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22/05/2013

Le poème de la semaine

Stéphane Mallarmé

merci à Michael L

Fée, au parfum subtil de foin
Coupé, dans la verte prairie,
Avec sa baguette fleurie
Elle surgit, charmant témoin.
 
Ce n'est pas quand on se marie
Seulement, qu'aux pays du loin,
Avec sa baguette fleurie
Elle surgit, charmant témoin.
 
Attentive à porter le soin
Jusqu'au cher cadeau qui varie
Toujours selon la rêverie
De l'enfant muette en son coin,
Elle surgit, charmant témoin.
 
Prenez dans chaque main de l'homme
Tourmenté par un soin ardu
De savoir ce qu'il vous faut, du
Bouton de rose ou de la pomme.
 
Pour chasser le malentendu,
En lui disant que c'est tout comme
Prenez dans chaque main de l'homme
Tourmenté par un soin ardu.
 
Si, damoisel ou majordome,
Il a, près de vous, confondu
La fleur qu'on respire éperdu
Et le fruit qui ne se consomme,
Prenez dans chaque main de l'homme.

 
Quelques traces de craie dans le ciel,
Anthologie poétique francophone du XXe siècle

07:23 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone, Quelques traces de craie dans le ciel - Anth | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; poésie | |  Imprimer |  Facebook | | |

15/05/2013

Le poème de la semaine

Robert Desnos

Une voix, une voix qui vient de si loin
Qu’elle ne fait plus tinter les oreilles,
Une voix, comme un tambour, voilée
Parvient pourtant, distinctement, jusqu’à nous.
Bien qu’elle semble sortir d’un tombeau
Elle ne parle que d’été et de printemps,
Elle emplit le corps de joie,
Elle allume aux lèvres le sourire.
 
Je l’écoute. Ce n’est qu’une voix humaine
Qui traverse les fracas de la vie et des batailles,
L’écroulement du tonnerre et le murmure des bavardages.
 
Et vous? Ne l’entendez-vous pas?
Elle dit « La peine sera de courte durée »
Elle dit « La belle saison est proche ».
 
Ne l’entendez-vous pas?
 
 
Quelques traces de craie dans le ciel,
Anthologie poétique francophone du XXe siècle


07:24 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone, Quelques traces de craie dans le ciel - Anth | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : littérature; poésie | |  Imprimer |  Facebook | | |

08/05/2013

Le poème de la semaine

Paul Valéry

Il est une douleur sans nom, sans but, sans cause 
Qui vient je ne sais d’où, je ne sais trop pourquoi, 
Aux heures sans travail, sans désir et sans foi 
Où le dégoût amer enfielle toute chose. 
 
Rien ne nous fait penser, rien ne nous intéresse, 
On a l’esprit fixé sur un maudit point noir. 
Tout est sombre : dedans, dehors, le jour, le soir, 
C’est un effondrement dans un puits de tristesse. 
 
C’est surtout vers la nuit, quand s’allume la lampe. 
Cet ennui fond sur nous, aussi prompt qu’un vautour. 
Le découragement nous guette au coin du jour, 
Quand s’élève du sol l’obscurité qui rampe. 
 
Ce n’est pas celui-là qui mène à la rivière 
C’est un mauvais moment à passer, voilà tout. 
Il nous fait ressortir la joie, ce dégoût 
Comme l’obscurité fait aimer la lumière. 
 
 
Quelques traces de craie dans le ciel,
Anthologie poétique francophone du XXe siècle

01/05/2013

Le poème de la semaine

Aimé Césaire

N’y eût-il dans le désert
qu’une goutte d’eau qui rêve tout bas,
dans le désert n’y eût-il
qu’une graine volante qui rêve tout haut,
c’est assez,
rouillure des armes, fissure des pierres, vrac des ténèbres
désert, désert, j’endure ton défi
blanc à remplir sur la carte voyageuse du pollen.
 
 
Quelques traces de craie dans le ciel,
Anthologie poétique francophone du XXe siècle

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24/04/2013

Le poème de la semaine

Soeur Marie-Pascale, carmélite

Si le vase à parfum est mort
si mon coeur misérable n'est un grenier à blé
où prendre à pleines mains le blé de la bonté
pour conforter le mur qui branle
pour pardonner sept fois le jour
comment ferai-je
si d'heure en heure
je n'ai reçu dans mon cellier
le vin du roi?
 
Et si je n'ai contre ses pieds
avec d'immenses clameurs
donné mes fautes
d'où me viendra le baume guérisseur?
 
Oh! que m'emplisse sa rivière
que j'aille consolée
que les bouleaux
les brebis les scarabées les frères
s'y abreuvent
et qu'elle ait le goût de narcisse et de lilas
la source
de trèfle rouge et de sureau
 
et qu'y viennent de préférence
ceux qui n'ont ni blé ni myrrhe
ni miel
et de la tendresse à revendre

 
Quelques traces de craie dans le ciel,
Anthologie poétique francophone du XXe siècle
 

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17/04/2013

Le poème de la semaine

Jean Genêt

Le vent qui roule un coeur sur le pavé des cours,
Un ange qui sanglote accroché dans un arbre,
La colonne d’azur qu’entortille le marbre
Font ouvrir dans ma nuit des portes de secours.

Un pauvre oiseau qui meurt et le goût de la cendre,
Le souvenir d’un oeil endormi sur le mur,
Et ce poing douloureux qui menace l’azur
Font au creux de ma main ton visage descendre.

Ce visage plus dur et plus léger qu’un masque,
Et plus lourd à ma main qu’aux doigts du receleur
Le joyau qu’il empoche; il est noyé de pleurs.
Il est sombre et féroce, un bouquet vert le casque.

Ton visage est sévère: il est d’un pâtre grec.
Il reste frémissant aux creux de mes mains closes.
Ta bouche est d’une morte et tes yeux sont des roses,
Et ton nez d’un archange est peut-être le bec.

Le gel étincelant d’une pudeur méchante
Qui poudrait tes cheveux de clairs astres d’acier,
Qui couronnait ton front d’épines du rosier
Quel haut-mal l’a fondu si ton visage chante?

Dis-moi quel malheur fou fait éclater ton oeil
D’un désespoir si haut que la douleur farouche,
Affolée, en personne, orne ta ronde bouche
Malgré tes pleurs glacés, d’un sourire de deuil?

Quelques traces de craie dans le ciel,
Anthologie poétique francophone du XXe siècle

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Le poème de la semaine

Blaise Cendrars

Je suis couché dans un plaid
Bariolé
Comme ma vie
Et ma vie ne me tient pas plus chaud
que ce châle écossais
Et l’Europe toute entière aperçue au coupe-vent
d’un express à toute vapeur
N’est pas plus riche que ma vie
Ma pauvre vie
Ce châle
Effiloché sur des coffres remplis d’or
Avec lesquels je roule
Que je rêve
Que je fume
Et la seule flamme de l’univers
Est une pauvre pensée...

Du fond de mon cœur des larmes me viennent
Si je pense, Amour, à ma maîtresse;
Elle n’est qu’une enfant, que je trouvai ainsi
Pâle, immaculée, au fond d’un bordel.

Ce n’est qu’une enfant, blonde, rieuse et triste,
Elle ne sourit pas et ne pleure jamais;
Mais au fond de ses yeux, quand elle vous y laisse boire,
Tremble un doux lys d’argent, la fleur du poète.

Elle est douce et muette, sans aucun reproche,
Avec un long tressaillement à votre approche;
Mais quand moi je lui viens, de ci, de là, de fête,
Elle fait un pas, puis ferme les yeux — et fait un pas.

Car elle est mon amour, et les autres femmes
N’ont que des robes d’or sur de grands corps de flammes,
Ma pauvre amie est si esseulée,
Elle est toute nue, n’a pas de corps — elle est trop pauvre.

Elle n’est qu’une fleur candide, fluette,
La fleur du poète, un pauvre lys d’argent,
Tout froid, tout seul, et déjà si fané
Que les larmes me viennent si je pense à son cœur.


Quelques traces de craie dans le ciel,
Anthologie poétique francophone du XXe siècle

10/04/2013

Le poème de la semaine

Jean Malrieu

Aimer s'invente à chaque jour.
Je viens au monde dans tes bras.
Mes yeux s'ouvrent
Et je te vois pour la première fois.
Qu'ils s'étonnent ou se moquent
Ceux pour qui le ciel est fermé!
Dans le mien
Ton corps illumine.
Il n'y a pas eu de jours ou de soleils
Pareils à celui-là.
 
Je n'ai plus de visage.
Je ne suis que lumière de visage.
Ma vie s'est oubliée.
Viens, désir!
Apprends-moi l'alphabet.
Mes mains sont neuves
Et vont découvrir
Le relief de la terre.
 
Je n'ai jamais marché.
Je n'ai jamais parlé.
Je n'ai jamais aimé que toi.
 
 
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03/04/2013

Le poème de la semaine

Louis Aragon

A la première Pâque il fleurie des lilas
La terre est toute verte oublieuse d'hiver
Tout le ciel est dans l'herbe et se voit à l'envers
A la première Pâque

A la Pâque d'été j'ai perdu mon latin
Il fait si bon dormir dans l'abri d'or des meules
Quand le jour brûle bien la paille des éteules
A la Pâque d'été

A la Pâque d'hiver il soufflait un grand vent
Ouvrez ouvrez la porte à ces enfants de glace
Mais les feux sont éteints où vous prendriez place 
À la Pâque d'hiver
 
Trois Pâques ont passé revient le Nouvel An
C'est à chacun son tour cueillir les perce-neige
L'orgue tourne aux chevaux la chanson du manège
Trois Pâques ont passé

Revient le Nouvel An qui porte un tablier
Comme un grand champ semé de neuves violettes
Et la feuille verdit sur la forêt squelette
Revient le Nouvel An

Saisons de mon pays variables saisons
Qu'est-ce que cela fait si ce n'est plus moi-même
Qui sur les murs écris le nom de ce que j'aime
Saisons de mon pays
Saisons belles saisons.


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Anthologie poétique francophone du XXe siècle

27/03/2013

Le poème de la semaine

Maurice Carême

Hé oui, je sais bien qu'il fait froid, 
Que le ciel est tout de travers; 
Je sais que ni la primevère
Ni l'agneau ne sont encor là.
 
La terre tourne; il reviendra,
Le printemps, sur son cheval vert. 
Que ferait le bois sans pivert,
Le petit jardin sans lilas? 
 
Oui, tout passe, même l'hiver,
Je le sais par mon petit doigt 
Que je garde toujours en l'air.
 
N’entends-je pas frémir en moi
Un pré naïf et recueilli
Autour de son clocher fleuri?
 
 
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