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04/05/2013

Vendanges tardives - De la laïcité

Un abécédaire: L comme Laïcité

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Ta cousine Véronique a le don de m'agacer au plus haut point, quand elle s'engage sur ce sujet avec la ferveur qu'on lui connaît, ne supportant pas la moindre des contradictions ou d'opinions contraires aux siennes. Aurait-elle oublié ce qu'est à l'origine la laïcité, soit la séparation de l'Etat et de la religion, ou mieux encore: l'impartialité de l'Etat à l'égard des confessions religieuses. Ce que j'approuve - sans elle, pas de démocratie - quelle que soit la croyance envisagée.

Mais comme souvent, l'amalgame prête à toutes les dérives - verbales, institutionnelles, sociétales - parmi lesquelles pointe dans son cas le gommage obligé de toute référence religieuse: un point sensible dans l'éducation familiale et scolaire, par exemple. Et là, mon objection à ce rétrecissement de l'esprit ne se mue pas en propagande de l'enseignement ecclésiastique, ni en apologie d'une vérité avec Dieu contre une autre sans lui. Non, pas du tout, mais admets que pour appréhender au mieux les comportements humains, les soubresauts de l'histoire, les multiples ébauches de la pensée, la connaissance religieuse prolonge - parmi bien d'autres sources, indispensables elles aussi - tes facultés de discernement, ta compréhension de la terre, des arts, des hommes.

Et là, pas moyen de discuter sereinement avec ta cousine! Inutile de lui expliquer que ses revendications intransigeantes et idèologiques au nom de la liberté d'expression - qui, hélas, a si souvent été étouffée par le pouvoir religieux - n'aboutissent qu'à reproduire les erreurs du passé et caricaturer l'avenir; que le droit à la différence suppose un dialogue ouvert et respectueux, autour duquel peuvent se construire une esquisse de tolérance, de justice, de bienveillance: le contraire de l'ironie, du blasphème ou de la dérision, en permanence.

Tu souris? Oui, je sais Fred, il faut user de patience et de retenue avec Véronique: chez elle, il est vrai, toute forme d'appartenance ou de manifestation identitaire est devenue, au quotidien, un acte politique, cet incidieux cancer qui gangrène toute la beauté possible du monde... 

image: Amala Dianor Dance Company, Crossroads (http://emilerabate.wordpress.com)

00:28 Écrit par Claude Amstutz dans Le monde comme il va, Vendanges tardives - Un abécédaire 2013 | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : danse; philosophie | |  Imprimer |  Facebook | | |

03/05/2013

La citation du jour

André Velter

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Je me sais plus nomade que jamais. Il n'y a pas de suite à ce qui est sans fin. Notre gîte n'est pas une maison, un reliquaire, un temple ni un livre. Notre ermitage n'a pas de toit, pas de fronton, il est de plein vent et de pleine clarté le passage où nous sommes, esquif aimanté qui s'éloigne de la terre, reste à l'écart du ciel, sans renier la terre ferme, sans congédier le ciel.

André Velter, Ascension du Mont Analogue / extrait, dans: L'amour extrême et autres poèmes pour Chantal Mauduit (coll. Poésie/Gallimard, 2007)

image: voyage-bons-plans.aufeminin.com 

11:49 Écrit par Claude Amstutz dans La citation du jour, Littérature francophone | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : citation; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

Lire les classiques - Alphonse de Lamartine

Alphonse de Lamartine

littérature; poésie; anthologie; livres

Il est un nom caché dans l'ombre de mon âme, 
Que j'y lis nuit et jour et qu'aucun oeil n'y voit, 
Comme un anneau perdu que la main d'une femme 
Dans l'abîme des mers laissa glisser du doigt.
 
Dans l'arche de mon coeur, qui pour lui seul s'entrouvre, 
Il dort enseveli sous une clef d'airain; 
De mystère et de peur mon amour le recouvre, 
Comme après une fête on referme un écrin.
 
Si vous le demandez, ma lèvre est sans réponse, 
Mais, tel qu'un talisman formé d'un mot secret,
Quand seul avec l'écho ma bouche le prononce, 
Ma nuit s'ouvre, et dans l'âme un être m'apparaît.
 
En jour éblouissant l'ombre se transfigure;
Des rayons, échappés par les fentes des cieux, 
Colorent de pudeur une blanche figure 
Sur qui l'ange ébloui n'ose lever les yeux.
 
C'est une vierge enfant, et qui grandit encore; 
Il pleut sur ce matin des beautés et des jours; 
De pensée en pensée on voit son âme éclore, 
Comme son corps charmant de contours en contours.
 
Un éblouissement de jeunesse et de grâce 
Fascine le regard où son charme est resté. 
Quand elle fait un pas, on dirait que l'espace
S'éclaire et s'agrandit pour tant de majesté.
 
Dans ses cheveux bronzés jamais le vent ne joue. 
Dérobant un regard qu'une boucle interrompt, 
Ils serpentent collés au marbre de sa joue, 
Jetant l'ombre pensive aux secrets de son front.
 
Son teint calme, et veiné des taches de l'opale, 
Comme s'il frissonnait avant la passion, 
Nuance sa fraîcheur des moires d'un lis pâle, 
Où la bouche a laissé sa moite impression.
 
Sérieuse en naissant jusque dans son sourire,
Elle aborde la vie avec recueillement; 
Son coeur, profond et lourd chaque fois qu'il respire, 
Soulève avec son sein un poids de sentiment.
 
Soutenant sur sa main sa tête renversée,
Et fronçant les sourcils qui couvrent son oeil noir, 
Elle semble lancer l'éclair de sa pensée 
Jusqu'à des horizons qu'aucun oeil ne peut voir.
 
Comme au sein de ces nuits sans brumes et sans voiles,
Où dans leur profondeur l'oeil surprend les cieux nus,
Dans ses beaux yeux d'enfant, firmament plein d'étoiles, 
Je vois poindre et nager des astres inconnus.
 
Des splendeurs de cette âme un reflet me traverse;
Il transforme en Éden ce morne et froid séjour. 
Le flot mort de mon sang s'accélère, et je berce 
Des mondes de bonheur sur ces vagues d'amour.
 
- Oh! dites-nous ce nom, ce nom qui fait qu'on aime; 
Qui laisse sur la lèvre une saveur de miel! 
- Non, je ne le dis pas sur la terre à moi-même; 
Je l'emporte au tombeau pour m'embellir le ciel.
 

Alphonse de Lamartine, Un nom, dans: Poésies diverses, précédé de: Méditations poétiques et Nouvelles méditations poétiques (coll. Poésie/Gallimard, 2000)

image: Herbert James Draper, The Gates of Dawn / Detail (arteemtelasaoluis.blogspot.com)

 

00:15 Écrit par Claude Amstutz dans Lire les classiques, Littérature francophone | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; poésie; anthologie; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

02/05/2013

Morceaux choisis - Paul Claudel

Paul Claudel

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C'est vrai que Vos saints ont tout pris, mais il me reste mes péchés! Quand je serai sur mon lit de mort, Seigneur, fort jaune et bien mal rasé, quand je repasserai ma vie et ferai mon examen général, je suis riche! et si le bien est rare, il me reste tout le mal. Je n'ai pas mis un jour à Vous préparer, Seigneur, de quoi me pardonner. Ce n'est dans aucun mérite que je m'assure mais dans mes péchés. Chaque jour a le sien, les voici, et j'en sais le compte comme un avare. 

S'il Vous faut des vierges, Seigneur, s'il Vous faut des braves sous Vos étendards, s'il y a des gens à qui, pour être chrétien, les paroles n'aient pas suffi, et qui aient su que s'il est beau de Vous suivre, c'est qu'il y va de la vie, voici Dominique et François, Seigneur, voici Saint Laurent et Sainte Cécile!

Mais si Vous aviez besoin par hasard d'un paresseux et d'un imbécile, s'il Vous fallait un orgueilleux et un lâche, s'il Vous fallait un ingrat et un impur, un homme dont le coeur fut fermé et dont le visage fut dur, et tout de même ce n'est pas les justes que Vous êtes venu sauver mais ceux-là, quand Vous en manquiez partout, il Vous restera toujours moi! Et puis il n'est d'homme si vulgaire qui ne Vous ait gardé quelque chose de nouveau, et qui n'ait fabriqué pour Vous, en dehors de ses heures de bureau, espérant que l'idée un jour Vous viendra de le lui demander, et que peut-être ça Vous plaira, quelque chose d'affreux et de compliqué, où il a mis tout son coeur et qui ne sert à quoique ce soit.

Ainsi, ma petite fille, le jour de ma fête qui s'avance avec embarras, et qui m'offre, le coeur gonflé d'orgueil et de timidité, un magnifique petit canard, oeuvre de ses mains, pour y mettre des épingles, en laine rouge et en fil doré.

Paul Claudel, Le jour des cadeaux, dans: Ecoute ma fille (Egloff, 1934)

image: www.lacolline-auxdoudous.com

00:01 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone, Morceaux choisis | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; spiritualité; anthologie; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

01/05/2013

Le poème de la semaine

Aimé Césaire

N’y eût-il dans le désert
qu’une goutte d’eau qui rêve tout bas,
dans le désert n’y eût-il
qu’une graine volante qui rêve tout haut,
c’est assez,
rouillure des armes, fissure des pierres, vrac des ténèbres
désert, désert, j’endure ton défi
blanc à remplir sur la carte voyageuse du pollen.
 
 
Quelques traces de craie dans le ciel,
Anthologie poétique francophone du XXe siècle

08:06 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone, Quelques traces de craie dans le ciel - Anth | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; poésie | |  Imprimer |  Facebook | | |

30/04/2013

Alexandre Tisma

littérature; nouvelles; livresAlexandre Tisma, Une nouvelle que je n'ai pas écrite (Le Serpent à Plumes, 2007)

 

La soirée devenait de plus en plus inhospitalière et froide, l'humidité des nuages bas s'était muée en neige, nous allions d'une rue à l'autre, traversions - par des ponts qui m'étaient inconnus - la Vlatava toute ridée de vagues, franchissions des distances toujours plus grandes entre les hôtels qui se faisaient plus rares. J'étais en pardessus, la tête couverte d'un bonnet, mais l'homme et la femme étaient légèrement vêtus, nu-têtes, et ne montraient pourtant, contrairement à moi, aucun signe d'impatience : ils marchaient d'un pas égal, et leurs paroles murmurées, légères, harmonieuses, prononcées tantôt par lui, tantôt par elle, s'entrelaçaient avec délicatesse entre leurs deux têtes penchées l'une vers l'autre.


Au contraire de L’école d’impiété paru chez le même éditeur, ces nouvelles qui révèlent les différentes facettes d'Alexandre Tisma - l'un des plus grands écrivains serbes du XXe siècle - sont empreintes de douceur, même si le regard de l’auteur sur le monde et les hommes demeure cruel et désespéré.

08:34 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature étrangère | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; nouvelles; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

Musica présente - 63 Mitsuko Uchida

Mitsuko Uchida

pianiste japonaise, née en 1948

*

Wolfgang Amadeus Mozart

Piano Concerto No 6 in B major, K 238

(English Chamber Orchestra, Jeffrey Tate)


08:30 Écrit par Claude Amstutz dans Musica présente, Musique classique, Wolfgang Amadeus Mozart | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : musique classique | |  Imprimer |  Facebook | | |

29/04/2013

Jean d'Ormesson

9782350870588.gifJean d'Ormesson, Odeurs du temps - Chroniques du temps qui passe (Héloïse d'Ormesson, 2007)

 

Enfin sont éditées ces Chroniques du temps qui passe parues autrefois dans le Figaro Littéraire et qui n’ont pas pris une seule ride ! Qu’il nous parle de Venise, de Mauriac, de Chateaubriand, de Raphaël ou de langue française ou de tennis, à chaque fois il nous invite à un voyage dans le temps sans carte ni boussole et, mon Dieu, comme c’est agréable de se laisser mener par le bout du nez, en compagnie d’un conteur si attachant.


également disponible en coll. de poche (Pocket, 2008)

08:16 Écrit par Claude Amstutz dans Jean d'Ormesson, Littérature francophone | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; chroniques; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

28/04/2013

Morceaux choisis - Michel Houellebecq

Michel Houellebecq

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Ma vie, ma vie, ma très ancienne,
Mon premier voeu mal refermé
Mon premier amour infirmé
Il a fallu que tu reviennes
 
Il a fallu que je connaisse
Ce que la vie a de meilleur,
Quand deux corps jouent de leur bonheur
Et sans fin s'unissent et renaissent.
 
Entré en dépendance entière
Je sais le tremblement de l'être
L'hésitation à disparaître
Le soleil qui frappe en lisière
 
Et l'amour, où tout est facile,
Où tout est donné dans l'instant.
Il existe, au milieu du temps,
La possibilité d'une île.
 

Michel Houellebecq, Configuration du dernier rivage (Flammarion, 2013)

image: www.lesinrocks.com

09:13 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone, Morceaux choisis | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : littérature; poésie; anthologie; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

27/04/2013

Vendanges tardives - De Kurosawa

Un abécédaire: K comme Kurosawa

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Pour en revenir, Fred, à notre discussion de la nuit dernière, à propos du fossé qui se creuse entre les pauvres et les riches, n'importe où, sur tous les continents, je te propose ce soir - pour clore provisoirement le débat - d'aller au cinéma. Tu aimes, je le sais, autant que moi, les films de Akira Kurosawa, mais celui-ci, Entre le ciel et l'enfer - High and Low, en version anglaise - il se peut que tu n'en aies jamais entendu parler, moins célèbre que Les sept SamouraïsRashomon, Sanjuro, YohimboLa forteresse cachée, Le château de l'araignéeL'idiot, Vivre ou encore Dodes'kaden.

Réalisé en 1963, Entre le ciel et l'enfer est tiré - qui l'eut cru? - d'un thriller de Ed McBain, Rançon sur un thème mineur, librement adapté au cinéma par Akira Kurosawa. L'histoire? Celle de Gondo, chef d'entreprise prospère dans le commerce de la chaussure, habitant un quartier privilégié de Tokyo qui, un jour, reçoit à son bureau un coup de fil lui réclamant une rançon, s'il veut retrouver son fils vivant. Or, il s'avère que l'enfant enlevé est le fils de son chauffeur, non le sien. Et la demande de Takeuchi - le kidnappeur - demeure néanmoins inchangée. Que va-t-il décider? S'il paie, il sera ruiné!

Progressivement, tandis que la police s'efforce de retrouver la trace de l'argent, le spectateur quitte l'univers de l'air conditionné, des hommes d'affaires cyniques, de l'horizon propre et lisse qui baigne la demeure de Gondo, pour rejoindre un monde qui était jusqu'alors totalement occulté: celui des bas-fonds, de la prostitution, de la drogue et de la précarité.

Ainsi se justifie le titre du film, Entre le ciel et l'enfer, à travers cette lente et terrifiante confrontation de deux sociétés, dans la dernière partie du film - magistrale, l'un des points culminants dans l'oeuvre du maître - sur lesquels est posé le regard scrutateur et compatissant de Kurosawa, comme s'il semblait te dire qu'entre un Gondo qui, au début de l'histoire tout au moins, accepte le système, et Takeuchi qui se révolte contre lui, la frontière est mince, de même qu'entre le bien et le mal, la réussite et l'échec de ces deux hommes qui, va savoir, sont peut-être les deux faces de tout être humain.

Et de même qu'aujourd'hui, si Gondo aura appris quelque chose par cette terrible épreuve, Kurosawa, non sans ironie, laisse entendre que le ciel et l'enfer restent ce qu'ils sont - pour tous les autres - et qu'il n'y a pas de réponse satisfaisante à cette fracture de la nature humaine qui, dans ce film, entraîne chez le spectateur une sympathie pour Takeuchi qu'un Dostoïevski n'aurait pas désavouée... 

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Akira Kurosawa, Entre le ciel et l'enfer (1963)

avec Toshiro Mifune, Tatsuya Nakadai, Kyōko Kagawa, Tatsuya Mihashi, Isao Kimura, Kenjiro Ishiyama, Takeshi Katōo, Takashi Shimura et Tsutomu Yamazaki

Musique: Masaru Satô

00:15 Écrit par Claude Amstutz dans Films inoubliables, Vendanges tardives - Un abécédaire 2013 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma | |  Imprimer |  Facebook | | |