22/05/2013
Le poème de la semaine
Stéphane Mallarmé
merci à Michael L
Fée, au parfum subtil de foinCoupé, dans la verte prairie,Avec sa baguette fleurieElle surgit, charmant témoin. Ce n'est pas quand on se marieSeulement, qu'aux pays du loin,Avec sa baguette fleurieElle surgit, charmant témoin. Attentive à porter le soinJusqu'au cher cadeau qui varieToujours selon la rêverieDe l'enfant muette en son coin,Elle surgit, charmant témoin. Prenez dans chaque main de l'hommeTourmenté par un soin arduDe savoir ce qu'il vous faut, duBouton de rose ou de la pomme. Pour chasser le malentendu,En lui disant que c'est tout commePrenez dans chaque main de l'hommeTourmenté par un soin ardu. Si, damoisel ou majordome,Il a, près de vous, confonduLa fleur qu'on respire éperduEt le fruit qui ne se consomme,Prenez dans chaque main de l'homme.
07:23 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone, Quelques traces de craie dans le ciel - Anth | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; poésie | | Imprimer | Facebook |
21/05/2013
La citation du jour
François Mauriac
Ce n'est pas la ville de pierres que je chéris, ni les conférences, ni les musées, c'est la forêt vivante qui s'y agite, et que creusent des passions plus forcenées qu'aucune tempête.
François Mauriac, Thérèse Desqueyroux, dans: Oeuvres romanesques (La Pochothèque/LGF, 1992)
image: Georges Franju, Thérèse Desqueyroux, avec Emanuelle Riva, Philippe Noiret, Sami Frey, Hélène Dieudonné, Edith Scob, Jacques Monod et Lucien Nat (1962)
07:28 Écrit par Claude Amstutz dans François Mauriac, La citation du jour, Littérature francophone | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : citation; livres | | Imprimer | Facebook |
20/05/2013
Morceaux choisis - Albert Camus
Albert Camus
merci à Christiane H
J’ai grandi dans la mer et la pauvreté m’a été fastueuse, puis j’ai perdu la mer, tous les luxes alors m’ont paru gris, la misère intolérable. Depuis, j’attends. J’attends les navires du retour, la maison des eaux, le jour limpide. Je patiente, je suis poli de toutes mes forces. On me voit passer dans de belles rues savantes, j’admire les paysages, j’applaudis comme tout le monde, je donne la main, ce n’est pas moi qui parle. On me loue, je rêve un peu, on m’offense, je m’étonne à peine. Puis j’oublie et souris à qui m’outrage, ou je salue trop courtoisement celui que j’aime. Que faire si je n’ai de mémoire que pour une seule image? On me somme enfin de dire qui je suis: Rien encore, rien encore...
C’est aux enterrements que je me surpasse. J’excelle vraiment. Je marche d’un pas lent dans des banlieues fleuries de ferrailles, j’emprunte de larges allées, plantées d’arbres de ciment, et qui conduisent à des trous de terre froide. Là, sous le pansement à peine rougi du ciel, je regarde de hardis compagnons inhumer mes amis par trois mètres de fond. La fleur qu’une main glaiseuse me tend alors, si je la jette, elle ne manque jamais la fosse. J’ai la piété précise, l’émotion exacte, la nuque convenablement inclinée. On admire que mes paroles soient justes. Mais je n’ai pas de mérite: j’attends.
J’attends longtemps. Parfois, je trébuche, je perds la main, la réussite me fuit. Qu’importe, je suis seul alors. Je me réveille ainsi, dans la nuit, et, à demi endormi, je crois entendre un bruit de vagues, la respiration des eaux. Réveillé tout à fait, je reconnais le vent dans les feuillages et la rumeur malheureuse de la ville déserte. Ensuite, je n’ai pas trop de tout mon art pour cacher ma détresse ou l’habiller à la mode.
D’autres fois, au contraire, je suis aidé. À New York, certains jours, perdu au fond de ces puits de pierre et d’acier où errent des millions d’hommes, je courais de l’un à l’autre, sans en voir la fin, épuisé, jusqu’à ce que je ne fusse plus soutenu que par la masse humaine qui cherchait son issue. J’étouffais alors, ma panique allait crier. Mais, chaque fois, un appel lointain de remorqueur venait me rappeler que cette ville, citerne sèche, était une île, et qu’à la pointe de la Battery l’eau de mon baptême m’attendait, noire et pourrie, couverte de lièges creux.
Ainsi, moi qui ne possède rien, qui ai donné ma fortune, qui campe auprès de toutes mes maisons, je suis pourtant comblé quand je le veux, j’appareille à toute heure, le désespoir m’ignore. Point de patrie pour le désespéré et moi, je sais que la mer me précède et me suit, j’ai une folie toute prête. Ceux qui s’aiment et qui sont séparés peuvent vivre dans la douleur, mais ce n’est pas le désespoir: ils savent que l’amour existe. Voilà pourquoi je souffre, les yeux secs, de l’exil. J’attends encore. Un jour vient, enfin...
Albert Camus, L'été, précédé de: Noces (coll. Folio Essais/Gallimard, 2007)
image: Alger (www.voyagesphotosmanu.com)
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18/05/2013
Paula Jacques
Paula Jacques, Rachel-Rose et l'officier arabe (Mercure de France, 2006)
A l'instant où la guerre de Suez avait pris fin, ce ne fut plus la guerre mais la paix qui devint terrible. Tout de suite après l'expulsion des ressortissants français et anglais, les juifs se virent, à leur tour, suspectés d'impérialisme, de sionisme, de communisme, ou des trois à la fois. Avec pour résultat, et dans tous les cas de figure. l'arrestation, la prison, la spoliation des biens et, en dernier ressort, le bannissement. Pour sa part, Salomon Cohen caressait encore l'espoir d'en réchapper. Il possédait la nationalité égyptienne. Il n'avait jamais adhéré à une quelconque idéologie politique, cette bonne blague! Il considérait même comme un péché de croire qu'un pouvoir terrestre était capable de contrarier les desseins de la divine Providence. Ainsi, Salomon, bourgeois prospère, refuse de se rendre à une convocation des Moukhabarat, les services de renseignements égyptiens. Une nuit, un officier de police se présente chez les Cohen avec un mandat d'amener ; en réalité, il a un compte personnel à régler avec cette famille où, naguère, sa mère servit de domestique. Rachel-Rose, la fille aînée, lui ouvre la porte. Elle est en nuisette, comme nue sous les regards de l'officier arabe. Conscient du trouble qu'il a semé chez la jeune fille, l'officier Fouad Barkouk va jouer de son ardente naïveté pour punir les anciens patrons de sa mère. En séduisant l'adolescente, en la faisant tomber sous sa dépendance sexuelle et affective, Fouad croit assouvir sa vengeance... Avec cette histoire d'un premier amour dans les bras de l'ennemi - une métaphore de l'éternelle guerre de possession - Paula Jacques nous cueille là où on l'attendait le moins: c'est un vrai thriller psychologique qu'elle nous offre, avec en toile de fond l'Egypte des années cosmopolites, cette terre originelle qui marque toute son œuvre.
La vie au Caire, en 1957, avec en filigrane les aléas de la famille Cohen et de leur fille Rachel-Rose, passionnément éprise d’un officier arabe, nous dévoile la violence des sentiments, lesdésirs de vengeance sur fond d'exil, le tout raconté avec chaleur et originalité, fans un style rythmé par les caprices du destin.
Egalement disponible en coll. Folio (Gallimard, 2007)
03:51 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature: roman; livres | | Imprimer | Facebook |
17/05/2013
Lire les classiques - Mikhaïl Lermontov
Mikhaïl Lermontov
Lorsque j'entends ta voixsonore et caressante,comme un oiseau captifmon coeur tressaille et chante. Lorsque je vois tes yeux,tes yeux d'azur profond, mon âme au-devant d'euxveut s'élancer d'un bond. Et je veux rire et veuxsangloter tour à tour:mes bras àton cou blancfont un collier d'amour * Quand je te vois sourire,mon coeur s'épanouit,et je voudrais te dire,ce que mon coeur me dit! Alors toute ma vieà mes yeux apparaît:je maudis, et je prie,et je pleure en secret. Car sans toi, mon seul guidesans ton regard de feumon passé paraît vide,comme le ciel sans Dieu.
Mikhaïl Lermontov, Le destin du poète, dans: Oeuvres poétiques (L'Age d'Homme, 1985)
traduit du russe par Hemri Grégoire
image: Tatiana Nikolaïevna (http://fr.wikipedia.org)
07:22 Écrit par Claude Amstutz dans Lire les classiques, Littérature étrangère | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; poésie; anthologie; livres | | Imprimer | Facebook |
16/05/2013
Musica présente - 65 Maria Tipo
Maria Tipo
pianiste italienne, née en 1931
*
Jean Sébastien Bach
Chaconne in D minor, BWV 1004
Toccata and Fugue in D minor, BWV 565
Toccata, Adagio and Fugue in C major, BWV 564
Prelude and Fugue in D major, BWV 532
Prelude and Fugue in E-flat major, BWV 552
pour Christiane H
07:08 Écrit par Claude Amstutz dans Jean Sébastien Bach, Maria Tipo, Musica présente, Musique classique | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : musique classique; facebook | | Imprimer | Facebook |
15/05/2013
Le poème de la semaine
Robert Desnos
Une voix, une voix qui vient de si loinQu’elle ne fait plus tinter les oreilles,Une voix, comme un tambour, voiléeParvient pourtant, distinctement, jusqu’à nous.Bien qu’elle semble sortir d’un tombeauElle ne parle que d’été et de printemps,Elle emplit le corps de joie,Elle allume aux lèvres le sourire. Je l’écoute. Ce n’est qu’une voix humaineQui traverse les fracas de la vie et des batailles,L’écroulement du tonnerre et le murmure des bavardages. Et vous? Ne l’entendez-vous pas?Elle dit « La peine sera de courte durée »Elle dit « La belle saison est proche ». Ne l’entendez-vous pas? Quelques traces de craie dans le ciel,Anthologie poétique francophone du XXe siècle
07:24 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone, Quelques traces de craie dans le ciel - Anth | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : littérature; poésie | | Imprimer | Facebook |
14/05/2013
Lire les classiques - Léon Tolstoï
Léon Tolstoï
Quand nous restions seuls, ce qui d'ailleurs ne nous arrivait pas souvent, je n'éprouvais auprès de lui ni joie, ni agitation, ni d'embarras, tout comme si je m'étais trouvée seule avec moi-même. Je savais très bien que celui qui était là n'était pas le premier venu, quelqu'un d'inconnu, mais bien au contraire un très excellent homme, enfin mon mari, que je connaissais aussi bien que moi-même. J'étais persuadée de savoir à l'avance tout ce qu'il ferait, ce qu'il dirait, toute sa manière de voir, et quand il faisait ou pensait autrement que je m'y fusse attendue, je trouvais tout simplement qu'il s'était trompé; aussi n'attendais-je précisément rien de sa part. En un mot, c'était mon mari, et rien de plus. Il me semblait que les choses étaient telles et devaient être telles, qu'il ne pouvait exister et que même il n'avait jamais existé d'autres rapports entre nous. Quand il s'absentait, surtout dans les premiers temps, j'éprouvais pourtant un terrible isolement, et c'était loin de lui que je ressentais encore avec force toute la valeur de son appui; et de même, quand il revenait, je me jetais avec joie à son cou; mais deux heures s'étaient à peine écoulées que j'avais oublié cette joie et que je ne trouvais plus rien à lui dire.
Dans ces courts instants où une tendresse paisible et tempérée venait à renaître entre nous, il me semblait seulement que ce n'était plus cela, que ce n'était plus ce qui avait si puissamment rempli mon coeur, et il me semblait lire dans ses yeux la même impression. Je sentais qu'il y avait en cette tendresse une limite, qu'il ne voulait pas et que je ne voulais pas non plus franchir. Quelquefois cela me causait du chagrin, mais je n'avais plus le temps de penser sérieusement à quoi que ce fût, et je m'efforçais d'oublier ce chagrin par une variété de distractions dont je ne me rendais même pas clairement compte, mais qui s'offraient perpétuellement à moi. La vie du monde, qui, au commencement, m'avait étourdie par son éclat et la satisfaction qu'elle apportait à mon amour-propre, avait bientôt entièrement dominé tous mes penchants, était devenue pour moi une habitude tout en m'asservissant, et avait occupé dans mon âme toute cette place qui y avait été destinée à abriter le sentiment.
Aussi évitais-je souvent de rester seule avec moi-même dans la crainte d'approfondir ma situation. Tout mon temps, depuis l'heure la plus matinale jusqu'aux heures les plus avancées de la nuit, était pris et ne m'appartenait plus, même si je devais ne pas sortir. Je n'y trouvais ni plaisir, ni ennui, et il me semblait qu'il en avait dû toujours être ainsi.
Léon Tolstoï, Katia (Nouvelle Bibliothèque Neuchâtel, 1954)
traduit du russe par M. le Comte d'Hauterive
image: Jean-Jacques Henner, Head of a Girl / Brooklyn Museum, USA (commons.wikimedia.org)
07:07 Écrit par Claude Amstutz dans Lire les classiques, Littérature étrangère | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : littérature; roman; morceaux choisis; livres | | Imprimer | Facebook |
La citation du jour
Xavier Grall
Ne me parlez pas de moi. Sur ma tête, mettez une pierre d'argile blanche et parlez-moi de la terre.
Xavier Grall, Oeuvre poétique (Rougerie, 2011)
00:10 Écrit par Claude Amstutz dans La citation du jour, Littérature francophone | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : citation; livres | | Imprimer | Facebook |
13/05/2013
Yves Navarre
Yves Navarre, Le coeur qui cogne (Flammarion, 1974 et LGF, 1980 - épuisés)
La famille Dauzan se réunit le temps d'un week-end au Rivier, douze ans après la mort du fils aîné. Autrefois lieu des réunions familiales épanouies, qu'en reste-t-il, sinon un théâtre d'ombres où la maladresse des uns et des autres fait mal. Une peinture acide de la bourgeoisie et des apparences trompeuses qui n'est pas sans rappeler l'univers de François Mauriac.
Disponible en version intégrale sur www.yves-navarre.ch au format PDF
07:30 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone, Yves Navarre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; roman; livres | | Imprimer | Facebook |