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24/08/2013

Stefan Zweig

littérature; nouvelles; livresStefan Zweig, Amok - Lettre d'une inconnue - Les ruelles au clair de lune (coll. Livre de poche/LGF, 2010)

 

Trois nouvelles pour célébrer l’amour, dont la Lettre d’une inconnue qui par sa force émotionnelle et le talent de Stefan Zweig, évoquent le déchirement d'une passion amoureuse, de sa fièvre inextinguible et de sa quête de l’absolu. La version intégrale de ce texte, lu par Claude Berman et enregistré par Livraphone en 2005, est absolument bouleversante. Enfin, la couverture de la présente édition est signée Christian Lacroix!


Une nouvelle traduction a vu le jour sous la plume de Alzir Hella, Olivier Bournac et Françoise Toraille (Stock, 2009), chaleureusement recommandée!

09:13 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature étrangère, Stefan Zweig | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; nouvelles; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

23/08/2013

Andrew O'Hagan

9782757824009.jpgAndrew O'Hagan, Vie et opinions de Maf le chien et de son amie Marylin Monroe (coll. Points/Seuil, 2011)

Les chiens ont de la chance : ils peuvent s’introduire en toute impunité là où la plupart des humains sont éconduits! Tel est le cas de Maf, au pedigree irréprochable, qui a passé des mains de Vanessa Bell - la soeur aînée de Virginia Woolf - à celles de Natalie Wood, puis de Frank Sinatra, enfin à celles de Marilyn Monroe, aux dernières années de sa vie. Un brin intellectuel et snob – il a hérité du collier de Pinker, la chienne de Vita Sackville-West, compagne de Virginia Woolf à une certaine époque – ce dernier nous entraîne dans un voyage sentimental, amusant et inventif pour tous les amoureux de la vie culturelle américaine. Car il a voix humaine, Maf! Avec un penchant pour la philosophie et la littérature - au fil de quelques passages savoureux consacrés à Aristote, Descartes ou Montaigne - il est un incorrigible optimiste qui, servi par des dialogues souvent désopilants jette sur ce petit monde en pleine mutation un regard tendre et plein de malice. 

Bien sûr, les rencontres les plus illustres de Maf - diminutif de Mafia Honey - gravitent autour de Hollywood, avec une Nathalie Wood qui se fait constamment un film ou Frank Sinatra dépeint comme un crooner frustre, vulgaire, dépourvu de culture et paranoïaque. A son contact, Maf nous réserve les chapitres les plus hilarants de cette histoire. On y croise ainsi Georges Cukor, Ernst Lubitsch, Liliane Gish, Peter Lawford ou John Wayne dont Frankie dresse un portrait peu flatteur: Ca fait trente ans que ce mec est à côté de la plaque. C'est un taré. (...) Je vais te dire, princesse. Ce type enverrait un millier de gars qui valent mieux que lui en prison rien que pour montrer que c'est lui le gros dur qui fait la police en ville. Il brûlerait un millier de livres plutôt que d'avoir à en lire un.

Mais le coeur de ce roman délicieux et sympathique est voué à Marilyn Monroe. Pas de révélations fracassantes sur les circonstances de sa mort ou ses liens avec le clan des Kennedy, car Andrew O'Hagan s'attache surtout à la personnalité intérieure de son idole: Sa solitude, sa tristesse, sa quête du respect des autres, son manque de confiance sur la scène et dans la vie, sa soif de connaissance, son chemin de douleur qui aboutit à un excès de pilules un certain samedi soir. Un tableau attachant et follement drôle à la fois, car de l'humour, elle en n'en manque pas, cette prétendue ravissante idiote... Un très beau moment du roman se déroule devant la tombe de sa meilleure amie, Alice Tuttle, emportée par une crise d'asthme à l'âge de douze ans: Elle passe un moment à caresser l'inscription de la plaque, suivant chaque mot du doigt comme si elle voulait graver quelque chose de personnel dans sa loi d'airain. (...) Marilyn expliqua qu'elle voulait apporter des fleurs, mais qu'elle n'en avait pas, elle toucha la plaque et se toucha la bouche avant de prendre dix dollars dans sa pochette pour les mettre dans un petit vase en verre plein de poussière. L'herbe semblait très verte, comme de l'herbe de cinéma, mais le vent était réel.

Maf survivra à tous ces héros de légende, nimbé de mélancolie et de reconnaissance. Il mourra néanmoins - comme tout le monde, me direz-vous! - auprès de la gouvernante de Marilyn, Mme Murray, le jour de la démission de Richard Nixon...

07:00 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature étrangère | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; roman; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

20/08/2013

Vendanges tardives - De la tempérance

Un abécédaire: T comme Tempérance

balancoire 2.jpg

Tu le connais, Fred, ce grand voyageur et historien du XIXe siècle: Ferdinand Denis? Je n'en avais jamais entendu parler, avant de lire une citation de lui, tout à l'heure, dans un magazine: La tempérance est un arbre qui a pour racine le contentement de peu et pour fruits le calme et la paix. Oh, je devine ce que tu vas me dire: qu'aux côtés de la prudence, de la force et du sens de la justice - comme le soulignent les anciens - la tempérance mesure les désirs, modère les passions, est ennemie de la démesure et incarne ainsi... l'ennui, tout simplement!

Pourtant pas abstraite, ni hors de la vie et de la nature qui nous comble et nous émerveille, elle est à la source de toutes les autres énergies: sans elle, la prudence ressemble à une coquille vide; les forces se dispersent au gré des humeurs du temps; l'aspiration à la justice - aussi sincère soit-elle - est altérée, comme à travers une fenêtre dont la vitre est recouverte d'une fine couche de poussière. Bref, la tempérance est bien ce remède intemporel qui adoucit les plaies, repose sur la discrétion et conduit assurément à la plénitude.

Cela dit, tant que Geneviève passera chaque matin à bicyclette sous mes fenêtres avec sa robe à pois des années 50, après avoir lorgné vers la maison, de sa balançoire du jardin voisin, j'aurai des doutes, comme Augustin d'Hippone dans ses Confessions: Fais-moi chaste et abstinent, mais attends un peu.

Et n'est-ce pas ce doute, au bout du compte, qui fait de ce chemin sur terre, une promenade enjouée - dont le terme n'est pas tracé définitivement et qui me nargue avec ses contours sinueux - dont je ne sais où elle me conduit, ni pourquoi je l'emprunte sans déplaisir, le pied léger?...   

Ferdinand Denis, Le Brahme Voyageur ou la sagesse populaire de toutes les nations (Kessinger, 2010)

Saint Augustin, Les aveux / Confessions (POL, 2013)

image: http://carpediem.typepad.fr

00:19 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature étrangère, Vendanges tardives - Un abécédaire 2013 | Lien permanent | Commentaires (0) | |  Imprimer |  Facebook | | |

19/08/2013

Lire les classiques - Hildegarde von Bingen

Hildegarde von Bingen

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Depuis mon enfance, avant que mes os, mes nerfs et mes veines se fussent affermis, jusqu'à ce jour où je suis plus que septuagénaire, je vois toujours en mon âme cette vision: la lumière que je vois n'est pas locale; mais elle est infiniment plus brillante que la nuée qui enveloppe le soleil. Je ne puis considérer en cette lumière ni hauteur, ni longueur, ni largeur; pour moi cette lumière se nomme l'ombre de la lumière vivante. Il ne m'est pas plus possible de connaître la forme de cette lumière que de pénétrer parfaitement la sphère du soleil. En cette lumière, de temps à autres, et non fréquemment, je vois une autre lumière qui pour moi se nomme la lumière vivante.

Je ne puis dire quand et comment je la vois; mais tandis que je la considère, toute angoisse m'est enlevée à tel point que, dépouillant des allures de vieille femme, je prends alors celle d'une simple jeune fille. Ainsi mon âme ne manque jamais de cette lumière décrite plus haut, appelée ombre de la lumière vivante; et je la vois comme je regarde un ciel sans étoiles à travers une nuée lumineuse. C'est en cette lumière que souvent je vois ce que je dois dire et que je réponds à qui m'interroge sur la splendeur de ladite lumière vivante. Ce que je ne vois pas en cette lumière, je l'ignore...

Hildegarde von Bingen, Lettre VIII, dans: François Cali, L'ordre cistercien (Arthaud, 1972)

image: Hildegarde von Bingen (konigsberg.centerblog.net)

00:05 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature étrangère, Morceaux choisis | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : littérature; spiritualité; anthologie; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

17/08/2013

Morceaux choisis - Ann Beattie

Ann Beattie

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Je passe la journée dans le parc, à méditer la proposition que Noel m'a faite de m'installer chez lui. Nous aurions plus d'argent... Nous passons tellement de temps ensemble de toute manière... Ou bien il pourrait emménager chez moi, si les grandes baies de mon appartement comptent autant. Je rencontre toujours des hommes raisonnables.

- Mais je ne t'aime pas, lui ai-je dit. Tu n'as pas envie de vivre avec une femme qui t'aime?

- Personne ne m'a jamais aimé et personne ne m'aimera jamais, a-t-il répondu. Je n'ai rien à perdre.

Je suis venue ici pour réfléchir à ce que j'ai à perdre. Rien. Alors, pourquoi est-ce que je ne sors pas de ce parc pour lui téléphoner au bureau et lui dire qu'à mon sens, c'est un projet très cohérent?

Un petit garçon joufflu passe vêtu d'une veste courte et d'un pantalon qui glisse. Il tient un bateau jaune. Il respire une telle joie de vivre que j'ai envie de l'aborder pour lui demander: Faut-il que j'emménage chez Noel? Pourquoi suis-je aussi réticente? Les jeunes ont une grande sagesse - certains des meilleurs comme des pires penseurs l'ont cru: Wordsworth, les disciples du gourou Maharaji... Faites les méditations, ou je vous battrai avec un bâton, leur disait-il. Donne-moi la réponse, petit, sinon je te prends ton bateau.

Je m'affale sur un banc. Ensuite. Noel va me demander en mariage. Il essaie de me piéger. Pire, il n'essaie pas de me piéger, mais veut que j'emménage chez lui uniquement par souci d'économie. Il ne m'aime pas. Puisque personne ne l'a jamais aimé, il est incapable d'éprouver de l'amour pour quiconque. Ou peut-être que si?

Je trouve une cabine téléphonique et j'attends devant qu'une femme munie d'un sac à provisions en sorte. Elle a une bouche de poisson, peinte en orange vif. Je n'ai pas mis de rouge à lèvres. J'ai enfilé un imperméable sur ma chemise de nuit, emprunté des chaussettes à Noel, et je porte des sandales.

- Noel, dis-je quand il décroche, tu parlais sérieusement lorsque tu m'as déclaré que personne ne t'avait jamais aimé?

- Bon Dieu, c'était déjà assez embarrassant de le reconnaître, rétorque-t-il. Il faut en plus que tu me questionnes à ce sujet?

- J'ai besoin de savoir.

- Eh bien, je t'ai parlé de toutes les femmes avec lesquelles j'avais couché. Laquelle aurait pu m'aimer, à ton avis?

J'ai gâché sa journée. Je raccroche, je pose la tête contre l'appareil. Moi, dis-je tout bas. Je t'aime...

Ann Beattie, Sur une colline du Vermont / extrait, dans: Nouvelles du New Yorker (Bourgois, 2013)

traduit de l'américain par Anne Rabinovitch

image: Edward Hopper, Room in New York (journaldespeintres.com)

23:39 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature étrangère, Morceaux choisis | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : littérature; nouvelles; morceaux choisis; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

13/08/2013

La citation du jour

Frank Kafka

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Journée pluvieuse. On est couché et la pluie frappe de tels coups sur le toit qu'on a l'impression qu'elle les dirige contre votre propre poitrine. Dans l'angle du toit qui fait saillie, les gouttes apparaissent mécaniquement, comme les lumières allumées le loin d'un trottoir. Puis elles tombent. Un vieillard, tel un animal sauvage, se précipite soudain sur le pré et prend un bain de pluie. Le rythme des gouttes dans la nuit. On est assis là comme dans une boîte à violon. Le matin, on court et l'on sent la terre molle sous ses pieds.

Franz Kafka, Notes de voyage, dans: Journal (Grasset, 1954)

image: John Dyess, Franz Kafka - Collage (journalofseeing.wordpress.com)

07:43 Écrit par Claude Amstutz dans Franz Kafka, La citation du jour, Littérature étrangère | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : citation; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

12/08/2013

Wendy Guerra

9782234062269.gifWendy Guerra, Mère Cuba (Stock, 2009)

 

Hommage au courage des femmes trop longtemps vouées au silence, ce roman qui oscille entre fiction et documentaire, évoque surtout Cuba et s’étend sur trois générations. Il se lit avec un plaisir contagieux et malgré son cortège de désillusions, de critiques, de révoltes, laisse s’exprimer, parfois avec légèreté et humour, la passion viscérale de l’auteur pour un pays qu’elle n’a jamais voulu quitter et dont elle dit, dans une interview, qu’elle est une terre entourée d'eau et de beaucoup de silence … Un récit intense, chaleureux et grave dont le personnage central, Nadia, incarne l’espérance de sa génération ainsi que toute la complexité de l’âme cubaine. Une belle réussite littéraire!

 

Egalement disponible en format de poche (Livre de poche/LGF, 2011)

06:58 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature étrangère, Littérature sud-américaine | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : littérature: roman; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

11/08/2013

Les pièces de Shakespeare 9b

La tempête

En 1980, la BBC a réalisé sous la direction de John Gorrie, une superbe adaptation de La tempête, avec Michael Hordern, Warren Clarke, Pipa Guard et l'ensemble de la Royal Shakespeare Company. En voici l'épilogue, précédé du texte français et suivi du texte original en anglais, dont l'harmonie est sans équivalent.

Maintenant, mes charmes sont abolis.
A mon chétif pouvoir je suis réduit.
Maintenant c'est à vous de décider
Si je reste ici confiné
Ou si je suis à Naples renvoyé.
Mais puisque j'ai mon duché reconquis
En pardonnant à qui me l'avait pris,
Ne me laissez pas sur ce rocher nu,
Par votre pouvoir retenu,
Mais libérez-moi de mes liens
A l'aide de vos bonnes mains.
Que le souffle de bienveillants murmures
Vienne souffler dans la mâture,
Gonflant ma voile, car, sinon,
J'aurai manqué mon but: vous plaire.
Je n'ai plus d'esprits pour règner
Ni de magie pour enchanter.
Faut-il donc que je désespère?
Non, si m'assiste la prière
Qui du Ciel force la Merci
Et toutes les fautes délie.
Vous voudriez être pardonnés pour vos offenses?
Moi de même.
Ainsi donc, que me délie votre indulgence.
 

 
Now my charms are all overthrown, 
And what strength I have's mine own, 
Which is most faint: now, 'tis true, 
I must be here confined by you, 
Or sent to Naples. Let me not, 
Since I have my dukedom got 
And pardon'd the deceiver, dwell 
In this bare island by your spell; 
But release me from my bands
With the help of your good hands: 
Gentle breath of yours my sails 
Must fill, or else my project fails, 
Which was to please. Now I want 
Spirits to enforce, art to enchant, 
And my ending is despair, 
Unless I be relieved by prayer, 
Which pierces so that it assaults 
Mercy itself and frees all faults. 
As you from crimes would pardon'd be,
Let your indulgence set me free.
 

La tempête, traduit par Jean-Louis Curtis (coll. Papiers/Actes Sud, 1986)

00:24 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature étrangère, Théâtre, William Shakespeare | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; théâtre; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

Les pièces de Shakespeare 9a

La tempête

William Shakespeare.jpg

S'il me fallait emporter sur une île déserte une seule pièce du grand William Shakespeare, je crois bien que je choisirais La tempête, malgré mon admiration pour Comme il vous plaira, Le songe d'une nuit d'été et Un conte d'hiver, entre autres chefs-d'oeuvre.

On y retrouve en effet tous les thèmes chers à son auteur, mais jugez plutôt: Prospero, le duc de Milan, après avoir été déchu et exilé par son frère, se retrouve avec sa fille Miranda sur une île déserte. Grâce à la magie que lui confèrent ses livres, il maîtrise les éléments naturels et les esprits; notamment Ariel, esprit de l'air et de la joie de vivre ainsi que Caliban, être sombre et instinctif symbolisant la terre, la violence et la mort. Le premier acte s'ouvre sur le naufrage - orchestré par Prospero et executé par Ariel - d'un navire portant le roi de Naples, son fils Ferdinand ainsi que le frère parjure de Prospero, Antonio. Usant de ses pouvoirs surnaturels, Prospero fait subir aux trois personnages échoués sur l'île diverses épreuves destinées à les punir de leur trahison, mais qui contiennent aussi, peut-être, un caractère salvateur. Au dernier acte, Prospero se réconcilie avec son frère et le roi, marie sa fille avec Ferdinand, libère Ariel et Caliban puis renonce à la magie pour retrouver son duché.

Critique de la société, de la démocratie et du pouvoir - comme dans Coriolan, Jules César, Richard III ou Henry VI - l'humour, la fantaisie et la féérie occupent néanmoins dans La tempête une place prépondérante, au fil de cette plongée au coeur des méandres de la nature humaine: avec Prospero qui dans son exil amer, médite sur la vieillesse et la mort, mais dans sa solitude, aspire de même à la paix du coeur, la justice et la compassion; avec Ariel au service de Prospero, de nature joyeuse et amoureux des arts, sensible au malheur des hommes; avec Miranda, incarnant l'amour véritable dans toute sa simplicité, sa fraîcheur, sa sincérité envers son père, mais aussi de Ferdinand qui nous réserve une des plus belles scènes d'amour, aux côtes de celles de Roméo et Juliette et Un conte d'hiver.

Le portrait de Caliban est plus complexe: souvent décrit comme un monstre, un médiocre dépourvu de sens moral, il symbolise l'insoumission, la félonie, la sauvagerie, le désir irréfléchi. Oui, sans doute, et pourtant, n'est-il pas le personnage le plus émouvant - le plus humain - de cette pièce, incarnant à lui seul un monde privé de grâce, voué au désespoir, et dont Prospero croit que le destin n'est pas définitivement tracé, s'il est traversé d'affection et d'une patiente éducation capable de l'enrichir de valeurs qui lui sont inconnues?  

En Angleterre, cette oeuvre n'est pas assimilée à une comédie - terme souvent galvaudé chez nous - mais à une romance pastorale. A la différence de Un conte d'hiver qui aboutit aussi au pardon et à la réconciliation, cette pièce est celle de l'apprentissage et de la sagesse dans laquelle tous les questionnements - comme au sein d'une prison sans barreaux - aboutissent au triomphe de l'amour en dissolvant les rancoeurs, les haines, les illusions, devant la précarité de la vie qui prend ses distances.

Pour terminer, sachez que c'est dans La tempête qu'on trouve ce célèbre extrait: Nous sommes de la même étoffe que nos songes et notre infime vie est cernée de sommeil...

En annexe, vous pouvez découvrir - en version bilingue - l'éblouissant épilogue de Prospero...  

La tempête, traduit par Jean-Louis Curtis (coll. Papiers/Actes Sud, 1986)

00:15 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature étrangère, Théâtre, William Shakespeare | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; théâtre; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

10/08/2013

Lire les classiques - John Keats

John Keats

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Tout objet de beauté est une joie éternelle:
Le charme en croît sans cesse;
jamais Il ne glissera dans le néant,
mais il gardera toujours pour nous une paisible retraite,
un sommeil habité de doux songes,
plein de santé, et qui paisiblement respire.
 
Aussi, chaque matin, tressons-nous des guirlandes de fleurs
pour mieux nous lier à la terre,
malgré les désespoirs et la cruelle disette
de nobles natures, malgré les sombres journées
et tous les sentiers malsains et enténébrés
ouverts à notre quête;
oui, malgré tout cela, une forme de beauté
écarte le suaire de nos âmes endeuillées.
 
Tels sont le soleil, la lune, les arbres vieux ou jeunes
qui offrent le bienfait de leurs printaniers ombrages
aux humbles brebis;
tels sont encore les narcisses et le monde verdoyant où ils se logent,
les ruisseaux limpides qui se bâtissent un frais couvert
en vue de l'ardente saison.

John Keats, Endymion / extrait, dans: Poèmes choisis - édition bilingue (Aubier, 1968)

traduit de l'anglais par Albert Laffay

image: Antonio Corradini, Endymion (theartnewspaper.com)

02:11 Écrit par Claude Amstutz dans Lire les classiques, Littérature étrangère | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; poésie; anthologie; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |