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21/03/2010

Perdue de vue

Bloc-Notes, 21 mars / Les Saules

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Sur un quai de gare, il vous semble croiser une amie perdue de vue, depuis combien de temps déjà? Dix ans, vingt ans? Vous reconnaissez sa démarche aérienne, son élégance, ce parfum entêtant qui flotte dans l'air, les dominantes rouges et jaunes de sa parure du jour, le balancement évasif de sa main allumant une cigarette. Alors: Vous plongez? Cédez-vous au plaisir de renouer avec un souvenir agréable, ou feignez-vous l'indifférence, de peur d'être déçu, de gâcher votre souvenir, parce que vous avez changé - dans votre tête, dans votre corps - et que pour elle, il doit en aller de même? Voilà bien le hic!

Je vous abandonne à ce dilemme cornélien et reviens aux livres, car avec eux, la même question se pose, implacablement. Tôt ou tard, j'ai pris le risque de caresser à nouveau certains volumes poussiéreux de ma bibliothèque, m'imprégnant de leur odeur particulière, avant de les feuilleter ou les relire. Frustré, rassuré, émerveillé par cette recherche du temps perdu? Cela, on ne le sait qu'après!

Par exemple, recherchant des textes pour mon anthologie poétique francophone du XXe siècle - Quelques traces de craie dans le ciel - j'ai relu bien des poèmes de Jean-Pierre Duprey, de Jean Daive ou Jacques Roubaud que j'aimais beaucoup. Aujourd'hui, ils ne dégagent plus de vibrations et leurs mots glissent entre mes doigts comme du sable que je ne cherche pas à retenir, malgré la beauté du style qui ne suffit plus à mon bonheur. Plus nuancé, mon attachement aux poèmes de Raymond Queneau, Jean Cocteau ou Pierre-Jean Jouve, dont le choix de textes s'est réduit au fil du temps qui passe.

Parfois, les auteurs sont demeurés présents, mais pas avec les mêmes textes: Chez Albert Camus, je préfère maintenant - et de beaucoup - La chute à L'étranger qui avait pourtant bouleversé mon adolescence. De même pour Georges Bernanos, dont Le journal d'un curé de campagne a failli m'envoyer au séminaire (!) alors qu'en ce 21mars 2010, c'est La nouvelle histoire de Mouchette qui m'émeut aux larmes, ou encore André Malraux dont L'espoir a cédé la place à La corde et les souris qui me laissait de marbre à vingt ans...

Pour certains - parmi les illustres ou les plus modestes - la magie n'a jamais cessé d'agir: René Char, Louis-Ferdinand Céline, François Mauriac, Colette, Georges Perros, Philippe Jaccottet, Maurice Chappaz, Antoine Blondin, Roger Nimier... ce qui tend à insinuer que les livres ne s'apparentent pas à l'immobilisme des pierres tombales mais sont en mouvement et nous tendent, souvent mieux que nos frères humains, un miroir où se reflètent, pour le meilleur ou pour le pire, nos brûlures et notre destin.

photographie: Nusch Eluard, par Man Ray (1935)

15/03/2010

In memoriam

 

Bloc-Notes, 15 mars / Les Saules

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Au cours de l’été 1981, j’ai eu le plaisir de vivre un des moments inoubliables de mon métier de libraire, en accueillant pour une rencontre avec ses lecteurs, dans une librairie des rues basses à Genève - aujourd’hui remplacée par une pharmacie – Yves Navarre, à la parution de son texte Biographie, chez Flammarion.

J’avais été conquis par son extrême sensibilité, sa discrétion, son charme un peu suranné – il dédicaçait ses ouvrages avec une plume Mont-Blanc - et une disponibilité rare. Venu tout exprès du Midi, il avait pris soin de prendre son temps avec tous ses fans ayant fait le déplacement pour cette visite exceptionnelle, dense, émouvante au-delà des mots.

Cela explique la douleur éprouvée à sa mort – il a mis fin à ses jours – un certain 24 janvier 1994, à l’âge de 54 ans.

Mais qui donc – parmi les jeunes – sait encore qui est cet écrivain exhumé dont la plupart des livres sont épuisés ? Je vais donc vous en dire un peu plus. Yves Navarre compte une quarantaine de publications à son catalogue – romans, pièces de théâtre, récits autobiographiques – parmi lesquels je mettrai en exergue quelques titres, recensés sur ce blog, méritent de survivre au pouvoir implacable des ans et… des éditeurs: Evolène écrit en 1972 (de magnifiques pages sur l’enfance, les paysages suisses et Ramuz), Les loukoums en 1973 (une préfiguration des années sida) et surtout Le cœur qui cogne en 1974 dont émane, aux côtés de Je vis où je m’attache en 1978 et Le jardin d’acclimatation en 1980 (prix Goncourt) une atmosphère très mauriacienne. Son roman le plus personnel – dans l’équilibre trouvé entre le style et la force des sentiments – est, en ce qui me concerne, Le temps voulu écrit en 1979 (la passion confrontée à la solitude, à l’attente, à l’absence) auquel fera écho Ce sont amis que vent emporte (le stade terminal du sida dans un couple) en 1991.

Si l’œuvre d’Yves Navarre est inexistante sur les rayonnages des librairies, à qui donc la faute ? Aux grandes maisons d’édition surtout – Flammarion et Robert Laffont en tête, Albin Michel et le Livre de poche ensuite – qui ont passé à autre chose... Au diktat de la nouveauté ensuite, qui privilégie bien souvent le traitement des standards, de l'actualité ou des célébrités du jour, tant chez les libraires que dans les sphères médiatiques.

Fort heureusement, les éditions H&O ont réédité certains de ses récits – pas forcément les meilleurs à ce jour – parmi lesquels Le jardin d’acclimatation en 2009, introuvable depuis de nombreuses années.

Autre bonne nouvelle, celle du site officiel de ce grand amoureux des chats  - http://www.yvesnavarre.ch - très complet, régulièrement mis à jour, comportant de nombreux textes téléchargeables au format PDF.

Il vaut vraiment la peine de (re-)découvrir cet auteur injustement réduit à son homosexualité, relégué aux oubliettes, dont les propos dépassent – et de loin – sa quête personnelle et dont les interrogations n'ont rien perdu de leur modernité.

Un roman ne se raconte pas, il se vit. A chacun son émotion, des bruits de pas dans les aiguilles de pin. (Le temps voulu)

copiez le lien ci-dessous, et retrouvez un document rare de l'INA consacré à Yves Navarre:

http://www.ina.fr/art-et-culture/litterature/video/I00001223/interview-d-yves-navarre-prix-goncourt-1980.fr.html

00:05 Écrit par Claude Amstutz dans Bloc-Notes, Charles Ferdinand Ramuz, In memoriam, Littérature francophone, Yves Navarre | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : littérature; auteur | |  Imprimer |  Facebook | | |

13/03/2010

Les écureuils de Central Park - 1

Bloc-Notes, 5 février - 12 mars / Les Saules

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Vous êtes nombreux à me demander, chaque jour ou presque, des nouvelles de Katherine Pancol, dans votre impatience à lire le dernier épisode de la trilogie commencée avec Les yeux jaunes des crocodiles et suivie par La valse lente des tortues. Vous avez rongé votre frein, fumé la moquette, activé vos grigris, à l'affût du moindre signe : Déjà 295 pages d'écrites, puis 450, 600 et plus... Alors ? Alors quoi? Souriez, la vie est belle, car elle arrive enfin, la suite tant attendue, avec un titre qui est à lui seul toute une histoire : Les écureuils de Central Park sont tristes le lundi. Mais soyez zen, serrez les dents, fermez les yeux, respirez à fond - parole de fan! - car il vous faut patienter encore un peu: Sa parution est annoncée pour le 1er avril... et ce n'est pas une blague!

Et comme un bonheur n'arrive jamais seul, il vous faut sortir vos agendas ou autres blackboards, coller un post-it sur votre frigidaire, inscrire la date à l'encre indélébile au creux de la paume de votre main droite, filer au pressing pour vous parer d'un habit de fêtes, car Katherine Pancol vient nous rendre visite en Suisse et se réjouit de vous rencontrer tous, amis fidèles de longue date ou hôtes de passage, vendredi 30 avril, chez Payot Libraire, Centre La Combe, à Nyon, de 16 h à 18 h.

Et qu'est-ce qu'on dit ? Merci Katherine, bien entendu !

Katherine Pancol, Les écureuils de Central Park sont tristes le lundi (Albin Michel, 2010)

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07:10 Écrit par Claude Amstutz dans Bloc-Notes, Katherine Pancol | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : bloc-notes; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

07/03/2010

Emmanuelle Pagano

Bloc-Notes, 7 mars / Les Saules

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Ce roman était à l'origine un échange de lettres avec un autre écrivain. Nous nous l'étions représenté comme une oeuvre de fiction que nous construisions chaque jour, à deux, et dans laquelle nous inventions que nous nous aimions. Nous ne savions pas jusqu'où le pouvoir du roman nous amènerait. Nous ne connaissions pas la fin de l'histoire. Il est sorti de ma vie brutalement, abandonnant ce texte en cours d'écriture, annonce l'auteur en préambule à son dernier livre.

Chronique amoureuse épistolaire, à une seule voix, où le jeu en écriture vire à l'attirance, au besoin de fusion avec l'autre, à la sublimation, au choc du réel puis à la rupture, ce récit raconte une passion fulgurante qui s'empare d'une femme rangée en apparence, mariée, mère de quatre enfants, prête à tout quitter pour la vivre. Amoureuse des mots, elle décrit avec un rare bonheur les arcanes du désir, la crucifixion de l'absence, les risques que sous-entend cette relation charnelle absolue, sans illusions, ni fards, ni concessions. D'un lyrisme et d'une impudeur qui ne prêtent jamais à la vulgarité ou au voyeurisme, Emmanuelle Pagano use au contraire d'un langage poétique ensorcelant pour dire la brûlure qui l'étreint: La rivière est si profonde quand tu me pénètres que je la confonds avec toi. Je voudrais que tu redeviennes ma rivière chaque jour. Je voudrais que tu glisses, que tu coules, je voudrais te boire, me baigner en toi, encore, elle est si profonde, l'eau, que tu me portes, c'est toi qui es en moi mais tu me portes, je flotte, puis je replonge, et tant pis si le courant t'éloigne, après.

Si le lit de l'amour - ou son point de convergence - est un livre, si le point culminant de cette histoire s'exprime dans un érotisme torride, sans tabou, l'homme pourtant partira, laissant derrière lui une femme meurtrie que hante le souvenir, qu'immortalise le texte. Roman autobiographie, oeuvre de fiction, ou un peu des deux? L'auteur lève un coin du voile à la fin de son récit: Je crois avoir écrit un livre avec un homme qui n'existe pas, je crois avoir rêvé ses réponses pour continuer mes lettres, je crois avoir rêvé ses gestes, son ventre, ses bras. Est-ce que cet homme était toi?

Peu importe la conclusion. La voix d'Emmanuelle Pagano glisse sur le papier pour y éclairer un paysage qui ne ressemble à rien et dans le tremblement des corps laisse une empreinte incandescente. Qui s'en plaindrait?

Emmanuelle Pagano, L'absence d'oiseaux d'eau (Editions P.O.L., 2010)

11:32 Écrit par Claude Amstutz dans Bloc-Notes, Littérature francophone | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; récit; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

04/03/2010

Marie Billetdoux

Bloc-Notes, 4 mars / Les Saules

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A 23 ans à peine, libraire débutant et incorrigible romantique, j’ai découvert, le cœur battant, une jeune femme à qui je dois beaucoup : Raphaëlle Billetdoux. Un regard léger, malicieux, espiègle à la surface des choses, heureux contrepoint à mes humeurs mélancoliques et un territoire du coeur en ce temps-là désespérément vide, contrarié, dépourvu de sens. Bien avant d’autres personnages féminins qui m’ont séduit – Les hommes cruels ne courent pas les rues et Vu de l’extérieur écrits par Katherine Pancol – ceux de Jeune fille en silence et de L’ouverture des bras de l’homme ont hanté mes nuits, comme ces fruits préférés qu’on rêve de dévorer sans retenue, alors qu’on retarde au contraire le passage à l’acte pour préserver son trésor, en murmurant tout bas : Et si ces personnages existaient dans la vraie vie…

39 ans plus tard – faites le compte ! – je conserve un souvenir ému de ces moments de lecture, de ces histoires écrites avec un style d’une rare maturité, conquis par ce souffle unique d’indépendance, de liberté, de sensibilité, d’insolence, qui n’a jamais quitté son auteur.

Auréolée de prix littéraires – prix Interallié pour Prends garde à la douceur des choses et prix Renaudot pour Mes nuits sont plus belles que vos jours – elle a choisi plus tard de reprendre son deuxième prénom et publie ainsi, sous le nom de Marie Billetdoux, C’est encore moi qui vous écris.

Je n’ai aucune peine à croire que ce livre soit le plus important de sa vie. L’émotion y est palpable à chaque ligne. Celle des liens du sang, celle des liens du cœur. Elle n’y cache rien de son travail, de ses amours, de sa famille, de ses désillusions. Toute sa vie de 1968 à 2008 y danse dans la crudité de la lumière, instants saisis à vif, parfois bouleversants (la mort de son père le dramaturge François Billetdoux, celle de son mari le journaliste politique Paul Guilbert, l’attachement à son fils Augustin), souvent agaçants (les démêlés avec ses éditeurs, ses difficultés économiques d’écrivain) voire insupportables (ses diverses assignations en justice, ses respirations dans la jet-set) mais cet écrit intime soulève surtout une question essentielle : Au nom d’un souci de vérité, même animé des intentions les plus sincères, peut-on ou doit-on tout dire, tout exposer, tout divulguer ? Au risque de blesser, de trahir, de juger.

Je veux bien sûr parler des autres dont il est question sans fard au fil des années qui défilent sous nos yeux. Je crois pour ma part que l’intime – particulièrement à découvert dans les correspondances - doit rester à sa place, au secret, sur ce vitrail de l'âme et du coeur que seules les personnes concernées sont capables de déchiffrer. N’est pas Madame de Sévigné qui veut, dont les lettres, au passage, n’ont pas vu le jour de son vivant…

Enfin, à la place du lecteur – oublions les professionnels du livre, les chroniqueurs littéraires, les admirateurs inconditionnels ou les amis – j’aurais préféré un nouveau roman surprenant, magnifique, audacieux comme elle seule sait le faire, plutôt que ces 1482 pages composées de lettres, d’articles de presse, d’extraits de son journal intime qui souvent, malgré sa sensibilité à fleur de peau et ses talents d’écrivain, laissent de marbre, parce que leur histoire au contraire de ses personnages de fiction, rarement croise la nôtre.

Son directeur littéraire, Jean-Marc Roberts, nous dit que ce journal épistolaire est un livre extrême, une entreprise folle. Fallait-il pour autant le publier ? Par respect pour Raphaëlle/Marie Billetdoux, je me garderai bien de répondre, préférant me tourner vers ses romans inoubliables remis à l’honneur en ces circonstances, pour le bonheur de tous.

Marie Billetdoux, C'est encore moi qui vous écris: 1968-2008 (Stock, 2010)

illustration: portrait de Madame de Sévigné, par Claude Lefèbvre

07:12 Écrit par Claude Amstutz dans Bloc-Notes, Littérature francophone | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : littérature; essai; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

28/02/2010

Maurice Chappaz

Bloc-Notes, 28 février / Les Saules

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Le 15 janvier 2009, Maurice Chappaz rejoignait le paradis des poètes, non sans nous laisser - outre Le chant de la Grande Dixence, Les maquereaux des cimes blanches, Le portrait des valaisans, La pipe qui prie et qui fume - un écrit qu'on peut qualifier de testamentaire, Le roman de la Petite Fille. Hommage à sa seconde épouse Michène dont il souhaitait retracer l'enfance et l'histoire de sa famille, ce texte inachevé devait comporter deux parties constituées de cinq chapitres, mais le manuscrit s'achève à la mort de l'auteur, au troisième chapitre de la seconde partie.

Illustré par les coquillages de Gérard de Palézieux, ce récit est bien plus que l'évocation de Michène - dont il nous dit qu'elle a épousé l'écriture sans être écrivain - car son regard vif et malicieux embrase un passé porteur de reconnaissance, un présent réconcilié avec la terre qui lui donne un sens, un avenir sur lequel il s'interroge avec douceur, avec confiance.

Bien sûr, au moment d'entrer dans l'autre monde, les affres de la vieillesse ou de la maladie le préoccupent. La mort est omniprésente à cet écrit, mais imbriquée dans la vie, l'une étant la face cachée de l'autre, une fulgurence, un reflet, une résurrection. Je dis ma disparition (...) Voici une heure que je rédige des lettres à des camarades dans l'existence. Sur une enveloppe j'écris le nom d'un ami qui dort au cimetière. Pour un peu je mettrais l'adresse du cimetière. Ce qu'on fait avec plus d'intelligence quand on prie.

Ailleurs, il note: Parce qu'il sait qu'il va mourir bientôt, sans mettre de temps sur ce "bientôt", le vieil homme se sent le coeur serré et ouvert, avec une sorte de joyeux espoir. Pour rien au monde on ne voudrait ne pas mourir. On entre enfin dans la vie contemplative qui est l'aventure des aventures: choisir ce qui se cache dans la mort elle-même. Et qui nous fait deviner l'incessante beauté du monde et nous associe à la nature, laquelle attend son heure.

Si ce que nous partage Maurice Chappaz nous parle - la présence des morts, leur griffe sur les événements de notre vie - alors, pour sûr, il demeure parmi nous, en sourire et en écriture. Il est là, tout près et nous accompagne, si nous avons la patience de l'entendre comme les feuilles des arbres qui s'envolent, comme un ange qui passe ...

Maurice Chappaz, Le roman de la Petite Fille (Fata Morgana, 2009)

13:16 Écrit par Claude Amstutz dans Bloc-Notes, Littérature francophone, Littérature suisse, Maurice Chappaz | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature: récit; livresé | |  Imprimer |  Facebook | | |

25/02/2010

Martha Argerich - 1a

Bloc-Notes, 25 février /Les Saules

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La coïncidence veut que dans la même semaine, il soit par deux fois question de musique. Ainsi, après l'évocation du pianiste et chef d'orchestre Daniel Barenboim, c'est au tour de Martha Argerich d'habiller de toutes ses couleurs ce bloc-notes, actualité oblige, car vient de paraître une biographie qui lui est consacrée, sous la plume d'Olivier Bellamy.

On y apprend à mieux cerner l'intimité de cette forte personnalité dont la vie ne ressemble pourtant pas à un long fleuve tranquille, aussi rebelle, atypique ou imprévisible que ces légendes vivantes qui l'ont fascinée, tant dans sa vie que dans son art de l'interprétation: Friedrich Gulda, Nikita Magaloff, Arturo Benedetti Michelangeli, Charles Dutoit, Stephen Kovacevich, parmi d'autres. Vouée corps et âme à la musique, on y découvre aussi son aide aux jeunes talents, ses engagements, son besoin d'indépendance, son horreur de l'artificiel qui a rencontré un si vibrant écho auprès de Jacqueline Du Pré, l'inoubliable violoncelliste, épouse de Daniel Barenboim.

Truffée de repères et d'anecdotes qui ressemblent souvent à un feu d'artifice, cette biographie se lit comme un roman et nous fait survoler un demi-siècle d'histoire de la musique, avec une indiscutable nostalgie!

Si vous n'avez jamais entendu Martha Argerich, prenez le temps d'écouter ses enregistrements de Franz Liszt, de Frédéric Chopin, de Robert Schumann ou de Serge Prokofiev, qui comptent parmi les plus beaux de tous les temps.

Olivier Bellamy, Martha Argerich - L'enfant et les sortilèges (Buchet-Chastel, 2010)

20/02/2010

Carlos Liscano

Bloc-Notes, 20 février / Les Saules

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Carlos Liscano ne figure pas parmi les auteurs sud-américains les plus connus et c’est bien dommage, car cet écrivain uruguayen qui a connu treize années de captivité à la suite de son arrestation à Montevideo par le régime militaire en 1972, doit à sa réclusion une immersion dans la littérature qui lui confère un style tout à fait unique, quelque part entre Louis-Ferdinand Céline et Dino Buzzati : Romans, nouvelles, récits, poésie et théâtre.

En France ont paru La route d’Ithaque en 2005 (Belfond et coll. 10/18), Le rapporteur et autres nouvelles en 2005 (coll. 10/18) Le fourgon des fous en 2006 (Belfond et coll. 10/18), L’impunité des bourreaux en 2007 (Bourin) et son chef d’œuvre à ce jour, Souvenirs de la guerre récente en 2007 (Belfond et coll. 10/18).

Il nous revient aujourd’hui avec un essai, L’écrivain et l’autre. Dans ce dernier, en proie à la paralysie de la plume, à l’impossibilité de donner corps à un nouveau roman, Carlos Liscano s’interroge sur le métier d’écrivain, son lien à la littérature, de même que son rapport à la liberté, à la vie réelle, à la solitude, à la création.

De l’écriture, il nous dit qu'elle est : Une petite goutte à peine tombée du compte-gouttes. La faire couler, la pousser avec la pointe de la plume. Trouver une forme qui rappelle quelque chose, un visage, une situation. Puis la perdre parce qu’une autre ligne la traverse. Et repartir à la recherche, essayer à nouveau de trouver dans le noir sur le blanc autre chose que le hasard ou l’ennui.

Plus loin, sur le métier, il ajoute : Nous, les petits écrivains, nous savons que nous avons les mêmes inquiétudes et les mêmes souffrances que les grands. Cela ne fera pas de nous des grands, jamais. Mais nous ne pouvons que le reconnaître et continuer.

Même chez nous autres, qui nous essayons - maladroitement la plupart du temps - à la correspondance, aux papiers d’opinion ou aux passions partagées, le miroir qui nous est tendu prête à réfléchir : Ecrire sur l’écrivain et sur la littérature, est-ce de la littérature ? Ce n’est peut-être qu’un prétexte, raconter pour se raconter. Parce que c’est aussi de cette façon qu’on peut prétendre à devenir un autre, qu’on peut prétendre à dire : Je suis là, j’essaie de raconter la seule chose qui ait vraiment du sens, à savoir le combat contre la mort, le désir ardent de tout voir avant de disparaître, de laisser un témoignage de ce que j’ai vu.

L’écrivain et l’autre respire d’une sincérité, d’une recherche, d’une lucidité dont bien des auteurs actuels – francophones, surtout ! – enfermés dans un système d’écriture ou une construction littéraire privée de sens, pourraient s'inspirer, eux qui n’ont bien souvent plus rien à nous dire. Ce qu’on pourrait désigner comme le mensonge en littérature, à soi-même pour commencer, envers le lecteur ensuite...

A Carlos Liscano revient le mot de la fin : Tout récemment, j’ai de nouveau lu par plaisir. Je sens que c’est là que se trouve tout ce dont j’ai besoin pour vivre. Je commence à comprendre pourquoi je ne peux plus écrire : je n’ai plus rien à dire, mais autrefois je pensais que si. Aujourd’hui, je ne le pense même plus.

Un grand monsieur, ne le pensez-vous pas?

Carlos Liscano, L'écrivain et l'autre (Belfond, 2010)

publié dans Le Passe Muraille no 82 - juin 2010

00:06 Écrit par Claude Amstutz dans Bloc-Notes, Le Passe Muraille, Littérature étrangère, Littérature sud-américaine | Lien permanent | Commentaires (0) | |  Imprimer |  Facebook | | |

15/02/2010

Editions Le Cadratin, Vevey (Suisse)

Bloc-Notes, 15 février / Les Saules

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Certains éditeurs font un travail absolument merveilleux, même s'il est bien difficile de trouver leurs ouvrages en librairie. Le Cadratin est un atelier traditionnel de typographie, de création établi sur les quais de Vevey. Son éditeur apprécie les beaux papiers et ses travaux sont réalisés de façon artisanale, par pure passion pour cet art ancien, sans contrainte de productivité. Ses ouvrages sont pour la plupart limités dans leur tirage et numérotés.

L'atelier - nous confie Jean-Renaud Dagon - comprend les rangs, tous en bois, garnis de nombreuses casses contenant les diverses polices de caractères en plomb ou en bois, et de casseaux renfermant filets en laiton ou cadres et motifs décoratifs en plomb. Les lingotiers, quant à eux, contiennent lingots et interlignes. Les outils du compositeur sont le composteur, le typomètre, les pinces et la galée. Pour l'impression, il utilise des Heidelberg à platine ou à cylindre des années 1950 et une Phoenix, presse à pédale datant de 1911.

Parmi les fleurons du Cadratin, je vous en cite quelques-uns, dont la qualité des textes rime avec la beauté, la sensualité, la lumière qui se dégagent de l'objet réalisé: Chez Marcel Imsand de Philippe Dubath, Ta belle mort de Nancy Huston, La chiffonière de Maryse Renard, Valais-Tibet de Maurice Chappaz, sans oublier deux classiques: La mouche de William Blake et Voyelles d'Arthur Rimbaud.

Si vous passez par l'attachante ville de Vevey où il fait si bon vivre, ne manquez pas de visiter ce lieu magique qui enchantera les amoureux du livre que vous êtes. Un coin du voile est levé sur le site Internet de l'éditeur dont le lien permanent est intégré à ce blog.

Si vous le consultez, vous serez agréablement surpris par les prix raisonnables de ses livres qui tiennent allègrement la comparaison avec les grands éditeurs parisiens dont la qualité de papier, la typographie ou l'orthographe pour certains - malgré 30 € ou davantage - voisine le 20 minutes... hélas!

http://www.lecadratin.ch

06:17 Écrit par Claude Amstutz dans Bloc-Notes, Maurice Chappaz | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : bloc-notes; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

04/02/2010

Vive la Pomme

Bloc-Notes, 4 février / Les Saules

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Une fois n'est pas coutume: Pas question d'aborder aujourd'hui la littérature. Et je suis sérieux! Donc, priorité à un sujet qui, tôt ou tard, nous concerne tous, notre ordinateur. Surtout quand il tourne mal, voisine dangereusement l'agonie, nécessite un bouche à bouche onéreux - dans mon cas, entre 1'500 et 4'000 F, merci IBM! - et que se profile le spectre de Windows Vista ou Windows 7, comme si la galère de Windows XP n'aurait pas suffi ...

Tout cela pour vous dire que si vous êtes séduits par les nouveaux défis, prêts à abandonner la famille Windows au bénéfice de celle des Mac - mais oui, il existe des divorces libérateurs! - deux livres peuvent vous aider à franchir le pas.

Le premier, Le livre de Mac Os X Snow Leopard - version 10.6 est l'oeuvre de Valéry Marchive, qui s'adresse à un public débutant ou intermédiaire dont je fais partie, évidemment. Une bible de 690 pages, claire, bien présentée, concrète qui dispose d'un bonus intelligent, soit une brochure intitulée Passer de Windows à Mac Os X: Un survol rapide des différences, des  idées préconçues, des atouts et faiblesses de ces deux systèmes d'exploitation. Enfin, un chapitre capital consacré au déménagement de vos fichiers, documents, images, vidéos, carnets d'adresses, etc. L'occasion rêvée, soit dit en passant, de jeter à la poubelle - comme dans un changement de domicile - le 60 % de vos papiers virtuels. Une aubaine!

Le deuxième, s'intitule Mac Os X Snow Leopard réalisé par Christine Eberhardt, écrit pour le même public que l'ouvrage précédent. En 260 pages, il aborde la plupart des options qui constituent la logique du système, sa présentation, ses applications. Priorité dans ce livre au visuel, au pas à pas, à l'essentiel. Le livre idéal pour vous accompagner dans l'installation et l'organisation de votre premier Mac.

Ces deux titres sont complémentaires et indispensables, foi de nouvel utilisateur!

Bien sûr, vous l'avez compris: J'ai changé de famille - un sublime Macbook Pro de 15 pouces!- et vous souhaite un jour d'en faire autant, sauf toutefois, si vous êtes en priorité un adepte forcené des jeux. Mais pour les autres, le rapport qualité/prix étant devenu très voisin entre les deux univers, pourquoi se priver d'une approche plus ludique, imaginative ou conviviale, alors que la plupart de vos fichiers, dans votre environnement professionnel par exemple - Word et Excel en tête - sont lisibles sous Windows?

Evidemment, je prêche pour ma (nouvelle) paroisse ...

Valéry Marchive, Le livre de Mac Os X Snow Leopard (First, 2009)

Christine Eberhardt, Mac Os X Snow Leopard (Pearson, 2009)


 

 

07:10 Écrit par Claude Amstutz dans Bloc-Notes, Le monde comme il va | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : livres; informatique | |  Imprimer |  Facebook | | |