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27/06/2013

Delphine de Vigan

littérature; roman; livresDelphine de Vigan, Les heures souterraines (Lattès, 2009)

Mathilde et Thibault ne se connaissent pas. Au coeur d'une ville sans cesse en mouvement, ils ne sont que deux silhouettes parmi des millions. Deux silhouettes qui pourraient se rencontrer, se percuter, ou seulement se croiser... Le monde du travail peut être impitoyable, comme l’auteur nous le fait découvrir par ces destins croisés. Ni sentimentalisme, ni affirmation politique dans ce récit sobre, dépouillé, qui laisse les nerfs à vif et donne envie de crier, face à l’usure, à l’injustice ou au désespoir. Un temps fort de la littérature.

également disponible en coll. de poche (Livre de poche/LGF, 2011)

08:13 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; roman; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

26/06/2013

Le poème de la semaine

René-Guy Cadou

Un soir de pauvreté comme il en est encore
Dans les rapports de mer et les hôtels meublés
Il arrive qu'on pense à des femmes capables
De vous grandir en un instant de vous lancer
Par-dessus le feston doré des balustrades
Vers un monde de rocs et de vaisseaux hantés
Les filles de la pluie sont douces si je hèle
À travers un brouillard infiniment glacé
Leur corps qui se refuse et la noire dentelle
Qui pend de leurs cheveux comme un oiseau blessé
Nous ne dormirons pas dans des chambres offertes
À la complicité nocturne des amants
Nous avons en commun dans les cryptes d'eau verte
Le hamac déchiré du même bâtiment
Et nous veillons sur nous comme on voit les pleureuses
Dans le temps d'un amour vêtu de cécité
À genoux dans la gloire obscure des veilleuses
Réchauffé de leurs mains le front prédestiné.
 
Quelques traces de craie dans le ciel,
Anthologie poétique francophone du XXe siècle

07:13 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone, Quelques traces de craie dans le ciel - Anth | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; poésie | |  Imprimer |  Facebook | | |

24/06/2013

Lire les classiques - Charles-Marie Leconte de Lisle

C.M.R. Leconte de Lisle

1.jpg

Merci à Mira K

Mélodieuses voix qui chantiez mon aurore,
Extase, amour, génie, ô mes rêves perdus,
O mes rêves si doux, reviendrez-vous encore?
Essaims éblouissants, qu’êtes-vous devenus?...
 
Qu’êtes-vous devenus, parfums de ma jeunesse,
Qui jetiez sur ma vie une éclatante ivresse,
O rayons de mon âme, élans impérieux,
Qui, sur vos ailes d’or, m’emportiez dans les cieux?...
Oh! vous n’êtes donc plus, émotions berçantes,
Charmes intérieurs, promesses ravissantes,
Qui me faisiez, devant un avenir si doux,
Ainsi que devant Dieu, plier mes deux genoux?...
O rêves, pour mon cœur maintenant solitaire,
Le bonheur inconstant a déserté la terre,
Et, laissant se flétrir mon primitif amour,
Sur votre aile il a fui vers l’immortel séjour!...
 
Doux oiseaux, dont l’essaim se nomme poésie,
Vous qui m’avez sevré des gouttes d’ambroisie,
Et qui, portant au loin votre essor gracieux,
A mon regard éteint avez caché les cieux,
Songes jeunes et beaux, rayons lointains de gloire,
Intimes souvenirs que garde ma mémoire,
Espérance, bonheur que je pleure tout bas,
Adieu, tout est fini ;... vous ne reviendrez pas!...
Sur mon joyeux matin le soir jette son ombre;
Mon riant horizon devient muet et sombre;
Tout me fuit : ciel natal, doux espoir, frais amour...
Et mon cœur attristé s’est fermé sans retour.
 
Mélodieuses voix qui chantiez mon aurore!
Extase, amour, génie, ô mes rêves perdus,
O mes rêves si doux, reviendrez-vous encore?...
Essaims éblouissants, qu’êtes-vous devenus?...
 

Charles-Marie Leconte de Lisle, Premier regret, dans: Oeuvres complètes vol. 1 (Honoré Champion, 2011)

image: www.picstopin.com

09:04 Écrit par Claude Amstutz dans Lire les classiques, Littérature francophone | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; poésie; anthologie; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

21/06/2013

Bernard Chambaz

9782755702163.gifBernard Chambaz, Evvia l'Italia (Editions du Panama, 2007)

Admirer Fausto Coppi ou Gino Bartali – fil conducteur de cette promenade amoureuse à travers l’Italie – n’est pas vraiment indispensable, car sous les coups de pédales de l’auteur roulant sur les traces de ces deux géants, vous découvrirez ce qu’aucun guide ne vous montrera jamais de ce merveilleux pays ! Vous y croiserez Dino Buzatti, Luigi Pirandello, Virgile, les frères Taviani, mais humerez aussi avec délectation le cappuccino et le prosciutto… Une écriture si personnelle et attachante qu’on s’y croirait !

10:56 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; essai; chroniques; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

Morceaux choisis - Guillaume Apollinaire

Guillaume Apollinaire

peinture-2006-la-rousse.jpg

Me voici devant tous un homme plein de sens
Connaissant la vie et de la mort ce qu'un vivant peut connaître
Ayant éprouvé les douleurs et les joies de l'amour
Ayant su quelquefois imposer ses idées
Connaissant plusieurs langages
Ayant pas mal voyagé
Ayant vu la guerre dans l'Artillerie et l'Infanterie
Blessé à la tête trépané sous le chloroforme
Ayant perdu ses meilleurs amis dans l'effroyable lutte
Je sais d'ancien et de nouveau autant qu'un homme seul
pourrait des deux savoir
Et sans m'inquiéter aujourd'hui de cette querre
Entre nous et pour nous mes amis
Je juge cette longue querelle de la tradition et de l'invention
De l'Ordre et de l'Aventure
 
Vous dont la bouche est faite à l'image de celle de Dieu
Bouche qui est l'ordre même
Soyez indulgents quand vous nous comparez
A ceux qui furent la perfection de l'ordre
Nous qui quêtons partout l'aventure
 
Nous ne sommes pas vos ennemis
Nous voulons vous donner de vastes et étranges domaines
Où le mystère en fleurs s'offre à qui veut le cueillir
Il y a là des feux nouveaux des couleurs jamais vues
Mille phantasmes impondérables
Auxquels il faut donner de la réalité
Nous voulons explorer la bonté contrée énorme où tout se tait
Il y a aussi le temps qu'on peut chasser ou faire revenir
Pitié pour nous qui combattons toujours aux frontières
De l'illimité et de l'avenir
Pitié pour nos erreurs pitié pour nos péchés
 
Voici que vient l'été la saison violente
Et ma jeunesse est morte ainsi que le printemps
O Soleil c'est le temps de la Raison ardente
Et j'attends
Pour la suivre toujours la forme noble et douce
Qu'elle prend afin que je l'aime seulement
Elle vient et m'attire ainsi qu'un fer l'aimant
Elle a l'aspect charmant
D'une adorable rousse
 
Ses cheveux sont d'or on dirait
Un bel éclair qui durerait
Ou ces flammes qui se pavanent
Dans les rose-thé qui se fanent
 
Mais riez riez de moi
Hommes de partout surtout gens d'ici
Car il y a tant de choses que je n'ose vous dire
Tant de choses que vous ne me laisseriez pas dire
Ayez pitié de moi
 

Guillame Apollinaire, La jolie rousse, dans: Calligrammes (coll. Poésie/Gallimard, 2002)

image: Poule Picote, La rousse (http://perlbal.hi-pi.com)

08:00 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone, Quelques traces de craie dans le ciel - Anth | Lien permanent | Commentaires (1) | |  Imprimer |  Facebook | | |

20/06/2013

Philippe Jaccottet

9782940055364.gifPhilippe Jaccottet, Une constellation tout près - Poètes d'expression française du XXe siècle (La Dogana, 2002)

Si vous n’ouvrez qu’une seule anthologie poétique de toute votre vie, alors choisissez celle-ci, subjective, longuement mûrie comme les fruits de la vigne. Aux côtés des incontournables dont l'auteur a souvent choisi des textes méconnus – Guillaume Apollinaire, René Char, Henri Michaux, Paul Valéry  – vous en découvrirez d’autres, injustement oubliés – Charles Péguy, Paul-Jean Toulet, Edmond-Henri Crisinel – ou modernes – Pierre-Albert Jourdan, André Du Bouchet – dans cet ouvrage magnifiquement mis en pages. Un bel objet à la hauteur des émotions qu’il suscite.

Le langage de la poésie m'est toujours apparu comme celui qui rend le compte le plus juste de nos vies dans toutes leurs dimensions, celui qui peut réconcilier fumée et parfum; celui qui sait tirer un chant, ou une simple chanson, de nos peines légères ou violentes, de nos voyages - dans le temps, dans l'espace du dehors comme dans celui du dedans -, qui bâtit une musique même à partir de l'ombre et de l'absence, qui fait scintiller pour notre joie même la course des jours. Oui, cela brille, cela luit ou brûle dans la main ouverte. Une constellation tout près de nous, dans la main ouverte, dans le livre ouvert...

19/06/2013

Morceaux choisis - Charles-Ferdinand Ramuz

Charles-Ferdinand Ramuz

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Maintenant la nuit était venue tout à fait. Pierre Chemin avait remis sa pipe dans sa poche; Adèle Genoud avait été coucher son enfant; les chauves-souris avaient été se coucher aussi, qui sont des bêtes vite fatiguées. Et ceux qui étaient encore là se souhaitèrent le bonsoir. On entendit les portes se fermer l'une après l'autre, mais on n'avait plus besoin de tourner la clé dans la serrure. Il n'y avait plus non plus une seule de ces lumières, comme autrefois. Dans le temps d'autrefois, toujours une fenêtre ou deux restaient éclairées toute la nuit.  

Est-ce qu'on se souvient? Quand on entrait dans les villages il y avait toujours ces deux ou trois points de feu à des maisons qu'on ne distinguait pas, et ils faisaient penser à des étoiles tombées. On se disait: C'est pour un malade. On regardait ces lampes, on se disait: C'est quelqu'un qui se meurt; on se disait: C'est un accident; on se disait: C'est la vache qui fait le veau. Et quelquefois, les nuits d'orage, voilà qu'elles s'allumaient toutes à l'imitation des éclairs, et tout le monde s'habillait, parce qu'il n'y avait de sécurité pour personne, et la vie de chacun de nous pouvait lui être reprise à chaque heure, comme ses biens.

Le veilleur de nuit faisait sa tournée avec sa lanterne; c'était une lumière de plus et celle-ci se promenait. L'homme chargé de distribuer l'eau cheminait le long des rigoles, déplaçant les planchettes qui servent d'écluses; encore une lumière qui allait et venait. Par les nuits les plus tranquilles, il fallait qu'on fût sur ses gardes. Par les plus belles nuits d'étoiles. Sous les étoiles, sous point d'étoiles. En tout temps, en toute saison, parce qu'on ne savait jamais.

Charles-Ferdinand Ramuz, Joie dans le ciel (coll. Cahiers Rouges/Grasset, 1997)

image: Charles-Ferdinand Ramuz (notrehistoire.ch)

Le poème de la semaine

Pierre Reverdy

Sous les lueurs des plantes rares
les joues roses des cerisiers
les diamants de la distance
Et les perles dont elle se pare
Sous les lustres des flaques tièdes
A travers la campagne hachée
A travers les sommeils tranchés
A travers l'eau et les ornières
les pelouses des cimetières 
A travers toi 
Au bout du monde
Le monde couru pas à pas
Ton amour sous la roue du soir
A peine la force de ce geste de désespoir
A peine l'eau ridée sur le cours de ton sein
Contre le parapet fragile du destin
J'aime ces flocons blancs de la pensée perdue
dans le vent de l'hiver et le printemps mordu
Mon esprit délivré de ces chaînes anciennes
Et que la rouille a dénouées
Pour me serrer plus fort aujourd'hui dans les tiennes.
 
Quelques traces de craie dans le ciel,
Anthologie poétique francophone du XXe siècle
 

05:28 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone, Quelques traces de craie dans le ciel - Anth | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; poésie | |  Imprimer |  Facebook | | |

18/06/2013

Benoîte Groult

9782253119746.gifBenoîte Groult, La touche étoile (Coll. Livre de poche, 2007)

 

Ni Dieu, ni diable, Moïra, dans la mythologie grecque représente la destinée. Et c'est elle qui dans ce roman, observe, commente, juge et parfois intervient dans la vie des personnages. Amoureuse de l'existence terrestre qu'elle ne connaîtra jamais, elle s'attache à faire advenir l'improbable chez ses protégés en brouillant les cartes quand elle les juge mal distribuées. Ainsi Marion, qui s'est mariée en espérant former un couple moderne, respectueux de la liberté de l'autre, découvrira qu'on souffre comme au temps de Racine même si on a signé le contrat de Sartre et Beauvoir. Mais Moïra veille et lui fera vivre, en marge, une liaison passionnée et inattendue avec un Irlandais un peu fou, un peu poète comme les celtes le sont si souvent. Sa mère Alice, 80 ans, journaliste féministe de choc, grand-mère indigne et pourtant tendre, s'est juré de ne pas se laisser déborder par la vieillesse. Un défi osé, que Moïra invisible et présente, l'aidera à relever avec panache. Alice affrontera son âge avec une lucidité impitoyable et un humour décapant, dans un monde ou le jeunisme est érigé en valeur et où vieillir est un délit. Jusqu'au jour où...

  

Toutes les générations de femmes peuvent se reconnaître dans ce livre, véritable immersion dans l’univers de la femme, de sa liberté, de ses rapports à la famille, à l’amour, avec ses blessures, ses indignations et sa générosité. Son évocation de la vieillesse est à la fois tendre, lucide et jubilatoire.

07:25 Écrit par Claude Amstutz dans Documents et témoignages, Littérature francophone | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : littérature; essai; témoignage; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

16/06/2013

Lire les classiques - Louise Michel

Louise Michel

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Hirondelle qui vient de la nue orageuse
Hirondelle fidèle, où vas-tu? dis-le-moi.
Quelle brise t’emporte, errante voyageuse?
Ecoute, je voudrais m’en aller avec toi,
 
Bien loin, bien loin d’ici, vers d’immenses rivages,
Vers de grands rochers nus, des grèves, des déserts,
Dans l’inconnu muet, ou bien vers d’autres âges,
Vers les astres errants qui roulent dans les airs.
 
Ah ! laisse-moi pleurer, pleurer, quand de tes ailes
Tu rases l’herbe verte et qu’aux profonds concerts
Des forêts et des vents tu réponds des tourelles,
Avec ta rauque voix, mon doux oiseau des mers.
 
Hirondelle aux yeux noirs, hirondelle, je t’aime!
Je ne sais quel écho par toi m’est apporté
Des rivages lointains ; pour vivre, loi suprême,
Il me faut, comme à toi, l’air et la liberté. 
 

Louise Michel, A travers la vie et la mort (La Découverte, 2001)

image: Jari Peltomäki, Hirondelle de rivage (vogelwarte.ch)

10:34 Écrit par Claude Amstutz dans Lire les classiques, Littérature francophone | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; poésie; anthologie; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |