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27/09/2013

Lire les classiques - William Shakespeare

William Shakespeare

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La musique qu'on entend, pourquoi l'ouïr sans entrain?
Le doux se plaît au doux, la joie va à la joie;
Comment aimer ce qu'on n'aime qu'à contrecoeur,
Ou n'avoir de plaisir qu'à ce qu'on soit fâché?
Si la concorde des sons ensemble bien accordés,
Par l'hymen réunis, offense ton écoute,
Ils te grondent doucement de jouer au singulier
La partition des sons qu'ensemble tu devrais jouer;
Entends comme cette corde en épouse une seconde,
Comme, par écho mutuel, les autres sont éveillées,
On dirait du bonheur d'un fils, son père, sa mère,
Chantant à l'unisson une seule mélodie:
 
Chanson privée de mots, ensemble une et plusieurs,
Et qui t'avertirait "Toi, tout seul, tu n'es rien." 
 

William Shakespeare, Sonnet VIII, dans : Sonnets - édition bilingue (Grasset, 2013)

traduit de l'anglais par Jacques Darras

image: www.maxisciences.com

25/09/2013

Ann Beattie

Bloc-Notes, 25 septembre / Curio - Cologny

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Ann Beattie est à peu près inconnue chez nous, en Suisse ou en France. Pourtant, cette américaine née en 1947, a immédiatement attiré l'attention, au début des années 70, en publiant des nouvelles dans diverses revues, dont le prestigieux New Yorker. On l'a souvent comparée à Raymond Carver et son succès tient à sa manière personnelle d'appréhender une classe moyenne passive et déboussolée - celle de son époque - qui a perdu ses illusions, revenue de ses rêves d'un meilleur des mondes possible. A ce jour, une dizaine de recueils de nouvelles ont été édités aux Etats-Unis, ainsi que huit romans. En France, seul Promenades avec les hommes a été traduit l'année dernière, avant Nouvelles du New Yorker, que je vous recommande vivement de lire. 

Chez Anne Beattie, s'il fallait déterminer un lien récurrent à tous ses textes, c'est celui d'êtres qui connaissent - ou survivent à - l'érosion de leur couple, sans nécessairement franchir le pas, appuyés au passé qui a souvent l'apparence d'un mensonge, en proie à un inconfort ainsi que l'explique Kate à son nouveau compagnon Howard, dans That's where you will find me: J'ai l'impression d'être un oiseau dont la cage a été recouverte d'un tissu pour la nuit. Je m'apitoie sur mon sort, puis je vois mon bras comme une aile brisée, tout paraît si triste soudain que mes yeux se remplissent de larmes.

A mon âge on n'a pas nécessairement envie de connaître très bien quelqu'un. On veut juste être... en arriver au point où on est compatible, dit la mère à sa fille Ann dans Au suivant, lui annonçant son prochain mariage. Ce mal-être se retrouve de même dans Les estivants, où Tom réfléchit sur son ex-femme, Jo, qui lui manque, mais que même si elle revenait à cet instant, quelque chose manquerait encore.  

Le langage de Ann Beattie est très concret, voisin souvent de la peinture ou de la photographie . L'introspection y joue un rôle mineur, l'auteur se contentant de montrer les failles - et parfois les lueurs - de ce que son oeil perçoit, sans juger. Instantanés de vie baignés de mélancolie, de moments volés sans nécessaire conclusion, captés avec la précision d'une entomologiste pour dire la solitude profonde, l'isolement dans l'espace, les choses qui changent comme dans un puzzle et prennent une direction qui n'a pas été envisagée sous l'angle juste, les rencontres espérées, mais jamais concrétisées. Il en va ainsi de la narratrice de Entre secrets et surprises qui attend ses amis de toujours, Corinne et Lenny: Nos échanges sont souvent ternes, pourtant j'attends leurs visites avec impatience. Ils sont ma famille de substitution.

Ce désarroi est particulièrement sensible dans les personnages masculins, souvent irrésolus, faibles ou fuyant les discussions, se réfugiant dans l'alcool ou autres paradis artificiels. Emouvants, pourtant, à l'image de Drew qui va revoir son ancienne petite amie Charlotte dans Coney Island: Ils sont sortis ensemble pendant deux ans. Un monde les rapprochait. Comment les gens peuvent-ils échanger des propos futiles quand ils ont partagé un monde? Elle l'aimait réellement, et elle en a épousé un autre? Elle s'est lassée d'essayer de le convaincre qu'elle l'aimait?    

La famille - avec ses oeillères et ses fractures entre générations - est un autre thème majeur de ces nouvelles, à l'image de Cynthia dans Rêves de loups, dont les parents prédisent qu'elle ne sera heureuse nulle part, et qui, paupières closes, voit une haute montagne dont elle découvre le sommet enneigé, glacial - haut, immaculé, pas un arbre - et frissonne de froid

Parmi les seize nouvelles de ce recueil, il en est deux particulièrement réussies: La première, La maison de Marie, nous raconte l'histoire de Marie vue par son compagnon qui réalise ses erreurs, son égoïsme, ses rentrées tardives, ses pertes d'argent au jeu et peine à comprendre pourquoi leur couple vole en éclats: Je n'ai jamais quitté ma femme (...) La plupart du temps, nous nous efforçons d'être joyeux. Or, tandis que Marie prépare une réception - qui, croit-il va sceller leur réconciliation - et qu'il attend les invités, il voit Marie descendre l'escalier et lui lancer: Il n'y a pas de réception, dit-elle. Je souhaite que tu comprennes ce que c'est d'avoir préparé de la nourriture - même si ce n'est pas toi qui a préparé la cuisine - et d'attendre ensuite. D'attendre encore et encore. Peut-être qu'alors tu comprendras ce que c'est

Quant à la seconde de ces nouvelles, Le terrier de lapin - une explication plausible, elle rassemble à elle seule, dans toute sa complexité, l'ensemble des thèmes chers à Ann Beattie: Une mère qui a des absences et perd un peu la tête, entre impuissance et rage; une fille - la narratrice - revenue dans ce village de Virginie pour s'occuper d'elle; un fils, Tim, sur le point de se remarier, en retrait sur cette grave situation familiale; et, en point de mire, une intégration en milieu hospitalier au long cours. Plus chaleureuse et compatissante qu'en d'autres textes, Ann Beattie y développe en contrepoint un humour doux-amer. Vic et moi avons pensé à nous marier, dit la narratrice, mais j'avais beaucoup de difficultés à m'occuper de ma mère, et je ne pouvais jamais lui accorder assez d'attention. Lorsque nous avons rompu, Vic a consacré tout son temps au chien de sa secrétaire, Banderas. Je pense que s'il a pleuré, c'était quand il allait au parc canin. 

A cette douleur répond celle de la mère, confiant à sa fille: Peut-être que toutes ces années où nous avons été une famille t'ont paru être une longue fête de Halloween: nous étions costumés en enfants, et ensuite nos déguisements sont devenus trop petits pour nous, car nous avions atteint l'âge adulte. Une éclaircie toutefois, quand celle qui nous raconte cette histoire s'adresse à Vic: Pourquoi penses-tu que ça pourrait marcher? Nous n'avons jamais été bien assortis. J'ai plus de cinquante ans. Ce serait mon troisième mariage, et qu'il lui répond: Allons-y doucement, alors. Tu pourrais m'inviter à t'accompagner le soir de Thanksgiving

Une succession de mises en perpective dans laquelle bon nombre de lecteurs, au-delà des années 70, sauront se reconnaître, au rythme des chansons qui accompagnent les récits de Ann Beattie: In my solitude et Gloomy Sunday de Billie Holiday ainsi que That's where you'll find me de Judy Garland.

Sur La scie rêveuse - dans Morceaux choisis - vous pouvez retrouver un extrait de l'une de ces épatantes nouvelles: Sur une colline du Vermont. Bien du plaisir à tous!

Ann Beattie, Nouvelles du New Yorker (Bourgois, 2013)

Ann Beattie, Promenades avec les hommes (Bourgois, 2012)

traduits par Anne Rabinovitch

 

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19:30 Écrit par Claude Amstutz dans Bloc-Notes, Littérature étrangère | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : littérature; nouvelles; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

24/09/2013

Patricia MacDonald

images-2.jpegPatricia MacDonald, Rapt de nuit (Albin Michel,2008)

Certains auteurs ont le don de jouer avec nos nerfs, y mettant un malin plaisir et beaucoup d’habileté, jusqu’au dénouement. C’est le cas le Patricia MacDonald. Dans ce roman, nous suivons Tess, témoin de l’enlèvement de sa sœur, que l’on retrouvera violée et assassinée. Sur la foi de son témoignage, un coupable est arrêté, puis exécuté. Seulement voilà : vingt ans plus tard, il s’avère que l’ADN n’appartient pas au meurtrier. L’enquête – au point mort – reprend, et Tess va s’acharner à retrouver le véritable tueur…  Suspense garanti !

Egalement disponible en coll. Livre de poche (LGF, 2009)

09:23 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature étrangère, Littérature policière | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : littérature: roman; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

18/09/2013

La citation du jour

Cicéron (Marcus Tullius Cicero)

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Je préfère le témoignage de ma conscience à tous les discours qu'on peut tenir sur moi.

Cicéron, Pensées sur la conscience (books.google.ch)

18:11 Écrit par Claude Amstutz dans La citation du jour, Littérature étrangère | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : citation; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

13/09/2013

Morceaux choisis - Walter Benjamin

Walter Benjamin

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pour Slah P

Dans une histoire d'Andersen apparaît un livre d'enfant qui fut acheté pour la moitié du royaume. Tout y était vivant. Les oiseaux chantaient, les personnages sortaient du livre et se mettaient à parler. Mais aussitôt que la princesse tournait la page, ils bondissaient à nouveau dedans pour éviter tout désordre. Suave et floue comme beaucoup de ce que l'auteur écrivit, cette petite trouvaille poétique frôle de près ce dont il s'agit ici. Ce ne sont pas les choses qui surgissent des pages aux yeux de l'enfant feuilletant les illustrations, c'est lui-même qui par sa contemplation va pénétrer en elles, comme une nuée se rassasiant de l'éclat coloré du monde des images.

Dans un tel monde tendu de couleurs, poreux, où à chaque pas tout va se déplacer, l'enfant est accueilli comme un partenaire de jeu. Drapé de toutes les couleurs qu'il saisit dans sa lecture et dans sa vision, il est là au beau milieu d'une mascarade et y participe. En lisant - car les mots se retrouvent aussi à ce bal masqué - ils sont de la partie et tourbillonnent, flocons de neige sonores, en s'entremêlant. Prince est un mot ceint d'une étoile, dit un garçon de sept ans. Les enfants, quand ils imaginent des histoires, se comportent en metteurs en scène qui ne se laissent pas censurer par le sens. On peut en faire l'épreuve très facilement. Si on indique quatre ou cinq vocables déterminés, qu'on les rassemble vite en une courte phrase, la prose la plus étonnante viendra au jour: non pas une vue perspective sur le livre d'enfants, mais des panneaux indicateurs y menant. Voilà que d'un seul coup les mots se jettent dans un costume, et en un tournemain sont impliqués dans des combats, dans des scènes d'amour, ou dans des bagarres.

C'est ainsi que les enfants écrivent leurs textes, mais ainsi également qu'ils les lisent.

Walter Benjamin, Vue perspective sur le livre pour enfants / extrait, dans: Je déballe ma bibliothèque (coll. Poche/Rivages, 2000)

image: Jean-François Martin (lorizel.canalblog.com)

17:30 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature étrangère, Morceaux choisis | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : littérature; essai; morceaux choisis; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

La citation du jour

Gilbert de Hoiland

citation; livres

Heureux celui qui vous rencontrera dès le commencement du jour, assis sur le seuil de votre maison, qui pourra se tenir en votre présence et s'y tenir jusqu'au soir... Car vous vous cachez dans les ténèbres, vous êtes lumière et obscurité.

Gilbert de Hoiland, Troisième traité ascétique, dans: François Cali, L'ordre cistercien (Arthaud, 1972)

image: Richard Kriegel, Chartreuse de la Verne - Massif des Maures / France (richardkriegel-photo.com)

10/09/2013

In memoriam

Bloc-Notes, 10 septembre / Les Saules

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On se complaît souvent, sous nos latitudes, à opposer ladite grande littérature, et, péjorativement l'autre, la populaire. Or, pour ma part, relisant A.J. Cronin - aujourd'hui presque totalement oublié - je ne peux m'empêcher de penser à Dominique Fernandez qui, dans L'art de raconter (coll. Livre de poche/LGF, 2008), explique bien que la popularité de certains auteurs - mineurs, sur le plan du style - tient à leur talent pour raconter des histoires. A.J. Cronin - comme à la même époque Daphné du Maurier - est de ceux-là.

Mais qui est-il? Né en 1896 et mort en 1981, il est d'abord médecin des pauvres dans une région industrielle du pays de Galles, puis inspecteur des mines. En 1930, au repos forcé à la suite d'un ulcère gastro-duodénal, il écrit son premier roman: Le chapelier et son château. Plus de vingt titres suivront, avec un succès considérable, même en langue française. 

Deux de ses oeuvres - parmi les plus réussies - ont été adaptées au cinéma: Sous le regard des étoiles (1940) dirigé par Carol Reed, avec Michael Redgrave et Margaret Lockwood, puis Les clés du royaume (1944) dirigé par John M. Stahl, avec Gregory Peck, Thomas Mitchell et Vincent Price. Le premier évoque le destin tragique des mineurs sur un mode engagé qui laisse un goût doux-amer et échappe à toute démagogie ou tentative moralisatrice; le second raconte l'histoire d'un prêtre missionnaire au caractère peu conventionnel et en proie aux critiques, ses efforts pour vivre et partager son appel à l'amour et à la tolérance, malgré la misère, les guerres et la famine qui sévissent de l'Ecosse à l'Extrême-Orient. 

Toujours résolument tourné vers la pauvreté dont presque tous ses héros - rebelles contre l'ordre établi - sont issus, il signe aussi, avec Les années d'illusion, l'un de ses plus beaux romans: le récit de Duncan, un homme pas épargné par la vie, qui ambitionne d'être médecin par vocation, le deviendra, connaîtra la réussite et les honneurs, même si - comme son titre le sous-entend - les obstacles et les souffrances rencontrées ont laissé des traces en lui.

On peut ajouter le diptyque Les vertes années et Le destin de Robert Shannon, une émouvante histoire d'amour ainsi qu'une critique des milieux de la science -, sans oublier La citadelle, pour de nombreux lecteurs le plus beau de ses romans, et qui nous conte la vie d'un médecin qui veut faire progresser la médecine, refuse les arrangements d'usage au risque de déplaire à tous, se heurte aux anciens qui veulent préserver leur pouvoir et... leurs revenus! Un peu daté tout de même, bien que plaisant. 

Lisez ou relisez A.J. Cronin! Absent des rayonnages de librairie - presque tous ses ouvrages sont épuisés - vous le trouverez, je l'espère, en bibliothèque. Sinon - via internet - sur Abebooks.fr entre autres, à coup sûr!

sources: Wikipedia - The Free Encyclopedia

A.J.Cronin:

Les années d'illusion (coll. Livre de poche/LGF, 2000)

Sous le regard des étoiles (coll. Livre de poche/LGF, 1994 - épuisé)

Les clés du royaume (coll. Livre de poche/LGF, 1989 - épuisé)

Les vertes années (coll. Livre de poche/LGF, 1975 - épuisé)

Le destin de Robert Shannon (coll. Livre de poche/LGF, 1995 - épuisé)

La citadelle (coll. Livre de poche/LGF, 1978 - épuisé)

01:15 Écrit par Claude Amstutz dans In memoriam, Littérature étrangère | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : littérature; romans; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

08/09/2013

Morceaux choisis - Kurt Tucholsky

Kurt Tucholsky

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Pose les grandes lignes de ton voyage, et laisse-toi porter, pour le détail, par les reflets de l'heure. La plus grandiose curiosité qui soit, c'est le monde, regarde-le. Personne ne saurait en avoir une assez parfaite connaissance pour tout comprendre et tout estimer à sa juste valeur: aie le courage de dire que tu ne comprends rien à ceci ou cela.

Ne prends pas au tragique les petites difficultés du voyage; si restes coincé à une étape sans intérêt, sois heureux d'être en vie, regarde un peu les poules et les chèvres à l'air grave, et fais une petite causette avec le marchand de tabac. Détends-toi. Lâche les commandes. Et tombe en vrille dans le monde.Il est si beau: donne-toi à lui, il se donnera à toi.

Kurt Tucholsky, L'art de bien voyager, dans: Moments d'angoisse chez les riches - Chroniques allemandes (Héros-Limite, 2012)

traduit de l'allemand par Claude Porcell

08:20 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature étrangère, Morceaux choisis | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; chroniques; morceaux choisis; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

05/09/2013

Lire les classiques - Emily Brontë

Emily Brontë

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C’était l’un de ces sombres jours ennuagés
Qui traversent parfois la flambée de l’été,
Où du ciel rien ne tombe, où la terre est tranquille
Et d’un vert plus profond se revêt la colline.
 
Deux arbres dans un champ désert
Me chuchotent un sortilège:
Lugubre est le secret que leur sombre ramure
Agite avec solennité.
 
Qu’est-ce que la fumée sans relâche qui roule
Là-bas sur la pente fauve de la colline?
 
Comme elle regardait, les nuages de fer
S’écartant, le soleil brilla dans l’intervalle,
Mais lugubrement étrange, et pâle et froid.
 
Il ne jettera plus d’éclat,
Sa triste course est achevée:
J’ai vu, du froid soleil brillant,
S’abîmer la lueur dernière.
 
Ancien manoir d’Elbë, maintenant en ruine, solitaire,
Maison où la voix de la vie jamais plus ne s’en reviendra,
Salles sans couvert, désolées, où croissent la ronce et le lierre,
Fenêtres aux cintres brisés où les vents de nuit mènent deuil,
Demeure des défunts, des défunts d’un temps révolu.
 

Emily Brontë, Poèmes - édition bilingue (coll. Poésie/Gallimard, 1999)

traduit de l'anglais par Pierre Leyris 

08:54 Écrit par Claude Amstutz dans Lire les classiques, Littérature étrangère | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; poésie; anthologie; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

26/08/2013

Morceaux choisis - Homero Aridjis

Homero Aridjis

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merci à Ambre O

Quand je parlerai avec le silence
 
quand je n'aurai qu'une suite
de dimanches gris à te donner
 
quand je n'aurai qu'un lit vide
pour partager avec toi un désir
qui ne satisfera plus des corps de ce monde
 
quand les paroles en castillan ne m'aideront plus
pour te dire ce que je serai en train de voir
 
quand je serai privé de voix de regard de mouvement
 
quand loin de moi j'aurai jeté
la peur de mourir de n'importe quelle mort
 
quand je n'aurai plus le tremps d'être moi-même
ni envie d'être quelqu'un que jamais je n'aurai été
 
quand je n'aurai plus que l'éternité à t'offrir
une éternité de riens et d'oublis
 
une éternité dans laquelle je ne pourrai plus ni te voir
ni te toucher te rendre jalouse ni te tuer
 
quand à moi-même je ne me répondrai plus
et que je n'aurai plus ni jour ni corps
 
alors je serai à toi
alors je t'aimerai pour toujours 
 

Homero Aridjis, Les poèmes solaires, précédé de Le poète en voie d'extinction, et suivi de Baleine grise (Mercure de France, 2009)

traduit du sud-américain par Ivan Alechine

image: William-Adolphe Bouguereau, Ave de printemps / 1901 (repfineart.com)