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10/04/2013

Le poème de la semaine

Jean Malrieu

Aimer s'invente à chaque jour.
Je viens au monde dans tes bras.
Mes yeux s'ouvrent
Et je te vois pour la première fois.
Qu'ils s'étonnent ou se moquent
Ceux pour qui le ciel est fermé!
Dans le mien
Ton corps illumine.
Il n'y a pas eu de jours ou de soleils
Pareils à celui-là.
 
Je n'ai plus de visage.
Je ne suis que lumière de visage.
Ma vie s'est oubliée.
Viens, désir!
Apprends-moi l'alphabet.
Mes mains sont neuves
Et vont découvrir
Le relief de la terre.
 
Je n'ai jamais marché.
Je n'ai jamais parlé.
Je n'ai jamais aimé que toi.
 
 
Quelques traces de craie dans le ciel,
Anthologie poétique francophone du XXe siècle

10:41 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone, Quelques traces de craie dans le ciel - Anth | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : littérature; poésie | |  Imprimer |  Facebook | | |

09/04/2013

Pascal Fioretto

littérature; essai; livresPascal Fioretto, Et si c'était niais ? (Chiflet & Cie, 2007)

 

Alors que la rentrée littéraire approche, Christine Anxiot n'a toujours pas remis son manuscrit annuel. Son éditeur déclenche une enquête sur l'inexplicable disparition, mais les enlèvements d'écrivains continuent. Dans les milieux feutrés de l'édition s'engage alors une impitoyable chasse à l'homme de lettres... Pour résoudre l'enquête, il a été fait appel aux plus grandes plumes de la littérature française : Denis-Henri Lévy, Christine Anxiot, Fred Wargas, Marc Levis, Mélanie Notlong, Pascal Servan, Bernard Werbeux, Jean d'Ormissemon (de la française Académie), Jean-Christophe Rangé, Frédéric Beisbéger et Anna Galvauda.


Pascal Fioretto a dû bien s’amuser en écrivant ce livre. Construit sous forme de roman policier – la chasse aux hommes de lettres qui disparaissent – ce récit est le prétexte idéal pour pasticher les célébrités de la littérature française. Les portraits de Denis-Henri Lévy, de Pascal Servan, de Christine Anxiot sont particulièrement réussis et vous en rirez de bon cœur!


Egalement disponible en format de poche (Pocket, 2008)

07:32 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; essai; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

07/04/2013

Petite bibliothèque de poésie 1b

Lire les classiques - François Villon

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Frères humains, qui après nous vivez,
N'ayez les coeurs contre nous endurcis,
Car, si pitié de nous pauvres avez,
Dieu en aura plus tôt de vous mercis.
Vous nous voyez ci attachés, cinq, six:
Quand de la chair, que trop avons nourrie,
Elle est piéça dévorée et pourrie,
Et nous, les os, devenons cendre et poudre. 
De notre mal personne ne s'en rie;
Mais priez Dieu que tous nous veuille absoudre!
 
Se frères vous clamons, pas n'en devez
Avoir dédain, quoique fûmes occis
Par justice. Toutefois, vous savez
Que tous hommes n'ont pas bon sens rassis.
Excusez-nous, puisque sommes transis,
Envers le fils de la Vierge Marie,
Que sa grâce ne soit pour nous tarie,
Nous préservant de l'infernale foudre.
Nous sommes morts, âme ne nous harie,
Mais priez Dieu que tous nous veuille absoudre!
 
La pluie nous a débués et lavés,
Et le soleil desséchés et noircis.
Pies, corbeaux nous ont les yeux cavés,
Et arraché la barbe et les sourcils.
Jamais nul temps nous ne sommes assis
Puis çà, puis là, comme le vent varie,
A son plaisir sans cesser nous charrie,
Plus becquetés d'oiseaux que dés à coudre. 
Ne soyez donc de notre confrérie;
Mais priez Dieu que tous nous veuille absoudre!
 
Prince Jésus, qui sur tous a maîtrie,
Garde qu'Enfer n'ait de nous seigneurie:
A lui n'ayons que faire ne que soudre.
Hommes, ici n'a point de moquerie;
Mais priez Dieu que tous nous veuille absoudre!
 

