Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

29/03/2013

Lire les classiques - Odilon-Jean Périer

Odilon-Jean Périer

1312494-Denys_Puech_la_Muse_dAndré_Chénier.jpg

Il pleut. je n'ai plus rien à dire de moi-même 
Et tout ce que j'aimais, comme le sable fin 
Sans peser sur la plage où les vents le dispersent 
(Amour dont je traçais un émouvant dessin)
 
S'évanouit... La seule étendue inutile 
Mais seule, mais unie, en pente vers la mer, 
Me laisse par l'écume aller d'un pas tranquille 
Qu'elle efface après moi. Toi, paysage amer,
 
Paysage marin, le seul où je sois libre, 
Qui parle mieux qu'un homme, avec plus de grandeur, 
Donne-moi, pour un soir, cette raison de vivre, 
Le secret de ta grâce au milieu du malheur:
 
Sans faiblesses, sans fleurs charmantes ni flétries 
Mais tellement plus beau qu'aucun ouvrage humain, 
La terre unie au ciel par la foudre ou la pluie 
Et les quatre éléments tenus dans une main.
 
Vous faites ces beautés, lumières de l'orage, 
Dunes, léger trésor, mouvement des éclairs, 
Mais il reste à traduire un si noble langage 
Et vous n'aurez de sens que celui de mes vers
 
Quand je n'avais plus rien à dire de moi-même 
Ce paysage m'a répondu sagement :
Car la création est le jeu que je mène 
Et jusqu'à mes ennuis doivent former un chant.
 

Odilon-Jean Périer, Le promeneur, dans: Poèmes (Labor, 2005)

image: Denys Puech (larousse.fr)

10:52 Écrit par Claude Amstutz dans Lire les classiques, Littérature francophone | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; poésie; anthologie; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

28/03/2013

Musica présente - 58 Sophie Yates

Sophie Yates

claveciniste britannique

*

Carlos de Seixas

6 Sonatas


11:44 Écrit par Claude Amstutz dans Musica présente, Musique classique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : musique classique | |  Imprimer |  Facebook | | |

Anne Brécart

9782881826429.gifAnne Brécart, Le monde d'Archibald (Zoé, 2009)

 

Peut-on vivre sans la protection d'une maison familiale, qu'elle soit réelle ou fantasmée ? Dans une vieille demeure de famille où tous se réunissent pour célébrer la ronde des étés éternels, la narratrice tombe sous le charme de son oncle Archibald, patriarche incontesté quoique fragile...


Pour apprécier ce court récit, il faut prendre le temps de le lire, de savourer les mots, de se laisser imprégner par l’atmosphère qui se dégage de la maison familiale que fréquente depuis son enfance la narratrice, séduite  par la personnalité de l’oncle Archibald, maître des lieux hors du commun, indomptable et philosophe à ses heures. Une quête touchante sur le sens de la vie ainsi que sur la destinée des morts dont la fragilité, la présence, les secrets suintent au-delà des murs de cette maison du lac, comme un reflet du passé capable d’illuminer l’avenir.


aussi en coll. de poche (Poche/Zoé, 2011)

08:50 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone, Littérature suisse | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; récit; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

27/03/2013

Le poème de la semaine

Maurice Carême

Hé oui, je sais bien qu'il fait froid, 
Que le ciel est tout de travers; 
Je sais que ni la primevère
Ni l'agneau ne sont encor là.
 
La terre tourne; il reviendra,
Le printemps, sur son cheval vert. 
Que ferait le bois sans pivert,
Le petit jardin sans lilas? 
 
Oui, tout passe, même l'hiver,
Je le sais par mon petit doigt 
Que je garde toujours en l'air.
 
N’entends-je pas frémir en moi
Un pré naïf et recueilli
Autour de son clocher fleuri?
 
 
Quelques traces de craie dans le ciel,
Anthologie poétique francophone du XXe siècle

08:38 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone, Quelques traces de craie dans le ciel - Anth | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; poésie | |  Imprimer |  Facebook | | |

26/03/2013

Morceau choisis - Marcelle Sauvageot

Marcelle Sauvageot

Divers_K.jpg

Sur les gondoles vénitiennes, le soir, le long des canaux fétides où le Sole mio s'éraille sous les lanternes tricolores, près de ces palais morts et tristes, j'ai pleuré d'être seule et de savoir que vous ne voudriez pas vous laisser prendre avec moi par ce charme morbide.

Du haut des montagnes, glissant comme dans un rêve sur les grandes pentes de neige blanche, j'ai pensé à garder dans mon coeur la vision merveilleuse, afin que, revenue près de vous, je puisse vous la faire voir; j'ai cherché les mots ardents capables de vous faire goûter ma joie et de vous donner le désir de venir avec moi. Mais vite vous ne m'avez plus écoutée et vous avez pris un air sombre. J'ai voulu vous emmener voir des danses et entendre des concerts uniques. Toute ma volonté se tendait pour que vous fussiez content, et mon bonheur était plus grand quand vous aviez été ému. Mais vous résistiez pour m'accompagner, et vous avez cessé de vouloir venir.

Partout où j'étais, vous étiez en moi. Vous vous posiez devant mes sensations. Elles étaient tristes parce que vous n'étiez pas là. J'essayais de les garder avec tous leurs détails pour vous les apporter presque brutes. N'avez-vous jamais senti la passion que je mettais à tenter de vous les faire vivre? Je pensais à vous avoir toujours avec moi pour que vous sentiez ce que je sentais, pour que rien de moi n'ait lieu en votre absence: la lueur du soleil dans mes yeux, l'attitude de mon corps dans une danse... Et j'étais impatientée, si je me sentais atteindre un bel épanouissement quand vous n'étiez pas là. Un succès me comblait, car je pouvais vous le dire; un ennui devenait léger, car je pouvais vous le conter. J'ai voulu faire plus de choses, toujours plus de choses, pour vous apporter cet accroissement de ma richesse.

Et le soir, dans les rues de Paris où toujours je passais vite sans rien voir, j'ai essayé d'aimer ce que vous aimiez. Je mettais timidement mon bras sous le vôtre comme tous les couples de la rue, et, curieuse de sentir comme vous, j'ai aimé le parfum du brouillard, le frôlement de la foule, l'agitation des petites midinettes. Dans les rues sombres, moi qui déteste toute démonstration publique, j'ai pris plaisir - un plaisir défendu - à vous rendre vos baisers peu confortables, mais doux parce que vous les aimiez.

Marcelle Sauvageot, Laissez-moi (coll. Libretto/Phébus, 2012)

image: George Hoyningen-Huene, Horst P.Horst and Model / 1930 (ebgruppe-services.de)

20:34 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone, Morceaux choisis | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; récit; morceaux choisis; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

Vendanges tardives - De la grâce

Un abécédaire: G comme Grâce 

littérature; spiritualité; livres

Le plus étonnant, Fred, c'est qu'il te semble l'avoir côtoyée depuis toujours. Tu l'as recherchée, parfois ardemment, à certaines périodes de ta vie davantage qu'à d'autres. Tu l'as désirée, de même que l'on désire une femme, un objet précieux sans prix, dont la beauté indéfinissable remplirait ton être tout entier comme la pluie joyeuse lavant les pierres de ton jardin de campagne. Tu l'as traquée, avec ta volonté, ton intelligence ou ta force, à travers les soubresauts d'un environnement trépidant, tantôt hostile, tantôt fraternel, épousant ton besoin de savoir, de reconnaissance et d'amour. Souvent, tu te l'es représentée - ou l'as-tu seulement imaginée? - sous les formes les plus extravagantes ou merveilleuses, comme une récompense à tes efforts et ton obstination. Maintes fois, tu as cru la saisir, mais toujours, au bout du compte, elle t'a échappé, de même que tout ce que tu as chéri en ce monde, voué bientôt à la disparition, à l'oubli, à la mort: cet hiver de la vie qui pourrait ne pas connaître de fin.

Alors, au fil du temps, tu as renoncé à la poursuivre. Tu ne t'es pas détourné, oh non, simplement tu n'y as plus pensé, tu as abandonné sa conquête, à la manière d'un homme qui discerne son impuissance avec tristesse ou regret, et se trouve confronté aux limites de sa pensée, de sa perception. Mais un beau jour, dans le silence de ta chambre, au coeur d'une solitude aimante et sans objet, au moment le plus inattendu, sans même y réfléchir ni soucieux d'accomplir ou d'achever quoique ce soit, tu as soudain éprouvé cette inexplicable dilatation du coeur, obéissant si peu aux mécanismes de ta logique coutumière.

Las de chercher à comprendre, tu l'as reconnue, là, évidente, au plus profond de toi-même: elle, qui t'avait habitée depuis le commencement, tandis que tu t'agitais au dehors à la recherche d'un sens au monde - celui des idées, des sentiments, de la société, de l'histoire - à travers les étroites parois de verre de ton univers fragmentaire, douloureux, inachevé. Ainsi qu'une digue qui aurait résisté à la poussée des eaux, tu l'as sentie, discrète et réjouie, devant ta nudité, ton absence de résistance et de mérites, t'éclaboussant de son mouvement pacificateur qui te rend la vue et t'ouvre à la beauté, à l'ordre harmonieux des choses, au temps présent, à la bonté sans traces.

Et tu t'es souvenu, le sourire au lèvres, des paroles de Simone Weil - c'est l'éternité qui descend s'insérer dans le temps - de même que de celles, bouleversantes de simplicité, de Jean-Marie Vianney, curé d'Ars - elle nous est nécessaire comme les béquilles à ceux qui ont mal aux jambes - te réconciliant enfin avec toi-même, avec ces semblables - que tu crois prendre en affection pour la première fois - et qui sait: avec le ciel? 

Simone Weil, Oeuvres (coll. Quarto/Gallimard, 1999)

Janine Frossard, Pensées choisies du saint Curé d'Ars et petites fleurs d'Ars (Téqui, 1961)

image: Grindelwald (2006)

01:18 Écrit par Claude Amstutz dans Simone Weil, Vendanges tardives - Un abécédaire 2013 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; spiritualité; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

25/03/2013

Lire les classiques - Emile Verhaeren

Emile Verhaeren

glycine-japon-11.jpg

Sur la glycine en fleur, que la rosée humecte,
Rouges, verts, bleus, jaunes, bistres, vermeils,
Les milles insectes
Bougent et butinent dans le soleil.
Oh ! la merveille de leurs ailes qui brillent
Et leurs corps fins comme une aiguille
Et leurs pattes et leurs antennes
Et leur toilette quotidienne
Sur un brin d'herbe ou de roseau.
 

Emile Verhaeren, Sur la glycine en fleur, dans: Toute la Flandre - Poésies complètes vol.8 (Renaissance du Livre, 2012)

image: unjardinsurunbalcon.wordpress.com 

08:02 Écrit par Claude Amstutz dans Lire les classiques, Littérature francophone | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; poésie; anthologie; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

24/03/2013

Musica présente - 57 Maria Grinberg

Maria Grinberg

pianiste russe, 1908 - 1978

*

Ludwig van Beethoven

Complete 32 Piano Sonatas

pour Les amis du Concours de Piano de B 


08:33 Écrit par Claude Amstutz dans Ludwig van Beethoven, Maria Grinberg, Musica présente, Musique classique | Lien permanent | Commentaires (1) | |  Imprimer |  Facebook | | |

23/03/2013

Lire les classiques - William Shakespeare

William Shakespeare

littérature; poésie; théâtre; anthologie; livres

Que chaque fée vagabonde à travers cette maison.
Nous irons au plus beau des lits nuptiaux
Et il sera par nous béni:
Et la lignée qui y sera créée
Sera heureuse à tout jamais.
 
Ainsi ces trois couples toujours
Seront fidèles en amour;
Et les flétrissures de la nature
Devront épargner leur progéniture.
Ni tache, bec-de-lièvre ou cicatrice,
Aucune des marques funestes
Que l'on redoute à la naissance,
Ne doit atteindre leurs enfants.
 
Que chaque fée vienne répandre
Cette rosée sacrée des champs,
Et qu'elle bénisse chaque chambre du palais
D'une douce paix,
Et que le maître en soit béni.
 

William Shakespeare, Le songe d'une nuit d'été - édition bilingue (coll. Folio Théatre/Gallimard, 2003)

traduction de l'anglais par Jean-Michel Déprats

image: Sandro Botticelli, Simonetta Cattaneo Vespucci, 1974 (robswebstek.com) 

César Aira

Bloc-Notes, 23 mars / Thonon-les-Bains

Cesar Aira.jpg

Le 31 décembre au matin, les Pagalday visitèrent en couple l'appartement, qui leur appartenait déjà, sur le chantier de la rue José-Bonifacio, au numéro 2161, en compagnie de Bartolo Sacristan Olmedo, le paysagiste qu'ils avaient engagé afin de disposer les plantes sur les deux vastes balcons de l'appartement, en façade et côté cour.

Ainsi commence cet étonnant roman de César Aira où, passées ces premières lignes de facture classique, nous allons être constamment surpris - dans la forme et dans le style - par cette histoire qui nous met en présence des propriétaires, de leurs enfants, des ouvriers de chantier, du concierge de cet immeuble de luxe inachevé, au sommet duquel, sur la terrasse, ils ont décidé de fêter ensemble, le passage à la nouvelle année. Aucun de ces personnages, à l'exception de Patri, la fille aînée des Vinas, ne s'impose durablement au récit. Nous suivons les instants saisis au vif de leurs rencontres imprévues: un lot de situations, de plaisanteries, de réflexions, de banalités puisées dans leur existence ordinaire.

Mais où donc César Aira a-t-il décidé de nous embarquer avec cette histoire sans véritable point d'ancrage, dépourvue d'intentions, de signes, d'arrières-pensées? Le titre du roman, Les fantômes, en livre la clef principale, car cet immeuble de la rue José-Bonifacio est habité... par des fantômes, entièrement nus, que seuls les membres de la famille Vinas peuvent voir! 

Et voici que ces fantômes, facétieux, s'invitent à la fête - peut-être même en sont-ils les instigateurs? - trouvant en la personne de Patri, un écho, sinon un courant de sympathie: Arrêtez-vous! hurlait son âme, ne partez jamais plus! Elle voulait les voir ainsi pour l'éternité, même si l'éternité devait durer un instant, et surtout si elle durait un instant. Elle ne concevait pas l'éternité d'une autre façon. Viens, éternité, viens, et sois l'instant de ma vie! s'exclamait-elle pour elle-même... Un monde dont il lui semble faire partie, au contraire de celui des siens. Et cette aventure, jusqu'où la conduira-t-elle? A attirer les fantômes dans sa propre réalité ou, au contraire, les rejoindre dans une irréalité apparente et inexpliquée, par un de ces caprices du destin?

Elle mettait la meilleure volonté du monde, appelait l'imagination à son secours, à ses dons de créatrice sauvage, naïve si l'on veut, et elle parvenait toujours à la même conclusion: un sourire mystérieux que dessinaient les lèvres des fantômes. C'était une espèce de fatalité qui surgissait du fond d'elle-même, de son scepticisme: le sourire mystérieux comme fin, comme barrière infranchissable.

Comme les auteurs argentins excellent souvent à cet exercice - chez Ernesto Sabato, par exemple - nous naviguons constamment entre le réel et le fantastique dans Les fantômes, sans véritables repères. Une démarche délibérée de César Aira qui, au détour de ces êtres transparents et familiers à la fois, nous parle des classes moyennes, de l'argent - cette seule virilité qui compte en Argentine -, du rêve, de littérature ou de philosophie. Un roman qui ressemble à une route inachevée dont chaque segment, ainsi que dans l'immeuble de la rue José-Bonifacio, interpelle, désarçonne, interroge nos certitudes en péril: Une personne peut n'avoir jamais pensé, pas une seule fois dans sa vie, elle peut sembler être un ensemble désorganisé de tremblements et de passions futiles, passagères, et cependant à n'importe quel moment, sur demande, peuvent naître en elle les idées les plus subtiles qu'ont eues un jour les plus grands philosophes. Ce qui semble si paradoxal se passe tous les jours.  

Ne cherchez pas dans ce livre une explication aux fantômes: vous n'en trouverez pas. Pour les uns, ils seront sans doute le fruit de notre imagination; pour d'autres, les témoins de nos vies minuscules dans un univers de béton dissocié du passé ou les silhouettes mélancoliques d'un espace - la proximité? l'éternité? - qui n'a plus cours. Et vous, qu'en direz-vous?

Les fantômes de César Aira, est l'un des romans les plus singuliers de ce printemps, comme un miroir qui saurait, à l'envers des 155 pages de ce livre, modifier notre centre de gravité.

Il est faux que, comme on le disait, les morts se transformaient en étoiles: c'était le contraire...

César Aira est né en 1949 dans la province de Buenos Aires. Après la disparition de Roberto Bolano, il est considéré comme l'un des écrivains sud-américains les plus importants. Les fantômes est le seixième de ses ouvrages traduits en langue française. Parmi ses oeuvres majeures, peuvent être cités Un épisode dans la vie du peintre voyageur (André Dimanche, 2000), Varamo (Bourgois, 2002), La preuve (Bourgois, 2008) et Anniversaire (coll. Titres/Bourgois, 2011).  

César Aira, Les fantômes (Bourgois, 2013)

traduit de l'argentin par Serge Mestre

00:05 Écrit par Claude Amstutz dans Bloc-Notes, Littérature étrangère, Littérature sud-américaine | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; roman; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |