Devoir de mémoire (24/07/2010)

Bloc-Notes, 24 juillet / Les Saules

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Il m'est arrivé - rarement - de ne pouvoir écrire la moindre ligne sur un livre qui m'a affecté, chambardé ou marqué au fer rouge, pour toujours. C'est le cas, depuis de nombreuses années, pour Si c'est un homme de Primo Levi, L'écriture ou la vie de Jorge Semprun et L'espèce humaine de Robert Anthelme, trois témoignages accablants sur les camps de concentration. Pas un mot. La page blanche. Rien, sinon la peur de réduire, d'interpréter, de trahir. Avec un besoin irrépressible de laisser la parole aux auteurs, aux témoins. Mais écrire à leur sujet, non. Impossible.

Dans le prolongement des ouvrages cités plus haut, le même sentiment me parcourt avec Le livre noir, textes et témoignages - réunis par Ilya Ehrenbourg et Vassili Grossman, sur 1'120 pages - qui vient d'être réédité chez Solin/Actes Sud, en 2010. Aussi, je me contenterai de vous raconter l'histoire de ce livre qui mérite à elle seule, d'être connue.

C'est par le grand savant Albert Einstein et le comité des écrivains, scientifiques et artistes juifs des Etats-Unis qu'est née l'idée de publier un Livre noir réunissant des documents, lettres, comptes rendus et témoignages sur l'extermination de la population juive de l'URSS par les nazis, la destruction non seulement de son existence, mais aussi de son histoire, de son passé. Interdit de publication par Staline, il est aujourd'hui un document historique essentiel permettant d'authentifier et d'établir les faits d'une manière certaine. C'est donc un travail fondamental contre le négationnisme, mais surtout contre l'oubli: celui des anonymes, des disparus ensevelis à peine sous un peu de terre indifférente aux malheurs du monde, et auxquels ce livre rend leur dignité, leur courage, leur humanité.

Le livre noir est donc une somme de documents exceptionnels - rassemblés par régions géographiques ou par thèmes - et un monument érigé sur les fosses innombrables où furent jetés les corps des juifs torturés et assassinés par les allemands nazis. Il demeure aussi, même de nos jours, le reflet du dégoût et du refus de la barbarie, bien au-delà de ces temps obscurs que la plupart d'entre nous n'ont pas connu. Enfin, il est, malgré les atrocités et les actes d'héroïsme de ses victimes présentés dans ces textes épars, un appel à la cohabitation des races, des cultures, des nations.

Mes propos puisent leur source auprès de Nathalie Zylberman, Ilya Ehrenbourg, Vassili Grossman et Michel Parfenov.

Le livre noir, textes et témoignages - réunis par Ilya Ehrenbourg et Vassili Grossman (Solin/Actes Sud, 1995 et 2010)

Primo Levi, Si c'est un homme (coll. 10/18, 1999)

Jorge Semprun, L'écriture ou la vie (coll. Folio/Gallimard, 2007)

Robert Anthelme, L'espèce humaine (coll. Tel/Gallimard, 1978)

00:37 Écrit par Claude Amstutz | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : actualité; document; histoire; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |