Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

24/12/2009

Les bonnes dames, Acte 1

 

Image1.jpg 

 

Bloc-Notes, 23 décembre / Les Saules

 

Les bonnes dames, cela vous rappelle quelque chose ? Non mais, souvenez-vous de l’histoire de Marieke, Clara et Lena qui décident un beau jour – pour changer de l’Italie ou du Général Guisan entre Ouchy et Evian - d’aller se royaumer en Egypte ? Pimpantes, pas amères pour deux sous, reconnaissantes envers la vie, les voici embarquées pour une aventure inoubliable. Même si les fissures du passé aux secrets trop longtemps cachés leur inspirent parfois un brin de mélancolie, ces bonnes dames ne se laissent pas aller, bien décidées à ne pas végéter dans un mouroir. Elles inspirent à la fois de la curiosité, de l’admiration et une immense tendresse. Leurs péripéties ou anecdotes parfois très drôles – l’histoire du boa qui mange l’âne – font écho à un quotidien traversé par les fragilités de l’âge, mais qui vient à bout de la banale adversité par un sens de la vie plutôt concret: Ne pas se plaindre de crainte d’ajouter à ce qui cloche dans le monde, ne pas demander un œuf à deux jaunes 

 

Si vous ne l’avez lu au moment de sa parution, rattrapez le temps perdu avec ce roman touchant de Jean-Louis Kuffer, plein d’humour, de douceur, de vérité qu’à chaque fois je relis avec bonheur et qui voisine La grand-mère de Jade et Rose sainte-nitouche dans ma bibliothèque, autres récits avec pour toile de fond, ce bel âge de la vie !

 

Jean-Louis Kuffer, Les bonnes dames (Bernard Campiche, 2006)

Frédérique Deghelt, La grand-mère de Jade (Actes Sud, 2009)

Mary Wesley, Rose sainte-nitouche (Héloïse d’Ormesson, 2009)

19/12/2009

Christian Bobin & Pascal Quignard

Bloc-Notes, 18 décembre / Les Saules

La nuit venue, je reprends avec joie les notes de mes récentes lectures, déjà évoquées dans ces colonnes, en octobre dernier, soit La barque silencieuse de Pascal Quignard auquel répond Les ruines du ciel de Christian Bobin. Chacun à sa manière célèbre le temps, l’urgence de l’écrit, la relation à l’histoire de la pensée, le langage, la nature, la vie ou la mort qui n’est après tout pas nécessairement catastrophique … Ce modeste florilège vaut mieux être découvert dans le contexte original de ses auteurs, bien entendu, mais je vous le partage néanmoins avec beaucoup de plaisir!

Pascal Quignard

Montrer son dos à la société, s’interrompre de croire, se détourner de tout ce qui est regard, préférer lire à surveiller, protéger ceux qui ont disparu des survivants qui les dénigrent, secourir ce qui n’est pas visible, voilà les vertus. (p. 58)

*

Nul ne peut se plaindre de la vie : Elle ne retient personne.  (p.81)

*

A quoi sert d’écrire ? A ne pas vivre mort. (p. 98)

*

Il faut prendre exemple sur les chats qui avancent prudemment leurs coussinets sur les gouttières des toits. Il faut regarder comment ils s’arquent pour bondir avant d’atteindre le toit suivant. Moitié hardi, moitié craintif. Cette prudence est toute la politique du monde. (p. 106)

*

Est libre celui qu’on ne peut contraindre. (…) Est libre l’homme qui n’est pas esclave (…). Est libre celui qui ne demande d’autorisation à personne. Est libre celui qui ne réfère à aucune instance. Tout homme est une citadelle de tyrans qu’il faut faire sauter. (p. 107)

*

La mort qui vient n’a nullement à être fuie comme le prétend l’absurde morale tonique, positive, religieuse des modernes. La mort a sa saison, qui n’est pas plus rebutante que les autres. Quand la saison de la mort est là – ce que tout le monde appelle hiver – il arrive que le ciel de nouveau recoure au bleu intense. La terre craque sous les pas. La mare n’est jamais  aussi propre que quand elle est gelée. Les feuilles ont disparu. Les fleurs, les oiseaux, les hommes, les noms, tout a disparu. Il fait si clair. (p. 124)

*

La chenille ignore le papillon dont elle construit la coque de métamorphose. L’araignée file son filet de prédation sans connaître la proie. De la même manière la musique son chant. La langue son livre.  (p. 135)

*

Durer est celui qui sait retirer sa main avant le trait de trop. (p.160)

*

Le vent du large souffla brusquement sur nous à l’instant où nous fûmes parvenus en haut de la falaise. L’air sur la falaise était une énorme vague transparente qui se perdait dans le ciel, rebroussant soudain son souffle. Le bleu du ciel gagnait l’habit des hommes, de nous tous qui nous tenions penchés en avant, regardant la grève en contrebas, la mer en contrebas, la barque qui venait silencieusement vers l’île, penchés au-dessus de la paroi de tuf qui s’était effritée sur la grève noire. C’était d’une extraordinaire beauté. (p.238)

 Christian Bobin

 Les livres sont la résidence secondaire de l’âme. Quand elle pousse les volets de papier contre le mur, une lumière entre partout dans la pièce. (p. 15)

*

L’écriture est une mendiante qui donne une pièce en or à chaque passant. (p.35)

*

Sur son échafaudage de notes, Jean-Sébastien Bach lave en sifflant les vitres de l’éternel. (p. 38)

*

Toutes nos pensées reviennent à chercher la clé d’un paradis dont la porte est ouverte. (p. 53)

*

Les moineaux par leurs chants construisent des monastères qui durent une seconde.  L’âme surprise dans leurs cloîtres ne craint plus de mourir. (p. 58)

*

La vie a besoin des livres comme les nuages ont besoin des flaques d’eau pour s’y mirer et s’y connaître. (p. 68)

*

La jeunesse est le rire du malheur. (p. 70)

*

La pluie qui fait chanter les pierres est la madone des refusés. (p.92)

*

Je demande à un livre qu’il me donne du courage et ne me trompe sur rien. (p. 99)

*

Les yeux des pauvres sont des villes bombardées. (p. 115)

*

Je suis vivant, assis devant une table en bois, je regarde la lumière pleuvoir sur le jardin. Qu’irais-je demander d’autre ? (p. 147)

*

La première neige est le sourire des morts. (p. 148)

*

Nous vivons au pied d’une montagne enneigée qui dès l’instant de notre naissance a commencé à s’écrouler sur nous. (p. 181)

 Pascal Quignard, La barque silencieuse (Seuil, 2009)

Christian Bobin, Les ruines du ciel (Gallimard, 2009)

 

 

03:00 Écrit par Claude Amstutz dans Bloc-Notes, Littérature francophone, Pascal Quignard | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; essais; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

14/12/2009

Figaro ci, Figaro là

Bloc-Notes, 14 décembre 2009 / Les Saules

logo.gif

La presse dite sérieuse aurait-elle cédé aux modes si chères à la télévision – façon Cauet, Fogiel ou Ardisson par exemple – dont la provocation ou la mise en boîte devrait conférer à leurs critiques ou animateurs un statut de personnalité hors du commun ? Tel semble bien être le cas du Figaro littéraire, dont l’éditorial, longtemps assuré par des écrivains ou journalistes invités, assurait un regard varié, intéressant, constamment renouvelé sur le monde des lettres. Aujourd’hui, nous subissons chaque semaine un écrivain de seconde zone, Yann Moix. Oui, je veux bien dire celui qui romance Edith Stein et Michael Jackson !

 

Successeur dans la version corrosive (voir ses récentes critiques sur Olivier Adam ou Christian Bobin) d’un autre érudit aux accents proustiens qui ne laisse pas une trace indélébile dans nos mémoires – prix Femina pourtant en 1971 pour La maison des Atlantes – Angelo Rinaldi, il aurait dû, dans l’esprit volontiers frondeur du Figaro, être recalé par un Frédéric Beigbeder qui, lui au moins, nous partage une vision plus originale, volontiers à contre-courant et enrichissante sur la littérature, à laquelle se juxtapose une pratique très habile, probablement sincère, de l’autodérision. Lucide, le bougre !

 

Ce dernier peut-être trop cher pour le Figaro en période de vaches maigres, il restait au journal une autre stratégie possible : Ne pas changer une formule qui marche. Inconcevable il est vrai, pour les stratèges du marketing dont la vision d'avenir est forcément plus pertinente ou réaliste que la précédente ! Pourtant, il faut bien en convenir, même au niveau de la présentation, elle aussi nouvelle, c’est raté. Un peu cheap, pourrait dire Yann Moix…   

22:03 Écrit par Claude Amstutz dans Bloc-Notes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : presse | |  Imprimer |  Facebook | | |

13/12/2009

Sacha Sperling

Bloc-Notes, 13 décembre / Cologny

littérature; roman; livres  

Il arrive qu’on se plante complètement dans nos découvertes littéraires, comme dans celles de la vraie vie. Par souci de l’urgence, parfois. Par manque d’ouverture d’esprit, la plupart du temps. Prenez par exemple Mes illusions donnent sur la cour de Sacha Sperling, paru en août. Un extrait du 4e de couverture peu engageant – en ce qui me concerne – avec ces mots : « Ce matin, on a braqué le minibar… » J’ai renoncé et relégué ce texte aux oubliettes sans le moindre remord, un de plus parmi les quelques 660 romans de la rentrée littéraire annoncée. Non sans que j'ajoute, sur un ton désabusé : Encore un texte dans l’air du temps, probablement complaisant en diable, mal écrit, farci de clichés ou de trucs littéraires détestables. Bref, très tendance française.

 

Or, samedi 5 décembre, dans les colonnes du journal « 24 Heures », le magnifique article de Jean-Louis Kuffer consacré à ce livre m’a interpellé et stimulé ma curiosité, en cette période où les nouvelles parutions se font plus rares. Je l’ai donc lu, en deux jours ( !) et ne taris plus depuis lors d’éloges sur cet auteur âgé de 18 ans à peine. Son style fluide, concis, dépourvu de pathos, transpire d’une étonnante maturité pour un premier roman. Son portrait d’une jeunesse qui, bien plus que de mal être, se radicalise devant l’ennui, le vide intérieur et l’urgence de vivre, adopte un angle de vue original, contemporain, lucide sur son époque. Pied de nez aux conventions du genre, il est sacré, finalement – mea culpa ! – l’un des meilleurs livres francophones de l’année. Avec d’autres hasards de calendrier, il aurait largement mérité un prix littéraire. Tiens, le Goncourt des Lycéens, par exemple!

 

On songe aux vers de Paul Verlaine : « Avide jeunesse à tout a servi, par délicatesse j’ai menti ma vie… »

 

Sacha Sperling, Mes illusions donnent sur la cour (Fayard, 2009)

11:51 Écrit par Claude Amstutz dans Bloc-Notes, Littérature francophone | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; roman; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |