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09/03/2014

Lire les classiques - Emile Verhaeren

Emile Verhaeren

littérature; poésie; anthologie; livres

J'ai cru à tout jamais notre joie engourdie 
Comme un soleil fané avant qu'il ne fût nuit, 
Le jour qu'avec ses bras de plomb, la maladie 
M'a lourdement traîné vers son fauteuil d'ennui.
 
Les fleurs et le jardin m'étaient crainte ou fallace;
Mes yeux souffraient à voir flamber les midis blancs,
Et mes deux mains, mes mains, semblaient déjà trop lasses 
Pour retenir captif notre bonheur tremblant.
 
Mes désirs n'étaient plus que des plantes mauvaises, 
Ils se mordaient entre eux comme au vent les chardons, 
Je me sentais le coeur à la fois glace et braise 
Et tout à coup aride et rebelle aux pardons.
 
Mais tu me dis le mot qui bellement console 
Sans le chercher ailleurs que dans l'immense amour; 
Et je vivais avec le feu de ta parole 
Et m'y chauffais, la nuit, jusqu'au lever du jour.
 
L'homme diminué que je me sentais être,
Pour moi-même et pour tous, n'existait pas pour toi;
Tu me cueillais des fleurs au bord de la fenêtre,
Et je croyais en la santé, avec ta foi.
 
Et tu me rapportais, dans les plis de ta robe, 
L'air vivace, le vent des champs et des forêts, 
Et les parfums du soir ou les odeurs de l'aube, 
Et le soleil, en tes baisers profonds et frais.
 

Emile Verhaeren, Les heures d'après-midi (Deman, 1905)

18:55 Écrit par Claude Amstutz dans Lire les classiques, Littérature francophone | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; poésie; anthologie; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

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