25/01/2013
Rabindranath Tagore
Rabindranath Tagore, Chârulatâ (Zulma, 2009)
Avec La maison et le monde, voici sans doute le plus beau roman de ce Prix Nobel de Littérature. Un superbe portrait de femme, à la fin du XIXe siècle, oscillant entre le conservatisme lié à son appartenance sociale et la modernité par son ouverture à la culture et l’expression littéraire. Outre une histoire d’amour délicate entre l’épouse Chârulatâ, le mari Bhupati et le frère de ce dernier, Amal, la critique sociale est omniprésente dans ce texte précurseur. Magnifiquement adapté au cinéma en 1964 par Satyajit Ray.
07:16 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature étrangère | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : littérature; roman; livres | | Imprimer | Facebook |
24/01/2013
José Saramago
José Saramago, Les intermittences de la mort (Coll. Points/Seuil, 2008)
Dans un pays sans nom, un événement extraordinaire plonge la population dans l'euphorie: plus personne ne meurt. Mais le temps, lui, poursuit son oeuvre, et l'immortalité, ce rêve de l'homme depuis que le monde est monde, se révèle n'être qu'une éternelle et douloureuse vieillesse. L'allégresse cède la place au désespoir et au chaos : les hôpitaux regorgent de malades en phase terminale, les familles ne peuvent plus faire face à l'agonie sans fin de leurs aînés, les entreprises de pompes funèbres ferment, les compagnies d'assurance sont ruinées, l'Etat est menacé de faillite et l'Eglise de disparition, car sans mort il n'y a pas de résurrection et sans résurrection il n'y a pas d'Eglise. Chacun cherche alors la meilleure façon, ou la pire, de mettre fin à ce cauchemar insensé.
Et vous - tout à fait entre nous - qui lisez ces quelques lignes, n’avez-vous jamais secrètement rêvé de ne pas mourir? Vous l'avouez? Soit, alors vous voilà pris dans un piège délicieux en apparence, car tel est le sujet de ce roman exceptionnel: La Mort semble ne plus se manifester, éclipsée par la vie éternelle, sur terre! De quoi se réjouir, me direz-vous, mais attention, car passées les premières insouciances, la mariée n’est peut-être pas aussi belle que prévu. Une fable politique, religieuse et sociale qui vous fera espérer, peut-être, que la Mort reprenne du service…
06:58 Écrit par Claude Amstutz dans Contes, Littérature étrangère | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; contes; livres | | Imprimer | Facebook |
15/01/2013
Morceaux choisis - Guido Ceronetti
Guido Ceronetti
Deux fois par jour, vers six heures du matin et cinq heures de l’après-midi, une tasse de thé répétée de Thé vert de Chine arrive, avec son infaillible vertu unitive, qui conforte, ressuscite, pour me remettre à flot et me préserver de toute espèce d’inertie, d’hébétude, d’abattement.
Messages clandestins, enveloppés de papier de riz, qui trouvent une oreille, de la Lumière.
Je ne suis pas un Oriental. Mes gestes rituels ne viennent pas des Maîtres; ils ressemblent plutôt à une habitude carcérale continuée au cours des années. Debout, toujours, près d’une fenêtre au rideau écarté… Mais de l’Orient orientant il me reste la confiance qu’à sortir de soi-même dans une juste mesure, et de façon coutumière, il n’y a rien de dangereux, et que voir, entendre et rencontrer des esprits n’est pas inquiétant.
Aussitôt descendu, l’Esprit du Thé commence à opérer. Légères pressions internes, acupunctures invisibles, déclics opportuns des organes sensoriels, sampans de petites lumières, silences soudainement colorés, une succession ponctuelle d’excitations qui vont de l’œil intérieur (qui est peut-être une oreille ou une main) le long des vertèbres déraidies au coccyx resurrecturus. Alors, dans l’obscurité, de nombreuses petites fenêtres redeviennent vivantes, et les mots ont moins de peine à retrouver leur origine dans les espaces éloignés. Paix du massage, racine du son, bonté du frottement secret. Regarder d’une pause d’union intime ce qui est désuni et déchiré est un moment dont la mort est absente. Faire reculer, fût-ce de très peu, la marge du fini qui éclaire pour bien des heures.
Dans la lutte pour s’opposer mentalement à ce qui est, dans le temps vérifiable comme une agression des ténèbres à laquelle rien ne s’oppose matériellement, sur des tablettes libératrices que le Thé aide à retrouver et à déchiffrer, j’apprends à ne pas abhorrer avec excès les ténèbres afin de ne pas détruire les quelques possibilités de pénétrer leur secret.
Sans des curiosités désespérées en mouvement continuel, le désespoir n’aurait pas de limites.
Le souffle du Thé s’insinue dans les angles morts, interroger des statues salies de boue ne l’épouvante pas. Dans les crevasses de l’aride il introduit quelques-unes de ses gouttes, il redonne figure à ce qui a perdu ses couleurs. En grattant les cachettes abandonnées, il en fait sortir quelques notes d’un ribab enchanté. Les pensées qui ne sont pas de moi deviennent les miennes avec beaucoup de facilité; les miennes, quiconque, s’il veut, peut les faire siennes, quel que soit son excitant, sans besoin d’un nom: la pensée ne prononce ni Tien ni Mien.
L’homme boit le Thé parce qu’il a peur de l’homme.
Le Thé boit l’homme, l’herbe la plus amère.
Guido Ceronetti, Préface à: Ce n’est pas l’homme qui boit le thé mais le thé qui boit l’homme (Albin Michel, 1991)
traduit de l’italien par André Maugé
image: c.fee.mains.over-blog.com
17:34 Écrit par Claude Amstutz dans Guido Ceronetti, Littérature étrangère, Littérature italienne, Morceaux choisis | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; essai; morceaux choisis; livres | | Imprimer | Facebook |
14/01/2013
Lire les classiques - Marc-Aurèle
Marc-Aurèle
Il ne tient qu'à toi de te retirer à toute heure au-dedans de toi-même. Nulle part l'homme ne saurait trouver une retraite plus douce et plus tranquille que dans l'intimité de son âme, surtout s'il possède au-dedans de lui ces biens précieux que l'on ne peut considérer sans goûter aussitôt un calme parfait et, par ce calme, j'entends la tranquillité d'une âme où tout est en ordre et à sa place. Jouis donc sans cesse de ta solitude et reprends-y de nouvelles forces.
Marc-Aurèle, Pensées pour moi-même, dans: Daniel-Ange, Les feux du désert vol. 1 / Solitudes (Rémy Magermans, 1973)
image: Buste de Marc-Aurèle (fr.wikipedia.org)
06:36 Écrit par Claude Amstutz dans Le monde comme il va, Lire les classiques, Littérature étrangère | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : littérature; spiritualité; anthologie; livres | | Imprimer | Facebook |
Colum McCann
Colum McCann, Et que le vaste monde poursuive sa course folle (Belfond, 2009)
Dans le New York des années 1970, un roman polyphonique aux subtiles résonances contemporaines, une oeuvre vertigineuse. 7 août 1974. Sur un câble tendu entre les Twin Towers s'élance un funambule. Un événement extraordinaire dans la vie de personnes ordinaires. Corrigan, un prêtre irlandais, cherche Dieu au milieu des prostituées, des vieux, des miséreux du Bronx ; dans un luxueux appartement de Park Avenue, des mères de soldats disparus au Vietnam se réunissent pour partager leur douleur et découvrent qu'il y a entre elles des barrières que la mort même ne peut surmonter ; dans une prison new-yorkaise, Tillie, une prostituée épuisée, crie son désespoir de n'avoir su protéger sa fille et ses petits-enfants...
En conteur magique et amoureux de la vie, Colum Mc Cann saisit le prétexte d’une journée particulière pour nous plonger dans le New York des années 70. Vous y croiserez les destins de personnages qui tentent de résister aux fracas du monde et dont vous vous sentirez proches tant leur évocation est ardente, gracieuse, impétueuse. Un roman aux résonances multiples – avec ses constats implacables et ses questions jamais posées - dont on voudrait qu’il ne finisse jamais.
Egalement disponible en coll. de poche (Pocket, 2010)
06:11 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature étrangère | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature: roman; livres | | Imprimer | Facebook |
11/01/2013
Morceaux choisis - Umberto Saba
Umberto Saba
Mots,Où le cœur de l’homme se reflétaitNu et surpris – aux origines;Je cherche au monde un coin perdu,L’oasis propice à vous laver par mes pleursDu mensonge qui vous aveugle.Alors fondrait aussi la masse des souvenirs effrayants,comme neige au soleil.
Umberto Saba, Mots, dans: Anthologie bilingue de la poésie italienne (Bibliothèque de la Pléiade/Gallimard, 1994)
traduit de l'italien par Philippe Renard
10:02 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature étrangère, Littérature italienne, Morceaux choisis | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; poésie; anthologie; livres | | Imprimer | Facebook |
10/01/2013
André Brink
André Brink, L'amour et l'oubli (Actes Sud, 2006)
Chris, un écrivain sud-africain, aborde l'hiver de sa vie. Avant de perdre la mémoire, de ne plus percevoir l'importance des choses ou leur légèreté, il revisite les belles années de sa vie qui ont accompagné sa vie d'écriture et de combats politiques - une vie de Sud-Africain blanc, enseignant, écrivain et militant, souvent en danger, emprisonné parfois, et toujours témoin révolté de son temps. L'amour et l'oubli est une autobiographie fictive, par le biais de laquelle André Brink rend hommage avec une évidente honnêteté au désir et à l'amour qui ont construit, nourri et régénéré l'homme - plus encore que l'écrivain - dans un pays brûlant de violences et d'engagements, de trahisons, de passions, d'exils et d'utopies.
Livre magistral d’un des plus grands écrivains de la littérature contemporaine, qui à l’heure de la mort de sa dernière compagne, explore les ombres de la mémoire et du temps afin de se laisser aller à revivre les moments de bonheur de son existence. En filigrane, un hommage à toutes les femmes qui lui ont insufflé tant la force nécessaire pour combattre l’exclusion et les inégalités, que le désir simple et plus intime du plaisir partagé.
Egalement disponible en coll. Babel (Actes Sud, 2009)
12:49 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature étrangère | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; récit; livres | | Imprimer | Facebook |
07/01/2013
Les pièces de Shakespeare 8b
Roméo et Juliette
17:05 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature étrangère, Théâtre, William Shakespeare | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; théâtre; livres | | Imprimer | Facebook |
Les pièces de Shakespeare 8a
Roméo et Juliette
Dans l'oeuvre de William Shakespeare, la pièce de théâtre Roméo et Juliette - écrite au début de sa carrière - demeure certainement la plus populaire entre toutes.
L'action se passe à Vérone et met en scène deux grandes familles ennemies, les Montagu et les Capulet. A un bal masqué donné par les Capulet, Roméo - un Montagu - tombe follement amoureux de Juliette, une Capulet promise en mariage au comte Paris, un jeune noble. Il la retrouve à la nuit tombée, sous son balcon, pour lui déclarer son amour. Eperdument amoureux, ils demandent le lendemain au frère Laurent de les marier. Mais leur bonheur sera bref. Tybalt, cousin de Juliette, provoque Roméo en duel, qui refuse. Mercutio, le confident et ami de Roméo, courageux, intelligent, et doué pour la poésie, accepte de le remplacer. Il se bat donc contre Tybalt et meurt. Roméo veut venger la mort de son ami. Il provoque à son tour Tybalt en duel et le tue. Roméo est alors banni de la ville. Le père de Juliette oblige sa fille à épouser le comte Paris. Le mariage doit avoir lieu le lendemain. Juliette s'y refuse et court chez le frère Laurent qui lui remet une potion pouvant lui donner l'apparence de la mort pendant quarante heures. Le frère promet d'avertir Roméo de l'astuce. Mais Roméo ne reçoit pas le message à temps et, croyant Juliette morte, décide d'aller la rejoindre pour l'éternité. Il se rend sur la tombe de Juliette et y rencontre Paris. Un duel a lieu entre les deux jeunes hommes et Paris, mourant, demande à Roméo de l'amener près de Juliette. Celui-ci accepte. Roméo embrasse Juliette avant de boire du poison et de mourir à son tour. À son réveil, Juliette découvre Roméo mort près d'elle. Ne pouvant imaginer la vie sans lui, elle se poignarde et meurt à ses côtés.
Pourquoi ce drame de la passion connaît-il aujourd'hui encore un si vif succès? Aimons-nous tout particulièrement, dans nos humeurs mélancoliques, les histoires d'amour qui finissent mal? Oubien derrière cette querelle de familles rivales entre Capulet et Montagu, y lisons-nous les conséquences inévitables du pouvoir aveugle, exercé sans mesure, et qui en d'autres temps, dans un autre contexte, aurait emprunté les masques obscurs de la religion ou de la politique avec autant de véracité pour fracasser ce qu'il se peut trouver de noble et de précieux sur terre?
Sans doute un peu de tout cela mais, une fois n'est pas coutume, Shakespeare n'a semble-t-il pas cherché autre chose que de projeter sur la scène l'image d'un amour pur, sincère et absolu, qui n'est pas le fruit d'intrigues de cour et qui, jusqu'à sa fin tragique, ne se laisse ni corrompre, ni décourager:
Beauté trop précieuse pour la possession,trop exquise pour la terre!Telle la colombe de neige dans une troupe de corneilles,telle apparaît cette jeune dame au milieu de ses compagnes.Cette danse finie, j'épierai la place où elle se tient,et je donnerai à ma main grossière le bonheur de toucher la sienne.Mon coeur a-t-il aimé jusqu'ici?Non ; jurez-le, mes yeux!Car jusqu'à ce soir, je n'avais pas vu la vraie beauté.Même la mort n'altère la beauté de leurs sentiments. Ce n'est pas du coeur - propre aux malentendus, aux enchantements imaginaires ou à l'ignorance - que naît le drame de Roméo et Juliette, mais de la seule malveillance - voire la haine - des hommes: un thème cher à son auteur et qu'on retrouve par la suite dans nombreuses de ses pièces, avec davantage d'ironie, de noirceur ou d'amertume.
Si Roméo et Juliette a inspiré maints écrivains, on peut être surpris d'apprendre que la musique n'en est pas le parent pauvre. Ainsi, Charles Gounod et Vincenzo Bellini pour l'opéra; Hector Berlioz, Piotr Ilitch Tchaïkovski et Serge Prokofiev dans leurs oeuvres orchestrales; sans oublier, plus récemment, Leonard Bernstein et son célèbre West Side Story...
traduit par Olivier Py (coll. Papiers/Actes Sud, 2011)
16:54 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature étrangère, Théâtre, William Shakespeare | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; théâtre; livres | | Imprimer | Facebook |
06/01/2013
Renata Vigano
Renata Vigano, Agnès va mourir (Phébus, 2009)
Roman néoréaliste, Agnès va mourir frappe par sa puissance et son réalisme. Inspiré de l'expérience de résistante de son auteur, il suscita dans l'Italie de 1949 de vives polémiques à l'instar de nombreux récits publiés si tôt après la guerre. Il fait aujourd'hui figure de classique. Il est habité par le personnage d'Agnès, une femme simple, une femme forte que le combat va révéler. Cette lavandière mène une vie sans histoire jusqu'au jour où son mari communiste est déporté par les Allemands. Elle rejoint alors les partisans, pour lesquels elle se dévoue tout entière et devient une véritable mère...
Roman d’inspiration autobiographique publié en 1949, Agnès va mourir respire l’authenticité et dépasse largement le contexte de l’engagement communiste. Contre les nazis et les fascistes, dans un décor en proie à la guerre civile, son héroïne qui pousse l’abnégation jusqu’au sacrifice, symbolise à elle seule l’Italie de la résistance. Avec des mots de tous les jours au service d‘une écriture sobre – à l’inverse des idéaux qui habitent ce récit – elle restitue admirablement le climat de cette époque en proie à la barbarie, où le silence est force d’opposition et le bruit, assimilé à la terreur ou au désordre. A ranger dans une bibliothèque aux côtés d’autres chefs d’œuvres sur la même thématique, tels La peau de Curzio Malaparte, Fontamara de Ignacio Silone, La storia d'Elsa Morante, ou Le sentier des nids d’araignée d’Italo Calvino.
11:25 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature étrangère, Littérature italienne | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature: roman; livres | | Imprimer | Facebook |