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19/02/2014

Le poème de la semaine

Robert Marteau

Dans l’ombre puis dans la clarté,
le rouge-gorge apparaît,
avant-courrier de l’hiver,
merveille qui surprend la vue
à chaque apparition.
 
Abréviation du feu,
il ne consume pas le bois
dont il fait son bref abri.
 
La forge qu’il allume,
le fer qu’il forge,
ont habité la mémoire depuis si longtemps
que la braise là-bas
dans l’huis par où passe le froid
nous reste une surprise immémoriale.
 
Regarde comment il offre à l’air
encore teint de roses de l’automne
son plastron:
il annonce ainsi la neige,
lui qui en aime les fleurs,
qui marque de son passage
la nappe cristallisée,
puis se tient en haut
avec la dernière pomme.
 
 
Quelques traces de craie dans le ciel,
Anthologie poétique francophone du XXe siècle

 

00:02 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone, Quelques traces de craie dans le ciel - Anth | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : littérature; poésie | |  Imprimer |  Facebook | | |

12/02/2014

Le poème de la semaine

Abdellatif Laâbi

La dernière pensée avant le sommeil
autant qu'elle soit heureuse
surtout si la journée a été rude
ou inconsistante
 
Convoquer alors une image précieuse:
le sourire qui s'est élevé loin
au-dessus des autres
la parole aussi pure
que l'idée en sa quintessence
l'icône vivante de celle ou celui
qui nous a inspiré
la joie de tous les sens
et puis ouvrir la main
au cas où
avant de fermer les paupières
sur une douce lumière
qui verra s'élancer l'oiseau de notre choix
dans un ciel à l'échelle d'une vie
brève ou longue
 
Vivre ainsi par anticipation
la cérémonie déchirante de l'ultime voyage
pour mieux jouir à notre réveil
de la résurrection
 
 
Quelques traces de craie dans le ciel, 
Anthologie poétique francophone du XXe siècle

05/02/2014

Le poème de la semaine

Maurice Carême

merci à José M

On vendit le chien, et la chaîne,
Et la vache, et le vieux buffet,
Mais on ne vendit pas la peine
Des paysans que l’on chassait.
 
Elle resta là, accroupie
Au seuil de la maison déserte,
A regarder voler les pies
Au-dessus de l’étable ouverte.
 
Puis, prenant peu à peu conscience
De sa forme et de son pouvoir,
Elle tira d’un vieux miroir
Qui avait connu leur présence,
 
Le reflet des meubles anciens,
Et du balancier, et du feu,
Et de la nappe à carreaux bleus 
Où riait encore un gros pain.
 
Et depuis, on la voit parfois,
Quand la lune est dolente et lasse,
Chercher à mettre des embrasses
Aux petits rideaux d’autrefois. 
 
 
Quelques traces de craie dans le ciel,
Anthologie poétique francophone du XXe siècle
 

00:40 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone, Quelques traces de craie dans le ciel - Anth | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; poésie | |  Imprimer |  Facebook | | |

29/01/2014

Le poème de la semaine

Jean-Pierre Schlunegger

Musique ruisselante, pluie heureuse
Qui s'obscurcit de chute en chute, haletante
Jusqu'à cette limite où les cordes s'étranglent,
S'enrouent à devenir une musique blanche,
La voix de sable au bord de la douleur
Qui dit l'enfance irrémédiable, dit l'amour
Inaccessible à l'instant même où il se chante,
Une anémone fermée sur l'aile de la mer,
Distend l'accord, sépare
Les cordes soeurs, les cordes fières, jusqu'au cri...
Puis le bruit sec de la cassure et le silence. 
 
Quelques traces de craie dans le ciel, 
Anthologie poétique francophone du XXe siècle
 

22/01/2014

Le poème de la semaine

Maurice Chappaz

Notre vie avec ses oeuvres
ne dure pas plus qu'un paquet de tabac,
y compris le pays où j'attends;
telle la petite fumée qui s'échappe
comme si j'étais cette petite fumée
au moment où la pipe reste chaude dans la main
après avoir été expirée.
 
Les années s'éteignent.
 
Le savoure la dernière braise.
 
Je trébuche après avoir fumé
entre un "Pater" et un "Ave".
J'ouvre, je ferme les yeux.
Tout se mélange,
et dans ma mémoire qui s'efface
je me retrouve avec les petits lacs
qui bougent dans les montagnes
telles des paupières.
 
Le soleil à peine disparu,
il y eut une giclée de lune:
le croissant s'infléchit très jaune
dans une échancrure de la montagne,
une gorge l'avale.
 
Elle surgit,
brille de plus en plus,
m'éblouit.
 
D'un instant à l'autre,
je vois deux lunes
qui voisinent puis s'enfoncent.
 
De nouveau une seule lèche les ténèbres.
Un brasier de feu remue,
enfin quelques tisons se dissipent dans les rochers.
 
Mes pensées me dépassent,
filent en moi, obscures, tronquées,
s'évanouissent en traits plus noirs que la nuit.
Elle limpidement obscure.
 
Il y a des traits noirs.
 
Ces traits noirs sont de petits oiseaux inconnus,
leurs ailes cernent en allées et venues
les parois du chalet,
à peine ai-je le temps de les apercevoir. 
 
 
Quelques traces de craie dans le ciel, 
Anthologie poétique francophone du XXe siècle

 

15/01/2014

Le poème de la semaine

Louise de Vilmorin

De ce temps si vite passé
Rien n’est resté à la patience.
 
Je n’eus pas le temps d’y penser
Ni de faire un traité d’alliance
J’ai tout pris et tout dépensé.
 
Chaque plaisir, chaque malaise
Trouvaient les mots qui font pâlir.
 
Rimes du cœur sous les mélèzes,
La forêt comprend le désir
Et pleurait pour que mieux je plaise.
 
J’ai pris le rire en sa saison
Quand il venait en avalanche.
 
Quand parfumés de déraison
S’ouvraient les jasmins à peau blanche
J’acceptais la comparaison.
 
Il faisait bon si j’étais bonne
Meilleur si je faisais semblant.
 
Les vœux qu’on ne dit à personne
Éveillés par le cri des paons
Chantaient au remords qui fredonne.
 
La neige tombe, ohé! traîneau
Je vais partir en promenade.
 
La neige anoblit mon manteau
Je suis la reine des nomades
Dans mon lit à quatre chevaux.
 
Je suis la reine sans coutumes
Qui connaît tous les jeux anciens.
 
La parole était mon costume
Et la lune mon petit chien
Jaloux d’un astre qui s’allume.
 
Une larme au bord de mes cils
Je dois poursuivre mon voyage.
 
Beau château restez de profil,
Pour rebroder vos personnages
Je prends mon aiguille et mon fil.
 
Le bonheur est un invalide
Qui passe en boitant comme moi.
 
Il n’a pas l’épaule solide
Mais je sais ce que je lui dois:
Mon cœur est plein, j’ai les mains vides.
 
Quelques traces de craie dans le ciel, 
Anthologie poétique francophone du XXe siècle

04:04 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone, Quelques traces de craie dans le ciel - Anth | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature;poésie | |  Imprimer |  Facebook | | |

08/01/2014

Le poème de la semaine

Georges Perros

merci à Maveric G

Ces envies de vivre qui me prennent 
Et cette panique, cette supplication
Cette peur de mourir
Alors que je n’ai pas encore vécu
Et que dans ces moments
J’ai ma vie sur ma langue
Il me semble que ça va être possible, enfin
Que je vais y aller d’une grande respiration
Que je vais avaler le soleil et la lune
Et la terre et le ciel et la mer
Et tous les hommes mes amis
Et toutes les femmes mes rêves
D’un seul grand coup
De poitrine éclatée
Quitte à en mourir, oui,
Mais pour de bon
Pas de cette mort ridicule
Déshonorante, inutile,
Qui accuse la parodie
Qui accuse le défaut
De ce qu’on appelle la vie
Sans trop savoir de quoi nous parlons.
 
On se renseigne auprès des autres
On leur pose des tas de questions
Avec cette hypocrisie de bonne société
On marque des points en silence
Ils souffrent autant que nous, tant mieux
On se dit même
Qu’on est un peu plus vivants qu’eux
O l’horreur
Et la fragilité
De nos amours.
 
 
Quelques traces de craie dans le ciel,
Anthologie poétique francophone du XXe siècle


01/01/2014

Le poème de la semaine

Guillevic

Tout ce qu'on a tenu
Dans ses mains réunies:
 
Le caillou, l'herbe sèche,
L'insecte qui vivra,
 
Pour leur parler un peu,
Pour donner amitié
 
A soi-même, à cela
Qu'on avait dans les paumes,
 
Que l'on voudrait garder
Pour s'en aller ensemble
 
Au long de ce moment
Qui n'en finissait pas.
 
Tout ce qu'on a tenu
Dans ses mains rassemblées
 
Pour ajouter un poids
De confiance et d'appel,
 
Pour jurer sous le ciel
Que se perdre est facile.
 
Tout ce qu'on a tenu:
L'eau fraîche dans les mains,
 
Le sable, des pétales,
La feuille, une autre main,
 
Ce qui pesait longtemps
Qui ne pouvait peser,
 
Le rayon de lumière,
La puissance du vent,
 
On aura tout tenu
Dans les mains rapprochées.
 
 
Quelques traces de craie dans le ciel, 
Anthologie poétique francophone du XXe siècle

06:35 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone, Quelques traces de craie dans le ciel - Anth | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : littérature; poésie | |  Imprimer |  Facebook | | |

31/12/2013

La scie rêveuse

Bloc-Notes, 31 décembre / Les Saules

Martha Graham.png

Chers amis,

Comme vous le savez, j'ai créé le blog de La scie rêveuse en décembre 2009. A ses débuts, n'y figuraient que des critiques de livres - brèves pour la plupart - puis se sont ajoutés au fil du temps Le Bloc-Notes, les Morceaux choisis, Le poème de la semaine, La musique sur FB et d'autres thématiques, dans un premier temps, que je ne vais pas vous énumérer ici. Plus récemment, j'y ai introduit la spiritualité, avec pour l'essentiel, La prière du coeur. Ainsi, imperceptiblement, La scie rêveuse a gagné en ouverture, mais a perdu aussi de sa lisibilité. 

La spiritualité quitte ainsi La scie rêveuse dès le 1er janvier 2014, pour rejoindre un nouveau blog qui à vu le jour aux temps de Noël, Jubilate Deo - avec 245 entrées au moment de sa mise en ligne - et pour lequel j'ai apporté quelques améliorations: dans la présentation générale, la typographie, l'inscription possible à la newsletter etc. La musique n'en est pas absente, mais n'est qu'une trace discrète parmi d'autres. 

Les publications sur le blog de Jubilate Deo n'excèderont pas 2 à 3 publications inédites par semaine, et je vous rassure: Le blog de La scie rêveuse - à un rythme moins soutenu - n'est pas abandonné pour autant et poursuivra ses publications littéraires et musicales.

Si La scie rêveuse et Jubilate Deo (l'un, l'autre ou les deux) vous plaisent, faites-les connaître autour de vous!

Merci à toutes et à tous...  

image: Martha Graham (cosmovisions.com)

lien 1: http://lasciereveuse.hautetfort.com

lien 2: http://jubilatedeo.hautetfort.com

25/12/2013

Le poème de la semaine

René Char

Redonne-leur ce qui n'est plus présent en eux,
Ils reverront le grain de la moisson s'enfermer dans l'épi et s'agiter sur l'herbe. 
Apprenez-leur, de la chute à l'essor, les douze mois de leur visage,
Ils chériront le vide de leur coeur jusqu'au désir suivant;
Car rien ne fait naufrage ou ne se plaît aux cendres;
Et qui sait voir la terre aboutir à des fruits,
Point ne l'émeut l'échec quoiqu'il ait tout perdu.

 
Quelques traces de craie dans le ciel, 
Anthologie poétique francophone du XXe siècle