26/04/2013
Lire les classiques - Victor Hugo
Victor Hugo
Puisque mai tout en fleurs dans les prés nous réclame,Viens! ne te lasse pas de mêler à ton âmeLa campagne, les bois, les ombrages charmants,Les larges clairs de lune au bord des flots dormants,Le sentier qui finit où le chemin commence,Et l'air et le printemps et l'horizon immense,L'horizon que ce monde attache humble et joyeuxComme une lèvre au bas de la robe des cieux!Viens! et que le regard des pudiques étoilesQui tombe sur la terre à travers tant de voiles,Que l'arbre pénétré de parfums et de chants,Que le souffle embrasé de midi dans les champs,Et l'ombre et le soleil et l'onde et la verdure,Et le rayonnement de toute la natureFassent épanouir, comme une double fleur,La beauté sur ton front et l'amour dans ton coeur!
Victor Hugo, Leschants du crépuscule, suivi de: Les Voix intérieures - Les Rayons et les Ombres (coll. Poésie/Gallimard, 2002)
image: Claude Monet, Champ d'avoine et coquelicots (http://lacouleurdesjours.blogspot.ch)
11:00 Écrit par Claude Amstutz dans Lire les classiques, Littérature francophone | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; poésie; anthologie; livres | | Imprimer | Facebook |
25/04/2013
La citation du jour
Marcel Jouhandeau
Nous ne nous ennuyons jamais ensemble... C'est la meilleure façon de s'aimer.
Marcel Jouhandeau, Algèbre des valeurs morales (Gallimard, 1935)
image: Frank Bernard Dicksee (www.lesrevesdusimorgh.net)
08:33 Écrit par Claude Amstutz dans La citation du jour, Littérature francophone | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : citation; livres | | Imprimer | Facebook |
Morceaux choisis - Antonio Tabucchi
Antonio Tabucchi
On est en train de le suivre, le personnage inconnu qui est arrivé en Crète pour rejoindre une agréable localité marine et qui à un certain moment, brusquement, pour une raison elle aussi inconnue, a pris une route en direction des montagnes. L'homme poursuivit jusqu'à Mourniès, traversa le village comme s'il savait où aller, sans savoir où il allait. En réalité il ne pensait pas, il conduisait et c'est tout, il savait qu'il allait vers le Sud, le soleil encore haut était déjà dans le dos.
Depuis qu'il avait changé de direction il avait retrouvé cette sensation de légèreté qu'il avait éprouvée pendant quelques instants à la petite table du glacier en regardant d'en haut l'ample horizon: une légèreté insolite, et en même temps une énergie dont il ne gardait pas mémoire, comme s'il était redevenu jeune, une sorte de subtile ivresse, presque un petit bonheur. Il arriva jusqu'à un village qui s'appelait Fournès, traversa le bourg avec assurance, comme s'il connaissait déjà la route, il s'arrêta à un croisement, la route principale continuait sur la droite, il s'engagea sur la route secondaire qui indiquait Lefka Ori, les montagnes blanches. Il poursuivit tranquillement, la sensation de bien-être se transformait en une sorte d'allégresse, un air de Mozart lui vint en tête et il sentit qu'il pouvait en reproduire les notes, il commença à les siffloter avec une facilité qui le stupéfia, en se trompant de ton de façon pitoyable sur un ou deux passages, ce qui le fit rire.
La route filait entre les âpres gorges d'une montagne. C'étaient des lieux beaux et sauvages, l'automobile parcourait une étroite bande d'asphalte le long du lit d'un torrent à sec, à un moment le lit du torrent disparut entre les pierres et l'asphalte se transforma en un sentier de terre, dans une plaine dénudée au milieu des montagnes inhospitalières, pendant ce temps la lumière tombait, mais il allait de l'avant comme s'il connaissait déjà cette route, comme quelqu'un qui obéit à une mémoire ancienne ou à un ordre reçu en rêve, et à un certain point il vit sur un poteau branlant une pancarte en fer-blanc avec des trous comme si elle avait été transpercée par des balles ou par le temps et qui disait: Monastiri, le monastère.
Il suivit cette direction comme si ça avait été ce qu'il attendait jusqu'à ce qu'il voie un petit monastère avec un toit à moitié en ruine. Il comprit qu'il était arrivé. Il descendit. La porte dégondée de ces ruines penchait vers l'intérieur. Il pensa qu'il n'y avait désormais plus personne dans ce lieu, un essaim d'abeilles sous le petit portique semblait en être l'unique gardien. Il descendit et attendit comme s'il avait rendez-vous. Il faisait presque nuit.
