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29/05/2013

Le poème de la semaine

Louis Latourre

merci à Michael L

Pas un mot, pas un vent… Rien, mon Saule, n'effeuille 
Un si frêle miroir où déjà le jour meurt.
Mais entière et parfaite est la paix qui m'accueille,
Et mes pas semblent faits pour ces lieux sans rumeur.
Te voici, mon bel Arbre, et si doux je le veuille, 
T'approcher de ces pas ne m'en fait pas moins peur: 
Moire offerte à mes yeux par un ciel couleur feuille, 
Trop d'espoir, trop d'amour peuple et hante mon cœur.
Qui ne sait, beau Miroir, que la vie est un leurre?
Que la mort est légère à qui veut que tout meure?
Les bois purs de tes bras sont d'un tendre cercueil…
Tu m'as dit bien souvent que tout vient à son heure; 
Mais du mal - mais du bien, je ne sais - que j'effleure 
Pas un mot, pas un seul, qui défende le seuil.
 
Me voici devant toi… Découvrant mon histoire…
Me voici découvrant - mon regard dans le tien -
Quels chemins j'ai suivis en longeant l'onde noire,
Quels chemins jusqu'aux bords où la soif me retient.
Me voici devant toi... Libre à toi de m'en croire:
Tant d'amour est en moi que nulle eau n'y peut rien… 
J'ai marché tout le jour dans l'espoir moins de boire
Que de perdre en tes bois maint chagrin toujours mien.
Mon pur Saule, aide-moi… Mon bel Arbre de gloire. 
S'il est vrai que mon bien m'est trop grand pour le croire, 
Mes chagrins sont d'un poids que trop d'ombre entretient:
Aide-moi, d'une branche, à franchir cette eau noire…
Terme pur des chemins dont mes pas font mémoire,
J'ai marché, tout le jour, sans espoir d'autre bien.
 
Ou bien Moire ou miroir… Ou mon Arbre aussi bien...
Plus d'un nom vous convient, composant l'or et l'ombre; 
Et plus d'un vous sait peindre, à la fois clair, et sombre,
Et soignant ou blessant plus d'un cœur - dont le mien.
Ou bien Moire ou miroir… Plus d'un nom vous convient; 
Plus d'un nom qui m'est cher - et mon Saule est du nombre.
Mais un seul, deviné dans vos yeux faits d'eau sombre
Est doré de moissons dont l'été ne sait rien.
Ou bien Moire, ou miroir, ou mon Arbre au besoin:
N'en croyez point mon cœur d'être lourd à ce point,
D'être sourd à ce nom, moi qui suis moins qu'une ombre;
Mais au moins, d'un regard, donnez-moi le moyen
De ne point me noyer dans l'émoi qui m'en vient...
Dans la chair de vos bois - me voici, moi qui sombre.

 
Quelques traces de craie dans le ciel,
Anthologie poétique francophone du XXe siècle

06:28 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone, Quelques traces de craie dans le ciel - Anth | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : littérature; poésie | |  Imprimer |  Facebook | | |

Commentaires

"Ou bien Moire ou miroir… Ou mon Arbre aussi bien...
Plus d'un nom vous convient, composant l'or et l'ombre;
Et plus d'un vous sait peindre, à la fois clair, et sombre,
Et soignant ou blessant plus d'un cœur - dont le mien. "

J'aime ton choix, merci pour le partage Claude.

Écrit par : NAIMI | 29/05/2013

merci pour les Saules
que votre Scie a si rêveusement taillés

Écrit par : Louis Latourre | 01/06/2013

Un poète que je ne connaissais pas, et que j'ai pris plaisir à lire, puis à relire et à en éprouver l'émoi de l'auteur... Curieuse, je le suis, et j'aimerais bien connaître d'autres poésies de cet auteur.

Écrit par : ATTUEL Josette | 02/06/2013

La solitude intime et l'air amoureux, se croisent dans ce poème, je vois. J'ai l'intérêt à cette forme symétrique de la mosaïque des mots... son cœur pur, c'est pareil à l'eau, pur, très pur...j'étais touchée profondément. Merci, belle poésie.

Écrit par : Hisako Kikuchi | 03/01/2014

Douce surprise, poème en touches délicates d'une si grande musicalité. On retient son souffle en le lisant..... Merci pour ce partage.

Écrit par : Jacqueline Salvin | 07/03/2014

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