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05/01/2014

Morceaux choisis - Gilles Baudry

Gilles Baudry

Alphonse Osbert 1.jpg

Les yeux fermés, parle de l’intérieur.
 
Trouve des mots
qui soient des portes
derrière lesquelles
on écoute la mer raconter une histoire,
de ces portes qu’on pousse
au-dedans de soi.
A l’indicible source
puise des mots infusés de printemps
dédiés
à ce qu’il y a de plus frais
en chacun.
 
Garde la page inapaisée.

Gilles Baudry,  Nulle autre lampe que la voix  (Rougerie, 2006)

image: Alphonse Osbert, Au coucher du soleil (pantherspirit.centerblog.net)

00:12 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone, Morceaux choisis | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; poésie; anthologie; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

01/01/2014

Le poème de la semaine

Guillevic

Tout ce qu'on a tenu
Dans ses mains réunies:
 
Le caillou, l'herbe sèche,
L'insecte qui vivra,
 
Pour leur parler un peu,
Pour donner amitié
 
A soi-même, à cela
Qu'on avait dans les paumes,
 
Que l'on voudrait garder
Pour s'en aller ensemble
 
Au long de ce moment
Qui n'en finissait pas.
 
Tout ce qu'on a tenu
Dans ses mains rassemblées
 
Pour ajouter un poids
De confiance et d'appel,
 
Pour jurer sous le ciel
Que se perdre est facile.
 
Tout ce qu'on a tenu:
L'eau fraîche dans les mains,
 
Le sable, des pétales,
La feuille, une autre main,
 
Ce qui pesait longtemps
Qui ne pouvait peser,
 
Le rayon de lumière,
La puissance du vent,
 
On aura tout tenu
Dans les mains rapprochées.
 
 
Quelques traces de craie dans le ciel, 
Anthologie poétique francophone du XXe siècle

06:35 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone, Quelques traces de craie dans le ciel - Anth | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : littérature; poésie | |  Imprimer |  Facebook | | |

26/12/2013

Conrad Ferdinand Meyer

images.jpegConrad-Ferdinand Meyer, Jürg Jenatsch (Coll. Poche Suisse/L'Age d'Homme, 1989)

Un pasteur réformé du canton de Suisse « Les Grisons », devenu chef de bande, assassin, puis héros national, colonel dans l’armée du Duc de Rohan, rénégat et négociateur de traités internationaux entre l’Espagne et la France de Richelieu, traître à la foi par amour exclusif de sa petite patrie et qui meurt assassiné par des voyous au soir de sa plus grande victoire, voilà un personnage de l’histoire suisse, troublant et difficilement compréhensible qui bouleverse toutes les idées reçues.

Un épisode de l'histoire des Grisons et en même temps une tragique histoire d'amour qui n'est pas sans rappeler les romans de cape et d'épée d'Alexandre Dumas. D'une écriture vive et éloquente, un chef d'oeuvre des lettres alémaniques du XIXe siècle.

publié dans le supplément La bibliothèque idéale des vaudois / 24 Heures

25/12/2013

Le poème de la semaine

René Char

Redonne-leur ce qui n'est plus présent en eux,
Ils reverront le grain de la moisson s'enfermer dans l'épi et s'agiter sur l'herbe. 
Apprenez-leur, de la chute à l'essor, les douze mois de leur visage,
Ils chériront le vide de leur coeur jusqu'au désir suivant;
Car rien ne fait naufrage ou ne se plaît aux cendres;
Et qui sait voir la terre aboutir à des fruits,
Point ne l'émeut l'échec quoiqu'il ait tout perdu.

 
Quelques traces de craie dans le ciel, 
Anthologie poétique francophone du XXe siècle

18/12/2013

Le poème de la semaine

Abdellatif Laâbi

A la mémoire de Tahar Djaout

La terre s'ouvre
et t'accueille
Pourquoi ces cris, ces larmes
ces prières
Qu'ont-ils perdu
Que cherchent-ils
ceux-là qui troublent
ta paix retrouvée?
 
La terre s'ouvre
et t'accueille
Maintenant
vous allez vous parler sans témoins
Oh vous en avez des choses à vous raconter
et vous aurez l'éternité pour le faire
Les mots d'hier ternis par le tumulte
vont peu à peu se graver dans le silence
 
La terre s'ouvre
et t'accueille
Elle seule t'a désiré
sans que tu lui fasses des avances
Elle t'a tendu sans ruses de Pénélope
Sa patience ne fut que bonté
et c'est la bonté qui te ramène à elle
 
La terre s'ouvre
et t'accueille
Elle ne te demandera pas de comptes
sur tes amours éphémères
filles de l'errance
étoiles de chair conçues dans les yeux
fruits accordés du vaste verger de la vie
souveraines passions qui font soleil
au creux de la paume
au bout de la langue éperdue
 
La terre s'ouvre
et t'accueille
Tu es nu
Elle est encore plus nue que toi
Et vous êtes beaux
dans cette étreinte muette
où les mains savent se retenir
pour écarter la violence
où le papillon de l'âme
se détourne de ce semblant de lumière
pour aller en quête de sa source
 
La terre s'ouvre
et t'accueille
Ta bien-aimée retrouvera un jour
ton sourire légendaire
et le deuil prendra fin
Tes enfants grandiront
et liront sans gêne tes poèmes
Ton pays guérira comme par miracle
lorsque les hommes épuisés par l'illusion
iront s'abreuver à la fontaine de la beauté
 
O mon ami
dors bien
tu en as besoin
car tu as travaillé dur
en honnête homme 
 
Avant de partir
tu as laissé ton bureau propre
bien rangé
Tu as éteint les lumières
et puis en sortant
tu as regardé le ciel
son bleu presque douloureux
Tu as lissé élégamment ta moustache
en te disant: 
seuls les lâches
considèrent que la mort est une fin
 
Dors bien mon ami
Dors du sommeil du juste
Repose-toi
même de tes rêves
Laisse-nous porter un peu le fardeau
 
 
Quelques traces de craie dans le ciel, 
Anthologie poétique francophone du XXe siècle

14/12/2013

La citation du jour

Jean-Louis Kuffer

citation; livres

Un livre c’est comme une lumière qui montrerait tout à coup les couleurs du vitrail, un livre, c’est comme une fleur de papier qui s’ouvre dans l’eau, ou c’est comme l’eau que tu découvres toute nue et toute fraîche et toute froide et toute tonique après le coup de hache dans la glace de la nuit.

Jean-Louis Kuffer, L'échappée libre (L'Age d'homme, 2014)

image: page manuscrite de Robert Denoël à propos de Louis-Ferdinand Céline (thyssens.com)

00:12 Écrit par Claude Amstutz dans Jean-Louis Kuffer, Littérature francophone, Littérature suisse | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : citation; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

12/12/2013

Yves Navarre

littérature; roman; livresYves Navarre, Le jardin d'acclimatation (Editions H&O, 2009)

Après Le coeur qui cogne et Je vis où je m'attache, Yves Navarre revient une fois encore aux liens familiaux, mais cette fois-ci sous forme d'un sauvage réquisitoire contre la bourgeoisie: sa respectabilité, son hypocrisie, sa lâcheté. Car parmi les quatre enfants du père Henri Prouillan, ancien ministre du Général, se cache une infamie, un homosexuel qui, mineur, détournait du droit chemin un ami de la famille, le critique Romain Leval. Alors le ministre fait son devoir: il pousse le critique au suicide et fait opérer son fils d'une lobotomie. Qui donc est coupable? N'ont-ils ont pas tous laissé faire, la mère, les enfants, la fidèle Bernadette, la tante et son mari Jean, l'ami de Romain? Vingt ans plus tard, ils se retrouvent... Ce roman terrible, servi par une écriture classique - c'est un compliment - a vraiment mérité le prix Goncourt ... en 1980!

04:31 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone, Yves Navarre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; roman; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

11/12/2013

Le poème de la semaine

Denise Mützenberg

Ne dis rien
ne dis pas d'où tu viens
ni quel vent t'a souffletée
quand tu rentres
au matin
quand tu te glisses dans ma vie
plus proche du coeur que l'aubier
 
Ne retire pas ton tablier
garde les mains dans la farine
 
La prophétie lèvera doucement
comme un gâteau que tous pourront manger

 
Quelques traces de craie dans le ciel,
Anthologie poétique francophone du XXe siècle

07/12/2013

Morceaux choisis - Gustave Roud

Gustave Roud

3.jpg

Où es-tu?

Que de fois crié, cet appel vers un être, du fond de l'abîme intemporel où ma maison a glissé doucement comme un navire perdu. L'absolu triomphe dans cette chambre, fomenté par le feu blanc des neiges. Les portraits parlent, les poèmes chantent. Toute une vie immobile s'illumine au miroir profond de la mémoire. Tout éclate et se fige en un inexorable présent. Le coeur sous la pointe du doigt s'exténue et s'arrête. J'appelle, à travers des lieues, des années, et sans songer même à la dérision de ma voix close, un coeur qui bat.

Et pourtant je sais la route vers le nord qui touche au bout de longues heures la grange où brûle encore le froment que tu fauchais. Je partirais les yeux fermés. Mais la nuit est venue avec la lune et toute l'horreur des marches d'autrefois dans la neige infinie ressuscite. L'été pour mentir encore à l'adolescent qui n'a pas eu la force de dire oui tout de suite à sa solitude. Un oiseau chante pour lui; les fleurs frôlent ses mains nues. Le vent lui jette au visage toute une prairie de juin comme un bouquet d'odeurs. Il faudra, pour qu'il sache enfin, la traversée pas à pas des nuits extrêmes de décembre parmi les cadavres de ses pensées, quand son souffle, qui est pourtant un souffle d'homme, monte comme une buée vide, une vaine vapeur vers les étoiles (Orion, toujours Orion sur l'épaule de la colline illuminée!) et qu'il heurte enfin du front la vitre couleur de miel qui l'appelait à travers l'ombre comme une autre étoile, la transparente muraille infrangible qui le sépare à jamais du bonheur des hommes.

A quoi bon repartir ce soir, puisque c'est toujours la même réponse au bout de la neige et de la nuit, la même lampe vers quoi les hommes tendent leurs mains endormies, les lèvres ouvertes sur des paroles qu'ils échangent en riant? Toi seul par qui j'ai pu croire une heure qu'il n'est pas mortel de regarder vivre au lieu de vivre, que c'est encore une espèce de vie - et la plus belle -, je l'appellerais en vain là-bas de seuil en seuil. Les chiens comme autrefois savent bondir de leur sommeil, les rauques bêtes hurlantes à bout de chaîne, et ce n'est plus eux, mais la maison, mais les villages, mais toute la nuit qui aboient! J'ai perdu coeur. Je t'appelle ici près de ma lampe morte, les lèvres closes, les yeux fermés.

Tu vivais. Ah! qui me dira si tu respires encore, que si mon coeur s'arrête, le tien bat toujours, faucheur au bord de l'orage, que j'ai vu jadis à l'instant même du premier éclair me sourire. La première goutte de pluie étoile ton épaule et fait frissonner ton adieu. Pour toute une heure, le temps de notre halte sous le toit de tuiles ruisselantes, les pieds dans la poussière pleine de brins de paille, de fragiles empreintes d'oiseaux, il m'a paru que je pouvais vivre encore. Et plus encore que la vie, ce qui de ta chaude et fraîche épaule coulait jusqu'à mon coeur qu'il comblait comme d'une calme musique retrouvée, c'était le repos vivant dans la plénitude atteinte, auprès de quoi celui de la mort ne peut être qu'une grimace.

Où es-tu?

Gustave Roud, Appel d'hiver / extrait, dans: Jean Orizet, Anthologie de la poésie française (Larousse, 2010)

image: Orcières, Hautes-Alpes / France (confidentielles.com)

05/12/2013

Jocelyne François 1b

Bloc-Notes, 5 décembre / Les Saules

Claire Pichaud 2.jpg

En complément, voici quelques pages de Jocelyne François, Claire Pichaud - 3 vies: une première approche de l'oeuvre de Claire Pichaud, dans ce splendide ouvrage dont la conception soignée, la qualité de l'impression et de la mise en page illustrent à merveille son immense talent... 

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Jocelyne François, Claire Pichaud - 3 vies / 39 € (Edition du Regard, 2013)

avec une postface de  Henry-Claude Cousseau 

00:02 Écrit par Claude Amstutz dans Bloc-Notes, Jocelyne François, Littérature francophone | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; beaux-arts; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |