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13/05/2013

Yves Navarre

littérature; roman; livresYves Navarre, Le coeur qui cogne (Flammarion, 1974 et LGF, 1980 - épuisés)

La famille Dauzan se réunit le temps d'un week-end au Rivier, douze ans après la mort du fils aîné. Autrefois lieu des réunions familiales épanouies, qu'en reste-t-il, sinon un théâtre d'ombres où la maladresse des uns et des autres fait mal. Une peinture acide de la bourgeoisie et des apparences trompeuses qui n'est pas sans rappeler l'univers de François Mauriac.

Disponible en version intégrale sur www.yves-navarre.ch au format PDF

07:30 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone, Yves Navarre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; roman; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

12/05/2013

Lire les classiques - Sully Prudhomme

Sully Prudhomme

Lugano 6.jpg

merci à José M

Sans bruit, sous le miroir des lacs profonds et calmes,
Le cygne chasse l'onde avec ses larges palmes,
Et glisse. Le duvet de ses flancs est pareil
A des neiges d'avril qui croulent au soleil;
Mais, ferme et d'un blanc mat, vibrant sous le zéphire,
Sa grande aile l'entraîne ainsi qu'un lent navire.
Il dresse son beau col au-dessus des roseaux,
Le plonge, le promène allongé sur les eaux,
Le courbe gracieux comme un profil d'acanthe,
Et cache son bec noir dans sa gorge éclatante.
Tantôt le long des pins, séjour d'ombre et de paix,
Il serpente, et laissant les herbages épais
Traîner derrière lui comme une chevelure,
Il va d'une tardive et languissante allure;
La grotte où le poète écoute ce qu'il sent,
Et la source qui pleure un éternel absent,
Lui plaisent: il y rôde ; une feuille de saule
En silence tombée effleure son épaule;
Tantôt il pousse au large, et, loin du bois obscur,
Superbe, gouvernant du côté de l'azur,
Il choisit, pour fêter sa blancheur qu'il admire,
La place éblouissante où le soleil se mire.
Puis, quand les bords de l'eau ne se distinguent plus,
A l'heure où toute forme est un spectre confus,
Où l'horizon brunit, rayé d'un long trait rouge,
Alors que pas un jonc, pas un glaïeul ne bouge,
Que les rainettes font dans l'air serein leur bruit
Et que la luciole au clair de lune luit,
L'oiseau, dans le lac sombre, où sous lui se reflète
La splendeur d'une nuit lactée et violette,
Comme un vase d'argent parmi des diamants,
Dort, la tête sous l'aile, entre deux firmaments.
 

Sully Pruhomme, Le cygne, dans:  Les solitudes - Poésies (L'Harmattan, 1995)

image: Lugano / Tessin, Suisse (2012)

07:21 Écrit par Claude Amstutz dans Lire les classiques, Littérature francophone | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; poésie; anthologie; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

10/05/2013

Morceaux choisis - Sylvie Fabre G.

Sylvie Fabre G.

Livre_2.jpg

Dans la bibliothèque de ma mère
les livres étaient comme des draps
linge frais ou linceuil
ils moulaient formes et rêves, vivants et morts
m'enveloppant de silence
pour mieux parler les choses innommées
l'azur et l'ombre
et les visages, beaux oiseaux
qui n'en finissent pas de passer
sur leurs pages veinées d'encre de sang et d'eau
 
dans la bibliothèque de ma mère
la solitude dessinait un paysage sans horizonun présent
où le coeur avançait
les livres souffleurs d'amour et de douleur
couturaient l'invisible
je m'égarais dans leur végétation
au-dedans et au-dehors, mots ouverts
histoire oubliée sous les lilas
l'odeur de la vie m'emportait
 
dans la bibliothèque de ma mère
les livres étaient comme des mains
que je promenais sur le monde
que je levais vers le ciel, feu ou vide
ils rendaient toute figure visible
traversant le temps, l'ici et l'ailleurs
pour retourner à la source dont ils venaient
dans la bibliothèque de ma mère
j'étais sans âge et sans demeure
la lectrice éternelle, l'étrangère.

Sylvie Fabre G., Dans la bibliothèque de ma mère, dans: Pas d'ici, pas d'ailleurs - Anthologie poétique francophone de voix féminines contemporaines / présentation et choix: Sabine Huynh, Andrée Lacelle, Angèle Paoli, Aurélie Tourniaire / préface: Déborah Heissler (Voix d'Encre, 2012)

image: livresanciens-tarascon.blogspot.com

12:55 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone, Morceaux choisis | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; poésie; anthologie; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

Vendanges tardives - De la mesure

Un abécédaire: M comme mesure

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pour Charline K

Jamais je n'aurais imaginé me retrouver - surtout une veille de la fête de l'Ascension! - dans un box des urgences de l'Hôpital Cantonal, avec un blouse bleue et blanche et des tuyaux reliés à toutes les parties du corps, comme Victor Newman dans Les feux de l'amour. Et, tandis que je mesurais le temps qui s'étire, ponctué ça et là par le son aigu de l'échocardiographe signalant un dérapage, me venaient à l'esprit des pensées plutôt légères, malgré le lieu, malgré ce moment suspendu où j'étais encore incapable de savoir, si cette fois-ci en ce qui me concerne, le fil tendu entre le commencement de toutes choses et la fin de ces dernières dans l'ordre du monde, n'était pas sur le point de se rompre, comme il se doit, un jour ou l'autre.

Je me suis ainsi souvenu de ma mère qui me raconta que, lors de son premier infarctus, elle se voyait dans une vallée verdoyante et reposante, tandis qu'elle se remémorait les paroles du Psaume 22Sur des prés d'herbe fraîche, Il me fait reposer. Il me mène vers les eaux tranquilles... Et elle se répétait pour elle-même: Eh bien non, je ne veux pas y aller! Elle ouvrit alors les yeux, se vit en salle de réanimation et esquissa un sourire. Le voyage était interrompu.

Et - tu connais mon côté farceur - j'ai aussi pensé à Woody AllenCe n'est pas que j'ai peur de mourir, je veux juste ne pas être là quand ça arrivera. Puis à Francis BlancheVienne la nuit, sonne l'heure, Des gens s'amusent, d'autres meurent.

Mais à toi, Fred, je peux bien le dire: alors que sur le départ - sans diagnostic critique ni séquelles inquiétantes - je restituais mes habits de cérémonie et le sac en plastique contenant mes effets personnels, malgré le légendaire contrôle de mes émotions en public, toute trace d'humour m'avait quitté et derrière cette absence de frivolité, quelle digue s'était donc rompue? Tu voudrais bien le savoir, mais entre hommes - pudeur, refoulement, absence d'abandon? - il m'est bien difficile de satisfaire ta curiosité!

Je vais plutôt téléphoner à notre amie Laurence qui te racontera - si le coeur lui en dit - ces éclats de ténèbres et de lumières qui somme toute, dans un désordre trompeur, célèbrent la vie: si précieuse, si incertaine...

Francis Blanche, Les pensées (Cherche Midi, 2011)

Woody Allen, Dieu Shakespeare et moi (coll. Points Virgule/Seuil, 2001)

image: Melody Thomas Scott et Eric Braeden dans: The Young and the Restless / Les feux de l'amour (globaltv.com)

08/05/2013

Le poème de la semaine

Paul Valéry

Il est une douleur sans nom, sans but, sans cause 
Qui vient je ne sais d’où, je ne sais trop pourquoi, 
Aux heures sans travail, sans désir et sans foi 
Où le dégoût amer enfielle toute chose. 
 
Rien ne nous fait penser, rien ne nous intéresse, 
On a l’esprit fixé sur un maudit point noir. 
Tout est sombre : dedans, dehors, le jour, le soir, 
C’est un effondrement dans un puits de tristesse. 
 
C’est surtout vers la nuit, quand s’allume la lampe. 
Cet ennui fond sur nous, aussi prompt qu’un vautour. 
Le découragement nous guette au coin du jour, 
Quand s’élève du sol l’obscurité qui rampe. 
 
Ce n’est pas celui-là qui mène à la rivière 
C’est un mauvais moment à passer, voilà tout. 
Il nous fait ressortir la joie, ce dégoût 
Comme l’obscurité fait aimer la lumière. 
 
 
Quelques traces de craie dans le ciel,
Anthologie poétique francophone du XXe siècle

07/05/2013

Malika Mokeddem

images-1.jpegMalika Mokeddem, Je dois tout à ton oubli (Grasset, 2008)

On dit souvent que l’ombre de la mère disparue peut longtemps soutenir les vivants. Mais ici – comme dans les romans de Katherine Pancol, par exemple – la blessure née du refus de la tradition, de la maternité obligée et de la soumission, amplifie l’absence d’amour de la mère pour sa fille Selma. Les circonstances de rencontre entre ces deux êtres sont découpées au scalpel, même si la mémoire de la narratrice est empreinte d’une profonde humanité. Par l’auteur de La transe des insoumis et de Mes hommes (Grasset, 2003 et 2005) autres chef d’œuvres à découvrir.

également disponible en coll. Livre de poche (LGF, 2011)

08:22 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone, Malika Mokeddem | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature;récit; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

06/05/2013

Morceaux choisis - Robert Ganzo

Robert Ganzo

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Invente! Il n'est fête perdue
au fond de ta mémoire.
Invente les noirs béants de ce portail,
l'ombre chaude à l'Equateur bue,
et la foudre en tes mains reçue,
ouverte comme un éventail.
 
Ce cri, qu'il délivre ma vie!
Mais avant d'être ainsi ravie
à son silence d'autrefois,
déjà ma chair pouvait t'entendre,
printemps tout en fleurs de chair tendre
dont quels reflets portaient la voix?
 
Déjà, saisons des mots apprises
dans les chemins de vos rousseurs,
dans les glacis de tant d'émaux,
et dans les pleurs de vos nuits grises,
vous promulgiez - azur et brise -
la loi tremblante des ormeaux.
 
Bourgeons enceints de confidences;
asiles récents des rameaux...
Plus loin que ce temps d'évidences
une autre extase est prisonnière
en un langage de poussière
où sont allés mourir des mots.
 
Tout crisse en moi.
Je me suis pris aux pièges
de lueurs mouvantes;
et je m'émerveillais des gerbes
éclatant partout en semis,
quand l'avril qui m'était promis
s'en vint avec des douceurs d'herbes.
 
La figue où brûle un feu de lune;
l'amande au fond de sa rancune;
- il m'a fallu nommer le fruit -
la femme enclose dans la mangue...
S'il tient des clartés en sa langue,
un nom, 
l'univers est construit.
 
Il m'a fallu nommer le geste
offert jusqu'à la révérence,
ce murmure comme un duvet.
Baisers épars d'une Science!
Qu'il connaisse une impatience,
un mot,
et l'amour est défait.
 
Pèse en ton sang le poids d'un rêve;
le suc en fête de la sève;
ce qui s'ordonne en les débris;
les fils cassés des avalanches,
ou l'envol de bouquets aux branches,
puisque les oiseaux ont fleuri.
 
Parle: et l'air tourne sur lui-même
hors du jour vide et du chaos;
l'air tourne et parle 
et c'est l'écho qui fait
un sanglot du blasphème, 
une voix de songe expirant
au secret d'un cristal suprême.
 
Vos liens sont dénoué, paroles,
mes étoiles aux ciels des yeux.
L'instant m'interroge et je peux,
titubant de pleurer à rire,
tenter enfin de dire au mieux
ce qui reste à jamais à dire.
 

Robert Ganzo, Langage, dans: L'oeuvre poétique (Gallimard, 1997)

image: Robert Ganzo (manuelvichganzo.centerblog.net)

18:17 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone, Morceaux choisis | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; poésie; anthologie; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

04/05/2013

Morceaux choisis - Patrice de la Tour du Pin

Patrice de la Tour du Pin

littérature; poésie; anthologie; livres

Cette odeur sur les pieds de narcisse et de menthe,
Parce qu’ils ont foulé dans leur course légère
Fraîches écloses, les fleurs des nuits printanières,
Remplira tout mon cœur de ses vagues dormantes;
 
Et peut-être très loin sur ses jambes polies,
Tremblant de la caresse encor de l’herbe haute,
Ce parfum végétal qui monte, lorsque j’ôte
Tes bas éclaboussés de rosée et de pluie;
 
Jusqu’à cette rancœur du ventre pâle et lisse
Où l’ambre et la sueur divinement se mêlent
Aux pétales séchées au milieu des dentelles
Quand sur les pentes d’ombre inerte mes mains glissent,
 
Laurence… Jusqu’aux flux brûlants de ta poitrine,
Gonflée et toute crépitante de lumière
Hors de la fauve floraison des primevères
Où s’épuisent en vain ma bouche et mes narines,
 
Jusqu’à la senteur lourde de ta chevelure,
Éparse sur le sol comme une étoile blonde,
Où tu as répandu tous les parfums du monde
Pour assouvir enfin la soif qui me torture!
 

Patrice de la Tour du Pin, Laurence endormie, dans:Zéno Bianu, Eros émerveillé - Anthologie de la poésie érotique française (coll. Poésie/Gallimard, 2012)

image: stephaniecphoto.ca

10:43 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone, Morceaux choisis | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; poésie; anthologie; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

03/05/2013

La citation du jour

André Velter

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Je me sais plus nomade que jamais. Il n'y a pas de suite à ce qui est sans fin. Notre gîte n'est pas une maison, un reliquaire, un temple ni un livre. Notre ermitage n'a pas de toit, pas de fronton, il est de plein vent et de pleine clarté le passage où nous sommes, esquif aimanté qui s'éloigne de la terre, reste à l'écart du ciel, sans renier la terre ferme, sans congédier le ciel.

André Velter, Ascension du Mont Analogue / extrait, dans: L'amour extrême et autres poèmes pour Chantal Mauduit (coll. Poésie/Gallimard, 2007)

image: voyage-bons-plans.aufeminin.com 

11:49 Écrit par Claude Amstutz dans La citation du jour, Littérature francophone | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : citation; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

Lire les classiques - Alphonse de Lamartine

Alphonse de Lamartine

littérature; poésie; anthologie; livres

Il est un nom caché dans l'ombre de mon âme, 
Que j'y lis nuit et jour et qu'aucun oeil n'y voit, 
Comme un anneau perdu que la main d'une femme 
Dans l'abîme des mers laissa glisser du doigt.
 
Dans l'arche de mon coeur, qui pour lui seul s'entrouvre, 
Il dort enseveli sous une clef d'airain; 
De mystère et de peur mon amour le recouvre, 
Comme après une fête on referme un écrin.
 
Si vous le demandez, ma lèvre est sans réponse, 
Mais, tel qu'un talisman formé d'un mot secret,
Quand seul avec l'écho ma bouche le prononce, 
Ma nuit s'ouvre, et dans l'âme un être m'apparaît.
 
En jour éblouissant l'ombre se transfigure;
Des rayons, échappés par les fentes des cieux, 
Colorent de pudeur une blanche figure 
Sur qui l'ange ébloui n'ose lever les yeux.
 
C'est une vierge enfant, et qui grandit encore; 
Il pleut sur ce matin des beautés et des jours; 
De pensée en pensée on voit son âme éclore, 
Comme son corps charmant de contours en contours.
 
Un éblouissement de jeunesse et de grâce 
Fascine le regard où son charme est resté. 
Quand elle fait un pas, on dirait que l'espace
S'éclaire et s'agrandit pour tant de majesté.
 
Dans ses cheveux bronzés jamais le vent ne joue. 
Dérobant un regard qu'une boucle interrompt, 
Ils serpentent collés au marbre de sa joue, 
Jetant l'ombre pensive aux secrets de son front.
 
Son teint calme, et veiné des taches de l'opale, 
Comme s'il frissonnait avant la passion, 
Nuance sa fraîcheur des moires d'un lis pâle, 
Où la bouche a laissé sa moite impression.
 
Sérieuse en naissant jusque dans son sourire,
Elle aborde la vie avec recueillement; 
Son coeur, profond et lourd chaque fois qu'il respire, 
Soulève avec son sein un poids de sentiment.
 
Soutenant sur sa main sa tête renversée,
Et fronçant les sourcils qui couvrent son oeil noir, 
Elle semble lancer l'éclair de sa pensée 
Jusqu'à des horizons qu'aucun oeil ne peut voir.
 
Comme au sein de ces nuits sans brumes et sans voiles,
Où dans leur profondeur l'oeil surprend les cieux nus,
Dans ses beaux yeux d'enfant, firmament plein d'étoiles, 
Je vois poindre et nager des astres inconnus.
 
Des splendeurs de cette âme un reflet me traverse;
Il transforme en Éden ce morne et froid séjour. 
Le flot mort de mon sang s'accélère, et je berce 
Des mondes de bonheur sur ces vagues d'amour.
 
- Oh! dites-nous ce nom, ce nom qui fait qu'on aime; 
Qui laisse sur la lèvre une saveur de miel! 
- Non, je ne le dis pas sur la terre à moi-même; 
Je l'emporte au tombeau pour m'embellir le ciel.
 

Alphonse de Lamartine, Un nom, dans: Poésies diverses, précédé de: Méditations poétiques et Nouvelles méditations poétiques (coll. Poésie/Gallimard, 2000)

image: Herbert James Draper, The Gates of Dawn / Detail (arteemtelasaoluis.blogspot.com)

 

00:15 Écrit par Claude Amstutz dans Lire les classiques, Littérature francophone | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; poésie; anthologie; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |