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21/03/2011

Tiziano Scarpa 1b

Bloc-Notes, 21 mars / Les Saules

En complément au Stabat mater de Tiziano Scarpa, voici celui d'Antonio Vivaldi. Avec l'interprétation d'Andreas Scholl, et l'Ensemble 415 dirigé par Chiara Banchini.


 

08:18 Écrit par Claude Amstutz dans Antonio Vivaldi, Bloc-Notes, Chiara Banchini, Musique classique | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : musique classique | |  Imprimer |  Facebook | | |

Tiziano Scarpa 1a

Bloc-Notes, 21 mars / Les Saules

littérature; roman; livres

La Pietà était une des quatre institutions de la république vénitienne où l'on élevait les petites orphelines, leur offrant une éducation, un métier et une chance de s'insérer dans la société, pas seulement en leur trouvant un mari, mais en leur permettant aussi de donner des cours particuliers de musique. Certaines pensionnaires étaient membres de la formation musicale de l'orphelinat, grâce à laquelle affluaient le public, les bienfaiteurs et les donations nécessaires pour la bonne marche de cette maison de charité. La maîtrise instrumentale exceptionnelle des musiciennes de la Pietà attirait les auditeurs de toute l'Europe, surtout pendant les décennies où le père Antonio Vivaldi prêta son génie incomparable à cette institution.

Tiziano Scarpa est venu au monde dans ce lieu - une chambre de l'ancien orphelinat où Vivaldi enseignait et dirigeait ses élèves - devenu dans les années 60 la maternité de l'hôpital de Venise. Si on ajoute que son premier 33 tours reçu en cadeau était Les quatre saisons, on comprend qu'il a grandi et vécu à l'ombre de ce compositeur auquel il voue une si grande admiration. A ce dernier il consacre son dernier livre - il s'agit bel et bien d'une fiction romanesque - Stabat mater où se mêlent avec beaucoup de bonheur l'inspiration et la réalité.

Le fil conducteur du récit est celui de Cécilia, recueillie au XVIIe siècle à la Pietà. Pour échapper à l'univers austère et rigoureux de l'orphelinat dirigé par des religieuses, elle écrit à sa mère dont, avec douleur, elle imagine les contours, lui exposant sa quête identitaire, son amertume et son sentiment d'abandon. Cécilia confie aussi ses interrogations à cette tête - ses cheveux sont une masse de serpents noirs - représentant la mort et qui, magnanime, lui insufflera le souffle nécessaire pour que sa vie prenne un sens: Je ferai silence autour de toi, je ne réclamerai rien, parce qu'un jour tu me donneras tout, je t'offrirai par avance un peu de la paix qui te revient.

Et cette paix lui viendra par l'exercice du violon dont la pratique, chaque jour à l'église, suscitera l'admiration teintée d'un brin de jalousie du père Antonio Vivaldi, devant son incroyable talent. Davantage qu'un hommage au Maître, ce roman, qui baigne dans une atmosphère typiquement vénitienne, est un voyage méditatif dans l'âme des interprètes, dont la musique dévoile l'intimité mieux que les mots ne sauraient la traduire.

Nous sommes une enveloppe qui secrète de la musique. Nous sommes des fantômes qui soufflent une substance impalpable. On nous trouve belles parce que nous sommes mystérieuses et que nous diffusons de la beauté. L'artifice de la musique masque notre affliction, dit Cecilia. Plus loin encore: Nous sommes le son pur, la voix coupée du corps. (...) Nous jouons de la musique sous l'eau. Nous jouons de la musique dans le ventre de notre mère, dans les viscères de la mort. Nous sommes des poissons abyssaux et chantons de n'être jamais venus au monde. La musique se propage dans l'eau noire. Les hommes et les femmes de la ville marchent sur les rives, passent dans leurs barques. Nous sommes les sirènes qui chantent au fond de l'eau trouble, personne n'écoute notre chant noir.

Les amoureux d'Antonio Vivaldi et de Venise adoreront ce court divertissement et titillera, je l'espère, leur curiosité à propos du créateur de la Stravaganza dont les biographes depuis près de trois siècles, n'ont pas encore su délivrer tous les mystères, ni étouffer tous les rêves...  

Tiziano Scarpa, Stabat mater (Bourgois, 2011)

08:17 Écrit par Claude Amstutz dans Bloc-Notes, Littérature étrangère, Littérature italienne | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; roman; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

18/03/2011

Miguel Syjuco

Bloc-Notes, 18 mars / Les Saules

littérature; roman; livres

Connaissez-vous le grand écrivain philippin Crispin Salvador? Né le 21 février 1937, cet auteur de romans, de nouvelles et d'essais qui dit de lui-même qu'il a vécu neuf vies, laissa, outre ses oeuvres controversées, une réputation sulfureuse derrière lui: ses soirées arrosées en compagnie de Lawrence Durrell; un certain tango au clair de lune dansé tout nu à Yaddo avec, dit-on, Germaine Greer; sa relation tumultueuse avec Anita Ilyich, une ballerine biélorusse reine du disco et adepte précoce de l'échangisme; enfin, les insultes à l'encontre de Georg Solti au Palais Garnier - traité de iota - au début du second mouvement du Deuxième concerto pour piano de Sergueï Rachmaninov. Le 20 février 2002, exilé aux Etats-Unis, on retrouve son cadavre flottant dans l'Hudson, les bras meurtris largement ouverts, une couronne ensanglantée ornant son front fracassé.

Son ami et biographe, Miguel Syjuco en personne - s'appuyant sur les écrits de Crispin Salvador, les articles de presse le concernant, le fil des actualités, les humeurs des bloggeurs se lâchant à son sujet - nous retrace l'ascension, l'exil et la chute de ce génie provocateur pour les uns, pilleur de mémoire et traître à la patrie pour les autres, dont Matador, surtout, fit couler beaucoup d'encre: une allégorie sur l'impact néocolonialiste où les Etats-Unis représentaient le matador et les Philippines, le taureau courageux - nommé Piroy Gigante - de toute évidence condamné. S'en suivirent A cause de toi, un récit épique et une attaque en règle contre les proches de la famille Marcos. Interdit aux Philippines, bien entendu, ce texte aurait pu lui valoir le prestigieux Prix Nobel décerné cette année-là - malheureusement pour lui - à Naguib Mahfouz. Reste Autoplagiaire, un volume de 2'572 pages, ses mémoires et probablement le plus personnel de ses livres, à propos duquel les critiques se perdirent en conjonctures. Quant à son dernier manuscrit, Ponts embrasés, qui promettait un règlement de comptes sans concessions, avec pour cible les autorités politiques, religieuses et aristocratiques du pays, il ne verra jamais le jour, interrompu par la fin tragique de son auteur, très attaché à ce projet: C'est une oeuvre nécessaire. Parce qu'elle les impliquera tous. Tous ces gens qui ont affirmé que l'espoir était désespéré, et qui se sont mis à mendier leur part du butin. Ou bien ils ont calfeutré leurs maisons, se sont blottis à l'intérieur, ont lu les textes sacrés, et ont attendu, ignorant que Dieu juge plus sévèrement le péché d'omission que la faute commise.

Comme la bobine d'un vieux film, l'auteur, s'interrogeant sur la mort de Crispin Salvador - meurtre ou suicide? - et de son dernier écrit testamentaire, se livre à un exercice de prestidigitation exceptionnel pour appréhender, au fil de rencontres, citations et interviews agrémentées de savantes notes en bas de pages, un personnage hors du commun qui dans la vraie vie... n'a jamais existé! Un tour de force où Miguel Syjuco va jusqu'à se mettre lui-même en scène, mêlant l'imagination et la réalité avec une rare maîtrise.

Fascinant roman dans le roman, il mélange ainsi plusieurs styles de narration pour nous conter, par le biais de l'écrivain et de son biographe, 150 ans de l'histoire des Philippines. A travers leur parcours qui offre bien des points communs - l'exil, une famille fortement impliquée en politique, la passion des hamburger et des échecs, un goût immodéré des plaisanteries - il ne craint pas de laisser transparaître les multiples contradictions forgées par les apparences et qui insufflent toute la force à ce récit: Aucun poème n'a arrêté un char, a affirmé Seamus Heaney. Auden a dit que la poésie n'a aucun influence sur les événements. Foutaises! Je rejette tout ça en bloc! Qu'est-ce qu'ils savent de la mécanique des chars? Comment peut-on évaluer les qualités balistiques des mots? Des choses invisibles se produisent dans des moments impalpables. Ce qui devrait nous empêcher d'écrire, c'est précisément ce risque d'explosion. Sinon, à quoi bon?

La vérité, pour Miguel Syjuco, n'est-elle pas dans ce rêve où lui apparaît Crispin Salvador en train de taper à la machine. Il lui dit: Tu n'es plus occupé à être mort? L'auteur réplique: Je ne peux pas mourir encore. Je suis en train d'écrire ton histoire...

Le grand Orson Welles aurait sans doute tiré de ces acrobatiques échafaudages de la création forgeant les légendes ou mythologies à venir, un film inoubliable...

Miguel Syjuco, Ilustrado (Bourgois, 2011)

08:24 Écrit par Claude Amstutz dans Bloc-Notes, Littérature étrangère | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; roman; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

17/03/2011

Le choix des libraires

Bloc-Notes, 17 mars / Les Saules

littérature; essais; livres

Depuis 2006, Jean Morzadec crée et anime un site Internet, lechoixdeslibraires.com que je vous invite à visiter. Très bien présenté, en lien avec France Info, France Inter et France 5, il accorde une large place aux coups de coeur des libraires: près de 2'000 choix à ce jour. Vous y trouvez également une présentation par les éditeurs ou les auteurs, de titres susceptibles d'aiguiser votre curiosité, ainsi que la revue de presse consacrée au livre. 

De cette aventure et de ce partenariat est né un livre au format de poche - à peine 8 euros - Les écrivains préférés des libraires. 17 titres de l'année courante ont ainsi été choisis par Jean Morzadec. Si j'y retrouve l'écho des enthousiasmes de nombreux collègues - Vincent Borel, Tatiana Arfel, Blandine Le Callet, Mathias Enard ou Jérôme Ferrari - et de mes propres lectures mémorables - Fatou Diome, Fouad Laroui et Douna Loup -, l'intérêt de cet ouvrage tient en peu de mots, car plutôt que de recenser les critiques des lecteurs, visibles ailleurs, la parole a été donnée aux auteurs.

Ils nous parlent ainsi de leur dernier livre, mais aussi de son accouchement, des circonstances ou des conditions dans lesquelles ils ont vu le jour. La lecture, l'environnement ou leur appréhension du métier d'écrivain, leur perception des librairies et des librairies, leurs rêves enfin, tout cela dresse un profil d'auteurs dont, à ce jour, nous savons - heureusement peut-être - peu de choses.

Quelques éclairages sur l'écriture et le rôle des livres méritent d'être retenus. Par la plume de Tatiana Arfel par exemple, qui nous dit: Je ne sais pas à quoi servent les écrivains, mais je sais à quoi servent les livres; un livre sert à ouvrir, à étendre son âme, à sentir avec, à respirer plus grand, à se sentir plus libre. A quoi répond Douna Loup: La littérature permet au regard de s'affiner, de se complexifier. En tant que lectrice ou en tant qu'écrivain, c'est faire un voyage, se décentrer de sa propre perception de la vie, et ce déplacement enrichit notre accès au réel.

Les écrivains sont des témoins, des porteurs d'énergie, nous confie encore Vincent Borel. Et ils vivent d'espoir, attendent beaucoup du lecteur comme Fouad Laroui: Si mon livre peut introduire un peu plus de nuances et de compréhension dans les jugements, je pense alors que mon livre aura atteint son but

Fatou Diome, sur le même thème, use d'une jolie image: Je considère tous ceux qui me lisent comme les miens, parce qu'écrire, pour moi, c'est juste tendre la main de l'autre côté, c'est creuser un trou dans le mur existentiel et tendre la main. Toutes les personnes qui attrapent l'autre bout du livre et s'y intéressent, ce sont les miens, parce que nous partageons peut-être les mêmes révoltes, les mêmes lectures et les mêmes désirs pour un monde meilleur.

A propos de cette caverne d'Ali-Baba qu'évoque souvent une librairie - et que j'éprouve surtout quand je me ballade chez les autres - le mot de la fin revient à Marie-Sabine Roger: Si j'étais un chat, je ronronnerais en franchissant la porte d'une librairie. J'y entre comme d'autres en religion. J'anticipe la grâce...

Jean Morzadec présente: Les écrivains préférés des libraires (France Info/Hoëbeke, 2011)

http://www.lechoixdeslibraires.com/

photographie: Fouad Laroui

00:26 Écrit par Claude Amstutz dans Bloc-Notes, Littérature francophone, Littérature suisse | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; essais; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

13/03/2011

Jour de grève

Bloc-Notes, 13 mars / Les Saules

littérature; récit; livres

Aujourd'hui, ça y est. C'est décidé. Je m'offre un luxe dominical, celui de mettre - comme on dit chez nous - les pieds contre le mur! Quel mur? Celui de la déferlante des nouveautés qui, Salon du Livre de Paris oblige, éveillent certes ma curiosité, parfois me désespèrent et tout à coup, me submergent. Ce qui forge parmi mes moments de bonheur les plus miraculeux ou inattendus, soudain cède le pas aux humeurs cruelles, probablement injustes et un brin cyniques, ce qui, à dire vrai, n'est pas vraiment, aussi loin qu'il m'en souvienne, dans ma nature. L'impression désagréable qu'ayant à peine quitté le restaurant de Philippe Chevrier à Satigny, je suis déjà sur le pas de porte de celui de Gérard Rabaey à Brent... L'abondance nuit à la saveur, au plaisir, à la dégustation des mots, au balancement agréable et doux éprouvé à la découverte d'un auteur, nouveau venu sur cette terre généreuse de l'écrit.

Une dizaine de livres parus au cours du premier trimestre de cette année, attendent ce déclic intérieur et parmi ces derniers, combien en lirai-je dans les semaines qui viennent? Deux ou trois peut-être, faute de temps, comme tout le monde, sans doute. D'autant plus que ceux à paraître entre mars et avril - une autre dizaine - garnissent déjà abondamment mon unique fauteuil réservé aux lectures incontournables, à entrepredre sans tarder. Alors oui, devant la pléthore de ces instants d'émotions possibles liés à l'actualité du livre, eh bien oui, je bois la tasse et... fais la grève! 

Tous les sens en éveil, devant les teintes rougeoyantes du ciel en cette fin de dimanche, déambulant dans notre jardin en toute tranquillité, j'observe le manège amoureux des oiseaux autour de la maison de bois en face de la fenêtre de notre cuisine, émerveillé et reconnaissant de cette joie intérieure qu'accompagnent les perce-neige, crocus de toutes les couleurs - bleus striés de blanc, jaunes ou violets - qu'accompagnent les premières éclosions du camélia et des primevères, cette sorte de sourire que sont parfois les fleurs au milieu des herbes graves, comme le dit si bien Philippe Jaccottet.

Je m'accorde un temps de marche pour peaufiner de nouveaux projets qui me trottent dans la tête, dont celui qui verra bientôt le jour sur le blog de La scie rêveuse - en avril probablement - consacré aux plus belles musiques classiques découvertes ou ravivées par Facebook. 

Et maintenant? Retour au livre aimé, choisi, aussi libre que l'air respiré. Celui entrepris voici quelques jours, signé Jacques Perrin, Dits du gisant, dont les mauvaises langues pourraient dire qu'il s'agit d'un vieux livre, puisque paru en septembre 2009! C'est l'histoire de Jasper, un alpiniste de l'extrême qui, à la suite d'un accident de montagne avec son ami Robert, se retrouve cassé, émietté, immobilisé sur un lit d'hôpital d'où il tirera sur le fil ténu qui abolit les frontières invisibles entre la vie et la mort, amorçant une lente reconstruction tant physique qu'intérieure, vivifiée par le souvenir, la magie des instants uniques, les rencontres, les visages. La littérature y est un levier crucial: Arthur Rimbaud, mais aussi Maurice Chappaz, Robert Walser ou Rainer-Maria Rilke. Il est vrai que ce récit, par de nombreuses évocations, se situe aux confins de la poésie. Il a neigé hier; l'ombre est venue sur ce blanc; des pas d'oiseaux menus - signes à déchiffrer peut-être? Tu penses à Nietzsche, aux grands événements qui, selon lui, arrivaient dans la discrétion, sur des pattes de colombe; transformation du temps, la pluie et un peu de neige sur les hauteurs aujourd'hui; ces flocons qui demeurent suspendus, accrochés aux paraisons glacées de la paroi...   

Rarement j'ai lu de si belles pages consacrées à la montagne, au temps du vin - qui occupe aussi une place de choix dans le coeur de Jasper - aux possibles fins dernières dont le narrateur par le biais d'un Journal entrevoit les lueurs imprévues: D'ici j'ai peine à deviner tes traits. Je voudrais me relever, me pencher pour mieux te voir. Impossible. Je ne vois que le vide qui nous sépare. Je suis pris de vertige. Le vent s'est levé et souffle avec une rare violence. Il me traverse, me glace encore davantage au passage. Mon corps ne lui offre aucune prise. Je suis ouvert, transparent, dépouillé, sans forme précise. Qui me regarde ne me verra pas. Qui me parle n'entendra pas ma réponse. Qui me touche me brisera davantage encore. J'entends que tu souffres à côté de moi. Je t'envies: tu existes. On peut dire au moins quelque chose de ta souffrance.

Dits du gisant est l'une des plus belles parmi mes lectures récentes et pour vous - moins sensibles que je ne le suis au rythme obsédant du calendrier - il suscitera un jour proche, je l'espère, un de ces bonheurs de lecture savourés au pas lent, régulier et attentif du montagnard, en compagnie d'un écrivain, un vrai.

Le dernier opus de X attendra bien un peu...

Jacques Perrin, Dits du gisant (L'Aire, 2009)

10/03/2011

Kafka, l'éternel fiancé

Bloc-Notes, 10 mars / Nyon

littérature: récit; essai; livres

Il allait seul son chemin, effrayé par le monde. sa maladie lui conférait une sensibilité confinant au miraculeux et un raffinement intellectuel sans compromis, jusqu'aux conséquences les plus terrifiantes. Il était timide, inquiet, doux et bon, mais les livres qu'il écrivait, les plus importants de toute la jeune littérature allemande, sont cruels et douloureux. Il voyait le monde rempli de démons invisibles qui anéantissent l'homme sans défense. Il était trop lucide, trop sage pour pouvoir vivre, trop faible pour combattre, il était de ceux qui depuis toujours se savent impuissants, se soumettent et, ce faisant, couvrent de honte le vainqueur. Ses livres, pleins d'une ironie sèche, décrivent l'horreur de l'incompréhension, de la faute innocente. C'était un artiste qui entendait encore là où les sourds se croyaient en sécurité.

L'extrait de cet hommage bouleversant, paru à la mort de Franz Kafka, est signé Milena Jelenska, la compagne qui a sans doute le mieux appréhendé celui pour qui écrire était sa raison de vivre. et que Jacqueline Raoul-Duval met admirablement en lumière à la fin de son récit Kafka, l'éternel fiancé, présenté sous une perspective originale, celle des femmes qui ont marqué sa trop brève existence. 

Réjouissons-nous, car ce livre démontre que l'érudition n'est pas opposée à la légèreté de la plume et que l'intelligence n'empêche pas une lecture agréable. Comme au théâtre, nous voyons revivre auprès de Franz la berlinoise Felice Bauer, représentante de commerce, la jeune fille qu'il n'a vue qu'un soir, une heure à peine, coiffée d'une capeline beige et blanc, avant de lui dédier - outre une centaine de lettres, télégrammes, messages - Le verdict, le seul récit qu'il jugera valable jusqu'à sa mort. L'a-t-il aimée, espérée ou imaginée, du fond de sa solitude, celle dont il dit au premier coup d'oeil qu'elle est sans charme, sans attrait, décidée, pleine d'assurance, robuste?

Julie Wohryzeck ensuite, une secrétaire de Prague, commune mais étonnante, jolie, auprès de laquelle, encore en bonne santé, il goûtera au bonheur, jusqu'à l'arrivée de Milena Jelenska, journaliste et écrivain qui entre tel un ouragan dans sa vie, une lumière dans les ténèbres, alors que la tuberculose le ronge déjà et le prive de couleurs. Enfin Dora Diamant, institutrice polonaise à Berlin, une merveilleuse créature, intelligente, douce, croyante, pieuse, qui l'accompagnera jusqu'à la fin. D'autres personnages féminins occupent une place singulière et mériteraient d'être mentionnés, mais ceux-là, je vous laisse les découvrir!

L'auteur de cette magnifique évocation de Franz Kafka met en perspective ce qui, dans presque tous les cas de figure, a posé problème à ses conquêtes: une oeuvre en devenir où l'homme n'est qu'une ombre pitoyable devant le soleil, un monde absurde où toute entreprise est vouée à l'échec, où les innocents se reconnaissent coupables. (...) Glacées d'effroi, ces amoureuses ne savent plus qui est l'homme qu'elles aiment, elles ne distinguent plus la fiction de la réalité.

En annexe à ce récit qui se lit avec plaisir comme un véritable roman, Jacqueline Raoul-Duval nous dresse un tableau précis, émouvant, pathétique, de la destinée de tous les familiers de l'écrivain après son décès, un certain 3 juin 1924, à l'âge de 40 ans. Et si la vie de Kafka a été marqué par le sceau de nombreuses tragédies, vous vous apercevrez que le malheur a frappé nombre de ses proches aussi, pour des raisons fort diverses... 

Un mot, pour finir: Si vous voulez en savoir davantage sur la personnalité de Franz Kafka, lisez Pietro Citati; si vous avez lu ses oeuvres et cherchez à approfondir votre perception, lisez Marthe Robert ou - en allemand et en anglais - Klaus Wagenbach dont l'essentiel n'est plus disponible en langue française. Et n'oubliez pas Alexandre Vialatte, le premier traducteur en langue française de ce désormais incontournable prodige des lettres modernes et qui nous en dresse un portrait souvent inattendu!

Jacqueline Raoul Duval, Kafka l'éternel fiancé (Flammarion, 2011)

Pietro Citati, Kafka (coll. Folio/Gallimard, 1991)

Marthe Robert, Seul comme Franz Kafka (Calmann-Lévy, 1994)

Alexandre Vialatte, Mon Kafka (Belles-Lettres, 2010)

06/03/2011

Andrés Barba

Bloc-Notes, 6 mars / Les Saules

littérature; roman; livres

Andrés Barba - l'auteur de Versions de Teresa, de Et maintenant dansez et de La Ferme Intention, auprès du même éditeur - est âgé de 26 ans à peine, quand il publie La soeur de Katia, un roman tout à fait bouleversant.

Toujours proche des fêlés de la vie, au sens moral autant que physique, il nous raconte, sous le regard d'une adolescente de quatorze ans dont nous ne saurons rien ou presque - pas même son nom - l'histoire de sa famille: un père inconnu, une grand-mère en fin de vie, une mère prostituée, enfin Katia, sa soeur aînée strip-teaseuse dans un club de Madrid et droguée. Le résumé d'un parfait mélodrame, me direz-vous... Or, il n'en est rien, car ainsi que développé dans son plus récent roman Versions de Teresa déjà présenté ici, l'écriture d'Andrés Barba est de celles qui ressemble à une corde tendue à l'extrême, vibrante, simple témoin involontaire de la fragilité de ces existences qui refusent de se briser sur le sol à la manière de funambules qui ont trop vite grandis et osent leurs pirouettes sans filet, juste pour sentir le frémissement de la vie qui les engloutit, les traverse ou les unit. Pas de place pour les apitoiements. Le regard si particulier que l'auteur jette sur ses personnages suggère au contraire une foule de questions gagnant le lecteur par une attention pleine d'empathie aux détails infinis du quotidien.

A l'opposé d'une peinture sociale, ce roman, comme dans un théâtre aux ombres trompeuses, met en lumière un petit monde de gens ordinaires, assoiffés d'amour et en ignorant le prix, baladés au gré de sentiments qui les dépassent, avec ses heurts, ses silences, ses non-dits, ses attentes. Un des passages poignants affecte la soeur de Katia, tombée sous le charme d'un jeune américain, John Turner, qui lui délivre un message porteur de douloureux prémices d'avenir: Dieu t'aime... à elle qui semble n'avoir jamais été aimée, et de ce fiasco, elle sortira grandie, dépourvue de rancune, attendrie, réchauffée: Le printemps était arrivé avec la rapidité inattendue d'une bonne nouvelle qui survient en pleine désolation. Les rues ne tardèrent pas à se remplir de nouveau de touristes aux vêtements gais avec leur appareils photo. C'était agréable de les regarder passer avec leurs chemises d'Italie, leurs chaussures de Hollande, leurs yeux d'Angleterre, si lointains il y a peu et maintenant si proches qu'elle aurait pu les toucher en tendant les bras. Comme leurs parfums étaient incroyables, et leurs sourires, leur façon de s'embrasser en pleine rue, de se dire qu'ils s'aimaient.  

Autre temps fort de ce livre, servi par des dialogues percutants, cruels et tendres à la fois: la grand-mère, sujette à des accès de démence, progressivement atteinte de la maladie d'Alzheimer et qui meurt apaisée auprès de sa fille comme ces mouettes d'un endroit d'Angleterre: Elles avaient aussi leurs lois, elles aimaient elles aussi, elles avaient des petits, elles leur cherchaient de la nourriture et, elles aussi, elles mourraient.

Katia quant à elle, révoltée contre la famille en général et sa mère en particulier, traverse la vie avec rage, mais avec drôlerie aussi - telle la description amusante de son numéro de scène avec Mora - ravie de retrouver sa soeur, comme une lueur dans la nuit des moments difficiles: Quand elle se glissa sous les draps, elle sentit la douce chaleur du corps de Katia et se serra contre elle. Le monde reprit forme, statique et simple, quand elle sentit la main de Katia lui caresser le dos. Elle ferma les yeux. Elle aurait aimé crier qu'elle était heureuse.

Même si certains thèmes récurrents plutôt sombres secouent cette délicate leçon d'amour sur fond de solitude - la nudité révélée comme un mensonge à découvert, la religion fabriquant la honte et la culpabilité, le corps voué à une inévitable déchéance au fil du temps - l'approche en demeure chaleureuse et s'ouvre à maintes réconciliations possibles dont la soeur de Katia fait figure de présence consolatrice avec ses mots simples et ses gestes empreints de douceur.

Décidément, Andrés Barba est un auteur qui mérite d'être mieux connu et partagé!  

Andrés Barba, La soeur de Katia (Bourgois, 2006) 

20:04 Écrit par Claude Amstutz dans Andrés Barba, Bloc-Notes, Littérature espagnole, Littérature étrangère | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; roman; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

03/03/2011

Actualité d'Andrée Chedid

Bloc-Notes, 3 mars / Les Saules

littérature; romans; poésie; livres

 

Pour tous les amoureux des racines, de la langue et des frémissements poétiques d'Andrée Chedid, dont deux ouvrages ont paru peu avant sa disparition - un roman, Les quatre morts de Jean de Dieu; un recueil de poèmes, L'étoffe de l'univers - déjà évoqués dans ces colonnes, je ne saurais trop vous recommander, dans la célèbre collection Poètes d'aujourd'hui, l'étude que lui a consacré Jacques Izoard. Illustrée par des documents photographiques émouvants, suivie d'une anthologie de ses poèmes: un coeur fertile qui nous reste de son passage.

Si vous préférez la prose, je vous signale, dans la collection Mille et une pages - 1'182 pages! - Romans, regroupant ses récits les plus importants: Le sommeil délivré, Le sixième jour, L'autre, L'enfant multiple, La maison sans racines, Le survivant, Les marches de sable, Nefertiti et le rêve d'Akhenaton. La plupart de ces textes sont également disponibles en coll. J'ai Lu ou Librio, souvent choisis dans les lectures scolaires, ce qui me ravit!

Rythmes, dans la légendaire coll. Blanche de chez Gallimard, est à mon sens l'un de ses plus beaux recueils poétiques: Mon autre / Mon semblable / En cette chair qui nous compose / En ce coeur qui se démène / En ce sang qui cavalcade / Et ce complot du temps / En cette mort qui nous guette / En cette fraternité de nos fugaces vies / Mon semblable / Mon autre / Là où tu es / Je suis.

Enfin - un juste compromis entre prose et poésie - découvrez vite le merveilleux album Le coeur demeure, une correspondance entre Andrée Chedid et son époux Louis-Antoine, contre-chant à partir des deux rives de la Méditerranée, illustrée de photographies de Fouad Elkoury: En pénétrant et en se pénétrant du désert, sans doute y décèle-t-on le fond de l'âme? Confrontée à son extrême nudité, peut-être qu'on libérerait en soi d'autres sources plus souterraines, et que se dévoileraient d'autres et surprenants chemins? Mais cette voie, je le sens bien, n'est pas la mienne. Je préfère prendre appui sur l'image d'une fontaine, sur celle d'un peuplier ou sur les mystères d'un visage. Je préfère parcourir les vives et effervescentes cités, Paris, Le Caire et même New York m'émeuvent, me remuent, me propulsent. La ville m'est remède et soulèvement. Elle me tire de l'ennui, de la routine; me garde dans le vif des rencontres, dans le bonheur du partage et de la diversité.

Belles lectures à tous! 

Jacques Izoard, Andrée Chedid (coll. Poètes d'aujourd'hui/Seghers, 2004)

Andrée Chedid, Romans (Flammarion, 1998)

Andrée Chedid, Rythmes (Gallimard, 2003)

Andrée et Louis Antoine Chedid, Le coeur demeure (Stock, 1999)

 

00:16 Écrit par Claude Amstutz dans Andrée Chedid, Bloc-Notes, Littérature francophone | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; romans; poésie; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

27/02/2011

Jacques Lacarrière

Bloc-Notes, 27 février / Les Saules

littérature; poésie; essais; livres

Bien que célèbre auprès du grand public pour Chemin faisant, mille kilomètres à pied à travers la France et L'été grec célébrant sa passion pour la mythologie et la Grèce antique, on oublie trop souvent que cet homme du voyage, à la manière d'un Nicolas Bouvier, fut avant tout un poète, et comme le note Jean-Pierre Siméon dans sa magnifique préface, il s'agit toujours pour lui de délivrer des oracles inapaisés, des vérités qui n'ont pas d'âge ou dont notre modernité désinvolte fait par lâcheté l'économie.

Cet Orphée contemporain nous permet ainsi de découvrir des textes admirables, parmi lesquels les recueils Amours d'écume - six poèmes pour Aphrodite et Terre: Je suis né d'un songe de la terre rêvant qu'elle s'unissait au ciel. J'ai grandi dans l'ombre inquiète de racines toujours assoiffées d'obscur. Et j'ai fleuri dans l'allégresse de la sève et l'offertoire des frondaisons. Je suis l'axe du monde, vivant défi des temps carbonifères. L'alliance de l'ombre et de l'éclair, le tremplin des orages, l'esprit des sources et des souffles. Je suis le sommeil et l'éveil, le silence et la symphonie. Je suis l'oratoire des astres, et mes feuillages s'impatientent des apocalypses à venir. J'abrite en mes branches l'aspic et l'alouette, l'ogre et l'océanide, le singe et la sylphide, le ver et la vestale. J'abrite l'hier des fauves, le présent des oiseaux et le demain des hommes. J'abrite le nid des anges et les couvées du ciel. Je suis l'axe du monde.

Ciselées avec lenteur, en artisan qui savoure le temps des haltes et des migrations de l'âme, ses réflexions sur l'écriture - et la poésie en particulier - ne sont d'aucun âge et signifient bien davantage qu'un simple encouragement pour les générations futures: La poésie est morte, mourante, moribonde? Alors, vive la poésie! Depuis qu'on annonce sa mort imminente, qu'on proclame sa désuétude, qu'on la dit inapte ou inappropriée au siècle d'aujourd'hui, il ne devrait plus s'écrire de poèmes. Pourtant, il s'en écrit, il s'en publie et surtout il s'en lit sans cesse. (...) Elle est toujours de ce monde, puisqu'elle demeure vivante parce que vivace, vivace parce que rebelle. (...) Rebelle a la vie prosaïque, rebelle au silence des cendres.

Critique littéraire, traducteur d''Odysséa Elytis et d'autres poètes grecs contemporains, metteur en scène de Sophocle et de Yannis Ritsos, cet homme de lettres en éveil devant toutes les formes et expressions du langage nous a quittés le 17 septembre 2005, à l'âge de 80 ans. Il semble que c'était hier...  

Jacques Lacarrière, A l'orée du pays fertile - Oeuvres poétiques complètes (Seghers, 2011)

00:16 Écrit par Claude Amstutz dans Bloc-Notes, Littérature francophone | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; poésie; essais; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

22/02/2011

Andrés Barba

Bloc-Notes, 22 février / Les Saules

littérature; roman; livres

Andrés Barba n'est pas le dernier venu sous nos latitudes francophones, puisque trois de ses livres - deux romans et un recueil de nouvelles -, La soeur de Katia (2001), Et maintenant dansez (2004), La Ferme Intention (2002) ont déjà été publiés aux éditions Christian Bourgois. Pourtant, ce jeune prodige des lettres, né en 1975 à Madrid - certainement l'un des écrivains les plus personnels de sa génération - demeure injustement méconnu.

Certains refrains traversent toute son oeuvre, dont l'incommunicabilité entre les êtres, qui détruit dans sa réalité cruelle les uns et déconstruit le château de cartes imaginaire des autres; la force souterraine des émotions entre vide et plein inspirant davantage de crainte que de libération; la maladie enfin, image incontournable de la déchéance physique et préfiguration de la forme humiliante de la mort rejoignant les deux thèmes précédents à laquelle répond en écho une vision plutôt féroce de la religion catholique. Sur le plan romanesque, un personnage central catalyse tout le désir et l'imaginaire des autres, et dans son dernier roman, Versions de Teresa, c'est particulièrement le cas. 

De quoi s'agit-il? Du besoin d'amour, de la fascination du désir et de la mise à nu des sentiments. Parlant très peu, enfermée en quelque sorte dans un monde inaccessible à ses proches - sa mère et sa soeur Veronica - Teresa, une adolescente de 14 ans, est de surcroît une handicapée physique. Dans un camp de vacances, elle fait la connaissance de Manuel, un moniteur trentenaire mal dans sa peau qui semble touché par la grâce de cette jeune fille. Quant à Veronica, qui éprouve pour sa petite soeur une tendresse bien réelle - mais concurrente face à sa mère et Manuel - ne ressent-elle pas le besoin de prendre sa revanche, dans cette relation à trois personnages - incapables de s'aimer eux-mêmes - qui dévie vers une transgression obscure et inacceptable? Pour qui?

Ce récit aux relations complexes n'est en aucun cas un roman sur la pédophilie. Presque lyrique et néanmoins concise, épurée de tout artifice, la langue d'Andrés Barba évite toute complaisance et traduit admirablement la peur de l'interdit, les frontières qui s'amenuisent entre la normalité et la différence, l'insatisfaction intime comme réponse à une obsession assouvie dans ce dernier cercle de la douleur et de la culpabilité de Manuel: Je l'ai utilisée - Teresa - comme une caisse de résonance, où mes propres sentiments étaient amplifiés par les siens. Elle n'était que le vide où résonnaient ces sentiments. Et ça, j'en ai honte.  

A cette image se superpose en miroir le jugement impitoyable de Veronica: C'est drôle, nu tu es beaucoup plus moche qu'habillé. (...) La chaleur te fait paraître plus vieux, ou plus fatigué, je ne sais pas. Tes pommettes deviennent toutes rouges. On dirait un enfant vieux. Tes bras sont très longs et tu as les jambes trop poilues. Tu es maigre et petit. Habillé, tu as l'air beaucoup plus fort, plus solide, mais nu et fatigué, il n'y a plus aucune vigueur en toi.  

L'amour, un cérémonial de l'exhibition, un concert de mensonges - à soi-même -, ou une leçon de choses apprise pour appréhender le réel? N'inventons-nous pas ceux que nous aimons, quand à nos pulsions ne répond que le silence intérieur - ou le vide - de l'autre? Qui donc est le plus faible et le plus vulnérable, quand le désir s'en mêle: le prédateur ou la victime? 

De ces interrogations - et de bien d'autres - ce livre tire sa force convulsive, ténébreuse, désenchantée, tel cet oiseau à l'aile casséetout près de la fin du roman - dont le vol n'est plus qu'une agonie circulaire... 

Andrés Barba, Versions de Teresa (Bourgois, 2011)

publié dans Le Passe Muraille no 85 - mars 2011