22/03/2013
La citation du jour
Proverbe arabe
N'ouvre la bouche que si tu es sûr que ce que tu vas dire est plus beau que le silence.
Proverbe arabe, dans: Daniel-Ange, Les feux du désert, vol. 2/Silences (Rémy Magermans, 1973)
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08:17 Écrit par Claude Amstutz dans La citation du jour, Littérature étrangère | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : citation; livres | | Imprimer | Facebook |
21/03/2013
Pascale Kramer
Pascale Kramer, L'adieu au Nord (Mercure de France, 2005)
Patricia secoua la tête pour aérer ses longs cheveux et lui offrit un chewing-gum, tentant de tromper la gêne où la plongeaient leur silence et son inexpérience à soulager l'érection qui le faisait si évidemment, si indécemment souffrir. Un camion s'était garé devant l'entrée de l'impasse, les enfermant dans cette intimité malcommode où traînait une odeur d'urine. Patricia tourna vers lui un doux sourire de bonté ennuyée. Tout en elle frémissait d'une immense et paniquante insatisfaction. Alain lui pressa le bout des doigts, s'efforçant au moins de ne plus l'importuner par son désir. Il voulut savoir comment elle était venue jusqu'ici, ce que savait son père. Patricia répondait distraitement en donnant de petits coups avec sa tête contre le crépi, et c'est alors qu'elle lui raconta qu'elle avait un plan pour partir bientôt vivre en Angleterre.
Dans la campagne française, entre l’épicerie et la cressonnière, Patricia croise le regard des saisonniers, volontiers gauches, taciturnes, peu bavards et troublés par sa présence, jeune et sensuelle. Atmosphère oppressante pour cette chronique de l’insatisfaction, des non-dits et du mal de vivre. Un texte d’une beauté sombre.
08:04 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone, Littérature suisse | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature: roman; livres | | Imprimer | Facebook |
20/03/2013
Morceaux choisis - Jules Supervielle
Jules Supervielle
Vous dont les yeux sont restés libres, Vous que le jour délivre de la nuit, Vous qui n’avez qu’à m’écouter pour me répondre, Donnez-moi des nouvelles du monde. Et les arbres ont-ils toujours Ce grand besoin de feuilles, de ramilles, Et tant de silence aux racines? Donnez-moi des nouvelles des rivières, J’en ai connu de bien jolies, Ont-elles encor cette façon si personnelle De descendre dans la vallée, De retenir l’image de leur voyage, Sans jamais consentir à s’arrêter. Donnez-moi des nouvelles des mouettes De celle-là surtout que je pensai tuer un jour. Comme elle eut une étrange façon, Le coup tiré, une bien étrange façon de repartir! Donnez-moi des nouvelles des lampes Et des tables qui les soutiennent Et de vous aussi tout autour, Porte-mains et porte-visages. Les hommes ont-ils encore Ces yeux brillants qui vous ignorent, La colère dans leurs sourcils Le cœur au milieu des périls? Mais vous êtes là sans mot dire. Me croyez-vous aveugle et sourd? Et voici la muraille, elle use le désir, On ne sait où la prendre, elle est sans souvenirs, Elle regarde ailleurs, et, lisse, sans pensées, C’est un front sans visage, à l’écart des années. Prisonniers de nos bras, de nos tristes genoux, Et le regard tondu, nous sommes devant nous Comme l’eau d’un bidon qui coule dans le sable Et qui dans un instant ne sera plus que sable. Déjà nous ne pouvons regarder ni songer, Tant notre âme est d’un poids qui nous est étranger. Nos cœurs toujours visés par une carabine Ne sauraient plus sans elle habiter nos poitrines. Il leur faut ce trou noir, précis de plus en plus, C’est l’œil d’un domestique attentif aux pieds nus. Œil plein de prévenance et profond, sans paupière, A l’aise dans le noir et l’excès de lumière. Si nous dormons il sait nous voir de part en part, Vendange notre rêve, avant nous veut sa part. Nous ne saurions lever le regard de la terre Sans que l’arme de bronze arrive la première, Notre sang a besoin de son consentement, Ne peut faire sans elle un petit mouvement. Elle est un nez qui flaire et nous suit à la piste Une bouche aspirant l’espoir dès qu’il existe, C’est le meilleur de nous, ce qui nous a quittés, La force des beaux jours et notre liberté.Jules Supervielle, Le forçat innocent, suivi de: Les amis inconnus (coll. Poésie/Gallimard, 2007)
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18:23 Écrit par Claude Amstutz dans Jules Supervielle, Littérature francophone, Morceaux choisis | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : littérature; poésie; anthologie; livres | | Imprimer | Facebook |
Marcello Fois
Marcello Fois, Mémoire du vide (Seuil, 2008)
Un rituel de mort qui dit la vie : ainsi se joue, dans l’odeur et le goût du sang, le destin de Samuele Stocchino, le plus célèbre bandit sarde au début du XXe siècle. Il nous semble être confortablement assis dans un fauteuil près d’une cheminée, et entendre Marcello Fois nous raconter son histoire, tant son style, empreint de tradition orale, nous séduit dès les premières pages. Qu’est-ce que la vérité, et où commence la légende ? Il laisse à chacun le soin de conclure, comme il lui plaira, au gré du déroulement de ce récit dans lequel seule Mariangela, la fatzuda – l’effrontée – par quelques scènes fugaces mais déterminantes, incarne un choix qui repose sur l’amour plutôt que sur la rancune, la transgression ou la violence.
18:05 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature étrangère, Littérature italienne | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature: roman; livres | | Imprimer | Facebook |
Le poème de la semaine
Jean Sénac
Tu disais des choses facilesTravailleuse du matinLa forêt poussait dans ta voixDes arbres si profonds que le coeur s'y déchireEt connaît le poids du chantLa tiédeur d'une clairièrePour l'homme droit qui revendiqueUn mot de paixUn mot à notre dimensionTu tirais de sa solitudeLe rôdeur qui te suit tout pétri de son ombreCelui qui voudrait écrire comme tu voisComme tu tisses comme tu chantesApporter aux autres le bléLe lait de chèvre la semouleEt si dru dans le coeur et si fort dans le sangLa bonté de chacunLe charme impétueux des hommes solitaires
Tu m'apprends à penserA vivre comme tu es Quelques traces de craie dans le ciel,Anthologie poétique francophone du XXe siècle
01:16 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone, Quelques traces de craie dans le ciel - Anth | Lien permanent | Commentaires (0) | | Imprimer | Facebook |
18/03/2013
Vendanges tardives - De la femme
Un abécédaire: F comme Femme
Notre ami commun Pierre-Yves me confia, voici peu, après un dixième verre de chouchen éclusé à la Taverne Le Normand, combien longtemps il s'est interrogé à ton sujet: toujours en compagnie de femmes, pétillantes et intelligentes, gracieuses et musiciennes pour la plupart, jeunes ou moins jeunes. Pourtant, jamais avec une seule. Tiens, me dit-il, même quand il m'invitait chez lui, tu avais beau chercher, tu ne trouvais dans son intérieur aucune trace de féminité. Ni fleurs, ni photographies, ni parfums flottant dans l'air comme les réminiscences d'un amour caché. Non, rien, pas une trace. Au point qu'il se demandait si tu n'étais pas gay, et qu'il n'était juste pas ton type...
Il me raconta que cet affreux malentendu se dissipa le jour où il te surprit devant l'Hôtel des Bons Amis, au bras d'une charmante fille rousse, qui gloussait et se frottait à toi, abandonnée à demi, rappelant la muse de Guillaume Appollinaire: Ses cheveux sont d'or on dirait, un bel éclair qui durerait ou ces flammes qui se pavanent dans les roses-thé qui se fanent... Imagine sa colère et sa stupeur, quand il réalisa que cette beauté fort élégante, avantageuse et jolie, qui manifestait tant d'impatience à ronronner dans ton lit de fortune, n'était autre qu'Yvette, sa femme! Sacré Fred!
