06/07/2012
Mary Wesley
Mary Wesley, Les raisons du coeur (Héloïse d'Ormesson, 2010)
Flora, dix ans à peine, croit rencontrer le grand amour en la personne de Félix, mais aussi de Hubert... et de Cosmo! Chacun de ces trois jeunes hommes incarne pour elle un idéal secret qu'elle refuse de départager. Bien des années plus tard, en pleine seconde guerre mondiale, ils surgiront à nouveau dans sa vie. Trouvera-t-elle auprès d'eux le bonheur, la réalisation de ses désirs, ou au contraire la rivalité, voire la déception des rêves brisés? Davantage que La pelouse de Camomille et même que Rose sainte-nitouche - tous deux publiés chez le même éditeur et en coll. J'ai Lu - ce roman ne répond pas uniquement aux critères d'une comédie sentimentale à l'anglaise. D'autres éléments plus complexes y voient le jour, avec la famille de Flora, rejetée en dépit d'un riche mariage promis par un père qui suscite l'indifférence et une mère qui ne lui inspire que mépris. La perception des comportements humains - masculins en l'occurrence - y est plus doux-amer que dans ses livres précédents, même si le sentiment amoureux, au bout du compte, aura le dernier mot et sera partagé. Impossible de ne pas penser à Jules et Jim, le roman de Henri-Pierre Roché - disponible en coll. Folio/Gallimard - rendu célèbre par l'adaptation au cinéma réalisée par François Truffaut, mais sous la plume de Mary Wesley écrit avec davantage de légèreté et d'insolence.
également disponible en format de poche (coll. J'ai Lu/Flammarion, 2012)
01:22 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature étrangère, Mary Wesley | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; roman; livres | | Imprimer | Facebook |
05/07/2012
Ann Packer
Ann Packer, Chanson sans paroles (Editions de l'Olivier, 2009)
Quelle est notre part de responsabilité, quand la foudre s’abat sur nos proches, que rien ne semble préfigurer les caprices du destin nés de fissures imperceptibles de l’existence? Et pour y remédier, sommes-nous assez forts dans notre tête et notre coeur, malgré nos propres doutes, échecs ou désillusions? Après le très attachant Un amour de jeunesse – chez le même éditeur – Ann Packer explore une fois encore la vie quotidienne, le souci de conscience et de vérité, l’évolution des rapports humains. Un ton juste et vrai pour dire la complexité des sentiments.
Egalement disponible en coll. Points (Seuil, 2010)
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04/07/2012
Morceaux choisis - Alberto Savinio
Alberto Savinio
Mais où sont les grands brouillards de Milan? Le brouillard meuble les villes, recueille les propos des hommes et les conserve; et quand vient le printemps, et que le soleil brille à nouveau dans les vitrines des magasins, et que les femmes s'élancent hors les noires entrées de leurs maisons, et comme faisanes dorées se répandent en battant des ailes dans la ville, les mots retenus des mois et des mois par le brouillard se libèrent en sonorités, et pleuvent du ciel scintillant. (...)
Le brouillard est commode. Il transforme la ville en une énorme bonbonnière, et ses habitants en autant de fruits candis. Le brouillard unit et invite à la vie domestique. L'amour aussi est favorisé par le brouillard, enclos et tendrement humain. Crois-nous-en lecteur, nous qui pour raisons de naissance et par ambitions poétiques avons soupiré après les amours parmi les myrtes, sous un ciel limpide, en face de la mer homérique: là-haut, sur cette terre sans dieux, on comprend combien les dieux, encore qu'invisibles et libres dans la lumière, sont des compagnons inutiles et des témoins fastidieux.
Dans le brouillard, passent des femmes et des jeunes filles encapuchonnées. Une légère fumée flotte autour de leurs narines et de leur bouche mi-close. Les yeux brillent sous le capuchon. Est-il revenu, le temps des nuits dansantes et des dominos? Je te connais joli masque! Suivre un de ces dominos à l'intérieur de la tiède habitation, se retrouver dans le prolongement des miroirs d'un salon, parmi les tapis moelleux et les meubles graves qui font famille, s'embrasser encore sentant bon le brouillard, tandis que le brouillard dehors se presse contre la fenêtre et, discret, silencieux, protecteur l'opacifie.
On comprend pourquoi dans le Nord la volonté de vivre est plus forte. La mort aussi est moins brutale dans les villes de brouillard, elle qui est d'une telle cruauté dans les villes de soleil. Les morts se détachent de nous mais ne nous abandonnent pas tout à fait. Ils vont habiter un peu plus loin, dans leur ville à peine plus petite, et le brouillard unit morts et vivants. Qui a l'oreille fine, entend respirer les morts tout doucement, sous l'épaisse couverture de brouillard, dans leurs confortables maisonnettes. Ne donnez pas le soleil aux morts: vous les rendriez malheureux et affamés de vie.
Alberto Savinio, Ville j'écoute ton coeur (Gallimard, 2012)
traduit de l'italien par Jean-Noël Schifano
image: Maurizio, Naviglio con nebbia / Milano 1945 (flickr.com)
02:08 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature étrangère, Littérature italienne, Morceaux choisis | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; essai; voyages; livres | | Imprimer | Facebook |
28/06/2012
Au bar à Jules - De l'indignation
Un abécédaire - I comme Indignation
Certains mots, tant galvaudés dans les conversations, le commerce ou dans les médias, semblent perdre toute signification, toute saveur, toute perspective. Un exemple parmi tant d'autre, vécu dans mon activité professionnelle, se trouve dans le terme coups de coeur - appliqué au livre, au CD ou au cinéma - devenu l'emblème des restaurateurs, des bouchers, des géants de la distribution en produits alimentaires ou activités de loisirs. Ce qui à l'origine relevait d'un lien personnel entre une personne et une autre, s'est mué en stéréotype collectif. Donc, sans intérêt désormais en ce qui concerne le terme, ce qui ne s'applique pas - bien sûr - à la démarche.
Un autre aperçu de cette banalisation recouvre le terme de l'indignation, retrouvant miraculeusement près de quatre millions d'adeptes, grâce à Stephane Hessel dont l'opuscule consacré à ce sujet, s'est vendu dans près de cent pays. L'expression d'un résistant, d'un honnête homme engagé et convaincu, un phénomène de l'édition, me direz-vous. Un mécanisme de contagion auprès du grand public? Oui, peut-être, mais sous conditions: tant que l'indignation n'est pas une leçon de morale obligée, tant qu'elle n'est pas le quotidien reflet des seules intentions, tant qu'elle ne traduit pas uniquement une pensée convenue ou le sentiment d'une bonne conscience bien vite reléguée aux oubliettes de l'histoire: celle d'un dogme monocolore valable pour tous.
Socrate pourrait nous redire à son exemple, que l'indignation, c'est déjà ne pas accepter la règle du jeu - à commencer par celle des politiques de tous bords -, de passer à l'épreuve du feu les faits davantage que les idées afin de réformer, ou mieux, stimuler nos actes, notre propre sens de la justice, nos convictions intimes à découvert.
Pour tous ceux, de plus en plus nombreux, à qui il ne reste que l'indignation - alors qu'ils ont perdu tout le reste - la révolte est parfois, trop rarement, capable d'interpeller les scandalisés du système et les lecteurs de Stéphane Hessel, de concrétiser l'inacceptable et lui donner un sens universel. Hannah Arendt nous laisse une réflexion qui devrait faire son chemin, aujourd'hui encore: Ce ne sont pas la fureur et la violence, mais leur absence évidente, qui devient le signe le plus évident de la déshumanisation.
L'indignation, n'est que le premier pas - en s'abstenant d'offenser ou de haïr comme le rappelle Epictète - contre l'hypocrisie ou pire, l'indifférence...
Stéphane Hessel, Indignez-vous! (Editions Indigène, 2010)
Hannah Arendt, Du mensonge à la violence (coll. Agora/Pocket, 2007)
image: Socrate / Académie d'Athènes (www.123rf.com)
17:32 Écrit par Claude Amstutz dans Au bar à Jules - Un abécédaire 2012, Le monde comme il va, Littérature étrangère, Littérature francophone | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; essais; livres | | Imprimer | Facebook |
25/06/2012
Le goût de la lecture
Le goût de la lecture - présenté par Michèle Gazier (Coll. Le petit Mercure / Mercure de France, 2010)
La particularité du Petit Mercure consiste à présenter dans chacun de ses ouvrages - plus petits en taille et prix qu'un livre de poche - un sujet vu par les écrivains venus de tous les horizons et de tous les temps. Une trentaine de noms par volumes vient ainsi éclairer votre perception des voyages (Lisbonne, Naples, Istanbul, Montréal ou Vienne) et autres thèmes intéressants (les chats, le désert, la danse, les parfums, le café ou le tabac) qui agrémentent cette promenade littéraire. Dans le présent titre, Le goût de la lecture, vos pas épouseront ceux de Jean-Jacques Rousseau, Marcel Proust, Valéry Larbaud, John Ruskin mais aussi, plus près de nous, Henry Miller, Alberto Manguel, Pascal Quignard, Daniel Pennac. Pour ma part, je retiens l'extrait consacré à Michel de Montaigne: Je ne cherche dans les livres que le moyen de me donner du plaisir pur une honnête distraction, ou, si j'étudie, je n'y cherche que la science qui traite de la connaissance de moi-même - et une science qui m'apprenne à bien mourir et à bien vivre: Tel est le but vers lequel mon cheval doit courir en sueur...
A vous de choisir un autre texte emblématique de cette anthologie aux multiples clartés!
07:44 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature étrangère, Littérature francophone, Marcel Proust, Pascal Quignard | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; anthologie | | Imprimer | Facebook |
21/06/2012
John Burnside
John Burnside, Les empreintes du diable (Métailié, 2008)
Hanté par un drame qui s’est déroulé au cours de son enfance, Michael n’a jamais quitté le petit village de pêcheurs de Coldhaven, dont il est raconté que le diable a laissé la trace de ses pas dans la neige, une nuit d’hiver. Un voyage intérieur sur lequel planent peurs, culpabilités et folies, avec pour toile de fond la jeune Hazel dont la présence auprès de Michael cache peut-être un secret aussi crépusculaire que la beauté terrifiante des paysages évoqués au fil de ce récit d’une vie sensible et ordinaire.
02:49 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature étrangère | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; roman; livres | | Imprimer | Facebook |
19/06/2012
Morceaux choisis - Vlada Urosevic
Vlada Urosevic
Elle se rêve au mileu d'une salle vide,Fenêtres obscurcies par des étoffes noires.Des tubes au néon s'allument tout autourLeur lumière est blanchâtre et trouble. Elle s'aperçoit qu'elle n'a pas de vêtement.Des papillons de nuit l'effleurentde leurs antennes.Soudain l'étreinte de deux mains de pierrel'emprisonne.Des doigts de marbrecommencent à la caresser. Un cri, alors, de ses lèvres jaillit.A cet instant, très loin,regard fixe, muettes, Frissonnent de passion,sans que nul ne les voie,Les statues d'hommes dans les musées obscurs.
Vlado Urosevic, dans: Les poètes de la Méditerrannée - Anthologie (coll. Poésie/Gallimard, 2010)
traduit du macédonien par jeanne Angélowski
image: Edvard Munch, Madone / fragment (1894)
19:36 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature étrangère, Morceaux choisis | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; poésie; anthologie; livres | | Imprimer | Facebook |
Morceaux choisis - Luis de Camoës
Luis de Camoës
Amour est feu qui brûle et que l'on ne voit pas,C'est blessure cuisante et que l'on ne sent pas,Ravissement qui ne sait pas ravir,Folle douleur qui ne fait pas souffrir. C'est ne plus désirer qu'un seul désir,C'est marcher solitaire dans la foule,Jamais n'avoir plaisir à un plaisir,Penser qu'on gagne alors qu'on se perd. C'est librement vouloir être captif,C'est servir sa conquête alors qu'on est vainqueur,Garder sa loyauté à qui nous tue. Mais comment ses faveurs font-elles naîtreUne amitié entre les coeurs humains,Si Amour à ce point se contrarie lui-même?
Luis de Camoës, Sonnets (Chandeigne, 2011)
traduit du portugais par Anne-Marie Quint et Maryvonne Boudoy
image: Sandro Botticelli / La naissance de Vénus
00:08 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature étrangère, Morceaux choisis | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; poésie; anthologie; livres | | Imprimer | Facebook |
15/06/2012
Paul Torday
Paul Torday, Partie de pêche au Yémen (Belfond, 2008)
Les meilleures comédies sont construites sur un fond de gravité, comme en témoigne cette heureuse surprise littéraire. Alfred Jones est chargé de concrétiser un projet de construction au Yémen afin d’y introduire la pêche au saumon. Une pure folie à ses yeux, mais celle du commanditaire, Cheik Muhammad, est contagieuse. Si l’auteur de ce premier roman éreinte les politiques, les manipulateurs de l’économie et les médias, il nous offre aussi quelques pages très poétiques sur la pêche. Son regard croise deux cultures dans lesquelles les motivations aux actes les plus invraisemblables ne reposent pas seulement sur la réussite ou l’argent, mais incluent une bonne dose de patience, d’espoir et même de passion.
Egalement disponible en coll. 10/18 (UGE, 2009)
11:16 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature étrangère | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : littérature: roman; livres | | Imprimer | Facebook |
14/06/2012
La citation du jour
Hector Bianciotti
Un livre ne s'adresse pas aux vivants, encore moins aux générations à venir; il veut consoler les morts, leur rendre justice, leur accorder une dignité, parachever leur vie - la foule des morts qui dévale de partout, nous entoure, se presse, et parfois entre en nous, nous remplissant d'un bavardage qui cherche les mots justes et une cadence pour qu'enfin l'on entende ce qu'ils avaient à nous dire. Ecrire, c'est suivre leur pas sans trace, leur donner la parole, devenir leur écrivain public. Les morts en ont besoin, qui s'égarent sans fin dans un rêve plus grand que la nuit.
Hector Bianciotti, Sans la miséricorde du Christ (Gallimard, 1983)
00:17 Écrit par Claude Amstutz dans La citation du jour, Littérature étrangère, Littérature francophone, Littérature sud-américaine | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : citations; livres | | Imprimer | Facebook |