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11/03/2014

Morceaux choisis - Paul Valéry

Paul Valéry

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L’orage vient de finir, et cependant nous sommes inquiets, anxieux, comme si l’orage allait éclater. Presque toutes les choses humaines demeurent dans une terrible incertitude. Nous considérons ce qui a disparu, nous sommes presque détruits par ce qui est détruit; nous ne savons pas ce qui va naître, et nous pouvons raisonnablement le craindre. Nous espérons vaguement, nous redoutons précisément; nos craintes sont infiniment plus précises que nos espérances; nous confessons que la douceur de vivre est derrière nous, que l’abondance est derrière nous, mais le désarroi et le doute sont en nous et avec nous. Il n’y a pas de tête pensante si sagace, si instruite qu’on la suppose, qui puisse se flatter de dominer ce malaise, d’échapper à cette impression de ténèbres, de mesurer la durée probable de cette période de troubles dans les échanges vitaux de l’humanité.

Paul Valéry, Conférence / Zurich, 1924 (pro-europa.eu/fr)

11:11 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone, Morceaux choisis, Paul Valéry | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; essai; morceaux choisis; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

09/03/2014

Lire les classiques - Emile Verhaeren

Emile Verhaeren

littérature; poésie; anthologie; livres

J'ai cru à tout jamais notre joie engourdie 
Comme un soleil fané avant qu'il ne fût nuit, 
Le jour qu'avec ses bras de plomb, la maladie 
M'a lourdement traîné vers son fauteuil d'ennui.
 
Les fleurs et le jardin m'étaient crainte ou fallace;
Mes yeux souffraient à voir flamber les midis blancs,
Et mes deux mains, mes mains, semblaient déjà trop lasses 
Pour retenir captif notre bonheur tremblant.
 
Mes désirs n'étaient plus que des plantes mauvaises, 
Ils se mordaient entre eux comme au vent les chardons, 
Je me sentais le coeur à la fois glace et braise 
Et tout à coup aride et rebelle aux pardons.
 
Mais tu me dis le mot qui bellement console 
Sans le chercher ailleurs que dans l'immense amour; 
Et je vivais avec le feu de ta parole 
Et m'y chauffais, la nuit, jusqu'au lever du jour.
 
L'homme diminué que je me sentais être,
Pour moi-même et pour tous, n'existait pas pour toi;
Tu me cueillais des fleurs au bord de la fenêtre,
Et je croyais en la santé, avec ta foi.
 
Et tu me rapportais, dans les plis de ta robe, 
L'air vivace, le vent des champs et des forêts, 
Et les parfums du soir ou les odeurs de l'aube, 
Et le soleil, en tes baisers profonds et frais.
 

Emile Verhaeren, Les heures d'après-midi (Deman, 1905)

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07/03/2014

La citation du jour

Nicolas de Chamfort

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L'opinion est la reine du monde, parce que la sottise est la reine des sots.

Nicolas de Chamfort, Maximes et pensées (coll. Folio/Gallimard, 1989)

image: Daniel Cosset (daniel-cosset.com)

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06/03/2014

Dany Laferrière

tout-bouge-autour-de-moi-laferriere.jpgDany Laferrière, Tout bouge autour de moi (Livre de poche/LGF, 2012)

En Haïti, il y eut un certain 12 janvier, comme ailleurs un 11 septembre. Avant, il y avait l'insouciance, puis soudain ce jour de séisme terrible. Dany Laferrière, écrivain haïtien résidant au Canada, se trouvait dans son pays au moment du drame. Un an après, il tente de faire revivre ce qu'il a vu, observé, partagé. Le pire comme le meilleur concentré dans cet instant crucial dont le monde entier a été le témoin, à travers un prisme déformé, il est vrai: Tout cela a duré moins d'une minute. On a eu huit à dix secondes pour prendre une décision. Quitter l'endroit ou rester. Très rares sont ceux qui ont fait un bon départ. Comme souvent devant un choc d'une telle cette amplitude - les exemples sont nombreux dans l'histoire contemporaine - il témoigne de la difficulté de témoigner du moment de la catastrophe en elle-même, tant la blessure intime est grande et la surprise, totale. Son récit est habité d'une retenue bienveillante, généreuse et lucide pour dire les émotions brutes qui ont affecté sa famille ou leurs proches.

Ce qui rend ce livre particulièrement attachant tient à cette page douloureuse de l'histoire d'Haïti où se juxtaposent le temps de l'auteur avec celui de ces anonymes pour la plupart, armés d'un grand appétit de vivre, portant l'espérance jusqu'en enfer. Ce sont eux, les véritables héros de ces éclats de mémoire que nous livre Dany Laferrière. Il trouve le ton juste pour évoquer la culpabilité des rescapés ou ironiser - sans méchanceté aucune - sur la couverture médiatique des événements et son cortège d'images fortes: Le pire n'est pas l'enfilade de malheurs, mais l'absence de nuances dans l'oeil froid de la caméra...

Quel est le secret de cet auteur pour qu'au-delà de cette fracture existentielle, se dégage de son livre une force si tranquille et déterminée? De sa mère, de sa tante Renée, de ses amis, ainsi que de la poésie qui résonne comme un violon dans ses ténèbres passagères et qui, seule, le console des horreurs du monde. On dit qu'un malheur chasse l'autre. Et les journalistes ont beau se précipiter ailleurs, Haïti continuera d'occuper longtemps encore le coeur du monde...

également en format de poche (coll. Livre de Poche/LGF, 2012)

00:01 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; récit; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

05/03/2014

Le poème de la semaine

Marie Noël

La Morte et ses mains tristes…
Arrive au Paradis.
 
"D’où reviens-tu, ma fille,
Si pâle en plein midi?
 
- Je reviens de la terre
Où j’avais un pays,
 
De la saison nouvelle
Où j’avais un ami.
 
Il m’a donné trois roses
Mais jamais un épi.
 
Avant la fleur déclose,
Avant le blé mûri,
 
Hier il m’a trahie.
J’en suis morte aujourd’hui.
 
- Ne pleure plus, ma fille
Le temps en est fini.
 
Nous enverrons sur terre
Un ange en ton pays,
 
Quérir ton ami traître,
Le ramener ici.
 
- N’en faites rien, mon Père
La terre laissez-lui.
 
Sa belle y est plus belle
Que belle je ne suis,
 
Las! et faudra, s’il pleure
Sans elle jour et nuit
 
Que de nouveau je meure
D’en avoir trop souci."
 
Quelques traces de craie dans le ciel,  
Anthologie poétique francophone du XXe siècle

00:05 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone, Quelques traces de craie dans le ciel - Anth | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : littérature; poésie | |  Imprimer |  Facebook | | |

04/03/2014

Morceaux choisis - Jean-Guy Pilon

Jean-Guy Pilon

littérature; poésie; anthologie; livres

Des mots sont accourus, les moins profonds, les plus frémissants. La présence nouvelle a dénoué les cheveux difficiles et lancé dans le paysage tragique de la lune le plus clair oiseau de nos silences. Que ne s'arrête qu'au bout de l'eau et de la terre ensemble, ce chant de métamorphose accordé au plus discret espoir, des souffrances de désert aux violences du froid. Qu'il ne cesse plus de grandir chaque nuit, invulnérable feu de la grotte sur la montagne oubliée. Les glaces sournoises du mal descendront des sommets pour devenir sources sereines de vie, pendant qu'à bout d'espace, nous jetterons au soleil notre victoire et notre défi.

Jean-Guy Pilon, L'Homme et le Jour, dans: Pierre Seghers, Le livre d'or de la poésie française contemporaine vol. 2 (Marabout, 1969)

photo: Diriye Amey, Crépuscule sur le lac Majeur / Tessin, Suisse (travel.fanpage.it)

11:33 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone, Morceaux choisis | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : littérature; poésie; anthologie; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

02/03/2014

Lire les classiques - Paul Verlaine

Paul Verlaine

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C'est l'extase langoureuse,
C'est la fatigue amoureuse,
C'est tous les frissons des bois
Parmi l'étreinte des brises,
C'est, vers les ramures grises,
Le choeur des petites voix.
 
O le frêle et frais murmure!
Cela gazouille et susurre,
Cela ressemble au cri doux
Que l'herbe agitée expire...
Tu dirais, sous l'eau qui vire,
Le roulis sourd des cailloux.
 
Cette âme qui se lamente
En cette plainte dormante,
C'est la nôtre, n'est-ce pas?
La mienne, dis, et la tienne,
Dont s'exhale l'humble antienne
Par ce tiède soir, tout bas?
 

Paul Verlaine, Romances sans paroles - suivi de: Cellulairement (Livre de Poche/LGF, 2002)

image: Guy Cambier (art.findartinfo.com)

00:24 Écrit par Claude Amstutz dans Lire les classiques, Littérature francophone | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; poésie; anthologie; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

01/03/2014

Morceaux choisis - Annie Ernaux

Annie Ernaux

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Ce qui compte pour elle, c'est de saisir cette durée qui constitue son passage sur la terre à une époque donnée, ce temps qui l'a traversée, ce monde qu'elle a enregistré rien qu'en vivant. Et c'est dans une autre sensation qu'elle a puisé l'intuition de ce que sera la forme de son livre, celle qui la submerge lorsque à partir d'une image fixe du souvenir - sur un lit d'hôpital avec d'autres enfants opérés des amygdales après la guerre ou dans un bus qui traverse Paris en juillet 68 - il lui semble se fondre dans une totalité indistincte, dont elle parvient à arracher par un effort de la conscience critique, un à un, les éléments qui la composent, coutumes, gestes, paroles, etc.

Le minuscule moment du passé s'agrandit, débouche sur un horizon à la fois mouvant et d'une tonalité uniforme, celui d'une ou de plusieurs années. Elle retrouve alors, dans une satisfaction profonde, quai éblouissante - que ne lui donne pas l'image, seule, du souvenir personnel -, une sorte de vaste sensation collective, dans laquelle sa conscience, tout son être est pris. De la même façon que, en voiture sur l'autoroute, seule, elle se sent prise dans la totalité indéfinissable du moment présent, du plus proche au plus lointain.

Annie Ernaux, Les années (coll. Folio/Gallimard, 2009)

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27/02/2014

La citation du jour

Louis Calaferte

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Il est des livres qu'on aime avoir auprès de soi ainsi que des bréviaires. La force de leur contenu est telle que rien ne s'en affaiblit avec le temps. Nous sommes en leur compagnie au plus ardent creuset de l'esprit et les hommes qui les ont écrits devraient être vénérés à l'égal des saints.

Louis Calaferte, Livres, dans: Choses dites (Cherche-Midi, 1997)

image: http://www.bricoleur.pro

00:34 Écrit par Claude Amstutz dans La citation du jour, Littérature francophone | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : citation; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

26/02/2014

Le poème de la semaine

Emile Nelligan

Hier, j’ai vu passer, comme une ombre qu’on plaint, 
En un grand parc obscur, une femme voilée: 
Funèbre et singulière, elle s’en est allée, 
Recélant sa fierté sous son masque opalin. 
  
Et rien que d’un regard, par ce soir cristallin, 
J’eus deviné bientôt sa douleur refoulée; 
Puis elle disparut en quelque noire allée 
Propice au deuil profond dont son cœur était plein. 
  
Ma jeunesse est pareille à la pauvre passante: 
Beaucoup la croiseront ici-bas dans la sente 
Où la vie à la tombe âprement nous conduit. 
  
Tous la verront passer, feuille sèche à la brise 
Qui tourbillonne, tombe et se fane en la nuit; 
Mais nul ne l’aimera, nul ne l’aura comprise. 
 
 
Quelques traces de craie dans le ciel, 
Anthologie poétique francophone du XXe siècle

08:11 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone, Quelques traces de craie dans le ciel - Anth | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; poésie | |  Imprimer |  Facebook | | |