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02/09/2010

Pascal Mercier

Bloc-Notes, 3 septembre / Les Saules

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Le dernier roman de Pascal Mercier, Léa, est l'un des points forts de cette rentrée littéraire, du côté des auteurs suisses. Paru en langue originale allemande en 2007, il nous expose l'histoire de deux hommes, Martjn van Vliet et Adrian Herzog, qui font connaissance dans un café en Provence. Découvrant qu'ils sont tous deux originaires de Berne, ils sympathisent, et lors de leur voyage de retour en Suisse, Van Vliet confie à son ami de passage l'éblouissement et le drame de sa vie: Léa, sa fille. Depuis le décès de sa mère Cécile, elle est renfermée, figée, comme retirée du monde, jusqu'au jour où, à l'âge de huit ans, en pleine gare de Berne, elle entend un violoniste des rues jouer une partita de Bach. Elle sent instantanément que son salut - ou sa libération - passe par l'exercice de cet instrument. Elle s'avère très vite exceptionnelle, enchaînant les succès. Mais est-elle guérie pour autant?

 

 


Méditation sur l'art, source d'épanouissement mais aussi d'éloignement des autres, Léa ravira sans doute tous les mélomanes. Un des aspects les plus poignants est la mélancolie de Van Vliet qui réalise, impuissant, que sa fille - de plus en plus immergée dans son monde - s'éloigne à tout jamais, à proportion des efforts qu'il opère pour se rapprocher d'elle.

Adulée par les connaisseurs et ses proches, Léa pourtant, sent que son propre destin lui échappe, réveille son agressivité, son trouble, sa peur du naufrage. Un des passages les plus poignants, dans la dernière partie du livre, dépeint admirablement cette sensibilité exacerbée, sur tous les registres: Léa jouait, comme quelque temps auparavant chez nous dans la cage d'escalier, la musique que nous avions entendue autrefois dans la gare de Berne. Elle jouait comme jamais je ne l'avais entendue: furieusement, avec des coups d'archet si violents qu'ils raclaient les cordes, les crins blancs se cassaient l'un après l'autre et ils lui fouettaient le visage, c'était un spectacle de défi, de désespoir et d'abandon, des paupières closes s'échappaient des coulées de mascara, à présent, on voyait aussi les larmes, Léa luttait contre elles, un dernier combat, c'était encore une violoniste qui se défendait, de ses doigts fermes, contre l'assaut intérieur, elle pressait ses paupières contre les prunelles de ses yeux, pressait et pressait, l'archet glissa, les sons dérapèrent, une femme à côté de moi aspira l'air, épouvantée, et alors Léa, les yeux pleins de larmes, abaissa son violon.

On peut regretter, avec un sujet aussi original ouvrant sur tant d'aspects liés à l'expression artistique, que Pascal Mercier ne se soit pas davantage concentré sur l'intériorité de Léa - ses rapports avec la musique, sa perception des autres, sa quête obsédante de perfection - plutôt qu'au seul amour inachevé entre un père et sa fille. Enfin, la construction narrative choisie, par les confidences faites plutôt que suggérées par Van Vliet, coupe court à toute progression dramatique. Le lecteur sait à chaque tournant de page, ce qu'il va advenir. Aucune surprise donc, et sur le plan romanesque c'est vraiment dommage...  

Ces réserves faites, l'auteur de Train de nuit pour Lisbonne et L'accordeur de pianos, par ses études de caractère - jusque dans les personnages secondaires de Marie ou Lévy - et un thème captivant, se laisse lire avec beaucoup de plaisir. Il lui manque peu de choses, somme toute, pour figurer parmi les meilleurs... 

Pascal Mercier, Léa (Libella/Maren Sell, 2010)


07:51 Écrit par Claude Amstutz dans Bloc-Notes, Littérature étrangère, Littérature suisse | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : littérature; romans; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

29/08/2010

Douna Loup

Bloc-Notes, 29 août 2010 / Les Saules

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La forêt est grande, profonde, vibrante, vivante et vivifiante. Elle est quelque chose comme une femme qui voudrait l'homme sans lui dire. Quelque chose qui dit oui sous la robe mais qui s'est perdu dans la bouche, qui devient tendre dans l'humus et vous jette les ronces au visage. La forêt est comme ça, ici. Le sauvage sait y faire. L'attirance qu'elle éprouve à se faire explorer, elle la garde au-dedans, de la sève en puissance qui coule sous la terre, qui monte comme une odeur et vous emballe sur-le-champ. Même le ciel, au-dessus, ne reste pas indifférent. Qu'elle soit froissée après la pluie, comme les femmes qui préfèrent se doucher avant, qu'elle soit bouillante de soleil, comme celles qui brûlent après la porte d'entrée, la forêt, ici, elle ne laisse personne sortir indemne. elle retient un peu de notre substance dans sa rivière profonde. Elle se charge d'enseigner l'ardeur. 

Ainsi commence le roman de Douna Loup, L'embrasure, qui nous raconte l'histoire d'un jeune chasseur pour lequel la forêt est son monde, à lui, à la fois inépuisable - il en découvre les odeurs, les murmures, les couleurs au gré des saisons - et rassurant - il est le chasseur, le maître du jeu et des heures - au point que, hormis auprès de quelques amis qu'il fréquente au café du village ou des femmes de passage, rien d'autre ne l'intéresse, ni personne. Seulement voilà, deux événements vont bousculer le petit monde de cet être frustre, quoique plus complexe qu'il n'y paraît au premier regard. Il découvre un mort dans sa forêt. Un étranger. Que cherchait-il? Qui est-il? Près de son cadavre - son nom est Laurent Martin - il s'empare d'un carnet qui va l'interpeller et le conduire où il n'aurait voulu aller.

Mais notre jeune homme n'est pas au bout de ses surprises, car il va rencontrer une femme peu ordinaire, Eva - Zorah, dans une autre vie qu'elle ne veut raviver - qu'il accepte d'héberger pour la nuit, mais quand il veut s'approcher d'elle, il se voit maintenu de force à l'écart par... un flingue! Pourtant, peu après ce moment de leur rencontre, il sent que la situation lui échappe: Je m'approche, je vois qu'elle a les yeux fermés, j'aimerais la toucher mais je ne peux pas, sa respiration fait comme une brise profonde sous ses omoplates. Je n'ai même plus envie de la prendre ou de la serrer, juste la regarder me met dans une paix formidable et je m'aperçois que je n'ai jamais vu quelqu'un dormir. J'ai vu des femmes abandonnées un moment après l'étreinte. J'ai vu des morts, j'ai vu des bébés dans leurs poussettes, mais je n'ai jamais vu une femme dormir.

Auprès d'Eva qui l'ouvre à une humanité insoupçonnée, tout bascule et s'il se laisse apprivoiser, à son rythme, ce n'est pas sans connaître sur ce délicat parcours les affres de l'angoisse, de la résistance et du doute. La perte de son indépendance, de son territoire, de ses habitudes? Pour Eva, je sens les larmes toutes proches, comme des bombes prêtes à éclater, peut-être parce qu'elle dégage quelque chose comme du sel qui vous fouette le visage, ou parce qu'elle fait voyager de façon inconnue dans les lieux que je connais le mieux au monde.

La lente maturation des êtres touchés par la grâce - cette attirance, cette légèreté, cette élévation impossibles à décrire - nous réserve les plus beaux passages de ce livre qui ne verse à aucun moment dans l'invraisemblable ou l'artificiel: La musique, dans le salon de thé, force le silence à se ramasser en boule dans mon cerveau. Je me réjouis de boire et manger. La nuit passée est comme l'inverse d'une bombe, elle a fait de moi un homme rassemblé en entier. Un bloc. C'est pour cela que mes mots se forcent à être au plus proche d'eux-mêmes avant de sortir tout en vrac, pour ne pas briser l'unité qui résonne dedans. Eva n'a pas peur de mon silence. Elle voit bien mes yeux bafouiller de lumière.

Je suis ébloui par ce premier roman - la plus remarquable découverte de l'année! - dont la beauté du style n’est pas le moindre des mérites. D'une construction irréprochable, servi par une écriture sensuelle jouant habilement de la progression dramatique de ses personnages, il réjouira les amoureux de la langue, de l'intimité et de la nature. 

Le site Internet des éditions du Mercure de France nous apprend que Douna Loup est née en 1982 en Suisse, de parents marionnettistes. Elle passe son enfance et son adolescence dans la Drôme. À dix-huit ans, son Baccalauréat Littéraire en poche, elle part pour six mois à Madagascar en tant que bénévole dans un orphelinat. À son retour elle s'essaye à l'ethnologie, elle nettoie une banque suisse pendant trois mois, garde des enfants durant une année, écrit sa première nouvelle, puis devient mère, et étudie les plantes médicinales. Après avoir vendu des tisanes sur les marchés et obtenu un certificat en Ethno-médecine, elle se consacre pleinement à l'écriture, en même temps qu'à ses deux filles. Elle vit aujourd’hui en Suisse.

Sur Dailymotion - http://www.dailymotion.com/video/xdsjth_douna-loup-l-embrasure_creation - vous pouvez rencontrer l'auteur qui présente son roman et en lit quelques extraits.

Avec Gabriel Nganga Nseka, elle a publié Mopaya, récit d'une traversée du Congo à la Suisse, aux éditions de L'Harmattan, en avril 2010. 

 Douna Loup, L’embrasure (Mercure de France, 2010)

photographie: Stéphane Haskell 

publié dans Le Passe Muraille no 84 - novembre 2010

22/08/2010

Andrew O'Hagan 1a

Bloc-Notes, 22 août / Les Saules 

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Les chiens ont de la chance : ils peuvent s’introduire en toute impunité là où la plupart des humains sont éconduits! Tel est le cas de Maf, au pedigree irréprochable, qui a passé des mains de Vanessa Bell - la soeur aînée de Virginia Woolf - à celles de Natalie Wood, puis de Frank Sinatra, enfin à celles de Marilyn Monroe, aux dernières années de sa vie. Un brin intellectuel et snob – il a hérité du collier de Pinker, la chienne de Vita Sackville-West, compagne de Virginia Woolf à une certaine époque – ce dernier nous entraîne dans un voyage sentimental, amusant et inventif pour tous les amoureux de la vie culturelle américaine. Car il a voix humaine, Maf! Avec un penchant pour la philosophie et la littérature - au fil de quelques passages savoureux consacrés à Aristote, Descartes ou Montaigne - il est un incorrigible optimiste qui, servi par des dialogues souvent désopilants jette sur ce petit monde en pleine mutation un regard tendre et plein de malice. 

Bien sûr, les rencontres les plus illustres de Maf - diminutif de Mafia Honey - gravitent autour de Hollywood, avec une Nathalie Wood qui se fait constamment un film ou Frank Sinatra dépeint comme un crooner frustre, vulgaire, dépourvu de culture et paranoïaque. A son contact, Maf nous réserve les chapitres les plus hilarants de cette histoire. On y croise ainsi Georges Cukor, Ernst Lubitsch, Liliane Gish, Peter Lawford ou John Wayne dont Frankie dresse un portrait peu flatteur: Ca fait trente ans que ce mec est à côté de la plaque. C'est un taré. (...) Je vais te dire, princesse. Ce type enverrait un millier de gars qui valent mieux que lui en prison rien que pour montrer que c'est lui le gros dur qui fait la police en ville. Il brûlerait un millier de livres plutôt que d'avoir à en lire un.

Mais le coeur de ce roman délicieux et sympathique est voué à Marilyn Monroe. Pas de révélations fracassantes sur les circonstances de sa mort ou ses liens avec le clan des Kennedy, car Andrew O'Hagan s'attache surtout à la personnalité intérieure de son idole: Sa solitude, sa tristesse, sa quête du respect des autres, son manque de confiance sur la scène et dans la vie, sa soif de connaissance, son chemin de douleur qui aboutit à un excès de pilules un certain samedi soir. Un tableau attachant et follement drôle à la fois, car de l'humour, elle en n'en manque pas, cette prétendue ravissante idiote... Un très beau moment du roman se déroule devant la tombe de sa meilleure amie, Alice Tuttle, emportée par une crise d'asthme à l'âge de douze ans: Elle passe un moment à caresser l'inscription de la plaque, suivant chaque mot du doigt comme si elle voulait graver quelque chose de personnel dans sa loi d'airain. (...) Marilyn expliqua qu'elle voulait apporter des fleurs, mais qu'elle n'en avait pas, elle toucha la plaque et se toucha la bouche avant de prendre dix dollars dans sa pochette pour les mettre dans un petit vase en verre plein de poussière. L'herbe semblait très verte, comme de l'herbe de cinéma, mais le vent était réel.

Maf survivra à tous ces héros de légende, nimbé de mélancolie et de reconnaissance. Il mourra néanmoins - comme tout le monde, me direz-vous! - auprès de la gouvernante de Marilyn, Mme Murray, le jour de la démission de Richard Nixon.

La vie et les opinions de Maf le chien et de son amie Marilyn Monroe est le quatrième roman de l'écossais Andrew O'Hagan. Il a déjà publié, en traduction française, Le crépuscule des pères (Flammarion, 2000), Personnalité (Flammarion, 2000) et Sois près de moi (Bourgois, 2008).

Andrew O'Hagan, La vie et les opinions de Maf le chien et de son amie Marilyn Monroe (Bourgois, 2010)

11:33 Écrit par Claude Amstutz dans Bloc-Notes, Littérature étrangère | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature: roman; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

20/08/2010

Issa Makhlouf

Bloc-Notes, 19 août / Les Saules

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Certains livres - fort rares - charment dès les premières lignes, par la pureté de leur style et la qualité de leurs émotions. C'est le cas du roman La vie lente des hommes de Sylvie Aymard (Maurice Nadeau, 2010) déjà évoqué dans ces colonnes, ainsi que de L'embrasure de Douna Loup (Mercure de France, 2010) dont il sera question, très bientôt.

Le livre de ce jour, Lettre aux deux soeurs de Issa Makhlouf, répond aux mêmes critères. En voici le début, d'une beauté à couper le souffle: Paris. La voix de Kathleen Ferrier interprétant "la Passion selon Saint Matthieu" de Bach monte d'un coin éloigné de la salle, quelque part à ma droite. Elle filtre à travers le pâle éclairage et me parvient, ténue, sauf par à-coups où elle s'élève en une vague puissante qui tout aussitôt retombe. Je m'arrête d'écrire et me mets dans son sillage. Elle pénètre partout et, quand le disque s'arrête, elle continue à vibrer et à scintiller telle une lame acérée. Elle me confie ce que la parole peine à exprimer, débarrasse l'âme de sa couverture et lance son appel. Elle oscille, mue, se lève et se couche comme un astre, frappe aux portes fermées, s'insinue dans l'instant qui sépare la pénombre de la clarté.

Telle est l'introduction de cette longue lettre qu'un homme écrit à son amante, espérant par ce biais se découvrir et lui partager ce qu'il n'a jamais pu faire auprès d'une autre personne. Plus tard, il réalisera que sa soeur les a également lues. Deux soeurs : une flamme double. Un jeu de miroirs qui se retrouve également dans le style de l'écriture où la parole est multiple, car l'auteur confond la sienne propre et celle d'autrui, trouvée dans d'autres livres, sur une main peinte clans une grotte préhistorique, sur une toile du Caravage, dans une statue de femme nue au Parc de Bagatelle ou parmi les anges de Giotto.

Véritable hymne à l'amour, à la beauté, à l'harmonie, à la paix, ce texte est à chaque page un enchantement conjugué en deux couleurs: la première exprimée par la lettre elle-même, la seconde - en italique dans le récit - mûrie par la réflexion du narrateur sur la vie, le temps, l'écriture, l'inexprimé, la sagesse:

Je cueille ma rose à même la neige tombant sur les réverbères du sommeil. J'allume le feu de l'attente. Je coupe la folie en deux et dis au chanteur suborneur: Libère ton chant! Des fleuves éternels et provisoires filtrent d'entre tes cuisses croisées comme pour la prière. Et quand tu les ouvres en inspirant profondément, puis quand tu les soulèves comme si tu escaladais l'air, ce dernier gagne en éclat et transparence. Tu dénoues le fil du soir avec les effluves de l'animal qui court autour de toi. Je te marie au soleil. A l'ange en flammes dans tes pupilles. Entre les paroles éthérées et la chair radieuse, je choisis la chair radieuse. De mes deux yeux, je regarde son eau. Je la choisis en sachant ce qu'elle recèle dans son autre versant.

Tout simplement splendide!

Issa Makhlouf, Lettre aux deux soeurs, traduit par Abdellatif Laâbi (José Corti, 2010)

Photo: Thierry Rambaud/IMA

00:29 Écrit par Claude Amstutz dans Abdellatif Laâbi, Bloc-Notes, Littérature étrangère | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature: récit; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

15/08/2010

Relire Paul Valéry - 3/3

Bloc-Notes, 15 août / Les Saules

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Connaissez-vous la devise de l'ordre des Chartreux? Stat Crux dum volvitur orbis, c'est-à-dire La terre tourne, la Croix demeure immobile... Quel rapport avec Paul Vary me direz-vous? Une seule observation, mais d'importance: Si, depuis sa mort en 1945, les eaux tumultueuses de l'histoire ont bouleversé l'ordre des choses, l'organisation de la société ou l'appréhension de l'avenir, l'essentiel des valeurs auxquelles nous accordons quelque peu de crédit, n'ont guère déplacé notre centre, notre perception du sens, sinon dans les apparences, le discours et les moyens de communiquer, de partager notre pensée, nos contradictions ou notre sensibilité.

Nous ne savons que penser des changements prodigieux qui se déclarent autour de nous, et même en nous. Pouvoirs nouveaux, gênes nouvelles, le monde n'a jamais moins su où il allait, note Paul Valéry dans Regards sur le monde actuel.

Par les traversées actuelles de l'espace et du temps que nous offrent la science et la technologie, nous connaissons, il est vrai, une chance inouïe de nous informer, de nous cultiver, de nous enrichir, de remédier à notre solitude, subie au prix d'une séduction infinie et souvent désordonnée dans laquelle nous risquons de nous laisser engloutir si nous n'y prenons garde, par manque de discernement ou par frénésie, loin, si loin de ce qui est indispensable à notre raison d'être, confondant sur les plus hautes cimes de notre désert intérieur les objectifs et les moyens mis à disposition pour les atteindre.

L'homme moderne est l'esclave de la modernité, dit Paul Valéry. Il n'est point de progrès qui ne tourne à sa complète servitude. Le confort nous enchaîne. La liberté de la presse et et les moyens trop puissants dont elle dispose nous assassinent de clameurs imprimées, nous percent de nouvelles à sensations. La publicité, un des plus grands maux de ce temps, insulte nos regards, falsifie toutes les épithètes, gâte les paysages, corrompt toute qualité et toute critique, exploite l'arbre, le roc, le monument, et confond sur les pages que vomissent les machines, l'assassin, la victime, le héros, le centenaire du jour et l'enfant martyr.

Il ajoute: Il faudra bientôt construire des cloîtres rigoureusement isolés, où ni les ondes, ni les feuilles n'entreront; dans lesquels l'ignorance de toute politique sera préservée et cultivée. On y méprisera la vitesse, le nombre, les effets de masse, de surprise, de contraste, de répétition, de nouveauté et de crédulité. C'est là, qu'à certains jours on ira, à travers les grilles, considérer quelques spécimens d'hommes libres.

Mais tout Paul Valéry n'est pour nous parole d'évangile, heureusement! Avec un peu d'ordre dans nos idées, de clairvoyance dans l'appréhension de notre temps quotidien, de résistance aux sirènes hasardeuses de la pensée unique, tout reste possible à nos coeurs parfois lourds ou fatigués. Un jour peut-être, néanmoins - qui sait? - le must sera pour nous de faire halte dans une abbaye cistercienne du XIIe siècle, dont la musique silencieuse, au sein d'une solitude choisie, nous réconciliera avec l'univers, avant de nous permettre de reprendre la route d'un pas joyeux et assuré...

Paul Valéry, Regards sur le monde actuel et autres essais (coll. Folio/Gallimard, 1988)

18:16 Écrit par Claude Amstutz dans Bloc-Notes, Littérature francophone, Paul Valéry | Lien permanent | Commentaires (0) | |  Imprimer |  Facebook | | |

13/08/2010

Relire Paul Valéry - 2/3

Bloc-Notes, 13 août / Les Saules

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Quand nous parlons de littérature, entre amis, ne nous arrive-t-il pas de nous exclamer, à propos d'un roman lu: J'ai beaucoup aimé le sujet... Mauvais signe, dirait Paul Valéry, car les bons auteurs captent notre attention, quel que soit le sujet qu'ils abordent. Regardez François Mauriac, Albert Camus ou plus près de nous J.M.G. Le Clézio.

Autre lieu commun que nous distillons volontiers auprès de notre entourage: Ce roman est d'une lecture facile... Là encore, le grand homme nous interpellerait pour nous dire qu'une lecture qui ne demande pas le moindre effort - qu'il s'agisse d'érudition, de fantaisie ou de distraction - est sans intérêt, ennuyeuse pour le lecteur - qui en dix pages comprend déjà les deux cent suivantes -, vouée à une mort rapide, programmée...

A propos des livres - reconnaissons-le - nous aimons  asséner des vérités premières telles que: Cette oeuvre me séduit par son réalisme... Par rapport à qui? Par rapport à quoi? Selon quelles valeurs? A quel moment précis de notre histoire? Et si cette réalité n'est que la photographie de ce que nos yeux voient, ce n'est plus de la littérature, mais du reportage. N'est pas Louis-Ferdinand Céline, Vassili Grossmann ou Boris Pasternak qui veut... De plus, là encore, Paul Valéry nous rappellerait qu'il n'est pas rare que les oeuvres qui survivent au temps soient souvent... fantastiques!

A une semaine de la rentrée littéraire d'automne - 701 nouveautés dont 497 francophones, soit 6.32% de plus qu'en 2009! - la parole revient assurément aux auteurs, s'ils veulent échapper à ces commentaires superflus ou mondains dont fleurissent les salons de thé. Dans Tel Quel, Paul Valéry hasarde à leur intention, qu'il faut écrire et travailler pour ceux-là seuls sur qui l'injure ou la louange n'ont pas de prise; qui ne se laissent émouvoir ni imposer par le ton, l'autorité, la violence et tous les débordements. (...) Ecrire pour le lecteur qui va: ou vivre votre idée, ou la détruire, ou la rejeter - pour celui à qui vous donnez le pouvoir suprême sur elle; et qui possède le droit de sauter, de passer, de ne pas poursuivre; et celui de penser le contraire, et celui de ne pas croire, de ne pas épouser votre intention.

Rassurez-vous, car si les oeuvres romanesques insignifiantes ou fades sont en constante augmentation - parce que les éditeurs souvent manquent autant de métier, de rigueur ou de clarté que certains de leurs auteurs - bon nombre d'écrivains de cette rentrée littéraire sont proches des idées de Paul Valéry, capables de nous étonner, de nous surprendre et d'exprimer ce qui nous est impossible avec un style et une transcendance aptes à nous émerveiller, nous séduire et nous offrir quelques moments de bonheur.

Parmi ces rescapés de l'urgence - de publier, d'envahir, de monopoliser - plusieurs titres vous seront présentés dans ces colonnes, dès la semaine prochaine, signés Yves Bonnefoy (L'inachevable - Entretiens sur la poésie/Albin Michel), Andrée Chedid (Les quatre morts de Jean de Dieu/Flammarion), Douna Loup (L'embrasure/Mercure de France), Andrew O'Hagan (La vie et les opinions de Maf le chien et de son amie Marilyn Monroe/Bourgois) et Hernan Roncino (Dernier train pour Buenos Aires/Liana Levi), entre autres publications hors du commun.

Songez à ce qu'il faut pour plaire à trois millions de lecteurs, note encore Paul Valéry... Paradoxe: il en faut moins que pour ne plaire qu'à cent personnes exclusivement.

Mais de cela, nous nous en serions douté... Pas vrai?

Paul Valéry, Tel Quel - Oeuvres vol. 2 (Bibliothèque de la Pléiade/Gallimard, 1960)


10/08/2010

Relire Paul Valéry - 1/3

Bloc-Notes, 10 août / Les Saules

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On devrait relire Paul Valéry. Surtout nos hommes politiques, pas forcément à droite, ni tout à fait de gauche... L'ironie à première vue n'est pas de mise car, pour rien au monde, nous autres - vous et moi par exemple - voudrions être à leur place, aujourd'hui. Ni hier d'ailleurs, pas plus que demain dont nous ne savons rien ou presque, nous qui ne sommes ni tout à fait de droite, pas forcément à gauche... Il nous arrive de les écouter, parfois de les plaindre, sans toujours comprendre ce qu'ils promettent ou ce qu'ils disent, ce qu'ils nous cachent ou ce qu'ils inventent, ce qu'ils nous enseignent ou ce qu'ils méprisent.

Paul Valéry n'est pas tendre avec eux: La politique fut d'abord l'art d'empêcher les gens de se mêler de ce qui les regarde. A une époque suivante, on y adjoignit l'art de contraindre les gens à décider sur ce qu'ils n'entendent pas. (...) En politique, ce qui est vital est masqué par ce qui est de simple bien-être. Ce qui est d'avenir par l'immédiat. Ce qui est très nécessaire par ce qui est très sensible. Ce qui est profond et lent par ce qui est excitant.

Autour de trois notions capitales - la liberté, l'égalité et la souveraineté - l'auteur de Regards sur le monde actuel, avec une lucidité et un ton mordant devenus si rares aujourd'hui, se charge de régler leur compte à bien des illusions auxquelles, tant de fois nous avons souscrit avec assurance, nous qui espérions un monde meilleur pour tous, pas forcément à droite, ni tout à fait de gauche...

Tenez par exemple, ce qu'il dit de la liberté: C'est un de ces détestables mots qui ont plus de valeur que de sens; qui enchantent plus qu'ils ne parlent; qui demandent plus qu'ils ne répondent; de ces mots qui ont fait tous les métiers, et desquels la mémoire est barbouillée de théologie, de métaphysique, de morale et de politique; mots très bons pour la controverse, la dialectique, l'éloquence; aussi propres aux analyses illusoires et aux subtilités infinies qu'aux fins de phrase qui déchaînent le tonnerre. Il ajoute, un peu plus loin: L'intention sincère de laisser aux individus le plus de liberté possible, et de leur offrir à chacun quelque part du pouvoir, conduit à leur imposer, en quelque manière, ces avantages, dont il arrive, parfois, qu'ils ne veulent guère; et parfois qu'ils pâtissent indirectement. On a vu des peuples se plaindre d'avoir été libérés.

Voilà qui prête à réflexion - même pour nous autres peu éclairés en matière de politique - et assombrit quelque peu le paysage tutoyant l'horizon sur la courbe de cette étoile filante - le progrès - dont Paul Valéry écrit en 1937: L'esprit a transformé le monde et le monde le lui rend bien. Il a mené l'homme où il ne savait point aller. Il nous a donné le goût et les moyens de vivre, il nous a conféré un pouvoir d'action qui dépasse énormément les forces d'adaptation, et même la capacité de compréhension des individus; il nous a inspiré des désirs et obtenu des résultats qui excèdent de beaucoup ce qui est utile à la vie. Par là, nous nous sommes de plus en plus éloignés des conditions primitives de toute vie, entraînés que nous sommes, avec une rapidité qui s'accélère jusqu'à devenir inquiétante, dans un état de choses dont la complexité, l'instabilité, le désordre caractéristique nous égarent, nous interdisent la moindre prévision, nous ôtent toute possibilité de raisonner sur l'avenir, de préciser les enseignements qu'on avait jadis coutume de demander au passé, et absorbent dans leur emportement et leur fluctuation, tout effort de fixation et de construction, qu'elle soit intellectuelle ou sociale, comme un sable mouvant absorbe les forces de l'animal qui s'aventure sur lui.

Un texte prophétique à méditer par toutes celles et ceux qui ambitionnent de faire carrière en politique, ne serait-ce que pour réduire cette part prépondérante de mensonge qui agite les Etats et éblouit les Nations.

Permettez-moi de conclure d'un sourire, conscient de ma connaissance fragmentée du monde, de l'histoire, de l'économie, des cultures, des comportements: Je regarde le ciel, quand la nuit tombe. Elle est terriblement obscure, mais, Dieu merci, elle au moins, n'appartient à personne, ni à mes amis de gauche, ni à mes amis de droite...

Paul Valéry, Regards sur le monde actuel et autres essais (coll. Folio/Gallimard, 1988)

00:20 Écrit par Claude Amstutz dans Bloc-Notes, Littérature francophone, Paul Valéry | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature: essai; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

02/08/2010

Alejandra Pizarnik 1b

Bloc-Notes, 1er août / Les Saules

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Voici quelques extraits des oeuvres poétiques de Alejandra Pizarnik:

Le vent meurt dans ma blessure. La nuit mendie mon sang. (Les aventures perdues)

*

Elle saute, chemise en flammes d'étoile en étoile, d'ombre en ombre. Elle meurt de mort lointaine l'amoureuse du vent. (L'arbre de Diane)

*

Finies les douces métamorphoses d'une enfant toute de soie, somnambule à présent sur la corniche de brouillard. Son réveil de main qui respire de fleur que le vent fait éclore. (L'arbre de Diane)

*

Vis, ma vie, laisse-toi choir, laisse-toi endolorir, ma vie, laisse-toi prendre au noeud du feu, du silence ingénu, des pierres vertes dans la maison de la nuit, laisse-toi choir et endolorir, ma vie. (L'arbre de Diane)

*

Si moi j'ose regarder et dire, c'est par son ombre unie, si douce à mon nom là-bas, loin, dans la pluie, dans ma mémoire, par son visage qui brûle dans mon poème, et répand magiquement un parfum de visage aimé disparu. (Les travaux et les nuits)

*

J'étais la source de la discordance, la maîtresse de la dissonance, la petite fille de l'âpre contrepoint. Je m'ouvrais et je me fermais dans un rythme animal très pur. (Poèmes inédits)

*

Quelqu'un dans le jardin retarde le passage du temps. (Textes de l'ombre)

*

Ne plus désirer vivre sans savoir ce qui vit à ma place, ni écrire, puisque pour me blesser, la vie prend des formes si étranges. (Textes de l'ombre)


Alejandra Pizarnik, Oeuvre poétique / traduit par Sylvie Baron Supervielle et Claude Gouffon (Actes Sud, 2005)

00:18 Écrit par Claude Amstutz dans Bloc-Notes, Littérature étrangère, Littérature sud-américaine | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : littérature; poésie; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

01/08/2010

Alejandra Pizarnik 1a

Bloc-Notes, 1er août / Les Saules

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Oeuvre singulière - semblable à un écrin noir et lumineux à la fois - que celle de la poétesse argentine Alejandra Pizarnik, dont les textes nous sont parvenus grâce à l'intuition et au courage d'éditeurs tels Granit, Actes Sud et José Corti.

Née à Buenos Aires le 29 avril 1936 au sein d'une famille d'immigrants juifs d'Europe Centrale, très tôt, elle perd son père alors que sa mère sombre dans une profonde dépression. Admise en 1954 à la faculté de philosophie, elle abandonne bien vite ce cursus pour se tourner vers la littérature, sa voie véritable. Elle publie ses premiers poèmes à vingt ans à peine, traduit Hölderlin, Michaux, Bonnefoy et Aimé Césaire. Entre 1960 et 1964, elle séjourne à Paris, participe à l'activité culturelle parisienne, rencontre de nombreux écrivains et se lie d'amitié avec - entre autres - André Pieyre de Mandiargues, Julio Cortazar et Octavio Paz. Elle rentre ensuite en Argentine et publie, dans les années suivantes, ses ouvrages les plus importants. Elle obtient la bourse Guggenheim, effectue un séjour bref à New York et - une nouvelle fois - à Paris. Après deux tentatives de suicide en 1970 et 1972, elle se donne la mort le 25 septembre 1972, à l'âge de 36 ans, après avoir passé les cinq derniers mois de sa vie dans un hôpital psychiatrique de Buenos Aires. Dans son Journal, dix ans plus tôt, elle avait noté: Ne pas oublier de me suicider, répondant à cette phrase d'Antonin Artaud accrochée au-dessus de son bureau: Il fallait d'abord avoir envie de vivre...