Dans l'embrasure de la porte apparut un moine, très vieux et se déplaçant avec difficulté, il avait l'aspect d'un anachorète, avec les cheveux hirsutes sur les épaules et une barbe jaunâtre, que veux-tu? lui demanda-t-il en grec. Tu connais l'italien?, répondit le voyageur. Le vieux fit un signe d'assentiment de la tête. Un peu, murmura-t-il. Je suis venu prendre le relai, dit l'homme.
Antonio Tabucchi, Contretemps/ extrait, dans: Le temps vieillit vite (coll. Folio/Gallimard, 2010)
traduit de l'italien par Bernard Comment
image: Ile de Spinalonga, Crète (www.tangka.com)
00:47 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature étrangère, Littérature italienne, Morceaux choisis | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; nouvelles; morceaux choisis; livres | | Imprimer | Facebook |
24/04/2013
Le poème de la semaine
Soeur Marie-Pascale, carmélite
Si le vase à parfum est mortsi mon coeur misérable n'est un grenier à bléoù prendre à pleines mains le blé de la bontépour conforter le mur qui branlepour pardonner sept fois le jourcomment ferai-jesi d'heure en heureje n'ai reçu dans mon cellierle vin du roi? Et si je n'ai contre ses piedsavec d'immenses clameursdonné mes fautesd'où me viendra le baume guérisseur? Oh! que m'emplisse sa rivièreque j'aille consoléeque les bouleauxles brebis les scarabées les frèress'y abreuventet qu'elle ait le goût de narcisse et de lilasla sourcede trèfle rouge et de sureau et qu'y viennent de préférenceceux qui n'ont ni blé ni myrrheni mielet de la tendresse à revendreQuelques traces de craie dans le ciel,Anthologie poétique francophone du XXe siècle
08:23 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone, Quelques traces de craie dans le ciel - Anth | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; poésie | | Imprimer | Facebook |
23/04/2013
Musica présente - 64 Colin Davis
Colin Davis
chef d'orchestre britannique, 1927 - 2013
*
Hector Berlioz
Harold in Italy, Op 16
(Yehudi Menuhin, Philharmonia Orchestra)
10:19 Écrit par Claude Amstutz dans Hector Berlioz, Musica présente, Musique classique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : musique classique | | Imprimer | Facebook |
David Foenkinos
David Foenkinos, La délicatesse (Gallimard, 2009)
Une petite merveille que ce court roman, délicat et grave comme un film de François Truffaut. Chronique de la reconstruction de Nathalie après l’accident mortel de son mari, ce texte baigne dans une atmosphère douce traversée d’observations subtiles et justes sur la solitude intérieure, les émotions qui vont leur chemin plus vite que les mots et la renaissance amoureuse qui prend le visage que l’on n’attendait pas. Une fraîcheur bienvenue dans le monde des lettres francophones !
également disponible en format de poche (coll. Folio/Gallimard, 2011)
07:30 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : littérature; roman; livres | | Imprimer | Facebook |
22/04/2013
Morceaux choisis - René Char
René Char
merci à Anne-Marie GB
la liberté naît, la nuit, n'importe où, dans un trou de mur, sur le passage des vents glacés.
Les étoiles sont acides et vertes en été; l'hiver elles offrent à notre main leur pleine jeunesse mûrie.
Si des dieux précurseurs, aguerris et persuasifs, chassant devant eux le proche passé de leurs actions et de nos besoins conjugués, ne sont plus nos inséparables, pas plus la nature que nous ne leur survivrons.
Tel regard de la terre met au monde des buissons vivifiants au point le plus enflammé. Et nous réciproquement.
Imitant de la chouette la volée feutrée, dans les rêves du sommeil on improvise l'amour, on force la douleur dans l'épouvante, on se meut parcellaire, on rajeunit avec une inlassable témérité.
O ma petite fumée s'élevant sur tout vrai feu, nous sommes les contemporains et le nuage de ceux qui nous aiment!
René Char, La nuit talismanique, dans: Oeuvres complètes (Bibliothèque de la Pléiade/Gallimard, 1983)
07:16 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone, Morceaux choisis, René Char | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : littérature; poésie; anthologie; livres | | Imprimer | Facebook |
20/04/2013
La discothèque idéale
Bloc-Notes, 20 avril / Les Saules
Il en est des discothèques idéales comme des anthologies de poésie: Aucune d'entre elles n'est une référence absolue, tant le choix peut s'avérer - heureusement - subjectif, personnel. Bertrand Dermoncourt et les autres contributeurs à cette nouvelle tentative, ne s'y trompent pas: Une fois la porte d'entrée franchie, c'est à vous de faire le chemin!
Pour le public qui avoue mal connaître certaines oeuvres ou pas du tout les compositeurs autres que les grands noms du répertoire, il trouvera une base dans cette tour de Babel de la musique classique, afin d'y bâtir ses propres fondations, selon les auteurs. On pourra regretter le parti pris de renoncer au mono ou live, privilégiant ainsi la qualité sonore ou technique des enregistrements proposés, au détriment de l'émotion qui peut nous gagner - malgré les imperfections - à l'écoute de certaines versions dites historiques.
Les enregistrements proposés sont généralement d'excellentes sélections, mais - comme dit plus haut - reflètent le choix des critiques de la revue Classica. Il n'est pas indispensable de partager leur avis! Parmi les heureuses surprises, je retrouve Chiara Banchini, Rachel Podger, Christophe Rousset, Pierre Hantaï et Christian Zacharias, de même que les Ensembles Sequentia, Musica Nova, A Sei Voci et Concerto Köln, selon les oeuvres présentées. En revanche, je m'étonne de la présence excessive de Gustav Leonhardt ou Scott Ross - pas les meilleurs clavecinistes à ce jour - ainsi que de Anne-Sophie Mutter - même remarque en ce qui concerne le violon - mais à vous de chercher, de découvrir sans préjugés et guidés par vos propres frissons, les oeuvres qui sauront vous émouvoir à tout jamais.
Et si La discothèque idéale de la musique classique - plutôt sommaire - sous la direction de Bertrand Dermoncourt, peut y contribuer, j'en serai le premier ravi! Alors, chemin faisant, comme tant d'autres mélomanes, vous dénicherez à votre tour de nouveaux talents, plutôt rares dans cette présentation. Et c'est bien dommage...
La discothèque idéale de la musique classique, sous la direction de Bertrand Dermoncourt (coll. Classica/Actes Sud, 2013)
image: Ensemble Sequentia (sequentia.org)
18:33 Écrit par Claude Amstutz dans Bloc-Notes, Chiara Banchini, Littérature francophone, Musique classique, Rachel Podger | Lien permanent | Commentaires (2) | | Imprimer | Facebook |
Lire les classiques - Théophile de Viau
Théophile de Viau
Heureux, tandis qu’il est vivant,Celui qui va toujours suivantLe grand maître de la natureDont il se croit la créature.Il n’envia jamais autrui,Quand tous les plus heureux que luiSe moqueraient de sa misère,Le rire est toute sa colère.Celui-là ne s’éveille pointAussitôt que l’Aurore pointPour venir, des soucis du monde,Importuner la terre et l’onde.Il est toujours plein de loisir,La justice est tout son plaisir,Et, permettant en son envieLes douceurs d’une sainte vie,Il borne son contentementPar la raison tant seulement.L’espoir du gain ne l’importune,En son esprit est sa fortune ;L’éclat des cabinets dorés,Où les princes sont adorés,Lui plaît moins que la face nueDe la campagne ou de la nue.La sottise d’un courtisan,La fatigue d’un artisan,La peine qu’un amant soupire,Lui donne également à rire.Il n’a jamais trop affectéNi les biens ni la pauvreté;Il n’est ni serviteur ni maître,Il n’est rien que ce qu’il veut être.Jésus-Christ est sa seule foi.Tels seront mes amis et moi.Théophile de Viau, Ode, dans: Petite bibliothèque de poésie, coffret hors série de 12 volumes - Choix de André Velter (coll. Poésie/Gallimard et Télérama, 2013)
image: Tiziano Vecelli, Sagesse (http://fr.wahooart.com)
00:01 Écrit par Claude Amstutz dans Lire les classiques, Littérature francophone | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : littérature; poésie; anthologie; livres | | Imprimer | Facebook |
19/04/2013
Morceaux choisis - Romano Guardini
Romano Guardini
J'étais assis au bord du Löchstal en Engadine. A mes pieds, la vallée se creusait brusquement. Au fond, tout en bas, le torrent coulait, jailli du glacier. De l'autre côté, c'était à nouveau le puissant ressaut des cimes. Ainsi, la vallée formait comme un immense berceau. Mais ce berceau n'était pas vide. Il était tout empli de silence.
J'étais seul. Pas un bruit à l'entour. Et pourtant l'oreille, celle du corps comme celle de l'âme, percevait le silence. Et le silence était quelque chose de si vaste, et de si profond, que j'en étais inondé, comme par une mer. Et si quelque léger bruit, le cri d'un oiseau, la chute d'une pierre, venait troubler le silence, le son en était tout ensemble si exact, si pur, et si dense qu'il me paraissait n'en avoir jamais entendu de pareil.
Romano Guardini, Promesses, dans: Daniel-Ange, Les feux du désert, vol. 2/Silences (Rémy Magermans, 1973)
image: Celerina/Grisons, Suisse (gemeinde-celerina.ch)
08:26 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature étrangère, Morceaux choisis | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : littérature; spiritualité; anthologie; livres | | Imprimer | Facebook |