22/05/2011
Dany Laferrière
Bloc-Notes, 22 mai / Les Saules
En Haïti, il y eut un certain 12 janvier, comme ailleurs un 11 septembre. Avant, il y avait l'insouciance, puis soudain ce jour de séisme terrible. Dany Laferrière, écrivain haïtien résidant au Canada, se trouvait dans son pays au moment du drame. Un an après, il tente de faire revivre ce qu'il a vu, observé, partagé. Le pire comme le meilleur concentré dans cet instant crucial dont le monde entier a été le témoin, à travers un prisme déformé, il est vrai: Tout cela a duré moins d'une minute. On a eu huit à dix secondes pour prendre une décision. Quitter l'endroit ou rester. Très rares sont ceux qui ont fait un bon départ.
Comme souvent devant un choc d'une telle cette amplitude - les exemples sont nombreux dans l'histoire contemporaine - il témoigne de la difficulté de témoigner du moment de la catastrophe en elle-même, tant la blessure intime est grande et la surprise, totale. Son récit, Tout bouge autour de moi, est habité d'une retenue bienveillante, généreuse et lucide pour dire les émotions brutes qui ont affecté sa famille ou leurs proches: Certains voient s'envoler, en une minute, le travail d'une vie. Ce nuage dans le ciel tout à l'heure c'était la poussière de leurs rêves.
Ce qui rend ce livre particulièrement attachant tient à cette page douloureuse de l'histoire d'Haïti où se juxtaposent le temps de l'auteur avec celui de ces anonymes pour la plupart, armés d'un grand appétit de vivre, portant l'espérance jusqu'en enfer. Ce sont eux, les véritables héros de ces éclats de mémoire que nous livre Dany Laferrière: Certaines personnes parviennent à danser sur les braises. On les traite d'insouciants ou d'irresponsables sans savoir que ce sont pourtant des êtres d'une force d'âme exceptionnelle. S'ils ont traversé cette époque sanglante avec une humeur égale, c'est qu'ils estiment qu'on n'a pas besoin d'ajouter son drame personnel au malheur collectif.
Il trouve le ton juste pour évoquer la culpabilité des rescapés ou ironiser - sans méchanceté aucune - sur la couverture médiatique des événements et son cortège d'images fortes: Le pire n'est pas l'enfilade de malheurs, mais l'absence de nuances dans l'oeil froid de la caméra...
Quel est le secret de cet auteur pour qu'au-delà de cette fracture existentielle, se dégage de son livre une force si tranquille et déterminée? De sa mère, de sa tante Renée, de ses amis, ainsi que de la poésie qui résonne comme un violon dans ses ténèbres passagères et qui, seule, le console des horreurs du monde.
On dit qu'un malheur chasse l'autre. Et les journalistes ont beau se précipiter ailleurs, Haïti continuera d'occuper longtemps encore le coeur du monde.
Eteignez vos téléviseurs à l'heure des actualités et plutôt que de suivre les péripéties de l'affaire DSK qui semble secouer la planète aujourd'hui - une agitation indécente qui donnerait pour un peu raison à Louis-Ferdinand Céline, quand il affirme, dans Voyage au bout de la nuit, que le monde n'est qu'une immense entreprise à se foutre du monde - lisez Tout bouge autour de moi: un chant pudique de larmes, de gratitude et d'espoir. Les gens sans importance ont parfois tant de choses à nous dire...
Dany Laferrière est l'auteur d'une quinzaine d'ouvrages parmi lesquels Comment faire l'amour avec un nègre sans se fatiguer (1999), Le goût des jeunes filles (2005) et L'énigme du retour (2009). Avec ce dernier, il reçoit le prix Médicis. Il participe aussi au magnifique collectif Serpent à plumes pour Haïti (2010).
Dany Laferrière, Tout bouge autour de moi (Grasset, 2011)
publié dans Le Passe Muraille no 86 - juin 2011
00:57 Écrit par Claude Amstutz dans Bloc-Notes, Le monde comme il va, Le Passe Muraille, Littérature francophone, Louis-Ferdinand Céline | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; récit; document; livres | |
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21/05/2011
Jean-Louis Kuffer
Jean-Louis Kuffer, Les passions partagées - Lectures du monde 1974-1992 (Campiche, 2004)
Tous ceux pour qui un livre est bien plus qu’un outil ou un objet – un compagnon, une présence, un écho du cœur – seront gagnés par ces passions partagées. Vous y croiserez Cingria, Léautaud, Grossman, Nabokov, Ramuz ou encore Dürrenmatt. Bien d’autres encore, à travers ces notes sobres, personnelles, attachantes. Une lecture indispensable pour les candidats libraires ou futurs professeurs de lettres en quête de sens, car sans ces rencontres avec ces écrivains qui ont souvent impregné notre regard sur les êtres et le monde qui nous entoure, sans ce besoin viscéral de transmettre ce qui dans un livre tutoyant l'universel a pu nous inspirer quelques fragments de bonheur inoubliables afin que d'autres s'y abandonnent avec la même ferveur, que resterait-il de la littérature, sinon une impression sournoise de déséquilibre du monde, enfouie dans nos propres décombres?
05:26 Écrit par Claude Amstutz dans Charles Ferdinand Ramuz, Charles-Albert Cingria, Jean-Louis Kuffer, Littérature francophone, Littérature suisse | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : littérature; essai; livres | |
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17/05/2011
Le poème de la semaine
Nadia Tuéni
Qu'elle soit courtisane, érudite, ou dévote,péninsule de bruits, des couleurs, et de l'or,ville marchande et rose, voguant comme une flottequi cherche à l'horizon la tendresse d'un port,elle est mille fois mort, mille fois revécue. Beyrouth des cents palais, et Béryte des pierres,où l'on vient de partout ériger ses statues,qui font prier les hommes, et font crier les guerres.Ses femmes aux yeux de plages qui s'allument la nuit,et ses mendiants semblables à d'anciennes pythies.A Beyrouth chaque idée habite une maison.A Beyrouth chaque mot est une ostentation.A Beyrouth l'on décharge pensées et caravanes,flibustiers de l'esprit, prêtresses ou bien sultanes. Qu'elle soit religieuse, ou qu'elle soit sorcière,ou qu'elle soit les deux, ou qu'elle soit charnière,du portail de la mer ou des grilles du levant,qu'elle soit adorée ou qu'elle soit maudite,qu'elle soit sanguinaire, ou qu'elle soit d'eau bénite,qu'elle soit innocente ou qu'elle soit meurtrière,en étant phénicienne, arabe ou routière,en étant levantine, aux multiples vertiges,comme ces fleurs étranges fragiles sur leurs tiges,Beyrouth est en orient le dernier sanctuaire,où l'homme peut toujours s'habiller de lumière.Quelques traces de craie dans le ciel,Anthologie poétique francophone du XXe siècle
09:13 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone, Nadia Tuéni, Quelques traces de craie dans le ciel - Anth | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; poésie | |
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15/05/2011
Lettre à un jeune libraire 2/3
Bloc-Notes, 15 mai / Les Saules
Aujourd'hui, le présent t'accable. On dirait qu'il fracasse tes rêves et te couvre d'une fine pellicule de givre. C'est le signe de la fin des commencements, une aube fertile mais menaçante dans laquelle tu ne reconnais plus ta propre voix. Les parois de ton lieu de travail semblent rétrécir. Pourtant, son ambiance unique - une chaleur, un esprit d'ouverture et une curiosité commune que tu ne retrouverais nulle part ailleurs - te ravit autant qu'au premier jour. Avec un peu d'ironie, tu pourrais ajouter que les rémunérations plutôt modestes au sein de la profession tendent à rassembler plutôt qu'à diviser ces amis du livre qui choisissent le métier de libraire par vocation, rarement par nécessité. Le contraire d'une activité calculatrice ou routinière, en quelque sorte. Mais l'impression d'essoufflement te saisit malgré tout, te malmène et décharge toute passion de sa substance. Ce n'est pas rendre compte qui est difficile, mais durer sous la mouvance de cet affadissement progressif, lancinant, incompréhensible qui gâche la source, appauvrit la sève. Nageur impénitent, à contre-courant, tu es seul, irrémédiablement seul. La magie, présente et bien réelle, n'y change rien. Ta vue se brouille alors que ton coeur, avide de fulgurances et de signes, ne desserre pas l'étreinte.
Je chante la chaleur à visage de nouveau-né, la chaleur désespérée. (1)
L'heure est au découragement. Pour que le brouillard matinal s'estompe et que la folie lumineuse te gagne à nouveau, il te faut accepter de n'en jamais finir d'apprendre: à mesurer la distance entre le bagage et l'ignorance, entre la suffisance et la croissance, entre la fureur et le jugement, comme la barque qui gagne sa liberté sur le fleuve, en renonçant à ces repères familiers qui l'entraîneraient à s'échouer au premier obstacle. Exposé à tant de merveilles dont bien d'autres - les proches, les auteurs, les maîtres, les lecteurs - balisent l'étroit sentier de ton savoir fragmentaire, il te semble n'être plus rien, pas même une poignée de sable qu'un vent mauvais très vite efface.
C'est pourtant dans ce désespoir nouveau - qui irrémédiablement te ramène à la première pierre - que s'intensifiera ta flamme, dans la vulnérabilité que se dessineront les plus belles de tes découvertes, dans le doute que s'exposeront tes mouvements de l'âme les plus mémorables. La force au contraire, dont tu regrettes de n'être pas assez pourvu - si louée soit-elle parmi tes semblables - limite l'espace, le maîtrise ou le justifie. Rarement elle n'inspire l'infini, l'émotion pure, le renouvellement. Coeur sans joie véritable, elle se suffit à elle-même et à toi, elle ne suffit pas.
Ta raison de vivre sera toujours, au-delà de toute considération extérieure, dans le livre: Si tu brûles le livre, il s'ouvre dans la flamme, à l'absence; si tu le noies, il se déploie avec l'onde; si tu l'enterres, il étanche ta soif de désert; car toute parole est eau pure de salut. (2)
Souris: le temps de la grâce est proche...
(à suivre)
(1) René Char, A la santé du serpent (Voix d'encre, 2008)
(2) Edmond Jabès, Yaël (Gallimard, 1967)
image: François Truffaut, Fahrenheit 451
21:52 Écrit par Claude Amstutz dans Bloc-Notes, Littérature francophone, René Char | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; librairie | |
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14/05/2011
Lettre à un jeune libraire 1/3
Bloc-Notes, 14 mai / Les Saules
Autant qu'il m'en souvienne - selon tes dires - cela a commencé ainsi, avec la sonate de Vinteuil: Cette soif d'un charme inconnu, la petite phrase l'éveillait en lui, mais ne lui apportait rien de précis pour l'assouvir. De sorte que ces parties de l'âme de Swann où la petite phrase avait effacé le souci des intérêts matériels, les considérations humaines et valables pour tous, elle les avait laissées vacantes et en blanc, et il était libre d'y inscrire le nom d'Odette. Puis à ce que l'affection d'Odette pouvait avoir d'un peu court et décevant, la petite phrase venait ajouter, amalgamer son essence mystérieuse. (1)
Le vide était pourtant là, intérieur et informulé. Aux contours indéfinis, il n'avait pas changé, ni en pesanteur, ni en intensité. Pourtant, à la sortie de cette librairie de quartier où tu avais acheté ce roman, tu sentais confusément que l'espace s'ouvrait à ton imagination adolescente et que, pour la première fois peut-être, lisant et relisant ces quelques lignes, tu te sentais mieux dans ta peau au sein d'un monde qui ne te suffisait pas - trop étroit, rigide ou banal - auquel le livre venait ajouter une dimension insoupçonnée. Pas le bonheur surgi par surprise, ni la fuite dans un ailleurs séduisant: tout juste une résonance capable de révéler le sens des choses, de l'éclairer, de l'approfondir ou le libérer. Ainsi, la découverte du livre était-elle associée à un lieu habitable, magique et chaleureux. Malgré les tempêtes qui n'ont pas manqué de t'assaillir par la suite, cet étroit sentiment d'appartenance ne t'a jamais quitté.
Envers et contre tout - un métier souvent comparé à celui des saltimbanques - tu as ainsi décidé, très vite, de devenir libraire, par soif d'apprendre, de découvrir, de connaître et d'élargir ton horizon aux dimensions d'un monde où la raison n'aurait jamais le dernier mot. Trop paresseux pour être médecin, trop orgueilleux pour être religieux, trop marginal pour être instituteur, ton choix était fait. L'insoumission fut longtemps pour toi, un mot illustrant au mieux ce milieu étrange du livre. Plus tard, tu l'as remplacé par celui de résistance, plus adapté à toute la chaîne de la création, depuis l'auteur qui invente jusqu'au lecteur qui interprète, en passant par le libraire, messager discret et veilleur du temps des autres.
Malheureusement - un dilemme propre à toutes les métiers artistiques - il t'a fallu ajouter un autre mot: celui de l'ambiguité, délicate balance entre les trésors que tu espérais partager et les besoins dont le grand nombre - employeurs et lecteurs confondus - réclamait la récompense. Autrement dit, la notion haïssable de commerce - disais-tu au cours de tes années d'apprentissage - faisait irruption dans la vraie vie où tu grandissais en expérience moins rapidement que dans l'autre, celle de tes lectures. Temps de l'incertitude et du défi, sur l'aile précautionneuse du vent... mais quelle importance, somme toute, puisque la parole écrite suffisait à ta faim au sein de cette grande famille du livre et te donnait des ailes, comme l'oiseau qui fait trembler la branche sans réaliser encore qu'il réjouit l'arbre tout entier.
Le changement du regard, comme la bergeronnette derrière le laboureur, de motte en motte, s'émerveille de la terre joueuse nouvellement née qui s'offre à la nourrir parmi tant de frayeur... (2)
(à suivre)
(1) Marcel Proust, Du côté de chez Swann - A la recherche du temps perdu (coll. Livre de poche/LGF, 2008)
(2) René Char, Fenêtres dormantes et porte sur le toit (Gallimard, 1979)
illustration: manuscrit de Marcel Proust (Bibliothèque nationale de France)
03:09 Écrit par Claude Amstutz dans Bloc-Notes, Littérature francophone, Marcel Proust, René Char | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : littérature; librairie | |
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10/05/2011
Raphaël Enthoven
Raphaël Enthoven, Le philosophe de service et autres textes (Gallimard, 2011)
Contrairement à d'autres prétendus sages qui, tels des gourous de la pensée contemporaine balbutient un verbiage confus ou incompréhensible pour le grand nombre sur les plateaux de télévision, Raphaël Enthoven nous entraîne dans une promenade jubilatoire, pleine d'humour et de poésie au coeur de la philosophie. Son livre - très court - guide notre réflexion sur la mélancolie, le bonheur, l'imagination, la nostalgie ou le temps, parmi d'autres thèmes qui lui sont chers. Chacun des chapitres ressemble à une lucarne sans âge ouverte sur le monde, délivrant une brassée d'air pur, tonique, vivifiant, surgie du dehors, avec ce soin attentif de toujours laisser trouver au lecteur ses propres réponses aux questions abordées.
Sur l'humour, ses méditations ne manquent pas de pertinence: Quand on y pense, il est aussi désopilant que dramatique d'être né sans raison pour mourir à coup sûr: le tragique de l'existence fait aussi d'elle une rigolade. L'humour serait absurde si la mort ne l'était pas, mais mourir donne raison au rire. (...) L'humour est le frère de sang du mortel à qui un Dieu farceur laisse, indifféremment, le choix d'en rire ou d'en pleurer. (...) L'humour, c'est le bras armé de la joie.
Ailleurs, à propos de l'amour, il note avec délicatesse: La passion d'aimer témoigne du seul amour qui vaille, du seul amour véritable et sans cause: l'amour de la vie. A force d'aimer la vie malgré elle, on finit de temps en temps par aimer les autres sans raison. Peu importe qu'il soit un malentendu; que l'amour soit réciproque ou malheureux, triste ou joyeux, tomber amoureux est toujours un début de victoire.
Enfin, sur l'égoïsme - on pourrait citer Raphaël Enthoven à l'infini - il use d'une belle image: Toute âme close est un coeur à l'agonie.
La concision est parfois le comble de l'élégance et de la profondeur. Et c'est tout le mérite de ce petit livre étonnant dont chaque ligne est un enchantement, à cent lieues d'une Madame Irma des temps modernes...
publié dans Le Passe Muraille no 86 - juin 2011
00:17 Écrit par Claude Amstutz dans Le monde comme il va, Le Passe Muraille, Littérature francophone | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : littérature; essai; philosophie; livres | |
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06/05/2011
Katherine Pancol
Katherine Pancol, J'étais là avant (Livre de Poche, 2001)
Peu souvent traité en littérature, le rapport aux mères, concurrentes, blessées autant que blessantes est le fil conducteur de ce roman d’amour mené tambour battant, écrit d'une plume tranchante, réaliste et convaincante. Même si les plus beaux rêves menacent de s'effondrer entre l'acidité des rapports familiaux où rien ne semble changer et la quête éperdue d'un bonheur possible, ni la trahison, ni la fatalité n'ont le dernier mot, et sans être franchement féministe, il se dégage de cette histoire une grande bouffée de liberté qui fait du bien.
04:51 Écrit par Claude Amstutz dans Katherine Pancol, Littérature francophone | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; roman; livres | |
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01/05/2011
Lettre à ma fille
Bloc-Notes, 1er mai / Les Saules
pour Catherine P et Jean-Pierre O
Les paroles des albums de Fabien Marsaud - alias Grand Corps Malade - sont parfois a cappella mais elles sont, globalement, accompagnées d'une mélodie minimaliste en arrière-plan qui souligne le texte; texte qui est dit et non chanté. écrit toujours sans musique. Celle-ci est toujours créée après, en fonction des textes.
En voici un exemple tout à fait bouleversant intitulé Lettre à ma fille: Une lettre qui résonne au-delà des frontières, celles des contours d'un pays, d'une religion, d'une langue, d'un coeur... ces frontières extrêmes du langage, où la parole est la demeure de l'être, comme le dit si bien Hector Bianciotti.
La vidéo ci-dessous est suivie du texte écrit, si cela vous intéresse... Beau dimanche à tous!
Comme tous les matins, tu es passée devant ce miroir, ajuster ce voile sur tes cheveux, qui devra tenir jusqu'à ce soir; tu m'as dit au revoir d'un regard, avant de quitter la maison; le bus t'emmène à la fac, où tu te construis un horizon.
Je suis resté immobile, j'ai pensé très fort à toi; réalisant la joie immense de te voir vivre sous mon toit; c'est vrai, je ne te l'ai jamais dit - ni trop fort, ni tout bas - mais tu sais ma fille chez nous, il y a des choses qu'on ne dit pas.
Je t'ai élevée de mon mieux, et j'ai toujours fait attention à perpétuer les règles, à respecter la tradition; comme l'ont fait mes parents (crois-moi sans riposter), comme le font tous ces hommes que je croise à la mosquée.
Je t'ai élevée de mon mieux comme le font tous les nôtres mais était-ce pour ton bien ouu pour faire comme les autres? Tous ces doutes qui apparaissent et cette question affreuse: c'est moi qui t'ai élevée, mais es-tu seulement « heureuse »?
Je sais que je suis sévère, et nombreux sont les interdits: tu rentres tout de suite après l'école et ne sors jamais le samedi; mais plus ça va et moins j'arrive à effacer cette pensée: Tu songes à quoi dans ta chambre, quand tes amis vont danser?
Tout le monde est fier de toi, tu as toujours été une bonne élève; mais a-t-on vu assez souvent un vrai sourire sur tes lèvres? Tout ça je me le demande, mais jamais en face de toi; tu sais ma fille chez nous, il y a des choses qu'on ne dit pas.
Et si on décidait que tous les bien-pensants se taisent? Si pour un temps on oubliait ces convenances qui nous pèsent? Si pour une fois tu avais le droit de faire ce que tu veux, si pour une fois tu allais danser en lâchant tes cheveux?
Je veux que tu cries, et que tu chantes à la face du monde! Je veux que tu laisses s'épanouir tous ces plaisirs qui t'inondent; je veux que tu sortes, je veux que tu ries, je veux que tu parles d'amour; je veux que tu aies le droit d'avoir vingt ans, au moins pour quelques jours.
Il m'a fallu du courage pour te livrer mes sentiments, mais si j'écris cette lettre, c'est pour que tu saches, simplement, que je t'aime comme un fou, même si tu ne le vois pas; tu sais ma fille chez nous, il y a des choses qu'on ne dit pas.
texte: Grand Corps Malade
Interprète: Idir
Album: La France des Couleurs
Label: SMI
Sources: Wikipédia
00:58 Écrit par Claude Amstutz dans Bloc-Notes, Chansons inoubliables, Littérature francophone, Rosebud | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; poésie; chanson; variétés | |
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30/04/2011
Louis-Ferdinand Céline
Louis-Ferdinand Céline, Ballets sans musique sans personne sans rien (Coll. Imaginaire/Gallimard, 2001)
Quand Céline rencontre les dieux et revisite la mythologie, quand il met en scène son imaginaire, on assiste à un spectacle total où l'amour, la jalousie, les sons et les lumières se mêlent en une sarabande extravagante d'invention et de drôlerie. Injustement méconnus, ces textes méritent incontestablement un détour. Il sont probablement parmi les plus représentatifs du style célinien et abordent des thèmes chers à l’auteur : le mal, la dérision et la mort. Une œuvre majeure qui ressemble à une musique, et concrétise la passion de Céline pour la danse… et les danseuses!
00:23 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone, Louis-Ferdinand Céline | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature: récits; livres | |
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23/04/2011
Yves Navarre
Yves Navarre, Je vis où je m'attache (Robert Laffont, 1978 et LGF, 1989 - épuisés)
Un premier août au bord de la mer. Gabriel et Adrienne vont fêter leurs cinquante ans de mariage. Les quatre fils sont là, les belles-filles et les petits-enfants aussi. Tout prédispose à la fête... Il arrive que l'imagination et le vécu se mêlent, se croisent, se répondent pour donner naissance à un beau roman. Tel est le cas de Je vis où je m'attache qui n'est pas sans ressembler au monde entrevu dans Le coeur qui cogne, mais en plus tendre ou apaisé. Une atmosphère et des sentiments délicats, tracés d'une plume légère.
Disponible sur www.yves-navarre.ch au format PDF
05:47 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone, Yves Navarre | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : littérature; récit; livres | |
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