C'est à Sylvie Baron Supervielle, traductrice de la plupart de ses poèmes, que revient le plus grand mérite d'avoir révélé Alejandra Pizarnik au grand public, en France. Son Oeuvre poétique disponible aux éditions Actes Sud, reprend La dernière innocence, Les aventures perdues, L'arbre de Diane, Les travaux et les nuits, L'enfer musical, Les textes de l'ombre et autres fragments inédits.

Il faut y ajouter aujourd'hui les Journaux 1959-1971, dans la collection Ibériques, chez José Corti, où sa voix cherche dans l'écriture un sens à sa souffrance, à sa solitude intérieure, au sentiment d'abandon qui l'habite et l'entraîne dans un élan de désespoir, de morbidité ou de destruction. Mystique à sa manière, elle ne parviendra pas à réconcilier ces extrêmes convergeant vers une douleur tangible et pourtant si étrangère à elle-même: Fatigue, fatigue, comme une longue caravane...

Hâtez-vous de lire Alejandra Pizarnik. Dans son sillage, vous y croiserez peut-être vos propres fantômes, nus et à découvert...

Alejandra Pizarnik, Oeuvre poétique / traduit par Sylvie Baron Supervielle et Claude Gouffon (Actes Sud, 2005)

Alejandra Pizarnik, Journaux 1959-1971 / traduit par Anne Picard (José Corti, 2010)

 

24/07/2010

Devoir de mémoire

Bloc-Notes, 24 juillet / Les Saules

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Il m'est arrivé - rarement - de ne pouvoir écrire la moindre ligne sur un livre qui m'a affecté, chambardé ou marqué au fer rouge, pour toujours. C'est le cas, depuis de nombreuses années, pour Si c'est un homme de Primo Levi, L'écriture ou la vie de Jorge Semprun et L'espèce humaine de Robert Anthelme, trois témoignages accablants sur les camps de concentration. Pas un mot. La page blanche. Rien, sinon la peur de réduire, d'interpréter, de trahir. Avec un besoin irrépressible de laisser la parole aux auteurs, aux témoins. Mais écrire à leur sujet, non. Impossible.

Dans le prolongement des ouvrages cités plus haut, le même sentiment me parcourt avec Le livre noir, textes et témoignages - réunis par Ilya Ehrenbourg et Vassili Grossman, sur 1'120 pages - qui vient d'être réédité chez Solin/Actes Sud, en 2010. Aussi, je me contenterai de vous raconter l'histoire de ce livre qui mérite à elle seule, d'être connue.

C'est par le grand savant Albert Einstein et le comité des écrivains, scientifiques et artistes juifs des Etats-Unis qu'est née l'idée de publier un Livre noir réunissant des documents, lettres, comptes rendus et témoignages sur l'extermination de la population juive de l'URSS par les nazis, la destruction non seulement de son existence, mais aussi de son histoire, de son passé. Interdit de publication par Staline, il est aujourd'hui un document historique essentiel permettant d'authentifier et d'établir les faits d'une manière certaine. C'est donc un travail fondamental contre le négationnisme, mais surtout contre l'oubli: celui des anonymes, des disparus ensevelis à peine sous un peu de terre indifférente aux malheurs du monde, et auxquels ce livre rend leur dignité, leur courage, leur humanité.

Le livre noir est donc une somme de documents exceptionnels - rassemblés par régions géographiques ou par thèmes - et un monument érigé sur les fosses innombrables où furent jetés les corps des juifs torturés et assassinés par les allemands nazis. Il demeure aussi, même de nos jours, le reflet du dégoût et du refus de la barbarie, bien au-delà de ces temps obscurs que la plupart d'entre nous n'ont pas connu. Enfin, il est, malgré les atrocités et les actes d'héroïsme de ses victimes présentés dans ces textes épars, un appel à la cohabitation des races, des cultures, des nations.

Mes propos puisent leur source auprès de Nathalie Zylberman, Ilya Ehrenbourg, Vassili Grossman et Michel Parfenov.

Le livre noir, textes et témoignages - réunis par Ilya Ehrenbourg et Vassili Grossman (Solin/Actes Sud, 1995 et 2010)

Primo Levi, Si c'est un homme (coll. 10/18, 1999)

Jorge Semprun, L'écriture ou la vie (coll. Folio/Gallimard, 2007)

Robert Anthelme, L'espèce humaine (coll. Tel/Gallimard, 1978)

00:37 Écrit par Claude Amstutz dans Bloc-Notes, Documents et témoignages, Le monde comme il va | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : actualité; document; histoire; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |