31/07/2013
Le poème de la semaine
Jean-Pierre Schlunegger
Je dis: lumière,et je vois bouger de tremblantes verdures.Je dis: lac,et les vagues dansent à l'unisson.Je dis: feuille,et je sens tes lèvres sur ma bouche.Je dis: flamme, et tu viens, ardente comme un buisson. Je dis: rose,et je vois la nuit qui s'ouvre à l'aube.Je dis: terre,un sommeil aveugle, un chant profond.Je dis: amour,comme on dit tendre giroflée.Je dis: femme,et déjà c'est l'écho de ton nom. Quelques traces de craie dans le ciel,Anthologie poétique francophone du XXe siècle
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24/07/2013
Le poème de la semaine
Ilarie Voronca
Rien n’obscurcira la beauté de ce mondeLes pleurs peuvent inonder toute la vision.La souffrance peut enfoncer ses griffes dans ma gorge.Le regret, l'amertume, peuvent élever leurs murailles de cendre,La lâcheté, la haine, peuvent étendre leur nuit,Rien n'obscurcira la beauté de ce monde. Nulle défaite ne m'a été épargnée.J'ai connu le goût amer de la séparation.Et l'oubli de l'ami et les veilles auprès du mourant.Et le retour vide, du cimetière.Et le terrible regard de l'épouse abandonnée.Et l'âme enténébrée de l'étranger,Mais rien n'obscurcira la beauté de ce monde. Ah! On voulait me mettre à l'épreuve,Détourner mes yeux d'ici-bas.On se demandait : "Résistera-t-il?"Ce qui m'était cher m'était arraché.Et des voiles sombres, recouvraient les jardins à mon approcheLa femme aimée tournait de loin sa face aveugleMais rien n'obscurcira la beauté de ce monde. Je savais qu'en dessous il y avait des contours tendres,La charrue dans le champ comme un soleil levant,Félicité, rivière glacée, qui au printempsS'éveille et les voix chantent dans le marbreEn haut des promontoires flotte le pavillon du ventRien n'obscurcira la beauté de ce monde. Allons! Il faut tenir bon.Car on veut nous tromper,Si l'on se donne au désarroi on est perdu.Chaque tristesse est là pour couvrir un miracle. Un rideau que l'on baisse sur le jour éclatant,Rappelle-toi les douces rencontres, les serments,Car rien n'obscurcira la beauté de ce monde. Il faudra jeter bas le·masque de la douleur,Et annoncer le temps de l’homme, la bonté,Et les contrées du rire et la quiétudeJoyeux, nous .marcherons vers la dernière épreuveLe front dans la clarté, libation de l'espoir,Rien n'obscurcira la beauté de ce monde.Quelques traces de craie dans le ciel,Anthologie poétique francophone du XXe siècle
06:57 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone, Quelques traces de craie dans le ciel - Anth | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; poésie | | Imprimer | Facebook |
17/07/2013
Le poème de la semaine
Jean Tardieu
D'où (lentement) vient ce qui vient? D'où émerge ce qui s'élève? D'où sort vivement ce qui veut, ce qui veut être et veut être visible? J'assiste je ne sais pasqui voit qui est vu qui gronde qui se taitqui demeure qui se dispersebrille par ici s'éteint là-bas Ce qui veut êtreest-ce moi qui ne suis plus?Ce qui est tenu n'est pas entenduCe qui devait venir n'est pas venuCe peu de chose n'est rien. Mais l'ombre et la lumière (que je connais bien)tournent autour l'un de l'autreformant au regard maints objets pleinspar exemple le silence d'une plantepar exemple le poids d'une pierreou un simple mouvementqui va qui s'éloigne qui revientpendant que je me tiens debout Quelquefois je marche et ne dis rien. Quelques traces de craie dans le ciel,Anthologie poétique francophone du XXe siècle
08:02 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone, Quelques traces de craie dans le ciel - Anth | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : littérature; poésie | | Imprimer | Facebook |
10/07/2013
Le poème de la semaine
Guillevic
Regardez une fois de plusLes arbres s'habiller de vert, Occuper plus d'espace,Tendre leurs branches. Regardez-les s'offrirA la joie de la vie, De cette vie que l'hiverTrouve inguérissable. Quelques traces de craie dans le ciel,Anthologie poétique francophone du XXe siècle
01:27 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone, Quelques traces de craie dans le ciel - Anth | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; poésie | | Imprimer | Facebook |
03/07/2013
Le poème de la semaine
Paul Eluard
Je t'aime pour toutes les femmesQue je n'ai pas connuesJe t'aime pour tout le tempsOù je n'ai pas vécuPour l'odeur du grand largeEt l'odeur du pain chaudPour la neige qui fondPour les premières fleursPour les animaux pursQue l'homme n'effraie pasJe t'aime pour aimerJe t'aime pour toutes les femmesQue je n'aime pas Qui me reflète sinon toi-mêmeJe me vois si peuSans toi je ne vois rienQu'une étendue déserteEntre autrefois et aujourd'huiIl y a eu toutes ces mortsQue j'ai franchiesSur de la pailleJe n'ai pas pu percerLe mur de mon miroirIl m'a fallu apprendreMot par mot la vieComme on oublie Je t'aime pour ta sagesseQui n'est pas la miennePour la santé je t'aimeContre tout ce qui n'est qu'illusionPour ce cœur immortelQue je ne détiens pasQue tu crois être le douteEt tu n'es que raisonTu es le grand soleilQui me monte à la têteQuand je suis sûr de moi Quelques traces de craie dans le ciel,Anthologie poétique francophone du XXe siècle
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26/06/2013
Le poème de la semaine
René-Guy Cadou
Un soir de pauvreté comme il en est encoreDans les rapports de mer et les hôtels meublésIl arrive qu'on pense à des femmes capablesDe vous grandir en un instant de vous lancerPar-dessus le feston doré des balustradesVers un monde de rocs et de vaisseaux hantésLes filles de la pluie sont douces si je hèleÀ travers un brouillard infiniment glacéLeur corps qui se refuse et la noire dentelleQui pend de leurs cheveux comme un oiseau blesséNous ne dormirons pas dans des chambres offertesÀ la complicité nocturne des amantsNous avons en commun dans les cryptes d'eau verteLe hamac déchiré du même bâtimentEt nous veillons sur nous comme on voit les pleureusesDans le temps d'un amour vêtu de cécitéÀ genoux dans la gloire obscure des veilleusesRéchauffé de leurs mains le front prédestiné. Quelques traces de craie dans le ciel,Anthologie poétique francophone du XXe siècle
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21/06/2013
Morceaux choisis - Guillaume Apollinaire
Guillaume Apollinaire
Me voici devant tous un homme plein de sensConnaissant la vie et de la mort ce qu'un vivant peut connaîtreAyant éprouvé les douleurs et les joies de l'amourAyant su quelquefois imposer ses idéesConnaissant plusieurs langagesAyant pas mal voyagéAyant vu la guerre dans l'Artillerie et l'InfanterieBlessé à la tête trépané sous le chloroformeAyant perdu ses meilleurs amis dans l'effroyable lutteJe sais d'ancien et de nouveau autant qu'un homme seulpourrait des deux savoirEt sans m'inquiéter aujourd'hui de cette querreEntre nous et pour nous mes amisJe juge cette longue querelle de la tradition et de l'inventionDe l'Ordre et de l'Aventure Vous dont la bouche est faite à l'image de celle de DieuBouche qui est l'ordre mêmeSoyez indulgents quand vous nous comparezA ceux qui furent la perfection de l'ordreNous qui quêtons partout l'aventure Nous ne sommes pas vos ennemisNous voulons vous donner de vastes et étranges domainesOù le mystère en fleurs s'offre à qui veut le cueillirIl y a là des feux nouveaux des couleurs jamais vuesMille phantasmes impondérablesAuxquels il faut donner de la réalitéNous voulons explorer la bonté contrée énorme où tout se taitIl y a aussi le temps qu'on peut chasser ou faire revenirPitié pour nous qui combattons toujours aux frontièresDe l'illimité et de l'avenirPitié pour nos erreurs pitié pour nos péchés Voici que vient l'été la saison violenteEt ma jeunesse est morte ainsi que le printempsO Soleil c'est le temps de la Raison ardenteEt j'attendsPour la suivre toujours la forme noble et douceQu'elle prend afin que je l'aime seulementElle vient et m'attire ainsi qu'un fer l'aimantElle a l'aspect charmantD'une adorable rousse Ses cheveux sont d'or on diraitUn bel éclair qui dureraitOu ces flammes qui se pavanentDans les rose-thé qui se fanent Mais riez riez de moiHommes de partout surtout gens d'iciCar il y a tant de choses que je n'ose vous direTant de choses que vous ne me laisseriez pas direAyez pitié de moiGuillame Apollinaire, La jolie rousse, dans: Calligrammes (coll. Poésie/Gallimard, 2002)
image: Poule Picote, La rousse (http://perlbal.hi-pi.com)
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19/06/2013
Le poème de la semaine
Pierre Reverdy
Sous les lueurs des plantes raresles joues roses des cerisiersles diamants de la distanceEt les perles dont elle se pareSous les lustres des flaques tièdesA travers la campagne hachéeA travers les sommeils tranchésA travers l'eau et les ornièresles pelouses des cimetières A travers toi Au bout du mondeLe monde couru pas à pasTon amour sous la roue du soirA peine la force de ce geste de désespoirA peine l'eau ridée sur le cours de ton seinContre le parapet fragile du destinJ'aime ces flocons blancs de la pensée perduedans le vent de l'hiver et le printemps morduMon esprit délivré de ces chaînes anciennesEt que la rouille a dénouéesPour me serrer plus fort aujourd'hui dans les tiennes. Quelques traces de craie dans le ciel,Anthologie poétique francophone du XXe siècle
05:28 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone, Quelques traces de craie dans le ciel - Anth | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; poésie | | Imprimer | Facebook |
05/06/2013
Le poème de la semaine
Dominique Aury (Pauline Réage)
merci à Marie Elisabeth C
Lorsque vous avancez dans ma nuitVous n'êtes pas vous, je suis une autreCette autre ne sait pas qui je suisVous ne savez pas que je suis vôtre Nous marchons sur la rive d'un fleuveSur un étroit sentier de halageSur le rebord d'une digue neuveSur les hautes marches d'un barrage Jusqu'à la plaine où sont de grands arbresQui se reflètent dans les eaux noiresJusqu'aux herbes où luisent des marbresDans le silence et le désespoir Et je crie sans un cri sans un motParce que la nuit vous a reprisLes chemins sont coupés par le flotAh qu'il m'emporte avec ses débris!
06:42 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone, Quelques traces de craie dans le ciel - Anth | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; poésie | | Imprimer | Facebook |
29/05/2013
Le poème de la semaine
Louis Latourre
merci à Michael L
Pas un mot, pas un vent… Rien, mon Saule, n'effeuille Un si frêle miroir où déjà le jour meurt.Mais entière et parfaite est la paix qui m'accueille,Et mes pas semblent faits pour ces lieux sans rumeur.Te voici, mon bel Arbre, et si doux je le veuille, T'approcher de ces pas ne m'en fait pas moins peur: Moire offerte à mes yeux par un ciel couleur feuille, Trop d'espoir, trop d'amour peuple et hante mon cœur.Qui ne sait, beau Miroir, que la vie est un leurre?Que la mort est légère à qui veut que tout meure?Les bois purs de tes bras sont d'un tendre cercueil…Tu m'as dit bien souvent que tout vient à son heure; Mais du mal - mais du bien, je ne sais - que j'effleure Pas un mot, pas un seul, qui défende le seuil. Me voici devant toi… Découvrant mon histoire…Me voici découvrant - mon regard dans le tien -Quels chemins j'ai suivis en longeant l'onde noire,Quels chemins jusqu'aux bords où la soif me retient.Me voici devant toi... Libre à toi de m'en croire:Tant d'amour est en moi que nulle eau n'y peut rien… J'ai marché tout le jour dans l'espoir moins de boireQue de perdre en tes bois maint chagrin toujours mien.Mon pur Saule, aide-moi… Mon bel Arbre de gloire. S'il est vrai que mon bien m'est trop grand pour le croire, Mes chagrins sont d'un poids que trop d'ombre entretient:Aide-moi, d'une branche, à franchir cette eau noire…Terme pur des chemins dont mes pas font mémoire,J'ai marché, tout le jour, sans espoir d'autre bien. Ou bien Moire ou miroir… Ou mon Arbre aussi bien...Plus d'un nom vous convient, composant l'or et l'ombre; Et plus d'un vous sait peindre, à la fois clair, et sombre,Et soignant ou blessant plus d'un cœur - dont le mien.Ou bien Moire ou miroir… Plus d'un nom vous convient; Plus d'un nom qui m'est cher - et mon Saule est du nombre.Mais un seul, deviné dans vos yeux faits d'eau sombreEst doré de moissons dont l'été ne sait rien.Ou bien Moire, ou miroir, ou mon Arbre au besoin:N'en croyez point mon cœur d'être lourd à ce point,D'être sourd à ce nom, moi qui suis moins qu'une ombre;Mais au moins, d'un regard, donnez-moi le moyenDe ne point me noyer dans l'émoi qui m'en vient...Dans la chair de vos bois - me voici, moi qui sombre.Quelques traces de craie dans le ciel,Anthologie poétique francophone du XXe siècle
06:28 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone, Quelques traces de craie dans le ciel - Anth | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : littérature; poésie | | Imprimer | Facebook |