30/05/2012
Le poème de la semaine
Louise de Vilmorin
Plus jamais de chambre pour nous, Ni de baisers à perdre haleine Et plus jamais de rendez-vous Ni de saison, d'une heure à peine, Où reposer à tes genoux. Pourquoi le temps des souvenirs Doit-il me causer tant de peine Et pourquoi le temps du plaisir M'apporte-t-il si lourdes chaînes Que je ne puis les soutenir? Rivage, oh! rivage où j'aimais Aborder le bleu de ton ombre, Rives de novembre ou de mai Où l'amour faisait sa pénombre Je ne vous verrai plus jamais. Plus jamais. C’est dit. C'est fini. Plus de pas unis, plus de nombre, Plus de toit secret, plus de nid, Plus de lèvres où fleurit et sombre L'instant que l'amour a béni. Quelle est cette nuit dans le jour? Quel est dans le bruit ce silence? Mon jour est parti pour toujours, Ma voix ne charme que l'absence, Tu ne me diras pas bonjour. Tu ne diras pas, me voyant, Que j'illustre les différences, Tu ne diras pas, le croyant, Que je suis ta bonne croyance Et que mon cœur est clairvoyant. Mon temps ne fut qu'une saison. Adieu saison vite passée. Ma langueur et ma déraison Entre mes mains sont bien placées Comme l'amour en sa maison. Adieu plaisirs de ces matinsOù l'heure aux heures enlacée Veillait un feu jamais éteint. Adieu. Je ne suis pas lassée De ce que je n'ai pas atteint.
15:04 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone, Quelques traces de craie dans le ciel - Anth | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; poésie | | Imprimer | Facebook |
25/05/2012
Morceaux choisis - Jacques Prévert
Jacques Prévert
La fermeture éclair a glissé sur tes reinsEt tout l'orage heureux de ton corps amoureuxAu beau milieu de l'ombreA éclaté soudainEt sa robe en tombant sur le parquet ciréN'a pas fait plus de bruitQu'une écorce d'orange tombant sur un tapisMais sous nos piedsSes petits boutons de nacre craquaient comme des pépinsSanguineJoli fruitLa pointe de ton seinA tracé une nouvelle ligne de chanceDans le creux de ma mainSanguineJoli fruitSoleil de nuit
Jacques Prévert, dans: Eros émerveillé - Anthologie de la poésie érotique française (coll. Poésie/Gallimard, 2012)
image: Metart Fine Photography (2009)
06:18 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone, Morceaux choisis, Quelques traces de craie dans le ciel - Anth | Lien permanent | Commentaires (0) | | Imprimer | Facebook |
23/05/2012
Le poème de la semaine
Edmond Jabès
Que les bois aient des arbres,Quoi de plus naturel ?Que les arbres aient des feuilles,Quoi de plus évident ?Mais que les feuilles aient des ailes,Voilà qui, pour le moins, est surprenant.Volez, volez, beaux arbres verts.Le ciel vous est ouvert.Mais prenez garde à l’automne, fataleSaison, quand vos milliers et milliersD’ailesredevenues feuilles,tomberont.
00:16 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone, Quelques traces de craie dans le ciel - Anth | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; poésie | | Imprimer | Facebook |
09/05/2012
Le poème de la semaine
Ernest Pépin
Passagers des ventsEt de toute géographie souterraineNous glanons d’immenses voyancesEt honorons la vertu des sables aériensIl n’est griffures qui vaillent ni gommiers ni mémoiresSeules les boues ont gardé nos empreintesNous parlons le magma et la turbulence folleDe ces courants d’hommesAu grand charroi des îlesN’était-ce l’amandier et son parasol de rêvesOu l’oiseau foudroyé de vivre son voyageNotre voix va au vent tremblantDes fougères sacréesTant de boucans nous guettent aux haltesTant de langues se perdent aux feuillagesMais sur la jetée des vents d’ailleursEt d’iciNous hâlons le coutelas des tempêtesLe lieu est mémoireComme gouffre de lumièreOù nous naviguons à hisser nos élansChavire grand cielLes étoiles nous sont rumeurs de prophètesPar tous vents nos jardins s’émerveillentLà-haut l’île suspend sa crinièreVoyageur des vents souffle les motsAcquitte-toi des frontièresO vents des motsLavez l’écorce et le champignon des songesLà-bas m’attend une auberge marineSalaison de motsEt conteurs en veilleEt paroles d’embrunsEt compère SoleilCeux qui s’en viennent sont de connivencePlumes que laissent les voyageurs des ventsAux pirates et aux dieux.Quelques traces de craie dans le ciel,Anthologie poétique francophone du XXe siècle
06:54 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone, Quelques traces de craie dans le ciel - Anth | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; poésie | | Imprimer | Facebook |
02/05/2012
Le poème de la semaine
Saint-John Perse
Oiseaux, lances levées à toutes frontières de l'homme !… L'aile puissante et calme,et l'œil lavé de sécrétions très pures,ils vont et nous devancent aux franchises d'outre-mer,comme aux Échelles et Comptoirsd'un éternel Levant. Ils sont pèlerins de longue pérégrination,Croisés d'un éternel An Mille.Et aussi bien furent-ils Croisés sur la croix de leurs ailes...Nulle mer portant bateaux a-t-elle jamais connupareil concert de voiles et d'ailes sur l'étendue heureuse ? Avec toutes choses errantes par le mondeet qui sont choses au fil de l'heure,ils vont où vont tous les oiseaux du monde,à leur destin d'êtres créés...Où va le mouvement même des choses, sur sa houle,où va le cours même du ciel, sur sa roue- à cette immensité de vivre et de créerdont s'est émue la plus grande nuit de mai -ils vont, et doublant plus de caps que n'en lèvent nos songes,ils passent, nous laissant à l'Océandes choses libres et non libres... Ignorants de leur ombre,et ne sachant de mort que ce qui s'en consume d'immortelau bruit lointain des grandes eaux,ils passent, nous laissant, et nous ne sommes plus les mêmes.Ils sont l'espace traversé d'une seule pensée. Laconisme de l'aile!ô mutisme des forts...Muets sont-ils, et de haut vol,dans la grande nuit de l'homme.Mais à l'aube, étrangers, ils descendent vers nous:vêtus de ces couleurs de l'aube- entre bitume et givre -qui sont les couleurs mêmes du fond de l'homme...Et de cette aube de fraîcheur,comme d'un ondoiement très pur,ils gardent parmi nous quelque chose du songe de la création.Quelques traces de craie dans le ciel,Anthologie poétique francophone du XXe siècle
06:26 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone, Quelques traces de craie dans le ciel - Anth | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; poésie | | Imprimer | Facebook |
25/04/2012
Le poème de la semaine
Abdellatif Laâbi
J'aurai gravé sur l'étherdes voixdes cantilènesdes crisdes bribes d'histoiredes dates sans commentairedes mots d'adieurepris à des stèles funérairesdes chemins d'exildes bateaux de retourdes nervures d'arbresdes silhouettes d'oiseauxdes corps de femmesdes traces de pasdes cours de fleuvesdes dessins d'enfantsune main coupéeun coeur nuun lever de soleilque j'ai imaginé le premiersur terreune étoileque j'ai souvent visitée dans mes rêves éveillésun homme deboutles pieds fermesla tête hauteet dans ses yeux où perle une larmesubitement agrandis à la dimension du cielj'aurai gravé en pointilléla flèche de l'infini J'aurai marquécette pageet referméle livreQuelques traces de craie dans le ciel,Anthologie poétique francophone du XXe siècle
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18/04/2012
Le poème du jour
Jacques Chessex
En ce temps-là j'allais par ces boisMultipliant mon émoi dans mon coeurLe vent de mai chauffait l'airL'aubépine brûlait blanche vers la lumière de l'oréeEt déjà je savais quel accordLiait la fleur neigeuse et le secret de l'ombre où je marchaisAvec mon propre secret et cette fleurSi mal contenue dans mon seul crâne Ainsi j'allais à mon habitudeQuand la beauté trembleavec sa musique d'os et de clarinetteDans la buée heureuse des arbresEt le rossignol peut louer ma résolution Et moierrer par les arbres noirset ne craignant nulle rencontreCar la simplicité du coeur est une forteresseLa beauté une armureAssis au caveau des branchesle Cerf m'approuvaitSon sourire rayonnait comme un astreAu hallier nocturne en plein jour. Que craindre du rusé et du chasseurCar la limpidité de l'âme est visibleA travers l'os et la peau des pursEt leur candeur effraie le fourbe En ce temps-là j'allais innocemment par la nuit courbeJ'étais une fontaine où je buvais à ma propre sourceUne coulée d'air où je suspendais ma boucheAinsi boirait ma lèvre à la rivière de ta boucheMon âme se fortifierait à la clarté de la seule Eau. Quelques traces de craie dans le ciel,Anthologie poétique francophone du XXe siècle
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11/04/2012
Le poème de la semaine
Marceline Desbordes-Valmore
merci à Christiane H
J'ai voulu, ce matin, te rapporter des roses,Mais j'en avais tant pris dans mes ceintures closesQue les noeuds trop serrés n'ont pu les contenir. Les noeuds ont éclaté, les roses envoléesDans le vent, à la mer s'en sont toutes allées.Elles ont suivi l'eau pour ne plus revenir. La vague en a paru rouge et comme enflammée,Ce soir, ma robe encore en est tout embaumée...Respires-en sur moi l'odorant souvenir.Quelques traces de craie dans le ciel,Anthologie poétique francophone du XXe siècle
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04/04/2012
Le poème de la semaine
Andrée Chedid
Nul n'a vécu le fond d'une rose L'espace d'un océanOu le lieu de son corps Nul n'entrevoit l'écart entre la pulpe et l'écorceNe démêle l'écheveau de l'ombre et de la fleur Les nuits martèlent nos clairièresLe jour abreuve nos ravinsNul chemin n'est plus inverse que le nôtreMais nul plus souverain Quelques traces de craie dans le ciel,Anthologie poétique francophone du XXe siècle
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28/03/2012
Le poème de la semaine
Jean Grosjean
Nous reposons à ton ombremalgré l'éclat du jour qui torréfie les champs.Nous échappons par tes nuits étoiléesaux dimensions de notre internement. Tu peux guider ou dérouter nos songes,on ne t'entend pas plus qu'un vol d'effraie.Si nous effraie que la nuit se prolongec'est toi qui viens ouvrir les volets. Beauté des vitres que ton souffle embue,charme des premiers pas dans le jardin. Tu poses doucement sur le talusun vieux brouillard comme un chapeau d'emprunt. Quelques traces de craie dans le ciel,Anthologie poétique francophone du XXe siècle
01:14 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone, Quelques traces de craie dans le ciel - Anth | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; poésie | | Imprimer | Facebook |