Cela te fait rire? Vraiment? Je ne sais pas si tu devrais, car Pierre-Yves m'avoua que par pure vengeance, quelques semaines plus tard, il se jeta littéralement, comme un camé en état de manque, sur une brunette aux cheveux courts prénommée Eléonore, ingénue et ressemblant à une étudiante avec sa jupe plissée et son étui pour violon à bout de bras... Oui, tu as bien compris: il s'ébrouait avec ton Eléonore, le coquin! Ca t'en bouche un coin, pas vrai? Mais peut-être que la fin de cette histoire n'est qu'une plaisanterie revancharde de mauvais goût! Va savoir, les hommes sont si mauvais perdants, quand il s'agit de sexe...
Guillaume Apollinaire, La jolie roussse, dans: Le guetteur mélancolique, suivi de Poèmes retrouvés (coll. Poésie/Gallimard, 2007)
image 1 : roaphotography.wordpress.com
image 2: Jean-Louis Cornez /whitebalance.be/index.html
23:55 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone, Vendanges tardives - Un abécédaire 2013 | Lien permanent | Commentaires (0) | | Imprimer | Facebook |
Lire les classiques - Dante Alighieri
Dante Alighieri
J'étais parmis ceux qui sont en suspensquand une dame heureuse et belle m'appela,telle que je la priai de me commander.Ses yeux brillaient plus que l'étoile,et elle me parla, douce et calme,d'une voix d'ange, en son langage: "Ô âme courtoise de Mantoue,dont la gloire dure encore dans le monde,et durera autant que le monde,mon ami vrai, et non ami de la fortune,est empêché si fort, sur la plage déserte,que la peur le fait s'en retourner,et je crains qu'il ne soit déjà si égaréque je me sois levée trop tard à son secours,pour ce que j'entendis de lui au ciel.Va donc, et aide-le si bienpar ta parole ornée, et ce qui peut servirà son salut, que j'en sois consolée.Je suis Béatrice, qui te prie d'aller;je viens du lieu où j'ai désir de retourner;Amour m'envoie, qui me fait parler.Quand je serai auprès de mon seigneur,je lui ferai souvent ta louange." Elle se tut alors et je repris: "Ô dame de vertu, vertu qui permet seuleque l'espèce humaine excède tout ce qui estsous le ciel qui a les cercles les plus petits,ton commandement m'agrée si fortqu'y obéir, même aussitôt, me semble tard ;il ne sert plus que tu m'expliques ton désir.Mais dis-moi la raison qui t'enlève la peurde descendre ici en ce centredu vaste lieu où tu désires t'en retourner." "Puisque tu veux savoir un tel secret,je te dirai brièvement," répondit-elle,"pourquoi je n'ai pas craint de venir par ici.Il faut avoir peur seulement de ces chosesqui ont pouvoir de faire mal à autrui;des autres non, car elles ne sont pas redoutables.Je suis faite par Dieu, et par sa grâce, telleque votre misère ne peut me toucher,et que la flamme de cet incendie ne m'atteint pas.Une noble dame est au ciel qui a pitiéde la détresse où je t'envoie,si bien qu'elle brise la dure loi d'en haut.Or cette dame a appelé Lucieet lui a dit : - Ton fidèle a maintenant besoinde toi, et moi, à toi je le recommande - .Lucie, ennemie de toute cruauté,se mit en chemin, et vint là où j'étais,assise auprès de l'antique Rachel,et dit : - Béatrice, louange de Dieu vraie,pourquoi n'aides-tu pas celui qui t'aima tantque pour toi il sortit de la horde vulgaire?N'entends-tu pas la pitié de ses pleurs,ne vois-tu pas la mort qui le menacesur le grand fleuve où la mer ne vient pas? –Personne jamais ne fut plus promptà faire son bien, et à fuir son dommage,que je ne fus, à ces paroles dites,à venir ici-bas de mon siège d'élue,me confiant dans ton parler honnêtequi t'honore toi-même, et ceux qui t'entendent."
Dante Alighieri, L'enfer / extrait, dans: La Divine Comédie, volume 1, édition bilingue (coll. GF/Flammarion, 2011)
traduit de l'italien par Jacqueline Risset
image: Giovanni Battista Comolli, Dante e Beatrice / Villa Melzi, Bellagio (Italie)
08:39 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature étrangère, Littérature italienne, Morceaux choisis | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : littérature; poésie; anthologie; livres | | Imprimer | Facebook |
Claire Genoux
Claire Genoux, Ses pieds nus (Campiche, 2006)
Sept nouvelles marquées par les blessures non dites, une subtile observation du quotidien, par la difficulté de communiquer et par les sentiments non exprimés, non vécus...
Révélée par ses recueils de poèmes, Soleil ovale en 1997, Saisons du corps en 1999 et L’heure apprivoisée en 2004, Claire Genoux signe ici son second recueil de nouvelles, après Poitrine d’écorce paru en 2000. Un talent fou dans ses deux orientations littéraires, usant d’un style à la fois concret ou réaliste dans certains textes, imaginatif ou presque fantastique dans d’autres. L’imposture, nouvelle majeure de ce nouvel écrit, est à elle seul un petit chef-d’œuvre.
07:05 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone, Littérature suisse | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature: récit; livres | | Imprimer | Facebook |
17/03/2013
Vendanges tardives - De l'écrivain
Un abécédaire: E comme Ecrivain
Là, Fred, tu as mis dans le mille en glissant dans ma besace le bouquin de Jean-Pierre Rochat, L'écrivain suisse allemand. D'abord parce que le visage de l'auteur me plaît: dans son oeil l'acuité d'un aigle et la tendresse silencieuse d'un amoureux des espaces entre plaine et montagne. Ensuite, il est écrivain et paysan, habite à la Bergerie de Vauffelin, dans le canton de Berne. De quoi me sentir d'emblée proche de son univers, moi qui pendant une cinquantaine d'années, n'ai connu et loué que les bonheurs de la ville avant de me retirer à la campagne, progressivement, loin du tumulte assourdissant des architectes du temps présent et comme soudé au fil des ans aux amis connus et inconnus de mes origines, épris de la terre, de valeurs simples, intemporelles, dont une qualité de regard et d'écoute suffit à débroussailler en moi tant de mots inutiles, d'air rarefié, d'ancrage souvent artificiel dans un réel qui me dépasse.
Roman court - le neuvième ouvrage de cet auteur - L'écrivain suisse allemand vient bouculer l'appréhension du monde et des autres chez un paysan de montagne devenu son ami, prétexte à nous parler de sa terre ingrate, familière et indomptable à la fois. Tiens, par exemple: C'était un jour chaud et lourd avec un effet loupe sur le panorama, à portée de main semblait-il. C'est à crever de beauté, on a beau s'empiffrer, il reste des morceaux de partout. Nous sommes nous-mêmes de petits dieux à vivre ici en haut. C'est grandiose, ça ne marche pas chaque fois, par temps couvert c'est renvoyé, ou d'autres fois on est pas sensibles, on s'en fout, le panorama n'a plus de relief. On pense à autre chose pendant qu'on s'élève. On cherchait l'eau du glacier. Il ajoute, un peu plus loin: Ma liberté, c'est ma foi en la montagne.
Histoire d'une amitié, L'écrivain suisse allemand parle bien sûr aussi de lecture et d'écriture: Le goût des livres, je disais, je les ai tous lus la nuit, des fois même à la bougie. Fatigué j'ai toujours été, mais je prenais un peu de fatigue, mélangée à l'histoire, elle réveille l'imaginaire, enfin des livres, des pages, des gros doigts de paysan. Ami de l'esprit, j'étais en phase de rémission de lecture quand l'écrivain suisse allemand est arrivé pour organiser ma rechute, l'institutrice m'envoyait plus de livres depuis sa maison de retraite, elle n'était pas ma seule source, mais les autres aussi tarissaient, mangées par l'agriculture, par le travail, par la marche infinie en montagne. L'écrivain m'avait dit: quoi, tu lis plus? Comme si j'étais son vieux copain, et il m'a refilé des vieux bouquins en français qu'il avait ramenés dans une caisse et qui était la base de l'édifice. De grands classiques écrits en petits caractères qui s'illuminent quand on persévère. J'aurais pu être un illettré et revendiquer mon illettrisme comme on est tenté de le faire en passant à côté d'un truc, l'écrivain est arrivé à point pour réveiller une passion moribonde, une double vie, une maîtresse en cavale.
Tout dans ce livre respire l'odeur du bon vieux bois de pin, des fromages de l'Alpe et des femmes: celles du paysan et de l'écrivain, la biographe, le souvenir truculent de la femme du boucher! Mais tu as raison, ce roman n'est pas une carte postale pour touriste amateur de fondues et de parcours flechés. Pas le moins du monde. Plutôt une magie qui fait que tu entres dans le tableau que brosse Jean-Pierre Rochat; tu apprends à respirer à son rythme, à partager sa cigarette à l'aube ou son mulet qui s'arrête à la montée.
Drôle, poétique, tendre et sensuel, ce petit bouquin qui tient dans la poche intérieure de ma veste, est ma joie de ce jour...
Jean-Pierre Rochat, L'écrivain suisse allemand (D'Autre Part, 2012)
11:38 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone, Littérature suisse, Vendanges tardives - Un abécédaire 2013 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; roman; livres | | Imprimer | Facebook |
16/03/2013
Morceaux choisis - Gustave Roud
Gustave Roud
Je pose un pas toujours plus lent dans le sentier des signes qu'un seul froissement de feuilles effarouche. J'apprivoise les plus furtives présences. Je ne parle plus, je n'interroge plus, j'écoute. Qui connaît sa vraie voix? Si pure jaillisse-t-elle, un arrière-écho de sang sourdement la charge de menace. C'est l'homme de silence que les bêtes séparent seul de la peur. Hier une douce biche blessée a pris refuge tout près de moi, si calme que les chiens des bourreaux hurlaient en vain loin de ses traces perdues. Les oiseaux du matin tissent et trouent à coups de bec une mince toile de musique. Un roitelet me suit de branche en branche à hauteur d'épaule. J'avance dans la paix.
Qu'importe si la prison du temps sur moi s'est refermée? Je sais que tu ne m'appelleras plus. Mais tu as choisi tes messagers. L'oiseau perdu, la plus tremblante étoile, le papillon des âmes, neige et nuit, qui essaime aux vieux saules, tout m'est présence, appel; tout signifie. Ces heures qui se fanent une à une derrière moi comme les bouquets jetés par les enfants dans la poussière, je sais qu'elles fleurissent ensemble au jardin sans limites où tu te penches pour toujours. La houle des saisons confondues y verse à tes pieds comme une vague le froment, la rose, la neige pure. Un Jour fait de mille jours se colore et chatoie au seul battement de ta mémoire. Tu sais enfin.
L'ineffable. Et pourtant, l'âme sans défense ouverte au plus faible cri, j'attends encore.
Gustave Roud, Requiem / extrait, dans: Ecrits, 3 volumes (Bibliothèque des Arts, 1978)
image: Blonay / Vaud, Suisse (2013)
22:35 Écrit par Claude Amstutz dans Gustave Roud, Littérature francophone, Littérature suisse, Morceaux choisis | Lien permanent | Commentaires (0) | | Imprimer | Facebook |