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19/06/2014

Hermann Hesse

images.jpegHermann Hesse, Une bibliothèque idéale (Rivages, 2010)

Serait-il exagéré de dire que l'auteur de Siddharta, du Jeu des perles de verre et de L'éloge de la vieillesse nous apprend à lire? Oui, car il nous invite à rester subjectifs, critiques, passionnés surtout, libres d'affirmer ces préférences qui font de nous des lecteurs uniques - avec nos contradictions, nos humeurs, nos fantaisies - plutôt que des fantômes sans saveur particulière, dressant l'inventaire convenu des incontournables. Ainsi, Hermann Hesse plonge dans la littérature universelle, pour évoquer uniquement des auteurs qui parlent à sa sensibilité personnelle, revêtent un sens, et captent son attention. Consacrant des pages nombreuses à l'Inde, à la Chine, à Goethe, Balzac, Verlaine ou Gotthelf, il nous délivre aussi un chapitre très instructif - De la lecture des livres - où Il aborde, parfois avec une sévérité excessive, les différents types de lecteurs: ses démarches, ses pulsions profondes, ses motivations.

Il ne sait pas (le lecteur), qu'il possède en lui-même toute la littérature et toute la philosophie du monde. Il ne soupçonne pas que les plus grands écrivains eux-mêmes ont puisé à cette source que nous portons tous au fond de nous. Consacre donc ne serait-ce qu'une heure, un jour de ta vie à cette étape où toute lecture est abolie. Il est si facile d'en revenir! Tu liras, écouteras et interpréteras d'autant mieux tout ce qui est écrit. Arrête-toi, ne serait-ce qu'une seule fois, en ce lieu où la pierre qui borde le chemin a autant de signification pour toi qu'elle en a eu pour Goethe et Tolstoï. Tu tireras de leur lecture et de celle des autres auteurs infiniment plus de profit, de sève et de miel. Tu seras alors en accord avec la vie et avec toi-même comme tu ne l'as jamais été...

00:42 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature étrangère | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature: essais; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

13/08/2010

Relire Paul Valéry - 2/3

Bloc-Notes, 13 août / Les Saules

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Quand nous parlons de littérature, entre amis, ne nous arrive-t-il pas de nous exclamer, à propos d'un roman lu: J'ai beaucoup aimé le sujet... Mauvais signe, dirait Paul Valéry, car les bons auteurs captent notre attention, quel que soit le sujet qu'ils abordent. Regardez François Mauriac, Albert Camus ou plus près de nous J.M.G. Le Clézio.

Autre lieu commun que nous distillons volontiers auprès de notre entourage: Ce roman est d'une lecture facile... Là encore, le grand homme nous interpellerait pour nous dire qu'une lecture qui ne demande pas le moindre effort - qu'il s'agisse d'érudition, de fantaisie ou de distraction - est sans intérêt, ennuyeuse pour le lecteur - qui en dix pages comprend déjà les deux cent suivantes -, vouée à une mort rapide, programmée...

A propos des livres - reconnaissons-le - nous aimons  asséner des vérités premières telles que: Cette oeuvre me séduit par son réalisme... Par rapport à qui? Par rapport à quoi? Selon quelles valeurs? A quel moment précis de notre histoire? Et si cette réalité n'est que la photographie de ce que nos yeux voient, ce n'est plus de la littérature, mais du reportage. N'est pas Louis-Ferdinand Céline, Vassili Grossmann ou Boris Pasternak qui veut... De plus, là encore, Paul Valéry nous rappellerait qu'il n'est pas rare que les oeuvres qui survivent au temps soient souvent... fantastiques!

A une semaine de la rentrée littéraire d'automne - 701 nouveautés dont 497 francophones, soit 6.32% de plus qu'en 2009! - la parole revient assurément aux auteurs, s'ils veulent échapper à ces commentaires superflus ou mondains dont fleurissent les salons de thé. Dans Tel Quel, Paul Valéry hasarde à leur intention, qu'il faut écrire et travailler pour ceux-là seuls sur qui l'injure ou la louange n'ont pas de prise; qui ne se laissent émouvoir ni imposer par le ton, l'autorité, la violence et tous les débordements. (...) Ecrire pour le lecteur qui va: ou vivre votre idée, ou la détruire, ou la rejeter - pour celui à qui vous donnez le pouvoir suprême sur elle; et qui possède le droit de sauter, de passer, de ne pas poursuivre; et celui de penser le contraire, et celui de ne pas croire, de ne pas épouser votre intention.

Rassurez-vous, car si les oeuvres romanesques insignifiantes ou fades sont en constante augmentation - parce que les éditeurs souvent manquent autant de métier, de rigueur ou de clarté que certains de leurs auteurs - bon nombre d'écrivains de cette rentrée littéraire sont proches des idées de Paul Valéry, capables de nous étonner, de nous surprendre et d'exprimer ce qui nous est impossible avec un style et une transcendance aptes à nous émerveiller, nous séduire et nous offrir quelques moments de bonheur.

Parmi ces rescapés de l'urgence - de publier, d'envahir, de monopoliser - plusieurs titres vous seront présentés dans ces colonnes, dès la semaine prochaine, signés Yves Bonnefoy (L'inachevable - Entretiens sur la poésie/Albin Michel), Andrée Chedid (Les quatre morts de Jean de Dieu/Flammarion), Douna Loup (L'embrasure/Mercure de France), Andrew O'Hagan (La vie et les opinions de Maf le chien et de son amie Marilyn Monroe/Bourgois) et Hernan Roncino (Dernier train pour Buenos Aires/Liana Levi), entre autres publications hors du commun.

Songez à ce qu'il faut pour plaire à trois millions de lecteurs, note encore Paul Valéry... Paradoxe: il en faut moins que pour ne plaire qu'à cent personnes exclusivement.

Mais de cela, nous nous en serions douté... Pas vrai?

Paul Valéry, Tel Quel - Oeuvres vol. 2 (Bibliothèque de la Pléiade/Gallimard, 1960)