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19/11/2014

Le poème de la semaine

Jean-Pierre Siméon

Je suis né à Paris de parents français:
mon état civil est net
comme une chemise du dimanche.
 
Mais je suis étranger
plus étranger que l'étranger à mon pays
quand il est dur et froid comme la pierre
et fermé comme une porte
au ciel changeant des visages.
 
Je suis étranger à la beauté
qui ne s'offre qu'à son miroir,
étranger à celui qui sonne le tocsin
pour un courant d'air,
étranger forcément
à la douceur d'un sourire
s'il dit non
 
Etranger vraiment
plus étranger que l'étranger lui-même
au pays qui met son blé et sa lumière
à la cave du coeur.
 
Quelques traces de craie dans le ciel,
Anthologie poétique francophone du XXe siècle

00:03 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone, Quelques traces de craie dans le ciel - Anth | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : littérature; poésie | |  Imprimer |  Facebook | | |

12/11/2014

Le poème de la semaine

Claude Roy

Le grand arbre calme allait de soi 
Les oiseaux habitaient ses étages 
depuis les moineaux friquets au premier 
jusqu'au couple de hulottes au sommet 
Les enfants y bâtissaient des maisons aériennes 
aussi cachées que celles du Robinson Suisse 
On ne pensait pas à l'orme comme à un vivant 
puisqu'il était la vie sans nom de personne 
On disait "l'arbre" et le vent répondait 
Aujourd'hui l'arbre va très mal 
Il est malade
Il va mourir 
Il se dessèche et roussit 
comme s'il était incendié du dedans 
Vivant ce n'était qu'un arbre 
Mort c'est un vieil ami mort 
Il aurait dû verdir bien plus longtemps que nous 
Il s'en est allé le premier.
 
Quelques traces de craie dans le ciel,
Anthologie poétique francophone du XXe siècle

01:30 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone, Quelques traces de craie dans le ciel - Anth | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; poésie | |  Imprimer |  Facebook | | |

05/11/2014

Le poème de la semaine

Charles Vildrac

Elle était venue sur les marches tièdes
Et s’était assise.
 
Sa tête gentille était inclinée
Un peu de côté;
 
Ses mains réunies étaient endormies
Au creux de la jupe;
 
Et elle croisait ses jambes devant elle,
L’un des pieds menus pointant vers le ciel.
 
Il dut le frôler, ce pied, pour passer
Et il dut la voir.
 
Il vit son poignet qui donnait envie
D’être à côté d’elle dans les farandoles
Où l’on est tiré, où il faut qu’on tire
Plus qu’on n’oserait…
 
Et il vit la ligne de son épaule
Qui donnait envie de l’envelopper
Dans un tendre châle.
 
Mais le désir lui vint de regarder sa bouche
Et ce fut le départ de tout.
Mais le besoin lui vint de rencontrer ses yeux
Et ce fut la cause de tout.
 
Quelques traces de craie dans le ciel, 
Anthologie poétique francophone du XXe siècle

02:20 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone, Quelques traces de craie dans le ciel - Anth | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; poésie | |  Imprimer |  Facebook | | |

29/10/2014

Le poème de la semaine

Jean-Pierre Siméon

La vie donc
n'est jamais au centre
et c'est dans les banlieues de la pensée
que s'invente le monde.
Le désir que voulez-vous
défait les draps,
ce qui n'est pas comblé
bouge comme l'amour
et ne demandez pas au vent
de se tenir dans la cage.
 
Voyez vos villes
leurs banlieues sont brutales
comme la soif
au bord du puits.
 
Voyez le matin
comme il brise l'ombre
pour gagner sa clarté.
 
Voyez vos mains
comme elles tremblent
autour de vos chagrins.
 
Ne cherchez pas la beauté
dans la colère
mais la vérité
que vos gestes
longuement
ont bâtie.
 
Quelques traces de craie dans le ciel,
Anthologie poétique francophone du XXe siècle

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22/10/2014

Le poème de la semaine

Boris Vian

Pourquoi que je vis
Pourquoi que je vis
Pour la jambe jaune
D'une femme blonde
Appuyée au mur
Sous le plein soleil
Pour la voile ronde
D'un pointu du port
Pour l'ombre des stores
Le café glacé
Qu'on boit dans un tube
Pour toucher le sable
Voir le fond de l'eau
Qui devient si bleu
Qui descend si bas
Avec les poissons
Les calmes poissons
Ils paissent le fond
Volent au-dessus
Des algues cheveux
Comme zoizeaux lents
Comme zoizeaux bleus
Pourquoi que je vis
Parce que c'est joli.
 
Quelques traces de craie dans le ciel,
Anthologie poétique francophone du XXe siècle

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15/10/2014

Le poème de la semaine

Madeleine Riffaud

merci à Monique D

Je te donne mon souffle
Et la dernière flamme.
Et je prends ta chaleur
Pour oublier le noir, l’inconnu et la peur.
Je te donne
La course de mon cœur,
Le dessin des cheveux sur la plage des draps.
 
Je veux prendre ta vie dans mon sang.
Je veux perdre ma vie dans tes mains.
Je m’en vais poignardée
Dérivant dans tes veines
Et je renais en flamme
Et te ferme les yeux.
 
Tu es aveugle. Pour mieux voir
Quand tu chavires avec nous un soleil éclaté:
Je suis plus près que tu ne crois.
 
Quelques traces de craie dans le ciel,
Anthologie poétique francophone du XXe siècle

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08/10/2014

Le poème de la semaine

Guillaume Apollinaire

 

Vous y dansiez petite fille

Y danserez-vous mère-grand

C’est la maclotte qui sautille

Toutes les cloches sonneront

Quand donc reviendrez-vous Marie

 

Des masques sont silencieux

Et la musique est si lointaine

Qu’elle semble venir des cieux

Oui je veux vous aimer mais vous aimer à peine

Et mon mal est délicieux

 

Les brebis s’en vont dans la neige

Flocons de laine et ceux d’argent

Des soldats passent et que n’ai-je

Un cœur à moi ce cœur changeant

Changeant et puis encor que sais-je

 

Sais-je où s’en iront tes cheveux

Crépus comme mer qui moutonne

Sais-je où s’en iront tes cheveux

Et tes mains feuilles de l’automne

Qui jonchent aussi nos aveux

 

Je passais au bord de la Seine

Un livre ancien sous le bras

Le fleuve est pareil à ma peine

Il s’écoule et ne tarit pas

Quand donc finira la semaine

 



 

Quelques traces de craie dans le ciel,
Anthologie poétique francophone du XXe siècle

illustration musicale: Léo Ferré

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01/10/2014

Le poème de la semaine

Jean-Pierre Lemaire

Ceux qui ne sont inscrits nulle part
regardent au loin la ville illuminée
les immeubles nocturnes
comme de grandes stèles noires
couvertes d'une écriture inconnue
d'un alphabet de feu calligraphié
rigoureux, indéchiffrable
 
Ils pleurent de tant lire
sans pouvoir traduire
tandis qu'à l'intérieur, en nous
il n'y a rien d'écrit
et que toutes les pages
derrière la nuit
redeviennent blanches.
 
Quelques traces de craie dans le ciel,
Anthologie poétique francophone du XXe siècle

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24/09/2014

Le poème de la semaine

Claude Roy

L'enfant qui a la tête en l'air 
Si on se détourne, il s'envole. 
Il faudrait une main de fer 
pour le retenir à l'école.
 
L'enfant qui a la tête en l'air 
ne le quittez jamais des yeux: 
car dès qu'il n'a plus rien à faire 
il caracole dans les cieux.
 
Il donne beaucoup de soucis 
à ses parents et à ses maîtres: 
on le croit là, il est ici, 
n'apparaît que pour disparaître.
 
Comme on a des presse-papiers 
il nous faudrait un presse-enfant 
pour retenir par les deux pieds
l'enfant si léger que volant.
 
Quelques traces de craie dans le ciel,
Anthologie poétique francophone du XXe siècle

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17/09/2014

Le poème de la semaine

Georges Haldas

Humbles choses, que je vous aime
Cours désertes
Rues sans voix
Chaises qui sous l'averse, attendez
Attendez quoi?
Comme nous, que survienne
le temps de la rencontre
et celui de l'éclair
qui sera la présence
 
Mais la présence
Elle-même est un nuage
Elle vient et s'en va
Et maintenant vous revoilà
Cours désertes
Rues sans voix
O chaises de l'absence
Qui après la Venue
- comme nous  -
attendez quoi?
 
Quelques traces de craie dans le ciel,
Anthologie poétique francophone du XXe siècle