16/02/2013
Anne Bragance
Anne Bragance, Danseuse en rouge (Actes Sud, 2005)
Trois voix alternent ici, qui tantôt se tressent et s'entrelacent, tantôt s'opposent et se démentent, déroulant l'histoire d'un trio infernal : un homme, deux femmes. Tandis que la danseuse et le champion vivent une relation charnelle intense, vingt ans après leur première rencontre, l'épouse bafouée assiste au pas de cieux des amants et endure les affres de la jalousie. Danseuse en rouge explore les dédales du fantasme amoureux et propose une réflexion sur les infinies perversions de la relation triangulaire quand seuls les corps disent la vérité.
Ce pourrait être un classique vaudeville à trois : la femme, le mari et l’amant. Mais détrompez-vous, car sous la plume d’Anne Bragance, vive, drôle ou acide, il en va tout autrement… On songe à Colette – sur la fin du roman, surtout - et le personnage masculin n’est pas le plus exemplaire des acteurs de cette histoire !
Disponible également en coll. Babel (Actes Sud, 2008)
07:21 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature: roman; livresé | | Imprimer | Facebook |
15/02/2013
La citation du jour
Calliste II
Voulez-vous apprendre la vérité? Prenez modèle sur le joueur de cithare. Il incline légèrement la tête de côté, prête l'oreille au chant tandis que sa main manie l'archet et que les cordes se répondent harmonieusement. La cithare émet sa musique et le cithariste est transporté par la suavité de la mélodie.
Petite philocalie de la prière du coeur, traduite et présentée par Jean Gouillard (coll. Livre de vie/Seuil, 1968)
image: Abbaye de Cluny (www.narthex.fr)
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Morceaux choisis - Carlos Liscano
Carlos Liscano
Un jour on fait une fête. On annonce à l'un de nos camarades de cellule que sa femme, détenue ailleurs, vient de mettre au monde une petite fille. La mère et l'enfant se portent bien. Les yeux du père se remplissent de larmes. Nous le serrons sur notre coeur, nous chantons en son honneur, nous plaisantons.
Alors le père, plein de décision, fait quelque chose que personne ne peut croire. Il trouve une aiguille et du fil, ôte sa chemise et commence à la couper en morceaux. Puis il prend un marqueur. Il est merveilleusement adroit de ses mains. En une demi-heure il a fabriqué une poupée, à grands yeux, longs cils, lèvres rouges. C'est son cadeau pour la petite qui vient de naître. La poupée a l'air belle. C'est la première fois, et jusqu'ici la seule, que je vois naître une poupée. Une poupée unique, née des mains d'un homme, parmi des hommes.
Carlos Liscano, Le fourgon des fous (coll. 10-18/UGE, 2008
traduit du sud-américain par Jean-Marie Saint-Lu
07:37 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature étrangère, Littérature sud-américaine, Morceaux choisis | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : littérature; récit; morceaux choisis; livres | | Imprimer | Facebook |
14/02/2013
Zoyâ Pirzâd
Zoyâ Pirzâd, Comme tous les après-midi (Zulma, 2007)
Retenez le nom de cette jeune Iranienne : elle en vaut la peine ! Dans ce recueil de nouvelles traduites du persan, ses personnages observent la vie quotidienne avec beaucoup de poésie, de grâce et de douceur, particulièrement dans L’hiver, Le banc d’en face ou Une vie. Une fenêtre ouverte sur un univers étranger et familier à la fois, qui ne manque pas de séduction.
Egalement disponible en coll. Livre de poche (LGF,2009)
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13/02/2013
Le poème de la semaine
Robert Desnos
Une fourmi de dix-huit mètres
Avec un chapeau sur la tête,
Ça n’existe pas, ça n’existe pas.
Une fourmi traînant un char
Plein de pingouins et de canards,
Ça n’existe pas, ça n’existe pas.
Une fourmi parlant français,
Parlant latin et javanais,
Ça n’existe pas, ça n’existe pas.
Et pourquoi pas ?
Quelques traces de craie dans le ciel,
Anthologie poétique francophone du XXe siècle
11:18 Écrit par Claude Amstutz dans Quelques traces de craie dans le ciel - Anth | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : textes; poésie | | Imprimer | Facebook |
12/02/2013
Morceaux choisis - Claudine Helft
Claudine Helft
Viendra le temps de marcherA rebours de la haine.Nous dévisserons nos pasRéajusterons nos empreintes;Nous ne chercherons plusDans nos miroirsLe reflet ventru des dieux,Mais nous réinventerons l'hommeEn sa propre soif;Nous gravirons l'étroit matinDes sans-frontières,Et n'aurons plus pour religionQue nos fils et la terre.Claudine Helft, Métamorphoses de l'ombre, dans: Pas d'ici, pas d'ailleurs - Anthologie poétique francophone de voix féminines contemporaines / présentation et choix: Sabine Huynh, Andrée Lacelle, Angèle Paoli, Aurélie Tourniaire / préface: Déborah Heissler (Voix d'Encre, 2012)
image: mesmotsperdus.blogspot.ch
12:30 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone, Morceaux choisis | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : littérature; poésie; anthologie; livres | | Imprimer | Facebook |
Valérie Tong Cuong
Valérie Tong Cuong, Providence (Stock, 2008)
Un grain de sable suffit parfois à bouleverser une vie. Tel est le propos entretenu par les personnages de ce roman qui, tous – Marilou, Albert, Tom et Prudence - vont être confrontés à l’irrémédiable. Ecorchés vifs, paralysés par le passé ou réduits à la solitude, le destin va pourtant bousculer leurs certitudes. Agréable, léger, tonique comme les bulles d’un champagne imprévu, ce roman choral à quatre voix s’inscrit dans les préoccupations de notre temps, sans noirceur ni stéréotypes inutiles. Un moment de bonheur!
Egalement disponible en format de poche (J'ai Lu, 2010)
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11/02/2013
Morceaux choisis - Jocelyne François
Jocelyne François
Il est au soleil pâle, sur le seuil. Pâle lui aussi. Un tel changement s'est produit en lui qu'elle reste muette. Il y a presque huit mois qu'elle ne l'a vu. Et d'abord ses mains. Ses mains. Presque transparentes. Il tient ses bras le long de son corps. Et maintenant il ne lutte plus contre la voussure de son dos. Cependant il semble immense, amaigri et léger comme un grand corps de coquillage creux, avec son sourire comme déjeté de son visage et son regard qui renonce. Elle se tait, c'est lui qui commencera la conversation, elle ne sait plus comment car elle entend à peine. Ils rentrent. La pièce de travail lui paraît petite mais l'odeur n'a pas changé. Il tombe dans son fauteuil plus qu'il ne s'y assied.
Alors? dit-il. Où sont les allées de la parole, ce qui venait comme un vin coule d'une bouteille dont il force lui-même l'ouverture? Elle sent des mots bouger dans sa bouche, mais au lieu d'être faits d'air et de mouvements de langue, il ne sont qu'un conglomérat de gravier, de sable, de cendres et plus rien ne ressemble à rien et tout est dérivé. Une fatigue terrassante s'empare d'elle. Elle regarde ses joues creusées, ses mains posées à plat devant lui sur la table. Il dit à nouveau que c'est son dernier livre qu'elle a reçu, qu'il n'écrira plus. Non, je suis sûre que tu as écrit d'autres poèmes, ce que tu viens de traverser, tu n'a pas pu ne pas l'écrire.
Et il la regarde dans le trouble et la douleur. Viens près de moi!
Elle se lève et se tient debout le long de sa table. Il laisse aller sa tête contre elle, il s'enferme dans la chaleur de ses bras. Quel mal tu m'a fait... Tu ne sauras jamais le mal que tu m'as fait. Je ne te demandais presque rien.
Elle se tait. Nous voilà quatre ans en arrière, pense-t-elle, mais ce n'est jamais vrai. Aucun recul. Elle resserre ses bras sur lui. Ce n'est pas presque rien que tu me demandais. - Tu l'aimes donc à ce point? - Oui. Et toi je t'aime plus que moi-même. Jamais il n'en sera autrement. Même si cela te semble dérisoire, même si tu désires m'en punir, si tu inventes n'importe quoi pour m'en punir. Tu as déjà commencé et tu n'es pas près de finir, je le sais. Mais toujours je me dirai: c'est lui, sa douleur lui donne droit de me faire mal. Je ne peux pas partager l'amour, je préfère mourir. Je t'aurais aimé si je t'avais rencontré avant elle et peut-être en aurais-tu été embarrassé... peut-être aussi aurais-tu cessé d'errer, d'appeler. Nul ne sait. Pour moi l'amour est grave, insolent, brûlant, il refuse la mort, il la digère, il l'anéantit, il use du temps mais il n'est pas dans le temps, il ne laisse aucune place dans mon corps où tu pourrais à ton tour te coucher. Je ne t'en veux pas, pourquoi t'en voudrais-je? Tu es libre d'aller, de venir. Tu es libre d'ouvrir, de fermer. Et moi, pareil. Nous sommes deux mondes. Nous ne pouvons pas toujours à temps nous faire signe. Nous mourrons et si tu t'écartes de moi nous aurons perdu tout le temps qui reste. Personne ne me consolera de ta perte, personne ne remplacera ta présence. Un trou, un blanc. Ton nom quelque part, comme un coup. Je sais que tu n'accepteras pas, je l'ai vu. C'est ton désir qui te faisait mentir quand tu parlais d'amitié entre nous. Tu étais acculé à mentir mais ce n'est pas parce que j'ai vu tes mensonges que je t'ai moins aimé. Et je ne sais pas ce que c'est qu'un mensonge. Ceux qui ne désirent rien sont peut-être les seuls à ne jamais mentir. Pour Sarah, pour la rejoindre, j'ai menti à mort. J'ai eu si peur en mai, tu pouvais mourir. L'idée même de ta mort possible, je ne la supporte pas. Quand tu m'approchais, tes chiens de garde aboyaient.
D. surtout, lui que j'avais rencontré plusieurs fois devant toi, lui si timide, si courtois! Comme les choses changent... Pourtant je me bornais à demander de tes nouvelles, je n'aurais pas fait un seul pas vers toi. Tes cris avaient suffi à m'arrêter net. Je ne comprendrai jamais ni cela ni pourquoi nous sommes là en ce moment, longtemps après. Maintenant nous n'aurons plus que deux choses en commun, la poésie et la mort, c'est peut-être une seule et même chose. Les détails du temps tomberont en dehors de nous. Cela, je le comprends.
Elle parle sans rien voir. Yeux ouverts, ils sont comme fermés car elle ne regarde qu'un seul point de la pièce, le bas de la bibliothèque. Ainsi que l'image rétinienne s'efface en quelques secondes, les portes de bois sont devenues neutres puis elles ont disparu. Il ne bouge pas. Il est cette chaleur entre ses bras, ce poids dont elle ne porte pas la charge. Tout le contenu de ses pensées sur lui, sur eux, pourrait s'écouler sans qu'elle y prenne garde. Elle ne sait que la matière de sa propre voix, une espèce de douceur régulière où perce un début d'enrouement. Un bruit de voiture surgit, on roule dans l'allée de graviers.
A. revient, dit-il. Il se dresse, écarte ses bras, la regarde. Ne bouge pas, ne me reconduis pas. Je pars.
A. entre. Croisement, serrements de mains. Ils demeurent tous deux sur le seuil tandis qu'elle s'éloigne...
Jocelyne François, Les amantes ou Tombeau de C. (coll. Folio/Gallimard, 1998)
image 1: Henri Elwing, Jocelyne François et M.C. (doucementlematin.com)
image 2: Serge Assier, René Char aux Busclats (blogs.rue89.com)
07:45 Écrit par Claude Amstutz dans Jocelyne François, Littérature francophone, Morceaux choisis, René Char | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; roman; morceaux choisis; livres | | Imprimer | Facebook |
10/02/2013
Anton Tchekhov
Anton Tchekhov, Des larmes invisibles au monde (Editions des Syrtes, 2006)
On l'a assez répété : Tchékhov est un grand réaliste. Même quand il cultive le rire, ses personnages, veules, irresponsables, banals, falots, ont une présence qui s'impose parce que l'auteur, par sa lucidité, nous fait accepter leur manque de lucidité, par sa compassion leur absence de courage, leurs apitoiements et leur vanité.
Courageuse décision de l’éditeur de publier les nouvelles inédites de cet incontournable classique qui distille sa mélancolie au fil des pages. Les textesL’ennui de la vieetLa rivièresurtout, sont des pages poignantes qui côtoient - dans un univers certes différent – le monde de Maupassant.
06:00 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature étrangère | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; nouvelles; livres | | Imprimer | Facebook |
09/02/2013
Markus Zusak
Markus Zusak: La voleuse de livres (Pocket Jeunesse, 2007)
La Mort vous raconte une histoire : La deuxième guerre mondiale dans l’Allemagne nazie, au cœur de la famille Hubermann et de leur petite fille adoptive, Liesel, qui cherche à comprendre le monde qui l’entoure, apprend à lire pour conjurer le sort, et dont la Mort voudrait bien, mais sans parvenir à s’en emparer. Un récit bouleversant d’humanité pour adolescents et adultes qui célèbre l’amour de la lecture, de la solidarité entre les hommes, avec infiniment de poésie et d’originalité.
06:53 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature étrangère | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; roman; livres | | Imprimer | Facebook |