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20/03/2013

Le poème de la semaine

Jean Sénac

Tu disais des choses faciles
Travailleuse du matin
La forêt poussait dans ta voix
Des arbres si profonds que le coeur s'y déchire
Et connaît le poids du chant
La tiédeur d'une clairière
Pour l'homme droit qui revendique
Un mot de paix
Un mot à notre dimension

Tu tirais de sa solitude
Le rôdeur qui te suit tout pétri de son ombre
Celui qui voudrait écrire comme tu vois
Comme tu tisses comme tu chantes
Apporter aux autres le blé
Le lait de chèvre la semoule
Et si dru dans le coeur et si fort dans le sang
La bonté de chacun
Le charme impétueux des hommes solitaires

Tu m'apprends à penser
A vivre comme tu es
 
 
Quelques traces de craie dans le ciel,
Anthologie poétique francophone du XXe siècle

01:16 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone, Quelques traces de craie dans le ciel - Anth | Lien permanent | Commentaires (0) | |  Imprimer |  Facebook | | |

13/03/2013

Le poème de la semaine

Paul Eluard

Il y a sur la plage quelques flaques d’eau
Il y a dans les bois des arbres fous d’oiseaux
La neige fond dans la montagne
Les branches des pommiers brillent de tant de fleurs
Que le pâle soleil recule
 
C’est par un soir d’hiver dans un monde très dur
Que je vis ce printemps près de toi l’innocente
Il n’y a pas de nuit pour nous
Rien de ce qui périt n’a de prise sur toi
Et tu ne veux pas avoir froid
 
Notre printemps est un printemps qui a raison.
 
 
Quelques traces de craie dans le ciel,
Anthologie poétique francophone du XXe siècle
 

06/03/2013

Le poème de la semaine

François Cheng

Argile pétrie de rêves durables
De corps que l'eau départage
Rêves de jade et de rosée
Corps de souffles et de sang
Quelle main hors de la mémoire
Pétrissant l'un et puis l'autre
Pétrissant le vide médian
Où tout désir sera échange
 
Qui est brisé sera comblé
Qui est comblé sera tout autre
Argile pétrie de corps durables
De rêves dont les corps sont nés
Rêves de souffles et de sang
Corps de jade et de rosée

 
Quelques traces de craie dans le ciel,
Anthologie poétique francophone du XXe siècle

08:07 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone, Quelques traces de craie dans le ciel - Anth | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; poésie | |  Imprimer |  Facebook | | |

27/02/2013

Le poème de la semaine

Jean-Claude Pirotte

Non je n'ai pas trouvé la porte
ni la fenêtre ni le soupirail
ni la lucarne ou la chatière
je ne veux rien de tel pas même
 
le foutu filet de lumière
qui se coule sous le volet
je tiens à rester dans mon cadre
au moins jusqu'à la fin de l'hiver
 
avec ma tête et mon béret
mon col marin mon air niais
et puis mon coq en carton-pâte
et surtout! l'âge que j'avais.
 
 
Quelques traces de craie dans le ciel,
Anthologie poétique francophone du XXe siècle

01:39 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone, Quelques traces de craie dans le ciel - Anth | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : littérature; poésie | |  Imprimer |  Facebook | | |

20/02/2013

Le poème de la semaine

Anne de Noailles

Ainsi, quand j'aurai dit combien je vous adore,
Combien je vous désire et combien je t'attends,
Ivresse de l'année, ineffable Printemps,
Tu seras plus limpide et plus luisant encore
Que mon rêve volant, éclatant et chantant!
 
Les délicats sureaux et la pervenche blanche
Me surprendront ainsi que des yeux inconnus,
Les lilas me seront plus vivants et plus nus,
Le rosier plus empli du parfum qu'il épanche,
Et le gazon plus droit, plus lisse et plus ténu;
 
La juvénile odeur, aiguë, acide, frêle,
Des feuillages naissants, tout en vert taffetas,
Sera plus évidente à mon vif odorat
Que n'est aux dents le goût de la fraise nouvelle,
Que n'est le poids charmant des bouquets dans les bras.
 
 
Quelques traces de craie dans le ciel,
Anthologie poétique francophone du XXe siècle

07:48 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone, Quelques traces de craie dans le ciel - Anth | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : littérature; poésie | |  Imprimer |  Facebook | | |

13/02/2013

Le poème de la semaine

Robert Desnos

 

Une fourmi de dix-huit mètres

Avec un chapeau sur la tête,

Ça n’existe pas, ça n’existe pas.

 

Une fourmi traînant un char

Plein de pingouins et de canards,

Ça n’existe pas, ça n’existe pas.

 

Une fourmi parlant français,

Parlant latin et javanais,

Ça n’existe pas, ça n’existe pas.

 

Et pourquoi pas ? 

 

Quelques traces de craie dans le ciel,

Anthologie poétique francophone du XXe siècle

11:18 Écrit par Claude Amstutz dans Quelques traces de craie dans le ciel - Anth | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : textes; poésie | |  Imprimer |  Facebook | | |

06/02/2013

Le poème de la semaine

Jean Malrieu

merci à Marie-Elisabeth C

A l'usage des humbles, de ceux qui s'aiment,
j'écris que la terre est dure,
que tout passe, hormis l'amour.
J'écris ce que je sais et ce que nous savons,
mais que nous avons à mieux connaître pour vivre,
que la fougère épouse le houblon,
que l'amour n'est jamais malheureux.
 
J'écris à longue haleine
parce qu'au bout du souffle il y a le rire à délivrer.
J'écris le monde qui sera.
Ce n'est pas en un jour qu'il viendra,
mais après un long respect, une longue connaissance.
J'écris pour assumer le bonheur.
Et que m'importe comment
si l'herbe au crépuscule a un langage stellaire.
Si je dis que tout est familier,
ceux qui s'aiment
entrent sans hésiter dans le système des gravitations.
M'entendez-vous?
La mer est à ma porte et je ne la retiens
que par un tout petit peu d'imagination.
M'entendez-vous lorsque j'accorde audience
aux grands thèmes de passage?
 
Je me bats avec les éclats de rire, les armes de la jeunesse,
avec la centaurée sauvage, la bourrache et le lotier.
J'appelle au nom de la santé des près,
de la houle des sainfoins, de la sueur des hommes.
J'appelle au nom des cheveux de l'aimée,
d'une main prise sur l'épaule,
d'un avenir commencé à deux.
Aves les larmes du plaisir, avec les larmes du désir.
J'écris le bonheur sur la table.
 
 
Quelques traces de craie dans le ciel,
Anthologie poétique francophone du XXe siècle
 

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30/01/2013

Le poème de la semaine

Alexandre Voisard

Mon pays d'argile, pays de moissons,
Mon pays forgé d'aventure et de brisures,
Traversé du sang des éclairs,
Voici jaillir du roc ancestral
Le miel nouveau, la saison limpide, 
Le tumulte irrévocable des juments indomptées.
 
Mon pays de cerise et de légende,
Rouge d'impatience, blanc de courroux,
L'heure est venue de passer entre les flammes
Et de grandir à tout jamais
Ensemble sur nos collines réveillées.
 
Mon pays d'argile, ma liberté renaissante, 
Ma liberté refluante, mon pays infroissable,
Mon pays ineffacé, innefaçable,
Ivre du bond sans retour et farouche
De ta liberté nue
 
Quelques traces de craie dans le ciel,
Anthologie poétique francophone du XXe siècle

23/01/2013

Le poème de la semaine

Henri Michaux

Poussant la porte en toi, je suis entré
Agir, je viens
Je suis là
Je te soutiens
Tu n'es plus à l'abandon
Tu n'es plus en difficulté
Ficelles déliées, tes difficultés tombent
Le cauchemar d'où tu revins hagarde n'est plus
Je t'épaule
Tu poses avec moi
Le pied sur le premier degré de l'escalier sans fin
Qui te porte
Qui te monte
Qui t'accomplit
 
Je t'apaise
Je fais des nappes de paix en toi
Je fais du bien à l'enfant de ton rêve
Afflux
Afflux en palmes sur le cercle des images de l'apeurée
Afflux sur les neiges de sa pâleur
Afflux sur son âtre... et le feu s'y ranime
 
Agir, je viens
Tes pensées d'élan sont soutenues
Tes pensées d'échec sont affaiblies
J'ai ma force dans ton corps, insinuée...
et ton visage, perdant ses rides, est rafraîchi
La maladie ne trouve plus son trajet en toi
La fièvre t'abandonne
La paix des voûtes
La paix des prairies refleurissantes
La paix rentre en toi
 
Au nom du nombre le plus élevé, je t'aide
Comme une fumerolle
S'envole tout le pesant de dessus tes épaules accablées
Les têtes méchantes d'autour de toi
Observatrices vipérines des misères des faibles
Ne te voient plus
Ne sont plus
 
Equipage de renfort
En mystère et en ligne profonde
Comme un sillage sous-marin
Comme un chant grave
Je viens
Ce chant te prend
Ce chant te soulève
Ce chant est animé de beaucoup de ruisseaux
Ce chant est nourri par un Niagara calmé
Ce chant est tout entier pour toi
 
Plus de tenailles
Plus d'ombres noires
Plus de craintes
Il n'y en a plus trace
Il n'y a plus à en avoir
Où était peine, est ouate
Où était éparpillement, est soudure
Où était infection, est sang nouveau
Où étaient les verrous est l'océan ouvert
L'océan porteur et la plénitude de toi
Intacte, comme un œuf d'ivoire.
 
J'ai lavé le visage de ton avenir.
 
 
Quelques traces de craie dans le ciel,
Anthologie poétique francophone du XXe siècle
 

07:46 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone, Quelques traces de craie dans le ciel - Anth | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; poésie | |  Imprimer |  Facebook | | |

16/01/2013

Le poème de la semaine

Paul Eluard

Sur mes cahiers d’écolier
Sur mon pupitre et les arbres
Sur le sable de neige
J’écris ton nom
 
Sur toutes les pages lues
Sur toutes les pages blanches
Pierre sang papier ou cendre
J’écris ton nom
 
Sur les images dorées
Sur les armes des guerriers
Sur la couronne des rois
J’écris ton nom
 
Sur la jungle et le désert
Sur les nids sur les genêts
Sur l’écho de mon enfance
J’écris ton nom
 
Sur les merveilles des nuits
Sur le pain blanc des journées
Sur les saisons fiancées
J’écris ton nom
 
Sur tous mes chiffons d’azur
Sur l’étang soleil moisi
Sur le lac lune vivante
J’écris ton nom
 
Sur les champs sur l’horizon
Sur les ailes des oiseaux
Et sur le moulin des ombres
J’écris ton nom
 
Sur chaque bouffées d’aurore
Sur la mer sur les bateaux
Sur la montagne démente
J’écris ton nom
 
Sur la mousse des nuages
Sur les sueurs de l’orage
Sur la pluie épaisse et fade
J’écris ton nom
 
Sur les formes scintillantes
Sur les cloches des couleurs
Sur la vérité physique
J’écris ton nom
 
Sur les sentiers éveillés
Sur les routes déployées
Sur les places qui débordent
J’écris ton nom
 
Sur la lampe qui s’allume
Sur la lampe qui s’éteint
Sur mes raisons réunies
J’écris ton nom
 
Sur le fruit coupé en deux
Du miroir et de ma chambre
Sur mon lit coquille vide
J’écris ton nom
 
Sur mon chien gourmand et tendre
Sur ses oreilles dressées
Sur sa patte maladroite
J’écris ton nom
 
Sur le tremplin de ma porte
Sur les objets familiers
Sur le flot du feu béni
J’écris ton nom
 
Sur toute chair accordée
Sur le front de mes amis
Sur chaque main qui se tend
J’écris ton nom
 
Sur la vitre des surprises
Sur les lèvres attendries
Bien au-dessus du silence
J’écris ton nom
 
Sur mes refuges détruits
Sur mes phares écroulés
Sur les murs de mon ennui
J’écris ton nom
 
Sur l’absence sans désir
Sur la solitude nue
Sur les marches de la mort
J’écris ton nom
 
Sur la santé revenue
Sur le risque disparu
Sur l’espoir sans souvenir
J’écris ton nom
 
Et par le pouvoir d’un mot
Je recommence ma vie
Je suis né pour te connaître
Pour te nommer
Liberté
 
Quelques traces de craie dans le ciel,
Anthologie poétique francophone du XXe siècle