la neige blanche
qui, recouvrant les champs,
brille avec incandescence
sous les étoiles claires.
 
J'aime, quand la nuit est belle, 
tard dans la cour rester,
suivre des yeux le scintillement des étoiles,
ou les rayons dorés de la lune.
 
Et j'aime la chanson de mon pays
que les filles fredonnent dans les champs,
les modulations de leurs voix
s'élevant de la plaine
où elles flottent et chatoient.
 
Tout dans ce pays est cher à mon coeur,
tant j'aime mon pays natal,
où j'ai rencontré mon premier bonheur,
et versé de chagrin mes premières larmes.
 

Voix de femmes - Anthologie / Poèmes et photographies du monde entier (Editions Turquoise, 2012)

image: Biélorussie (voyages.ideoz.fr)

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20/03/2015

La citation du jour

littérature; poésie; livres

Nadia Tuéni

Tu as sali la mer par tendresse, Etranger, mais tu ne savais pas qu’elle est espace vide, qu’elle est tout ce qui reste du chemin nécessaire à la respiration des bibles, au pacte entre nous et nous, à la mort fertile et qui devient jardin de sommeil et d’eau pour délivrer les races, nécessaire au sens de chaque pierre dont je suis la neige royale, pour que la terre apprenne à vivre avec son double, ne plus connaître l'absence. Etranger, le sable est langage du monde, nos pieds ont déchiffré ce qui brûle ton soleil et t’empêche d’être libre comme enfant. Etranger, voilà pourquoi ce soir sous les murs derniers de l’Asie, j’offre mon corps mobile au rasoir de la vague.

Nadia Tuéni, Oeuvres poétiques complètes (Éditions Dar An-Nahar, 1986)

00:04 Écrit par Claude Amstutz dans La citation du jour, Littérature francophone, Nadia Tuéni | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; poésie; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

28/02/2015

Lire les classiques - Alphonse de Lamartine

Alphonse de Lamartine

Alphonse de Lamartine.jpg

Souvent sur la montagne, à l'ombre du vieux chêne,
Au coucher du soleil, tristement je m'assieds; 
Je promène au hasard mes regards sur la plaine,
Dont le tableau changeant se déroule à mes pieds.
 
Ici gronde le fleuve aux vagues écumantes;
Il serpente, et s'enfonce en un lointain obscur;
Là le lac immobile étend ses eaux dormantes
Où l'étoile du soir se lève dans l'azur.
 
Au sommet de ces monts couronnés de bois sombres,
Le crépuscule encor jette un dernier rayon;
Et le char vaporeux de la reine des ombres
Monte, et blanchit déjà les bords de l'horizon.
 
Cependant, s'élançant de la flèche gothique,
Un son religieux se répand dans les airs:
Le voyageur s'arrête, et la cloche rustique
Aux derniers bruits du jour mêle de saints concerts.
 
Mais à ces doux tableaux mon âme indifférente
N'éprouve devant eux ni charme ni transports;
Je contemple la terre ainsi qu'une ombre errante
Le soleil des vivants n'échauffe plus les morts.
 
De colline en colline en vain portant ma vue,
Du sud à l'aquilon, de l'aurore au couchant,
Je parcours tous les points de l'immense étendue,
Et je dis : Nulle part le bonheur ne m'attend. 
 
Que me font ces vallons, ces palais, ces chaumières,
Vains objets dont pour moi le charme est envolé?
Fleuves, rochers, forêts, solitudes si chères,
Un seul être vous manque, et tout est dépeuplé!
 
Que le tour du soleil ou commence ou s'achève,
D'un oeil indifférent je le suis dans son cours;
En un ciel sombre ou pur qu'il se couche ou se lève,
Qu'importe le soleil? je n'attends rien des jours.
 
Quand je pourrais le suivre en sa vaste carrière,
Mes yeux verraient partout le vide et les déserts:
Je ne désire rien de tout ce qu'il éclaire;
Je ne demande rien à l'immense univers.
 
Mais peut-être au-delà des bornes de sa sphère,
Lieux où le vrai soleil éclaire d'autres cieux,
Si je pouvais laisser ma dépouille à la terre,
Ce que j'ai tant rêvé paraîtrait à mes yeux!
 
Là, je m'enivrerais à la source où j'aspire;
Là, je retrouverais et l'espoir et l'amour,
Et ce bien idéal que toute âme désire,
Et qui n'a pas de nom au terrestre séjour!
 
Que ne puis-je, porté sur le char de l'Aurore,
Vague objet de mes voeux, m'élancer jusqu'à toi!
Sur la terre d'exil pourquoi resté-je encore?
Il n'est rien de commun entre la terre et moi.
 
Quand là feuille des bois tombe dans la prairie,
Le vent du soir s'élève et l'arrache aux vallons;
Et moi, je suis semblable à la feuille flétrie:
Emportez-moi comme elle, orageux aquilons!
 

Alphonse de Lamartine,  Méditations poétiques, suivi de: Nouvelles méditations poétiques (coll. Poésie/Gallimard, 2006)

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22/02/2015

Morceaux choisis - Nadia Tuéni

Nadia Tuéni

Mains FB.jpg

Cette fleur qui multiplie les évidences
emprunte à l'eau son nom
à la mer son corps lent;
le temps rejettera des mots sur le rivage
et le silence des décombres
bien plus beau qu'un enfant qui meurt
 
Il y a je le sais cette fleur et la terre
tes yeux comme une phrase d'où partent les navires
la mémoire s'endort dans les greniers liquides
car cette fleur et le poète
ont une même histoire de violente écriture
preuve que la pensée n'est pas ce que l'on dit
mais sur la plaine un exact incendie
 

Nadia Tuéni, La terre arrêtée (Belfond, 1984)

image: http://emmila.canalblog.com/archives/poesie____gerald_bloncourt/p10-0.htm

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06/02/2015

Morceaux choisis - Hugo von Hofmannsthal

Hugo von Hofmannsthal

(4) Hugo von Hofmannsthal (1874-1929)-1.jpg

Nous sommes faits de ce dont on fait tous les rêves,
Et les rêves ouvrent grands soudain les yeux
Comme des petits enfants sous les cerisiers,
Où la pleine lune vient commencer dans le feuillage
Sa course d'or pâli à travers la grande nuit. ...
 
Nos rêves ne surgissent pas autrement.
Ils sont là et ils vivent comme un enfant qui rit,
guère moins grands dans leur tenue et leur départ
Qu'une pleine lune éveillée du haut des arbres.
Le plus intime est grand ouvert à leur tissage:
Comme des mains d'esprits dans un espace enclos
Ils sont en nous et y ont toujours vie.
Et trois font un: un homme, une chose, et un rêve.
 

Hugo von Hofmannsthal, Tercets sur la mortalité - Anthologie bilingue de la poésie allemande (Bibl. de la Pléiade/Gallimard, 1995)

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03/02/2015

Morceaux choisis - Sylvia Plath

Sylvia Plath

Sylvia Plath.png

Combien de temps pourrai-je être un mur,
     protégeant du vent?
Combien de temps pourrai-je
Atténuer le soleil de l'ombre de ma main,
Intercepter les foudres bleues
     d'une lune froide?
Les voix de la solitude, les voix de la douleur
Cognent à mon dos inlassablement,
Cette petite berceuse, pourra-t-elle
     les adoucir?
 

Sylvia Plath, Trois femmes (Editions des Femmes, 1975)

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27/01/2015

Morceaux choisis - Pierre Reverdy

Pierre Reverdy

littérature; poésie; livres

Il marchait au milieu du ciel les yeux baissés et les autres passants le regardèrent. Un peu plus bas, aux fenêtres, les têtes pendaient. Et les formes blanches qu'avaient laissées la lune, la nuit passée, se ranimèrent. La foule criait; au moins tous ceux qui s'étaient reconnus. On emportait le jour par morceaux dans toutes les rues de la ville. Et les cheveux du vent, mêlés au flot des gens et des voitures, s'engouffraient entre les murs et se nouaient. Tout le monde courait sans savoir où. Les pavés attachaient les regards. La terre. Le jour entrait parfois sans ressortir. Le mouvement s'étendait jusqu'aux fossés, qui bordaient les dernières maisons et, au-delà, on retrouvait le terrain plat. Le calme. Des ombres immobiles. Et le soleil reprenait partout sa place, sans qu'on puisse le toucher ni le prendre, au gré de son désir.

Pierre Reverdy, Main d'oeuvre / Poèmes 1913 - 1949 (Mercure de France, 1949)

image: Herculaneum, Campanie - Italie (katbrakatjamb.blogspot.com)

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22/01/2015

Morceaux choisis - Messaour Boulanouar

Messaour Boulanouar

galaxie1883965269melancolie7vn.jpg

J'écris pour que la vie soit respectée par tous
 
Je donne ma lumière à ceux que l'ombre étouffe
ceux qui vaincront la haine et la vermine
 
J'écris pour l'homme en peine
l'homme aveugle
l'homme fermé par la tristesse
l'homme fermé à la splendeur du jour
 
J'écris pour vous ouvrir à la douceur de vivre
 
J'écris pour tous ceux qui ont pu sauver
de l'ombre et du commun naufrage
un coin secret pour leur étoile
un clair hublot dans leurs nuages
 
J'écris pour la lumière qui s'impose
pour le bonheur qui se révèle
j'écris pour m'accomplir au coeur de mes semblables
pour que fleurisse en nous
le désert froid du mal
 
J'écris pour que la terre m'appartienne
chaude tendre joyeuse
 
J'écris pour apaiser mon sang
mon sang violent et dur et lourd de siècles tristes
 
J'écris pour partager ma joie
avec ceux qui m'écoutent
j'écris pour être heureux pour être libre
pour tous les hommes vrais
qui comprennent mes cris ma peine et mon espoir
 
J'écris pour éveiller l'azur
au fond des yeux malades
au fond des vieux étangs de honte
 
J'écris pour qu'on défende
pour qu'on respecte l'arbre qui monte
le blé qui pousse
l'herbe au désert
l'espoir des hommes
 

 Quand la nuit se brise - Poésie algérienne, Anthologie sous la direction de Abdelmadjid Kaouah (coll. Points/Seuil, 2012)

image: stoirmdubh.unblog.fr

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20/01/2015

Morceau choisis - Pablo Neruda

Pablo Neruda

Edouard Boubat.jpg

Tu peux m'ôter le pain,
m'ôter l'air, si tu veux:
ne m'ôte pas ton rire.
 
Ne m'ôte pas la rose,
le fer que tu égrènes
ni l'eau qui brusquement
éclate dans ta joie
ni la vague d'argent
qui déferle de toi.
 
De ma lutte si dure
je rentre les yeux las
quelquefois d'avoir vu
la terre qui ne change
mais, dès le seuil, ton rire
monte au ciel, me cherchant
et ouvrant pour moi toutes
les portes de la vie.
 
A l'heure la plus sombre
égrène, mon amour,
ton rire, et si tu vois
mon sang tacher soudain
les pierres de la rue,
ris: aussitôt ton rire
se fera pou mes mains
fraîche lame d'épée.
 
Dans l'automne marin
fais que ton rire dresse
sa cascade d'écume,
et au printemps, amour,
que ton rire soit comme
la fleur que j'attendais,
la fleur guède, la rose
de mon pays sonore.
 
Moque-toi de la nuit,
du jour et de la lune,
moque-toi de ces rues
divagantes de l'île,
moque-toi de cet homme
amoureux maladroit,
mais lorsque j'ouvre, moi,
les yeux ou les referme,
lorsque mes pas s'en vont,
lorsque mes pas s'en viennent,
refuse-moi le pain,
l'air, l'aube, le printemps,
mais ton rire jamais
car alors j'en mourrais.
 

Pablo Neruda, Les vers du capitaine - dans: Vingt poèmes d'amour et une chanson désespérée (coll. Poésie/Gallimard, 1998)

traduit par Claude Couffon et Christian Rinderknecht

image: Edouard Boubat, Enfants de dos face vitrine, Paris 1948

00:36 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature étrangère, Littérature sud-américaine, Morceaux choisis | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; poésie; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |