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02/04/2015

Morceaux choisis - Charles-Albert Cingria

Charles-Albert Cingria

littérature; récit; livres

C'est exquis un réveil et surtout de ne pas se lever parce qu'on a toujours froid, c'est-à-dire chaud dans une menace de froid si on exécute une révolution de se lever, laquelle a tout à gagner - en effet rien ne vous y oblige - à rester à l'état de résolution. Donc on ne se lève pas. Plutôt on compte, on s'accorde des délais. On compte jusqu'à cent, très lentement, bien entendu, et puis, quand on est arrivé à cent, on s'arrête simplement de compter, mais on ne se lève pas davantage. 

Vient le moment pourtant où l'on se dresse automatiquement. C'est un subconscient qui fait ça, un trop-plein qui vous propulse. A peine debout, on se précipite sur le petit bois. Une flambée, quelques instants, vous fait retrouver par les jambes et les genoux et les pieds et la prunelle du regard, cette pointe à jour de l'âme, la chaleur que vous venez de quitter. Mais c'est aussi pour faire bouillir de l'eau pour le thé que vous faites ce petit embrasement. 

Un peu de bois sec, un peu de bois vert, un peu de charbon de bois à 50 francs les dix litres, inséré avec escient à des places favorables - des places qui, dans l'incandescence, font s'établir une structure - amuse et stimule l'ingéniosité et, à ce feu, lui accorde une durée. 

Surtout, le charbon se brise avec un infinitésimal bruit précis de harpe qui est délicieux à entendre.

Charles-Albert Cingria, D'un jeudi à l'autre, Oeuvres complètes vol. 1 - Récits (L'Age d'Homme, 2012)

image: lameduseetlerenard.blogspot.com

09/12/2014

Mario Rigoni Stern

littérature; récit; livresMario Rigoni Stern, Saisons (La Fosse aux Ours, 2008)

Paru en 2006 en Italie, cet ouvrage peut être considéré comme le testament de cet immense écrivain, ami de Primo Levi, décédé en 2008, à l’âge de 86 ans. Aux saisons qui rythment sa vie, il invite le lecteur à l’observation émerveillée de la nature omniprésente des hauts plateaux d’Asiago et laisse affluer ses souvenirs : L’occupation allemande, la faim, la neige et le vent entre les maisons brûlées des villages, mais aussi la récolte des pommes, les balades avec sa petite fille en hiver, l’odeur d’une poignée de terre. En écho à la cruauté et à la barbarie des hommes, résonnent longtemps encore après avoir refermé ce livre le chant du martinet, de la grive, du vautour fauve ou du rossignol, dont il nous raconte les comportements avec beaucoup de poésie et de jubilation. Le plus beau passage de ce récit évoque le cimetière de son village avec les compagnons du pays – aimés, contemporains, admirés – qui lui ont tout appris, alors que les merles au-dessus des tombes - avant qu’elles ne se couvrent de fleurs – invitent les défunts au bal du printemps. Magnifique !

00:13 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature étrangère, Littérature italienne, Mario Rigoni Stern | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : littérature; récit; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

29/09/2014

Clémence Boulouque

Clémence Boulouque.jpgClémence Boulouque, Nuit ouverte (Flammarion, 2007)

Connaissez-vous l’histoire de Régina Jonas, première femme rabbin ordonnée à Berlin en 1935, déportée et assassinée à Auschwitz en décembre 1944? Non? Alors lisez vite ce très beau roman qui prête la voix à cette disparue et nous dévoile en contrepoint, le parcours ambigu de la famille d’Elise Lermont, la narratrice, de Champagne à Paris sous l’Occupation. Outre un tableau de la pensée juive de cette époque émaillé de citations jamais pesantes – Benjamin, Rilke, Celan, Mandelstam ou Akhmatova - ce récit nous révèle le comportement des entreprises champenoises pendant la guerre et l’interrogation de son héroïne, bien au-delà de ce contexte historique précis, nous interpelle tous : Comment accepter les siens, ni plus lâches ou désinvoltes que d’autres, se réconcilier avec eux dans le souvenir et le pardon? Aux liens de notre sang qui parfois nous écrasent par le poids de la culpabilité filiale, ceux de notre choix – pour Elise, il s’agit de Régina Jonas - peuvent-ils nous délivrer de la honte, nous propulser dans l’avenir avec force et nous épanouir, malgré les blessures irréparables du temps?

17/08/2014

Robert Bober

9782070445592FS.gifRobert Bober, On ne peut plus dormir tranquille quand on a une fois ouvert les yeux (coll. Folio/Gallimard, 2012)

Avec On ne peut plus dormir tranquille quand on a une fois ouvert les yeux - titre emprunté à l'auteur de La plupart du temps, Pierre Reverdy - Robert Bober délivre son style magique de conteur et nous entraîne sur le plateau du tournage de Jules et Jim où le personnage central du roman, Bernard - un double de son ami Robert, à la fois inventé et bien réel - se voit confier un rôle de figurant. Cet événement sert de prétexte à décrire, de Belleville à Ménilmontant, le Paris des années 60, ses cafés, ses artistes, les chansons d'Aristide Bruant, les films de Marcel Ophüls, de Jacques Becker et bien sûr de François Truffaut. A la manière d'un Robert Doisneau, le regard de Robert Bober nous entraîne avec beaucoup de tendresse, d'humour et de nostalgie, dans ce récit truffé d'anecdotes pittoresques, qui n'en est pourtant qu'à ses balbutiements.

A la fin du tournage, en effet, Bernard tout fier d'apparaître dans le film, invite sa mère au cinéma pour partager avec elle ce moment de bonheur. A la sortie de la salle, sa mère bouleversée, s'accroche à son bras et lui confie que Jules et Jim - un ménage à trois, disait François Truffaut - c'est son histoire... Il va ainsi plonger dans le passé, sur la trace de son père qu'il a perdu trop jeune - mort en déportation - et de son beau-père - disparu dans l'avion qui coûta la vie à Marcel Cerdan - tous deux amoureux de la même femme, sa mère, amis depuis leur jeunesse en Pologne. La correspondance avec sa tante des Amériques, Esther - la soeur de son père, nous immerge une fois encore dans le monde du cinéma, des Ziegfeld Follies à Harpo Marx, renouant par ce biais les liens familiaux qui, pour un temps, s'étaient malencontreusement interrompus.

Au dernier chapitre de ce livre, le narrateur entreprend un voyage à Auschwitz, pour rejoindre son père, une dernière fois: Je n'ai pas noté le numéro du block consacré aux déportés venant de France. Celui où naturellement on nous conduisit d'abord. Je n'ai pas entendu ce que dans ce lieu le guide nous disait. Il y avait là, devant moi, la photographie de mon père. Celle que je connaissais et que j'avais toujours vue dans son cadre de cuir brun posée sur le buffet de la salle à manger. Sur cette photo, considérablement agrandie, mon père avait retrouvé sa dimension d'homme. Nous étions là, ensemble, debout, tout près, l'un en face de l'autre, dans la même immobilité. Nous avions le même âge. Il me souriait.  

Beaucoup d'émotion contenue, de délicatesse et de pudeur dans ce roman de Robert Bober qui évite soigneusement les pièges du mélodrame, avec cette infinie douceur d'un funambule qui foule la neige, atténuant les rumeurs alentour, les yeux tendus vers le ciel et les étoiles. 

00:01 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; récit; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

12/08/2014

Jacques Chessex

Jacques Chessex.jpgJacques Chessex, Pardon mère (Grasset, 2008)

 

Longtemps j’ai eu le temps. C’était quand ma mère vivait. J’étais désagréable avec elle, ingrat, méchant, je me disais: j’aime ma mère. Elle le sait ou elle finira bien par le savoir. J’ai le temps. (…) En attendant, le temps passait. Je rencontrais ma mère, je la blessais parce que tout en elle me blessait. Son esprit était droit, sa pensée juste, son élégance de bon goût, sa taille bien prise, son regard d’un bleu un peu gris était pur et me voyait. Et moi je n’étais pas digne de ce regard. Jacques Chessex

 

Les relations entre une mère et son fils sont souvent uniques, incomparables. Et chacun de nous – les hommes! – aurait pu dire ce vertige de l’origine, ce temps remis à plus tard, ces balbutiements du fils prodigue entre gaucherie et provocation, entre admiration et défi, entre blessure et reconnaissance.. Seulement voilà: Nous n’avons pas le talent littéraire de Jacques Chessex pour mettre en perspective l’inexprimable avec tant de retenue et d’émotion. Alors, contentons-nous de savourer ce bonheur de lecture, à l’abri de rien …

00:11 Écrit par Claude Amstutz dans Jacques Chessex, Littérature francophone, Littérature suisse | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; récit; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

07/06/2014

Raphaël Jérusalmy

44569515_10266400.jpgRaphaël Jérusalmy, Sauver Mozart - Le journal d'Otto J. Steiner (Actes Sud, 2012)

C'est l'histoire d'un attentat musical. Eté 1939, au lendemain de l'Anschluss, Otto J. Steiner égrène ses jours dans un sanatorium de Salzbourg tandis qu'au-dehors l'Histoire montre les crocs. Autrichien, un peu juif, complétement seul, il n'aime plus que la musique, et la tuberculose le ronge autant que l'humiliation d'être malade, ou les privations qui achèvent de le pousser à la marge du monde. Un monde dissonant à son oreille de mélomane, une faute de goût existentielle pour cette âme libre, témoin privilégié et involontaire du délitement d'une certaine idée de l'homme. Tout semble joué, quand un événement inattendu le conduit à deux doigts de faire basculer le siècle. Mais s'il ne restait jamais plus rien à sauver que Mozart? 

Une peinture ironique et cruelle des malades et blessés de guerre au milieu desquels Otto J. Steiner, condamné par la tuberculose, rédige son Journal et confie au lecteur l’acte de résistance malicieux qu’il prépare à travers le célèbre festival de musique de Salzbourg consacré à Mozart, prétexte à une contrefaçon de concert perpétuant – à l’insu des dignitaires du Reich et de la plupart des mélomanes – les voix de ceux qui ne peuvent plus l'entendre… Un premier roman réjouissant!

également disponible en édition de poche (coll. Babel/Actes Sud, 2013)

00:10 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : littérature; récit; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

13/04/2014

Fabio Geda

littérature; récit; livresFabio Geda, Dans la mer il y a des crocodiles - l'histoire vraie d'Enaiatollah Akbari (coll. Piccolo/Liana Levi, 2012)

Enaiatollah Akbari, âgé de dix ans à peine, est né dans la province de Ghazni, au sud-est de l'Afghanistan. Il est hazara, une ethnie méprisée et souvent réduite à l'esclavage tant par les talibans que les patchounes. Son père est mort. Sa famille - comme bien d'autres - connaît l'oppression, la sueur et les larmes, mais surtout la peur face à la violence et aux menaces qui les entourent. Un jour - la plus terrible des preuves d'amour - sa mère, fuyant leur maison de Nava, l'abandonne à Quetta, un village pakistanais non loin de la frontière afghane, avec trois commandements pour tout bagage: Ne pas prendre de drogues, ne pas utiliser d'armes, ne pas voler.

Commence alors pour Enaiatollah Akbari un périple de cinq ans, le conduisant du Pakistan à l'Italie, en passant par l'Iran, la Turquie, la Grèce. Un voyage long, dangereux, à haut risque. Il apprend à se débrouiller pour survivre et même s'il côtoie l'horreur ou la misère, son regard toujours tourné vers l'avenir reste sensible à la beauté des sentiments - qui lui sera marquée à certaines heures en raison de sa bonne éducation, de sa politesse, de son habileté - traduite par un sourire de gratitude qui ne le quitte jamais.  

Ce livre est le récit de son incroyable aventure, transcrite par Fabio Geda avec un souci de coller au plus près de sa vérité, non sans nous partager une oeuvre littéraire à part entière. Si son odyssée racontée avec naturel et simplicité nous touche tant, c'est qu'elle transpire de l'empathie de son auteur, lui-même éducateur depuis une dizaine d'années auprès de mineurs immigrés à Turin et qui ne nourrit d'autre souci que de décliner une histoire dont il ne se veut que le témoin. Mais au-delà de ces fragments de vie que nous expose Enaiatollah Akbari, ce livre nous sensibilise aux réalités de l'immigration - le trafic des êtres humains, les coups qui pèsent sur les clandestins, la fuite par nécessité - dont Dans la mer il y a des crocodiles montre avec une douce ironie qu'elle n'est ni noire, ni blanche.

Aujourd'hui, notre jeune rescapé a 22 ans, un permis de séjour depuis 2007, étudie, profite enfin d'une vie bien à lui, a des amis et parle l'italien comme un turinois! Dans le dernier chapitre du livre - l'un des plus émouvants que je vous laisse découvrir - vous verrez qu'il renoue avec les siens. Il rêve de repartir en Afghanistan pour s'y rendre utile ou devenir - en Italie - le porte-parole de sa communauté, nous dit Fabio Geda. Une belle leçon de vie qui n'occulte malheureusement pas l'aventure d'autres enfants semblables à lui qui ont fait le voyage avec la même détermination, mais qui n'ont survécu à l'enfer. Ce livre est aussi la trace de leur histoire, transparente, invisible, engloutie dans le ventre des baleines ou des crocodiles... 

Du même auteur ont paru trois autres livres: Pendant le reste du voyage, j'ai tiré sur les indiens (coll. Piccolo/Liana Levi, 2011), La séquence des gestes (Gaïa, 2011) et Le dernier été du siècle (Albin Michel, 2014).

06/03/2014

Dany Laferrière

tout-bouge-autour-de-moi-laferriere.jpgDany Laferrière, Tout bouge autour de moi (Livre de poche/LGF, 2012)

En Haïti, il y eut un certain 12 janvier, comme ailleurs un 11 septembre. Avant, il y avait l'insouciance, puis soudain ce jour de séisme terrible. Dany Laferrière, écrivain haïtien résidant au Canada, se trouvait dans son pays au moment du drame. Un an après, il tente de faire revivre ce qu'il a vu, observé, partagé. Le pire comme le meilleur concentré dans cet instant crucial dont le monde entier a été le témoin, à travers un prisme déformé, il est vrai: Tout cela a duré moins d'une minute. On a eu huit à dix secondes pour prendre une décision. Quitter l'endroit ou rester. Très rares sont ceux qui ont fait un bon départ. Comme souvent devant un choc d'une telle cette amplitude - les exemples sont nombreux dans l'histoire contemporaine - il témoigne de la difficulté de témoigner du moment de la catastrophe en elle-même, tant la blessure intime est grande et la surprise, totale. Son récit est habité d'une retenue bienveillante, généreuse et lucide pour dire les émotions brutes qui ont affecté sa famille ou leurs proches.

Ce qui rend ce livre particulièrement attachant tient à cette page douloureuse de l'histoire d'Haïti où se juxtaposent le temps de l'auteur avec celui de ces anonymes pour la plupart, armés d'un grand appétit de vivre, portant l'espérance jusqu'en enfer. Ce sont eux, les véritables héros de ces éclats de mémoire que nous livre Dany Laferrière. Il trouve le ton juste pour évoquer la culpabilité des rescapés ou ironiser - sans méchanceté aucune - sur la couverture médiatique des événements et son cortège d'images fortes: Le pire n'est pas l'enfilade de malheurs, mais l'absence de nuances dans l'oeil froid de la caméra...

Quel est le secret de cet auteur pour qu'au-delà de cette fracture existentielle, se dégage de son livre une force si tranquille et déterminée? De sa mère, de sa tante Renée, de ses amis, ainsi que de la poésie qui résonne comme un violon dans ses ténèbres passagères et qui, seule, le console des horreurs du monde. On dit qu'un malheur chasse l'autre. Et les journalistes ont beau se précipiter ailleurs, Haïti continuera d'occuper longtemps encore le coeur du monde...

également en format de poche (coll. Livre de Poche/LGF, 2012)

00:01 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; récit; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

22/02/2014

Robert Bober

9782070445592FS.gifRobert Bober, On ne peut plus dormir tranquille quand on a une fois ouvert les yeux (coll. Folio/Gallimard, 2012) 

Le titre de ce récit est emprunté à l'auteur de La plupart du temps, Pierre Reverdy. Avec son style magique de conteur, Robert Bober nous entraîne sur le plateau du tournage de Jules et Jim où le personnage central du roman, Bernard - un double de son ami Robert, à la fois inventé et bien réel - se voit confier un rôle de figurant. Cet événement sert de prétexte à décrire, de Belleville à Ménilmontant, le Paris des années 60, ses cafés, ses artistes, les chansons d'Aristide Bruant, les films de Marcel Ophüls, de Jacques Becker et bien sûr de François Truffaut. A la manière d'un Robert Doisneau, le regard de Robert Bober nous entraîne avec beaucoup de tendresse, d'humour et de nostalgie, dans ce récit truffé d'anecdotes pittoresques, qui n'en est pourtant qu'à ses balbutiements.

A la fin du tournage, en effet, Bernard tout fier d'apparaître dans le film, invite sa mère au cinéma pour partager avec elle ce moment de bonheur. A la sortie de la salle, sa mère bouleversée, s'accroche à son bras et lui confie que Jules et Jim - un ménage à trois, disait François Truffaut - c'est son histoire... Il va ainsi plonger dans le passé, sur la trace de son père qu'il a perdu trop jeune - mort en déportation - et de son beau-père - disparu dans l'avion qui coûta la vie à Marcel Cerdan - tous deux amoureux de la même femme, sa mère, amis depuis leur jeunesse en Pologne. La correspondance avec sa tante des Amériques, Esther - la soeur de son père, nous immerge une fois encore dans le monde du cinéma, des Ziegfeld Follies à Harpo Marx, renouant par ce biais les liens familiaux qui, pour un temps, s'étaient malencontreusement interrompus.

Au dernier chapitre de ce livre, le narrateur entreprend un voyage à Auschwitz, pour rejoindre son père, une dernière fois: Je n'ai pas noté le numéro du block consacré aux déportés venant de France. Celui où naturellement on nous conduisit d'abord. Je n'ai pas entendu ce que dans ce lieu le guide nous disait. Il y avait là, devant moi, la photographie de mon père. Celle que je connaissais et que j'avais toujours vue dans son cadre de cuir brun posée sur le buffet de la salle à manger. Sur cette photo, considérablement agrandie, mon père avait retrouvé sa dimension d'homme. Nous étions là, ensemble, debout, tout près, l'un en face de l'autre, dans la même immobilité. Nous avions le même âge. Il me souriait.  

Beaucoup d'émotion contenue, de délicatesse et de pudeur dans ce roman de Robert Bober qui évite soigneusement les pièges du mélodrame, avec cette infinie douceur d'un funambule qui foule la neige, atténuant les rumeurs alentour, les yeux tendus vers le ciel et les étoiles. 

00:23 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : littérature; récit; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

18/02/2014

Guy Goffette

9782070125951.gifGuy Goffette, Presqu'elles (Gallimard, 2009)

 

Il est des femmes qui, irrésistiblement, attisent la curiosité. On les voit, on les imagine, on les surprend ou on les invente… Dans ce registre, sur le ton de la confidence et avec l’œil d’un peintre de l’éphémère  – il obtient le Grand Prix de Poésie de l’Académie Française en 2001 - Guy Goffette esquisse dix portraits de femmes saisies entre rêve et réalité: L’une en tailleur rouge qui ressemble à un Modigliani, telle autre avec sa jupe d’écolière sage dont le regard se noie dans le paysage, ou encore celle à la bouche ronde qui ajuste des mannequins dans une vitrine. Amoureux du langage et du corps féminin, il immortalise sous nos yeux émerveillés ces instants volés que nous éprouvons tous un jour ou l’autre, avec le sourire énigmatique de celui qui dissimule aux autres ces incomparables moments de grâce!

00:05 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; récit; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |