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08/08/2012

Le poème de la semaine

S. Corinna Bille

Comme je te revois bien,
Ce soir dans mes pensées.
Oh! mon tout petit jardin.
 
Je marche lentement
Sur les dalles marbrées
De ton sentier.
Il y a un peu de vent
Dans les peupliers.
Il y a un peu de rose dans le ciel.
Il doit encore y avoir 
Des dents-de-lion dans l'herbe.
Et les grillons
chantent de nouveau, je pense.
Et sur la mosaïque de la fontaine
L'oiseau du paradis
N'a pas encore avalé sa pomme.
Et dans la niche,
La madone en bois peint
Est revenue.
 
Mais sa couronne
A ses pieds est tombée,
Et la "grille du couvent"
est restée entr'ouverte...
 
Oh! pourquoi ce soir
Suis-je dans ce petit jardin?
Qui respire l'odeur de l'air?
Qui sent le vent dans mes cheveux...?

 
Quelques traces de craie dans le ciel,
Anthologie poétique francophone du XXe siècle

01/08/2012

Le poème de la semaine

Jacques Prévert 

Il dit non avec la tête
Mais il dit oui avec le coeur
Il dit oui à ce qu'il aime
Il dit non au professeur
Il est debout
On le questionne
Et tous les problèmes sont posés
Soudain le fou rire le prend
Et il efface tout
Les chiffres et les mots
Les dates et les noms
Les phrases et les pièges
Et malgré les menaces du maître
Sous les huées des enfants prodiges
Avec des craies de toutes les couleurs
Sur le tableau noir du malheur
Il dessine le visage du bonheur
 
 
Quelques traces de craie dans le ciel,
Anthologie poétique francophone du XXe siècle
 

09:32 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone, Quelques traces de craie dans le ciel - Anth | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; poésie | |  Imprimer |  Facebook | | |

25/07/2012

Le poème de la semaine

Andrée Chedid

Je reste émerveillée
Du clapotis de l’eau
Des oiseaux gazouilleurs
Ces bonheurs de la terre
 
Je reste émerveillée
D’un amour
Invincible
Toujours présent
 
Je reste émerveillée
De cet amour
Ardent
Qui ne craint
Ni le torrent du temps
Ni l’hécatombe
Des jours accumulés
Dans mon miroir
Défraîchi
 
Je me souris encore
Je reste émerveillée
Rien n’y fait
L’amour s’est implanté
Une fois
Pour toutes
 
De cet amour ardent
je reste émerveillée
 
 
Quelques traces de craie dans le ciel,
Anthologie poétique francophone du XXe siècle

18/07/2012

Le poème de la semaine

Philippe Jaccottet

Sois tranquille, cela viendra ! Tu te rapproches, 
tu brûles ! Car le mot qui sera à la fin 
du poème, plus que le premier sera proche 
de ta mort, qui ne s'arrête pas en chemin. 
 
Ne crois pas qu'elle aille s'endormir sous des branches 
ou reprendre souffle pendant que tu écris. 
Même quand tu bois à la bouche qui étanche 
la pire soif, la douce bouche avec ses cris 
 
doux, même quand tu serres avec force le noeud 
de vos quatre bras pour être bien immobiles 
dans la brûlante obscurité de vos cheveux, 
 
elle vient, Dieu sait par quels détours, vers vous deux, 
de très loin ou déjà tout près, mais sois tranquille, 
elle vient : d'un à l'autre mot tu es plus vieux.
 
 
Quelques traces de craie dans le ciel,
Anthologie poétique francophone du XXe siècle
 

11/07/2012

Le poème de la semaine

Henri Michaux

Je peux rarement voir quelqu'un sans le battre.
D'autres préfèrent le monologue intérieur.
Moi non.
J'aime mieux battre.
Il y a des gens
qui s'assoient en face de moi au restaurant
et ne disent rien,
ils restent un certain temps,
car ils ont décidé de manger.
En voici un.
Je te l'agrippe, toc.
Je te le ragrippe, toc.
Je le pends au portemanteau.
Je le décroche.
Je le repends.
Je le décroche.
Je le mets sur la table, je le tasse et l'étouffe.
Je le salis, je l'inonde.
Il revit.
Je le rince, je l'étire
(je commence à m'énerver, il faut en finir),
je le masse, je le serre, je le résume
et l'introduis dans mon verre,
et jette ostensiblement le contenu par terre,
et dis au garçon: Mettez-moi donc un verre plus propre...
 
Mais je me sens mal,
je règle promptement l'addition et je m'en vais

 
Quelques traces de craie dans le ciel,
Anthologie poétique francophone du XXe siècle
 

08:55 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone, Quelques traces de craie dans le ciel - Anth | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; poésie | |  Imprimer |  Facebook | | |

04/07/2012

Le poème de la semaine

Malek Haddad

Je suis le point final d'un roman qui commence
Non pas oublions tout non pas niveau zéro
Je garde dans mes yeux intacte ma romance
Et puis sans rien nier je repars à nouveau
Je suis le point final d'un roman qui commence
A quoi bon distinguer le ciel et l'horizon
On ne peut séparer la musique et la danse
Et mon burnous partout continue ma maison
Je suis le pont final d'un roman qui commence
De mes deux Sahara je ferai des chansons
Je garde dans mes yeux intacte ma romance
Je suis en vérité l'élève et la leçon

Souvent je me suouviens j'avois été berger...
J'ai alors dans mes yeux cette longue patience
Du fellah qui regarde à ses mains incassables
L'histoire du pays où naîtra l'oranger
Souvent je me souviens d'avoir été berger...
J'ai rompu la galette
J'ai partagé les figues
Mes filles j'ai bien marié
Il n'est point de pareil
Au fusil à l'ouvrage que mon fils aîné
Ma femme était la plus belle de la vallée
Chez nous le mot Patrie a un goût de colère
Ma main a caressé le coeur des oliviers
Le manche de la hache est début d'épopée
Et j'ai vu mon grand-père au nom de Mokrani
Poser son chapelet pour voir passer des aigles
Chez nous le mot Patrie a un goût de légende

Père!
Pourquoi m'as-tu privé
Des musiques charnelles
Vois: ton fils, il apprend à dire en d'autre langue
Ces mots que je savais
Lorsque j'étais berger

Oh mon Dieu cette nuit tant de nuit dans mes yeux
Maman se dit Ya-Ma et moi je dis ma mère
J'ai perdu mon burnous mon fusil mon stylo
Et je porte un prénom plus faux que mes façons
O mon Dieu cette nuit mais à quoi bon siffler
Peur tu as peur peur tu as peur peur tu as peur
Car un homme te suit comme un miroir atroce
Tes copains à l'école et les rues les rigoles
Mais puisque je vous dis que je suis un Français
Voyez donc mes habits mon accent ma maison

Moi qui fais d'une race une profession
Et qui dis Tunisien pour parler d'un marchand
Moi qui sais que le juif est un mauvais soldat
Indigène? Allons donc ma soeur n'a pas de voile
Au Lycée n'ai-je pas tous les prix de français
De français de français de français... en français

O mon Dieu cette nuit tant de nuit dans mes yeux

Un jour c'était Huit Mai!...
Alors tourne la terre
Et grondez les tonnerres
Mes erreurs j'ai laissé
Au fond de mes tombeaux
Un jour c'était Huit Mai
Mais quel prix pour comprendre
Et que de professeurs pour pareille leçon
Et que de musiciens pour aimer la musique!
Un jour c'était Huit Mai!...

Comme à la femme il manque une gloire totale
Sans les yeux de l'enfant où nos yeux se poursuivent
Comme il manque aux forêts les amants qui les peuplent
Pour dire au vent du soir combien il les protège
Comme il manque une voile au cargo qui s'en va
Et le petit mouchoir qu'on n'oubliera jamais
Et comme il peut manquer un homme au genre humain
J'avais besoin encore
D'un jardin pour mes fleurs
D'un parfum pour mes fleurs
Et puis d'un jardinier
Mes amis ont des yeux que j'ai vus en colère
Mes amis ont des yeux que j'ai vus se mouiller
Mes amis tisserands du drapeau national
Grand vent levé debout et large et historique
Qui nous fait des vingt ans venger nos cheveux blancs

Ah! il nous faudrait avoir la vertu des abeilles
Pour mériter le miel
Et chanter nos amis

 
Quelques traces de craie dans le ciel,
Anthologie poétique francophone du XXe siècle

09:57 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone, Quelques traces de craie dans le ciel - Anth | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; poésie | |  Imprimer |  Facebook | | |

27/06/2012

Le poème de la semaine

Jules Supervielle

(Lettre à l'étoile)
 
Tu es de celles qui savent
Lire par dessus l'épaule
Je n'ai même pas besoin
Pour toi, de chercher mes mots,
Depuis longtemps ils attendent,
A l'ombre de mon silence
Derrière les lèvres closes
Et les distances moroses
A force d'être si grandes.
Mais, vois, rien ne les dénonce,
Nous ne sommes séparés
Par fleuves ni par montagnes,
Ni par un bout de campagne,
Ni par un seul grain de blé.
 
Rien n'arrète mon regard
Qui te trouve dans ton gîte
Plus vite que la lumière
Ne descend du haut du ciel
Et tu peux me reconnaitre
A la luisante pensée
Qui parmi tant d'autres hommes
Elève à toi toute droite
Sa perpicace fumée.
 
Mais c'est le jour que je t'aime
Quand tu doutes de ta vie
Et que tu te réfugies
Aux profondeurs de moi-même
Comme dans une autre nuit
Moins froide, moins inhumaine.
 
Ah sans doute me trompé-je
Et vois-je mal ce qui est.
Tu n'auras jamais douté,
Toi si fixe et résistante
Et brillante de durée,
Sans nul besoin de refuge
Lorsque le voile du jour
A mon regard t'a célée,
Toi, si hautaine et distraite,
Dès que le jour est tombé
Et moi qui viens et qui vais
D'une allure passagère
Sur des jambes inquiètes,
Tous les deux faits d'une étoffe
Cruelllement différente
Qui me fait baisser la tête
Et m'enferme dans ma chambre.
 
Mais tu as tort de sourire
Car je n'en ai nulle envie,
Tu devrais pourtant comprendre
Puisque tu es mon amie.
 
Quelques traces de craie dans le ciel,
Anthologie poétique francophone du XXe siècle

20/06/2012

Le poème de la semaine

René-Guy Cadou

Je ne crois pas en les miracles de Lourdes
Je crois dans une belle journée
Avec des ramasseuses de colchiques
Et des jeunes gens égayés
Car Dieu sur la montagne est bien près de me plaire
Qui dans la double écuelle de ses mains

Assaisonne la soupe noire de la terre

D'un peu de sel puisé dans les yeux du matin

 
Quelques traces de craie dans le ciel,
Anthologie poétique francophone du XXe siècle

08:03 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone, Quelques traces de craie dans le ciel - Anth | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : littérature; poésie | |  Imprimer |  Facebook | | |

13/06/2012

Le poème de la semaine

Jules Supervielle

C’est tout ce que nous aurions voulu faire
et n’avons pas fait,
Ce qui a voulu prendre la parole
et n’a pas trouvé les mots qu’il fallait,
Tout ce qui nous a quittés
sans rien nous dire de son secret,
Ce que nous pouvons toucher et même creuser
par le fer sans jamais l’atteindre,
Ce qui est devenu vagues et encore vagues
parce qu’il se cherche sans se trouver,
Ce qui est devenu écume
pour ne pas mourir tout à fait,
Ce qui est devenu sillage de quelques secondes
par goût fondamental de l’éternel,
Ce qui avance dans les profondeurs
et ne montera jamais à la surface,
Ce qui avance à la surface
et redoute les profondeurs,
Tout cela et bien plus encore,
La mer.
 
Quelques traces de craie dans le ciel,
Anthologie poétique francophone du XXe siècle
 

06/06/2012

Le poème de la semaine

René-Guy Cadou

Pour atteindre le ciel 
A travers ce feuillage
Il faut que tous les yeux
Se soient réunis là
 
Je dis les yeux d’enfants 
Pareils à des parvenches
Ou à ces billes bleus 
Qui roulent sur la mer
 
On va dans les allées
Comme au milieu d’un rêve 
Tant la grand-mère a mis 
De grâce dans les fleurs
 
Et le chat noir et blanc 
Qui veille sur les roses
Songe au petit oiseau 
Qui viendrait jusqu’à lui
 
C’est un jardin de fées
Ouvert sur la mémoire
Avec des papillons 
Epinglés sur son coeur
 
 
Quelques traces de craie dans le ciel,
Anthologie poétique francophone du XXe siècle

00:13 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone, Quelques traces de craie dans le ciel - Anth | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; poésie | |  Imprimer |  Facebook | | |