François Villon,  Epitaphe en forme de ballade, dans: Petite bibliothèque de poésie, coffret hors série de 12 volumes - Choix de André Velter (coll. Poésie/Gallimard et Télérama, 2013)

image: Ludwig Rollmann, Portrait de François Villon (galerie-creation.com)

16:36 Écrit par Claude Amstutz dans Lire les classiques, Littérature francophone | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; poésie; anthologie; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

Petite bibliothèque de poésie 1a

Bloc-Notes, 7 avril / Les Saules

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pour Marie-Louise A

Les anthologies poétiques abondent dans la production littéraire. Aux incontournables, disponibles en librairie - Georges Pompidou, André Gide, Philippe Jaccottet, ou Pierre Seghers - se sont ajoutées de plus récentes, parfois avec bonheur - Jean Orizet, par exemple - ou bien, tout au contraire, avec une fâcheuse tendance à présenter des auteurs inconnus - à juste titre? - ou des célèbres dont le présentateur a choisi volontairement des textes rarement cités, souvent mineurs et peu représentatifs de leurs auteurs - Zéno Bianu, dans une récente anthologie - afin de se démarquer de ses prédécesseurs, à tout prix. 

Toute autre est l'approche de André Velter, qui choisit de nous proposer douze poètes classiques - François Villon, Charles d'Orléans, Maurice Scève, Pierre de Ronsard, Théophile de Viau, Jean de La Fontaine, Marceline Desbordes-Valmore, Victor Hugo, Gérard de Nerval, Charles Baudelaire, Arthur Rimbaud et Paul Verlaine - en consacrant à chacun d'entre eux, un petit livre d'une quarantaine de pages dont les poèmes sont précédés d'une biographie succincte, introduisant l'auteur. L'essentiel, pour planter le décor, à l'attention du lecteur.

Chaque volume de surcroît - très soigné dans sa mise en page - porte le titre d'une phrase représentant bien l'écrivain choisi: Paul Verlaine, Je fais souvent ce rêve étrange et pénétrant; François Villon, Frères humains qui après nous vivez; Victor Hugo, Car le mot, qu'on le sache, est un être vivant, parmi d'autres. 

La Petite bibliothèque de poésie - nous dit André Velter - est un parcours, du XVe au XIXe siècle, en compagnie de ceux qui ont inventé, transformé, célébré, bousculé la langue et le chant poétiques. Choix bien sûr non exhaustif, mais à coup sûr dynamique, éclairant, qui s'en tient à une suite d'auteurs essentiels, en consacrant à chacun un livret particulier afin de mieux respecter son génie propre. C'est une polyphonie de voix singulières qui se fait entendre; c'est l'expression d'une langue commune qui, pourtant, conjugue des tonalités différentes, des accents inédits, des pensées souvent contraires.

Au prix de vente modeste - moins de 29 euros - cette belle anthologie mérite de figurer en bonne place dans la bibliothèque des amis de la poésie!

Petite bibliothèque de poésie, coffret hors série de 12 volumes - Choix de André Velter (coll. Poésie/Gallimard et Télérama, 2013)

Jean Orizet, Anthologie de la poésie française (Larousse, 2010)

Zéno Bianu, Poèmes à dire - Une anthologie de poésie contemporaine francophone (coll. Poésie/Gallimard, 2013)

15:39 Écrit par Claude Amstutz dans Bloc-Notes, Charles Baudelaire, Littérature francophone, Philippe Jaccottet | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; poésie; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

06/04/2013

La citation du jour

Paul Valéry

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La politique est l'art d'empêcher les gens de se mêler de ce qui les regarde.

Paul Valéry, Tel Quel (coll. Folio Essais/Gallimard, 1996)

00:21 Écrit par Claude Amstutz dans La citation du jour, Littérature francophone, Paul Valéry | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : citation; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

05/04/2013

Morceaux choisis - Xavier Grall

Xavier Grall

Xavier Graal 2.jpg

Ah quand je mourrai
enterrez-moi à Ouessant
avec mes épagneuls
et mes goélands
ah quand je mourrai
mettez-moi en ce jardin de gravier.
 
Je te salue cantate de pierre
et de haute marée
je te salue psaume du littoral
je te salue chorale des noyés millénaires
perdus dans les vaisseaux
couronnés de mystères
qui s'en venaient des Guadeloupes milliardaires
en creusant des prières 
dans les entrailles des eaux.
 
Je te célèbre pavois des princes boucaniers
tannés au rhum brun des vents
Je te célèbre Ouest, havre vert
des butins et des songes.
Il faut chaque jour gagner sa légende
il faut chaque jour célébrer la messe de l'univers.
 
 Notre-Dame des printemps
quand dans l'aubier descendent les grives
et les ramiers dans les aulnes
des oiseaux du Levant et des Antilles
heureux,
s'en viennent aimer dans la rédemption
de tes îles.
 
Sous le vent
les marins parlent des Canaries
sous le vent
les terriens rêvent de Bali
les barques souquent leurs chaînes
et les cargos ont de gros yeux de buffle affamé
à l'écubier.
On va partir
good bye, kénavo.
 
Je vous célèbre matelots des errances
je vous célèbre pirates
grands amoureux des terres
je vous célèbre anarchistes de l'univers
pêcheurs de lunes et de trésors
ô vous les escrocs des anses
ô vous les ducs de la mer!
 
Et l'on s'en reviendra
de l'Ohio ou bien de Porto
disant la geste et la Saga
aux filles de Lorient
et de port Navalo.
 
Good bye, kénavo
nous allons respirer tous les parfums
nous allons danser la pavane de la mer
Dieu et le vent pour suzerains
nous allons fonder l'empire des paladins.
 
Ah quand je mourrai
enterrez-moi à Ouessant
avec mes épagneuls
et mes goélands
ah quand je mourrai
mettez-moi en ce jardin de gravier.
 

Xavier Grall, Le rituel breton / extrait, dans: Oeuvre poétique (Rougerie, 2011)

05:52 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone, Morceaux choisis | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; poésie; anthologie; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

04/04/2013

François Mauriac

Francois Mauriac 2.jpgFrançois Mauriac, Le noeud de vipères (Coll. Livre de poche, 2006)

 

Vieil avare qui veut se venger des siens en les déshéritant, Louis se justifie dans une sorte de confession qu'il destine à sa femme: elle le précède dans la mort. Dépossédé de sa haine et détaché de ses biens, cet anti-clérical sera touché, par la lumière, in articulo mortis.


Outre une peinture au vitriol de la bourgeoisie, ce roman est le journal d’un homme à la fin de sa vie. Respecté – à peine – pour sa réussite sociale, même des siens et détesté par les autres, il se révèle peu à peu attachant, libéré, humain. Un chef d’œuvre de Mauriac qui résiste à plusieurs lectures, au fil des années.

00:02 Écrit par Claude Amstutz dans François Mauriac, Littérature francophone | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : littérature; roman; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

03/04/2013

Le poème de la semaine

Louis Aragon

A la première Pâque il fleurie des lilas
La terre est toute verte oublieuse d'hiver
Tout le ciel est dans l'herbe et se voit à l'envers
A la première Pâque

A la Pâque d'été j'ai perdu mon latin
Il fait si bon dormir dans l'abri d'or des meules
Quand le jour brûle bien la paille des éteules
A la Pâque d'été

A la Pâque d'hiver il soufflait un grand vent
Ouvrez ouvrez la porte à ces enfants de glace
Mais les feux sont éteints où vous prendriez place 
À la Pâque d'hiver
 
Trois Pâques ont passé revient le Nouvel An
C'est à chacun son tour cueillir les perce-neige
L'orgue tourne aux chevaux la chanson du manège
Trois Pâques ont passé

Revient le Nouvel An qui porte un tablier
Comme un grand champ semé de neuves violettes
Et la feuille verdit sur la forêt squelette
Revient le Nouvel An

Saisons de mon pays variables saisons
Qu'est-ce que cela fait si ce n'est plus moi-même
Qui sur les murs écris le nom de ce que j'aime
Saisons de mon pays
Saisons belles saisons.


Quelques traces de craie dans le ciel,
Anthologie poétique francophone du XXe siècle

30/03/2013

Morceaux choisis - Maïssa Bey

Maïssa Bey

maissa-bey.jpg

Est-il déjà trop tard? Les deux mains autour du visage, elle essaie d'effacer les plis aux commissures de ses lèvres, de remonter le temps. Dans le fragment de miroir qu'elle vient d'extraire de sa cachette, elle s'assure qu'aucune ride encore n'étoile ses yeux. 

Elle se lève. Au centre exact de la chambre, elle ôte un à un tous ses vêtements. Elle est nue. Elle déroule ses jambes en arabesques lentes et dans ses hanches ondulent encore les airs triomphants de sa jeunesse. De ses mains de magicienne s'échappent des oiseaux en frissons légers et leurs ailes lui caressent doucement le visage. 

Quand il n'est pas là, elle danse. Au bord du jour qui tombe des fenêtres, la lumière dérive et traîne ses écharpes blafardes sur les murs. Un à un elle a ôté ses vêtements et de ses cheveux ruisselants, elle se fait un voile de ténèbres. Les fenêtres sont hautes et les portes sont fermées. Il la croit prisonnière. Il a mis des barreaux sur ses rêves et des boulets à sa vie. Chaque matin, il emporte les clés avec lui. Il ne revient qu'à la nuit.

Il ne sait pas, non, il ne sait pas que par ce seul geste il la délivre. Quand il n'est pas là, elle danse, et le jour lui appartient. La nuit aussi parfois. Quand, tout près de lui, ses songes la déchaînent. Sa main qui glisse l'emporte et ses doigts tracent les chemins ensoleillés de ses voyages.

Redis-moi encore, mon âme, ces mots plus légers qu'un souffle, nous allons si tu veux nous perdre, suis-moi, je saurai où te mener.

Les yeux ouverts, elle guette sur le sol la lente reptation du jour qui commence et se glisse sans bruit à travers les barreaux dressés aux fenêtres. Elle arrache de son corps les oripeaux tissés de mensonges et de simulacres, et se revêt de soie diaphane et de délires. Invisible et plus légère qu'une bulle, elle s'envole au-dessus des villes peuplées d'hommes aveugles et de chiens couchants. Elle est de feuilles et de fleurs dans la lumière verte qui fait trembler les aubes frileuses et se défait en tourbillons graciles jusqu'à n'être plus que l'instant extrême du plaisir.

La haine explose en gerbes de feu. Puis elle retombe, cendres nacrées au coeur du silence.

Avec lui, le silence est entré dans sa vie...

Maïssa Bey, Nouvelles d'Algérie (Poche/L'Aube, 2011) 

23:20 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone, Morceaux choisis | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : littérature; nouvelles; morceaux choisis; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

29/03/2013

Lire les classiques - Odilon-Jean Périer

Odilon-Jean Périer

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Il pleut. je n'ai plus rien à dire de moi-même 
Et tout ce que j'aimais, comme le sable fin 
Sans peser sur la plage où les vents le dispersent 
(Amour dont je traçais un émouvant dessin)
 
S'évanouit... La seule étendue inutile 
Mais seule, mais unie, en pente vers la mer, 
Me laisse par l'écume aller d'un pas tranquille 
Qu'elle efface après moi. Toi, paysage amer,
 
Paysage marin, le seul où je sois libre, 
Qui parle mieux qu'un homme, avec plus de grandeur, 
Donne-moi, pour un soir, cette raison de vivre, 
Le secret de ta grâce au milieu du malheur:
 
Sans faiblesses, sans fleurs charmantes ni flétries 
Mais tellement plus beau qu'aucun ouvrage humain, 
La terre unie au ciel par la foudre ou la pluie 
Et les quatre éléments tenus dans une main.
 
Vous faites ces beautés, lumières de l'orage, 
Dunes, léger trésor, mouvement des éclairs, 
Mais il reste à traduire un si noble langage 
Et vous n'aurez de sens que celui de mes vers
 
Quand je n'avais plus rien à dire de moi-même 
Ce paysage m'a répondu sagement :
Car la création est le jeu que je mène 
Et jusqu'à mes ennuis doivent former un chant.
 

Odilon-Jean Périer, Le promeneur, dans: Poèmes (Labor, 2005)

image: Denys Puech (larousse.fr)

10:52 Écrit par Claude Amstutz dans Lire les classiques, Littérature francophone | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; poésie; anthologie; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |