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10/02/2014

Frédéric Dard

littérature; roman; livresFrédéric Dard, Puisque les oiseaux meurent (Fleuve Noir, 2001)

Laurent, brillant avocat, est marié à Lucienne, chanteuse réputée. Au cours de ses déplacements, il lui arrive d'avoir des aventures sans importance, car son seul véritable amour, c'est son épouse. Aussi, lorsqu'il est appelé à son chevet, alors qu'elle vient d'être victime d'un accident de la route, est-il fou de chagrin. Mais il ignore encore que le pire est à venir. En effet, Lucienne n'était pas seule dans la voiture. Près d'elle se trouvait l'homme qui depuis plusieurs mois était son amant, l'accident lui a été fatal. Lorsque Lucienne rentre chez elle, moribonde mais encore lucide, un oiseau vient lui rendre visite et elle s'obstine à voir en lui une réincarnation de son amant.

Méconnus aujourd’hui, les romans signés Frédéric Dard évoquent avec beaucoup de sensibilité ces atmosphères voisines de Simenon ou de Patricia Highsmith. La mort n’y est que la conséquence accidentelle de destins contrariés, et ce roman demeure sans doute le plus bouleversant de son auteur.

00:31 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone, Littérature policière | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : littérature; roman; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

08/02/2014

Jacques Chessex

9782246743514.gifJacques Chessex, Un juif pour l'exemple (Grasset, 2009)

Nous sommes en 1942: l'Europe est à feu et à sang, la Suisse est travaillée de sombres influences. A Payerne, rurale, cossue, ville de charcutiers, le chômage aiguise les rancoeurs et la haine ancestrale du Juif. Autour d'un gauleiter local, le garagiste Fernand Ischi sorti d'une opérette rhénane, et d'un pasteur sans paroisse proche de la légation nazie à Berne, le pasteur Lugrin s'organise un complot de revanchards au front bas, d'oisifs que fascine la virilité germanique. Ils veulent du sang. Une victime expiatoire. Ce sera Arthur Bloch, marchand de bestiaux...

A lire ce récit, je ne peux manquer de penser au roman Le rapport de Brodeck écrit par Philippe Claudel, paru en 2007 chez Stock. Même trouble d’une mémoire devenue inutile aux collectivités, même remord, même justification ou déni des individus qu’une abjecte réalité dérange. Dans un style concis, évocateur et respirant les lieux du drame, Jacques Chessex nous invite à  revisiter une histoire bien de chez nous contre l’effacement, la banalisation et finalement l’oubli. Avec rage et conviction, comme lui seul sait le faire.

Egalement disponible en coll. Livre de poche (LGF, 2010)

01:10 Écrit par Claude Amstutz dans Jacques Chessex, Littérature francophone, Littérature suisse | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : littérature; récit; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

07/02/2014

La citation du jour

David Dumortier

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Ses vaches sont gentilles, la vigne est bien coiffée, la mare est calme, mais ce n'est pas ça, sa vie: il manque quelqu'un au bout de la table pour se taire ensemble.

David Dumortier, Une femme de ferme, suivi de: Le livre des poules (Cheyne, 2010)

image: Jean-Baptiste-Camille Corot, Jeune Femme à la fontaine / 1860-1870 (connaissancedesarts.com)

00:10 Écrit par Claude Amstutz dans La citation du jour, Littérature francophone | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : citation; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

05/02/2014

Le poème de la semaine

Maurice Carême

merci à José M

On vendit le chien, et la chaîne,
Et la vache, et le vieux buffet,
Mais on ne vendit pas la peine
Des paysans que l’on chassait.
 
Elle resta là, accroupie
Au seuil de la maison déserte,
A regarder voler les pies
Au-dessus de l’étable ouverte.
 
Puis, prenant peu à peu conscience
De sa forme et de son pouvoir,
Elle tira d’un vieux miroir
Qui avait connu leur présence,
 
Le reflet des meubles anciens,
Et du balancier, et du feu,
Et de la nappe à carreaux bleus 
Où riait encore un gros pain.
 
Et depuis, on la voit parfois,
Quand la lune est dolente et lasse,
Chercher à mettre des embrasses
Aux petits rideaux d’autrefois. 
 
 
Quelques traces de craie dans le ciel,
Anthologie poétique francophone du XXe siècle
 

00:40 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone, Quelques traces de craie dans le ciel - Anth | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; poésie | |  Imprimer |  Facebook | | |

03/02/2014

André Pieyre de Mandiargues

littérature: roman; livresAndré Pieyre de Mandiargues, Le lis de mer (Coll. Folio/Gallimard, 1972)

Quand la jeune fille fut entrée dans le bois, l'inconnu vint la saisir. Vanina écoutait avec curiosité cette petite phrase qui bourdonnait dans sa tête sans qu'on eût rien fait pour l'appeler, née dans l'état de vide mental qui avait été le sien pendant qu'elle marchait sous le soleil et qui avait fait place à une agitation d'esprit un peu fébrile depuis qu'elle se trouvait sous le couvert des branches. L'inconnu vint la saisir - oui ; et n'était-ce pour cela, justement, qu'elle s'était échappée de sa chambre?

Une des plus belles plumes de la littérature française contemporaine livre ici un court récit qui mérite de figurer parmi les plus beaux romans érotiques de tous les temps. Pourtant, nul voyeurisme dans le propos. Toute la quête du désir est suggérée par l’atmosphère, les lieux, le temps qui change, le feu intérieur qui couve. Si inoubliable qu’il ne figure généralement pas dans une bibliothèque rose mais aux côtés des plus grands noms du XXe siècle. À lire au plus vite !

00:33 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature: roman; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

02/02/2014

Morceaux choisis - Pierre Reverdy

Pierre Reverdy

0_1.jpg

Quand le sourire éclatant des façades déchire le décor fragile du matin; quand l'horizon est encore plein du sommeil qui s'attarde, les rêves murmurant dans les ruisseaux des haies; quand la nuit rassemble ses haillons pendus aux basses branches, je sors, je me prépare, je suis plus pâle et plus tremblant que cette page où aucun mot du sort n'était encore inscrit. Toute la distance de vous à moi - de la vie qui tressaille à la surface de la main au sourire mortel de l'amour sur sa fin - chancelle, déchirée. La distance parcourue d'une seule traite sans arrêt, dans les jours sans clarté et les nuits sans sommeil. Et, ce soir, je voudrais, d'un effort surhumain, secouer toute cette épaisseur de rouille - cette rouille affamée qui déforme mon coeur et me ronge les mains. Pourquoi rester si longtemps enseveli sous les décombres des jours et de la nuit, la poussière des ombres. Et pourquoi tant d'amour et pourquoi tant de haine. Un sang léger bouillonne à grandes vagues dans des vases de prix. Il court dans les fleuves du corps, donnant à la santé toutes les illusions de la victoire. Mais le voyageur exténué, ébloui, hypnotisé par les lueurs fascinantes des phares, dort debout, il ne résiste plus aux passes magnétiques de la mort. Ce soir je voudrais dépenser tout l'or de ma mémoire, déposer mes bagages trop lourds. Il n'y a plus devant mes yeux que le ciel nu, les murs de la prison qui enserrait ma tête, les pavés de la rue. Il faut remonter du plus bas de la mine, de la terre épaissie par l'humus du malheur, reprendre l'air dans les recoins les plus obscurs de la poitrine, pousser vers les hauteurs - où la glace étincelle de tous les feux croisés de l'incendie - où la neige ruisselle, le caractère dur, dans les tempêtes sans tendresse de l'égoïsme et les dérisions tranchantes de l'esprit.

Pierre Reverdy, Reflux, dans: Main d'oeuvre / Poèmes 1913-1949 (Mercure de France, 1949)

image: Fujiko Nakaya (telerama.fr)

00:23 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone, Morceaux choisis | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; poésie; anthologie; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

01/02/2014

Lire les classiques - Clément Marot

Clément Marot

0_1.jpg

Adieu la cour, adieu les dames, 
Adieu les filles et les femmes, 
Adieu vous dis pour quelques temps, 
Adieu vos plaisants passetemps; 
Adieu le bal, adieu la danse, 
Adieu mesure, adieu cadence, 
Tambourin, haubois et violons, 
Puisqu'à la guerre nous allons.
Adieu les regards gracieux,
Messagers des coeurs soucieux;
Adieu les profondes pensées,
Satisfaites ou offensées;
Adieu les harmonieux sons
De rondeaux, dizains et chansons;
Adieu piteux département,
Adieu regrets, adieu tourment,
Adieu la lettre, adieu le page,
Adieu la cour et l'équipage,
Adieu l'amitié si loyale,
Qu'on la pourrait dire royale,
Etant gardée en ferme foi
Par ferme coeur digne de roi.
Adieu ma mie la dernière,
En vertus et beauté première;
Je vous prie me rendre à présent
Le coeur dont je vous fis présent,
Pour, en la guerre où il faut être,
En faire service à mon maître.
Or quand de vous se souviendra,
L'aiguillon d'honneur l'époindra
Aux armes et vertueux faits:
Et s'il en sortait quelque effet
Digne d'une louange entière,
Vous en seriez seule héritière.
De votre coeur donc se souvienne,
Car si dieu veut que je revienne,
Je le rendrai en ce beau lieu.
 
Or je fais fin à mon adieu.
 

Clément Marot, Adieu aux Dames de la Cour, dans : Pierre Seghers, Le livre d'or de la poésie française (Marabout, 1980)

image: expositions.bnf.fr

00:03 Écrit par Claude Amstutz dans Lire les classiques, Littérature francophone | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; poésie; anthologie; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

29/01/2014

Le poème de la semaine

Jean-Pierre Schlunegger

Musique ruisselante, pluie heureuse
Qui s'obscurcit de chute en chute, haletante
Jusqu'à cette limite où les cordes s'étranglent,
S'enrouent à devenir une musique blanche,
La voix de sable au bord de la douleur
Qui dit l'enfance irrémédiable, dit l'amour
Inaccessible à l'instant même où il se chante,
Une anémone fermée sur l'aile de la mer,
Distend l'accord, sépare
Les cordes soeurs, les cordes fières, jusqu'au cri...
Puis le bruit sec de la cassure et le silence. 
 
Quelques traces de craie dans le ciel, 
Anthologie poétique francophone du XXe siècle
 

28/01/2014

Philippe Sollers

9782070445356_1_75.jpgPhilippe Sollers, Discours parfait (coll. Folio/Gallimard, 2012)

Avec la vaste culture de son auteur et sa passion de l'écrit auxquelles s'ajoutent, pour cet ouvrage en particulier, un formidable élan ainsi qu'un enthousiasme contagieux, Philippe Sollers nous embarque pour un tour du monde de la pensée et de la littérature à travers les siècles, illustré d'anecdotes savoureuses, de citations qui donnent des ailes à ces amis de passages ou compagnons de toujours, comme les célèbres corbeaux de Van Gogh au-dessus des champs de blé.  

A titre d'exemple, les chapitres consacrés  à Shakespeare, Châteaubriand, Stendhal, Mauriac ou Céline, valent à eux seuls une lecture attentive. Ainsi que pour l'auteur de Discours parfait, mes choix - forcément subjectifs - sont le reflet de rencontres marquantes, et vous en trouverez d'autres assurément, dans ce livre: Nietzsche, Flaubert, Joyce, Bataille, Beckett ou Houellebecq parmi d'autres. Vous avez l'embarras du choix.

A propos de mon écrivain préféré, l'immense et indémodable William Shakespeare, il écrit: C'est le plus grand. on ouvre ses oeuvres, et aussitôt, le globe tourne, les passions se déchaînent, la nature entière se déploie, les flèches du rythme vibrent, criblent la scène, viennent vous frapper en plein coeur.

Quelques centaines de pages plus loin, à propos de François Mauriac - l'écrivain moderne dont je me sens le plus proche depuis mon adolescence - il note: On dit qu'un vin vieillit bien, surtout s'il est de Bordeaux, mais la vérité est qu'il rajeunit de l'intérieur, et c'est l'étonnante fraîcheur qui arrive, de plus en plus, au journaliste Mauriac, l'écrivain qui s'est le moins trompé sur toutes les grandes tragédies du XXe siècle (...) Impeccable, direct, précis, implacable.

Avouez que lorsqu'on nous présente la littérature avec autant de ferveur, une allégresse diffuse nous étreint, celle qui nous fait prendre la mesure du temps - aussi rare et recherché que l'oxygène - pour lire ou relire les auteurs qu'il convie dans son livre. Pas tous, heureusement! On ne peut aimer tout le monde. Et c'est bien ainsi... 

00:13 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; essai; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

27/01/2014

Jean Cocteau

jeancocteau2b2b663ds6.jpgDominique Marny, Jean Cocteau, archéologue de sa nuit (Textuel, 2010)

Dominique Marny n'en est pas à son coup d'essai. Elle a déjà consacré deux études à cet intarissable créateur sous toutes ses formes - par les chemins multiples de la littérature, du cinéma, du dessin - en signant Les Belles de Cocteau (Lattès, 1995) et La Belle et la Bête, les coulisses du tournage (Le Pré aux Clercs, 2005).

Dans l'esprit de la collection de cet éditeur - voir les ouvrages consacrés à Arthur Rimbaud, Charles Baudelaire, Guillaume Apollinaire, Colette, Marcel Proust, Jacques Brel ou Barbara - Dominique Marny vous invite à feuilleter un album de famille truffé de photographies, lettres et documents souvent inédits. Cette promenade poétique permet de mesurer combien Jean Cocteau a marqué de son empreinte tout le XXe siècle. Jugé souvent frivole par ses contemporains, déroutant parfois et indifférent à aucune expression artistique, il a soigneusement caché ses blessures - le suicide de son père, les années de guerre ou la condescendance de ses pairs - et répondu à ses détracteurs: Pour quelqu'un que l'on accuse de dilettantisme, j'ai beaucoup travaillé.

Un bien bel hommage à celui qui a célébré - outre son immense talent - la constance dans ses amitiés et pratiqué le luxe de la désobéissance.

Faire semblant de pleurer mes amis - conclut Jean Cocteau - puisque le poète ne fait que semblant d'être mort. (Le testament d'Orphée)